Ecologie - Page 4

La neutralité carbone: un projet de Société

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L’agence internationale de l’énergie vient d’esquisser la feuille de route de la décarbonation de notre société. Rien ne dit que nous serons capables de la suivre dans les temps impartis.

Ce sera l’expression favorite des participants au prochain sommet climatique onusien (Cop 26) : la « neutralité carbone ». Introduit dans l’accord de Paris, ce concept stipule, qu’après avoir fortement réduit leurs émissions de gaz à effet de serre (Ges), les pays signataires de l’accord de 2015 stockent leurs rejets de carbone incompressibles. Par exemple en plantant des forêts, véritables éponges à CO2.

Ampleur de l’effort

Durant cette fameuse Cop 26, une bonne centaine de gouvernements devront décrire le chemin qui les mènera à ce nirvana climatique. L’agence internationale de l’énergie (AIE) leur mâche le travail. Travaillant pour les pays de l’OCDE, ce club d’experts des politiques énergétiques et climatiques a publié, ce 18 mai, une feuille de route de la neutralité carbone. En clair : quelle est l’ampleur des efforts que chaque secteur d’activité devra accomplir d’ici à 2050 pour se décarboner.

Ne faisons pas durer le suspens : il y a un boulot de dingue ! Pour le moment, les trois quarts de l’énergie que nous consommons sont d’origine fossile. En moins d’une génération, nous devons nous guérir de cette addiction au pétrole, au gaz et au charbon. Possible, mais pas gagné.

5 fois moins de pétrole

L’AIE ne fait pas dans la dentelle. L’agence basée à Paris propose ni plus ni moins de stopper les investissements dans les énergies fossiles. Dès maintenant ! En 2050, les compagnies pétrolières ne devront pas extraire plus d’une vingtaine de millions de barils de brut par jour : cinq fois moins qu’aujourd’hui.

Parce qu’en 30 ans, le PIB mondial devrait croître de 40% et la population progresser d’un tiers, il faudra produire plus d’énergie. Et surtout beaucoup plus d’électricité, seule à même de décarboner de nombreux usages, à commencer par les transports.

À ce propos, les voitures électriques devront représenter 60% des ventes de véhicules neufs, dès 2030, contre 5% en 2020. La production de véhicules à moteur thermique devra être interdite à partir de 2040, estime l’AIE.

Quadrupler les investissements

Décarboner la production d’électricité nécessitera des efforts sans précédents. Chaque année, les électriciens du monde entier devront mettre en service 630 000 MW de centrales solaires et 390 000 MW de parcs éoliens. Ces puissances sont quatre fois supérieures à celles inaugurées durant l’année 2020, rappelle l’AIE. Créer toujours plus de centrales et de points de soutirage (à l’instar des bornes de recharges des voitures électriques) impose de développer les réseaux de transport et de distribution d’électricité. L’AIE propose de quadrupler les investissements dans ces deux activités, souvent délaissées,

Destruction d’emplois

Les rapporteurs reconnaissent sans fard que tous les usages ne pourront se passer d’énergies fossiles. Par exemple : les centrales à charbon récemment mises à feu. D’où l’importance de les équiper de systèmes de captage de CO2, couplés à des installations de stockage géologique du carbone. Vedette énergétique du moment, l’hydrogène aura son rôle à jouer pour décarboner certaines activités très carboniques, à l’instar de la production d’acier ou de carburants.

La transformation à accomplir est d’ampleur. Rien ne dit pourtant que nous serons capables de la mener à bien. Réduire la consommation d’énergies fossiles détruira 5 millions d’emplois dans les industries pétrolières et charbonnières. Et réduira drastiquement les revenus des pays producteurs. De quoi nourrir la contestation et la frilosité des politiques.

Are we ready ?

L’AIE souligne aussi l’importance de réduire le gaspillage d’énergie. En dopant les rendements des moteurs, en minorant l’éclairage urbain, en diminuant nos besoins en mobilité. En 2030, soulignent les experts, nous devons améliorer de 4% par an notre efficacité énergétique : trois fois mieux que la moyenne observée ces 20 dernières années. Il faudra pour ce faire, déployer des technologies qui n’existent pas encore ou qui sont en cours d’essais. Seront-elles prêtes à temps ?

Un fort développement des énergies renouvelables et des systèmes de stockage d’électricité va plus que quadrupler, en 30 ans, la consommation de minerais : cuivre, lithium, cobalt, terres rares. Des productions rarement très écologiques. Quelle sera, aussi, l’évolution de nos comportements ? Voyages, alimentation, performance énergétique de notre logement : 55% des émissions futures seront le fruit de nos choix de consommation.

Selon les choix que nous ferons, la route de la neutralité carbone sera plus ou moins longue. Are we really ready to change ? Seulement, sans doute, si l’on nous vend la transition climatique comme un projet de société. Joe Biden mis à part, aucun politique n’est pour le moment capable de le faire.

Sur la route de la voiture électrique verte

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Deux start-up nord-américaines proposent de  recycler les matériaux précieux contenus dans les anciennes batteries. Une très bonne initiative face à cet enjeu écologique majeur. 

Si vous ne connaissez pas encore Redwood Materials et Li-Cycle, cela ne devrait pas tarder. Grâce à ces deux start-up, la voiture électrique amorce un grand bond écologique. La compagnie made in Nevada et sa concurrente ontarienne se positionnent sur le marché embryonnaire du recyclage des batteries de véhicules électrique. Et il y a du travail!

Métaux précieux

Dans le monde, plus de 95 % des batteries sur 4 roues finissent à la décharge, dans des incinérateurs ou dans la nature. Or, même si elles sont à plat, elles restent bourrées de matériaux précieux. La moitié de la valeur de la très performante NMC 811 de LG Chemical est le fait du nickel, lithium, cobalt et du manganèse que contiennent ces batteries très performantes.

Recycler ces matières premières, c’est réduire l’exploitation des gisements miniers. Ce qui allège le bilan environnemental et climatique des batteries et donc des voitures électriques ! Important, car les mines sont souvent situées dans des pays où l’on se moque de l’environnement et des hommes (république démocratique du Congo, Chine).

De plus, les matériaux font du chemin avant d’être placé sous le capot. Extrait au Congo, le cobalt est le plus souvent raffiné en Finlande, avant d’être transformé, en Chine. Les modules prêts à l’emploi sont envoyés ensuite dans les Gigafactories européennes ou américaines pour y être intégrés aux batteries.

Gisements domestiques

Après avoir levé plus de 1,3 milliard de dollars, Redwood Materials et Li-Cycle vont construire leurs usines de recyclage et collecter des millions de batteries de tous types : auto, vélo, ordinateurs, téléphone. La matière première secondaire ne manque pas : rien qu’aux Etats-Unis, 1 milliard de batteries usagées dormiraient dans les tiroirs et les garages. Les deux sociétés ont, en outre, conclu des partenariats avec des grands distributeurs (Amazon), des fabricants de véhicules électriques (Proterra, Specialized, Tesla) et des producteurs de batteries (Panasonic) pour faciliter leur approvisionnement et s’ouvrir de nouveaux marchés.

Nouvelle, l’activité suscite de grands espoirs chez les industriels et les investisseurs. D’ici à 2030, la demande annuelle de batteries pour véhicules électriques devrait décupler, estime Bloomberg New Energy Finance. Et il n’est pas sûr que les mines en activité puissent satisfaire pareille augmentation de la demande. Flairant un marché prometteur, le Wall Street Journal et Dow Jones publient, depuis le 1er août, les mercuriales de prix des métaux entrant dans la composition des batteries. Faites vos jeux.

 

Greta Thunberg : ange ou démon de la climatosphère ?

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Activiste surdouée, la créatrice des grèves de l’école pour le climat a contribué à mobiliser les foules contre le réchauffement. Mais qui est-elle vraiment ?

Le monde l’a découvert toute de jaune vêtue. A la fin de l’été 2018, chaque vendredi, les parlementaires suédois croisent à l’entrée du Riksdag une jeune fille engoncée dans un ciré de marin. A ses côtés, une pancarte explique que sa porteuse fait la grève de l’école pour le climat. Ecrit en lettres de bâton noires, le slogan « Skolstrejk för klimatet » et le Hashtag #FridaysForFuture ne tardent pas à faire le tour des réseaux sociaux avant d’être repris dans le monde entier par des millions de manifestants.

Manif à l’ONU

En décembre de la même année,  Greta Thunberg et quelques dizaines de lycéens manifestent dans les couloirs du centre des congrès de Katowice (Pologne) ou se tient le sommet sur le climat de l’ONU. Ils y font une promesse : celle de ne pas retourner à l’école  tant que les adultes ne  tenterons pas de vraiment lutter contre le réchauffement climatique. L’idole des jeunes tiendra parole: à 16 ans, la Suédoise prend une année sabbatique. Elle en profite pour animer son réseau international Fridays For Future et tancer les grands, tellement inactifs. En septembre, lors d’une conférence sur le climat à New York, elle leur lance son fameux : « comment osez-vous ? » La rédaction du magazine Time la bombarde personnalité de l’année.

Le climat dans le sang

Ce n’est pas exagéré de dire que Greta Thunberg a le climat dans la peau. L’un de ses aïeux n’est autre que Svant Arrhenius. Couronné par le Nobel de chimie de 1903, l’auteur de la loi qui porte son nom est aussi le premier à avoir postulé, en 1896, qu’un doublement de la concentration de CO2 dans l’atmosphère accroitrait la température moyenne globale de 5 °C. Une estimation assez proche de celle produite par le Giec, près d’un siècle plus tard !

Dans sa production soutenue de tweets (une moyenne de 9 par jour !), l’adolescente parle de beaucoup de choses : droits de l’homme, violences au Moyen-Orient, de commerce international, la pandémie de Covid-19. Mais le gros, le très gros de sa prose reste consacré aux changements climatiques, à ses causes, à ses effets. Et aux moyens de le stabiliser. Dans ses discours, ses vidéos, dans les interviews qu’elle accorde aux médias du monde entier, dans la série documentaire que lui consacre la BBC, elle ne dit qu’une chose : « ne m’écoutez pas, écoutez les scientifiques ».

Une vraie tronche

Maîtrisant mieux que la plupart des adultes les principes de la « science du climat », celle qui est née « à 375 ppm » s’appuie sur la littérature scientifique pour convaincre. « Je suis soufflé par la justesse de ses propos, appuyés sur une sérieuse connaissance des mécanismes à l’œuvre et des causes de la crise climatique », estime l’ancien vice-président du GIEC, Jean-Pascal van Ypersele (université de Louvain). « Elle a profondément compris ce que ça implique en termes de transformations si on veut être cohérents avec l’Accord de Paris », abonde Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue (LSCE) et co-présidente du groupe 1 du Giec.

Une fine équipe

Icône d’une génération d’activistes, l’ancienne élève de l’école française de Stockholm n’est pas seule. Ses parents se sont mis au service de sa cause. Sa mère, la cantatrice Malena Ernman, a mis sa carrière entre parenthèses pour soutenir sa fille. Ancien acteur, son père Svante, joue le manager dans tous ses déplacements. Non sans succès. La famille Thunberg a déjà publié deux livres, dont les droits d’auteur, assure l’éditeur, seront reversés à des associations de protection de l’environnement et des animaux. Lors de ses déplacements à l’étranger, les ambassades de Suède surveillent la fine équipe. « A Paris, nous craignions vraiment pour sa sécurité, nous l’avons hébergé à l’ambassade », confirme une diplomate suédoise.

Vieux mâles blancs

C’est peu de dire que le succès planétaire de Greta Thunberg énerve. A droite comme à gauche, on l’accuse d’être la marionnette de milliardaires américains ou d’industriels de l’éolien ou de communicants sans scrupule. Sans preuve. Sans en chercher, certains vieux mâles blancs font tout de même commerce de leur haine de la militante du climat. L’essayiste Pascal Bruckner est de ceux-là. Tout comme Laurent Alexandre. « Je suis consterné que ses parents l’aient autorisée à quitter l’école, ce qui va aggraver ses troubles obsessionnels ! », déclare au Point l’urologue à tendance eugéniste.

Redoutable souffrance

La cuirasse de la jeune suédoise n’est effectivement pas sans défaut. Greta Thunberg est atteinte du syndrome d’Asperger. Une forme d’autisme dont Laurent Alexandre fustige la mise en valeur. « Mettre en avant des enfants présentant une souffrance est répugnant, mais d’une efficacité redoutable. » Le fondateur de Doctissimo ne croit pas si bien dire.

Dans une confession à la RTS suisse, Greta Thunberg est longuement revenue sur ses troubles. « Au début ce n’était pas un point fort. C’était quelque chose qui rendait ma vie beaucoup plus difficile. Mais ensuite, avec les bonnes circonstances, j’ai pu inverser la situation. Et au lieu que ce soit une faiblesse, j’en ai fait une force. » Obsessionnelle du Warming, elle mis son « super pouvoir », comme elle l’appelle, au service de son engagement. « Je pense hors du cadre habituel, souligne-t-elle. Et c’est nécessaire pour voir ce qui se passe avec notre système actuel. Sans cela, je n’aurais pas eu le temps ni l’énergie pour passer des milliers d’heures à lire sur ce sujet. »

Agaçante, Greta Thunberg ? Sans doute, pour celles et ceux qui ne supportent pas les vérités qui dérangent.

Louie Gohmert, l’homme qui voulait (vraiment) décrocher la lune

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Peu connu, ce député texan propose de désorbiter la lune pour rafraîchir le réchauffement. Cette proposition loufoque s’inscrit dans un contexte de retour en grâce des projets improbables de géo-ingénierie.

Député du 1er district du Texas depuis 2005, Louie Gohmert a tout pour déplaire. Républicain tendance Trump, cet ancien juriste militaire est, naturellement, opposé à l’avortement, au renforcement des droits des LGBT, à la répression d’actes haineux, au mouvement Black Lives Matter.

Farouche défenseur du port d’arme, ce fils d’architecte propose d’autoriser les professeurs à venir en classe armés, pour réduire les risques de tueries de masse dans les écoles. Elu d’une région pétrolifère, Louie Gohmert se range du côté de l’industrie pétrolière. Un choix écologique. Après tout, claironne-t-il, les pipelines favorisent l’activité sexuelle des … caribous.

Texan toxique

Provocateur-né, l’ancien capitaine critique l’encyclique Laudato si’. Of course : le texte papal s’appui sur de « la fausse science ». « Le pape a été persuadé que le changement climatique est un phénomène qui affecte considérablement la planète », affirme celui qui, comme Galilée l’a fait avant lui, « questionne » le dogme scientifique.

Ce nouveau texan toxique semble pourtant avoir évolué ces derniers temps. S’il en minore toujours l’origine anthropique, le député républicain ne conteste plus l’existence du changement climatique. Il se demande même comment en contrebalancer les effets.

Modifier l’orbite de la lune

En juin dernier, au cours de l’audition d’une responsable du service fédéral des forêts, le parlementaire s’est interrogé sur la meilleure façon de refroidir le réchauffement. Une idée a surgi : « modifier la course de la lune autour de la terre ». La proposition a laissé sans voix la fonctionnaire. D’apparence anodine, cette remarque prend tout son sens dans le contexte actuel.

Nombre de multinationales américaines entreprennent d’alléger leur impact climatique. De Microsoft à BlackRock, en passant par Wallmart ou Apple, ils visent (presque) tous la neutralité carbone.

Aspirer le CO2

Technophiles, les patrons US en pincent pour les solutions les plus folles et les moins chères. United Airlines vient de conclure un accord inédit avec Carbon Engineering (CE). Cette compagnie canadienne construira une installation capable de capter autant de gaz carbonique dans l’air que rejetteront les avions de la plus grande compagnie aérienne du monde. Si le bilan carbone du transporteur s’en trouvera équilibré, le climat n’en sera pas quitte. Car, le gaz carbonique aspiré par  CE sera revendu à une compagnie pétrolière pour booster la production de ses puits de pétrole et de gaz.

A mesure que les effets du réchauffement se sont sentir, la tentation de les combattre en modifiant les grands cycles bio-géo-chimiques s’accroît. En mars dernier, l’académie des sciences US recommandait de financer la recherche pour renvoyer dans l’espace une partie du rayonnement solaire. Depuis de nombreuses années, des scientifiques de Harvard peaufinent un dispositif de brumisation de sulfates à haute altitude. Là encore pour refroidir le réchauffement.

Tentation dangereuse

Popularisée par la superproduction Geostorm, la géo-ingénierie traîne une sale réputation. Si elle a le potentiel (sur le papier) de rafraîchir le globe, elle n’a pas encore prouvé sa capacité à rafraîchir également toutes les régions de la planète. Une Inde refroidie à côté d’un Pakistan surchauffé : on imagine le résultat d’une climatisation inéquitable.

Refroidir le réchauffement, sans réduire les émissions de CO2, n’aura, de plus, aucun effet sur l’acidification en cours des océans : un phénomène potentiellement dévastateur pour la biodiversité marine. La géo-ingénierie pose aussi de redoutables questions éthiques : qui contrôle le système, quelle en est l’économie, que faire si un pays ne peut plus payer, quel est le régulateur ?

Les délires de Louie Gohmert ont ceci de bon : ils replacent dans le débat public un sujet que la société est loin d’avoir tranché.

Fit for 55: l’ambitieux programme écolo de l’Union Européenne

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Le 14 juillet, la Commission européenne dévoile son programme climatique. Il vise à nous faire réduire de moitié nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Trop gourmand?

Faut-il y voir l’annonce d’une révolution écologique en Europe? Toujours est-il que c’est le 14 juillet que le nouveau paquet climat 2030 de la Commission européenne, sobrement baptisé « fit for 55 », sera présenté.

Un peu absconse, cette appellation annonce pourtant un véritable bouleversement. Qu’il s’agisse de nos modes de production, de transport, de la structure de nos échanges commerciaux ou de notre relation à l’énergie . En réécrivant une douzaine de directives, règlements et normes, la Commission européenne vise à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) des 27 pays de l’Union européenne, entre 1990 et 2030.

Marché du carbone

Jusqu’à présent, l’Europe prévoyait de réduire de 40 % ses émissions durant cette période. Sachant que nous avons grosso modo baissé de 20 % notre contribution au renforcement de l’effet de serre depuis 1990, nous allons devoir cravacher d’ici la fin de la décennie. Dit autrement, nous allons devoir réduire d’un tiers nos émissions de GES en 8 ans !

Pour nous inciter à changer de mode de vie, Bruxelles va frapper fort. D’abord, en instaurant une taxe carbone sur les importations en provenance de pays qui n’appliquent pas l’accord de Paris sur le climat. Important, si l’on considère que la moitié de l’empreinte carbone européenne est imputable aux produits et services qu’elle importe. L’industrie ne sera pas oubliée. Les services de la présidente Ursula von der Leyen prévoient de durcir les règles du marché communautaire de quotas d’émissions de GES. Ce cadre légal (ETS) obligera par exemple les entreprises du transport aérien et maritime à réduire leurs contribution au réchauffement.

Les 11 000 sites industriels qui sont d’ores et déjà assujettis à cet ETS recevront de moins en moins de quotas d’émissions. De quoi les inciter à accélérer la décarbonation de leurs procédés de fabrication.

Plus de moteur thermique

Afin d’orienter les constructeurs d’automobiles vers l’électrique, la vente de voitures neuves à moteur thermique devrait être interdite dès 2035. Collectivement, nous devrons sensiblement accroître nos consommations d’énergies renouvelables, sous forme d’électricité, de combustible et de carburants.
A cet égard, la fiscalité de l’énergie sera revue. Ce favorisera la réduction du coût d’utilisation des véhicules électriques et le prix du kérosène décarboné pour l’aviation.
Le BTP devrait profiter pleinement du paquet « fit for 55 ». La nouvelle mouture de la directive sur l’efficacité énergétique devrait fixer des objectifs ambitieux et contraignants de rénovation de bâtiments publics et privés.

Cohérence des politiques

Hors les villes, la Commission prévoit d’engager une ambitieuse stratégie forestière. Il s’agira de planter des millions d’arbres, pour reconstituer des massifs dégradés, mais aussi pour verdir (et rafraîchir) les environs des villes. Ce programme d’afforestation accroîtra aussi les capacités de stockage de carbone de la forêt européenne et contribuera à instiller un peu de biodiversité dans le paysage urbain.

Avec la publication de ce paquet législatif, la Commission ouvre toute une série de négociations sectorielles (sur la forêt, l’automobile, la fiscalité de l’énergie, le commerce extérieur, l’ETS, etc.) qui devraient durer une paire d’années. Si tout va bien. Parmi  les écueils qu’il faudra éviter : l’incohérence des politiques. L’Europe devra veiller à ce que sa future politique agricole commune (PAC) réduise enfin les émissions de méthane et de protoxyde d’azote de l’agriculture européenne. Ce qu’elle a bien été incapable de faire jusqu’à présent, malgré l’investissement de 100 milliards d’euros à cette fin, entre 2014 et 2020.

Christopher Stone, l’avocat des arbres

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Créateur de la personnalité juridique de la nature, le juriste californien a rejoint les terrains de chasse de ses ancêtres.

En 2017, la Nouvelle-Zélande et l’Inde ont fait avancer le droit de l’environnement comme jamais. Cette année-là, les juristes des deux pays ont accordé la personnalité juridique à trois fleuves : le Whanganui (Nouvelle-Zélande), le Gange et la Yamuna (Inde).

Cette révolution permet désormais à des citoyens ou des associations d’ester en justice au nom d’une de ces trois rivières sacrées (pour les Maoris et les Hindouistes) s’ils les estiment menacées. Rien n’interdit non plus de conclure un contrat entre une entité humaine et le fleuve. Utile si l’on veut, par exemple, préserver un débit minimum en période de sécheresse.

La protection juridique de la nature

Révolutionnaire, cette mesure doit beaucoup à un homme depuis longtemps tombé dans l’oubli et qui vient de succomber à la maladie d’Alzheimer. Indéboulonnable professeur de droit à l’université de Californie du sud, Christopher Stone a ouvert la voie à la protection juridique de la nature. En 1972, il publie un volumineux papier (50 pages) appelant à octroyer des « droits légaux aux forêts, océans, rivières et tout ce que l’on appelle les “objets naturels“ présents dans l’environnement », écrit-il en introduction de son papier.

Totalement étranger aux questions environnementales, Christopher Stone s’est intéressé à la question à la suite d’un retentissant procès ayant opposé, à la fin des années 1960, la Walt Disney Company au Sierra Club. L’ONG environnementaliste voulait empêcher le groupe de Mickey de raser une forêt californienne pour y construire une station de ski susceptible d’accueillir 2 millions de clients par an. Le différend sera finalement tranché par la cour suprême des états-Unis.

Les arbres doivent-ils plaider ?

Dans un arrêt célèbre, rendu le 19 avril 1972, la plus haute juridiction américaine déboute finalement les écologistes. Ces derniers, indiquent les magistrats, n’ont aucune raison valable d’intenter une action judiciaire, ne subissant aucun préjudice direct. Le juriste californien voit dans cette affaire hors normes un formidable sujet d’étude. Il en tire son article, développé plus tard dans un livre, traduit en français sous le titre : « Les arbres doivent-ils plaider ? ». Sans surprise, sa réponse est évidemment positive.

Charte constitutionnelle

Bien sûr, concède-t-il, les chênes ou les séquoias ne peuvent, directement, ester en justice. Mais c’est aussi le cas de certaines personnes humaines, telles les handicapés mentaux. L’obstacle peut être aisément contourné, poursuit-il, en confiant cette tâche à un tuteur, à l’instar de ce qui se pratique souvent avec les enfants. Cette proposition lui vaudra renommée et sarcasmes parmi ses pairs.

La personnalité juridique de la nature est-elle, pour autant, l’avenir du droit de l’environnement ? Tout dépend, sans doute, des pays et des thématiques. Certes, le principe n’est pas entré dans le code de l’environnement français. Pour autant, la Charte constitutionnelle de l’environnement, adoptée en 2004, rappelle que « l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel. » Cela ne classe pas encore les ormes au rang de justiciables. Mais ce principe devrait interdire de facto toute destruction du milieu naturel.

Dans les mers, des scientifiques ont publié, en 2010, la Déclaration des droits des cétacés. Encore peu connu, ce texte (qui n’est pas contraignant) stipule que baleines, dauphins et cachalots ont le droit de vivre libre dans leur environnement naturel. Des principes encore trop souvent bafoués. Mais que fait la justice ?

Should Trees have standing? L’ouvrage de référence de l’avocat vert.

Il était une fois la fin d’un monde

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Alors que la COP 15 biodiversité s’apprête à adopter un accord visant à protéger 30 % de la surface du globe d’ici à 2030 et que la 26ème COP devrait entériner une aide de 100 milliards de dollars pour les pays les plus pauvres, le GIEC* et l’IPBES** viennent de signer pour la première fois un rapport commun. Cette feuille de route, dont Zeweed publie les grandes lignes en exclusivité, pourrait bien sauver la planète et nous avec.

2021 est une année capitale pour la préservation de la nature et du thermomètre. Par les hasards de la pandémie de Covid-19, c’est au second semestre que les gouvernants de la planète devront prendre d’importantes décisions sur ces deux sujets vitaux.

COP biodiversité et climat

Du 11 au 24 octobre 2021, à Kunming (Chine), les parties à la convention de l’ONU sur la diversité biologique devront acter de nouveaux objectifs de protection des environnements terrestres et marins. L’un des buts de cette « COP 15 biodiversité » est l’adoption d’un accord portant sur la protection de 30 % des terres et des mers d’ici à 2030. Aujourd’hui, seules 15 % des terres et 7 % des mers bénéficient d’un certain niveau de protection.

Quelques semaines plus tard, à Glasgow (Écosse), la 26e COP climat devra accoucher des dernières règles d’application de l’accord de Paris, confirmer l’aide annuelle de 100 Md$/an que les pays riches doivent octroyer aux nations les plus vulnérables. Après avoir rehaussé l’ambition de leur politique climatique à 2030, bon nombre de gouvernements devraient aussi viser la neutralité carbone de leur pays pour le milieu du siècle.

Plume commune

Cette conjugaison des thématiques a inspiré les scientifiques. Pour la première fois, les contributeurs aux rapports de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) et du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont pris la plume ensemble.

Dans le rapport qu’ils publient, ce 10 juin, « bio » et « climateux » rappellent toutes les raisons qui imposent que les deux thématiques soient également prises en compte dans les politiques. Cela peut paraître évident, mais les effets du réchauffement exacerbent les risques pesant sur les milieux naturels. Or, ce sont ces mêmes milieux qui absorbent, pour le moment, plus de la moitié du CO2 que nous émettons inconsidérément. Plus grave, la disparition de nombreux écosystèmes perturbera gravement les grands cycles biogéochimiques, du carbone, de l’azote et de l’eau. Dit autrement, moins d’espaces naturels renforceront les émissions de gaz carbonique et de protoxyde d’azote (deux gaz à effet de serre) dans l’air. Et réduiront la disponibilité en eau potable. Pas réjouissant.

Stabiliser le réchauffement

S’adapter aux conséquences du changement climatique suppose donc de conserver les plus grandes surfaces possibles de « biodiversité » terrestre, lacustre et marine. Mais cela ne sera possible, ajoutent les rapporteurs, qu’à la condition de stabiliser rapidement ledit réchauffement. L’état de la nature dans un monde réchauffé à 4 °C sera infiniment moins chatoyant que celui que nous connaissons.

Les ministres des finances ne sont pas épargnés. Les chercheurs les implorent de mettre fin aux subventions à la production et à la consommation des énergies fossiles, à celles qui contribuent à la destruction de la biodiversité (les primes à l’arrachage des haies, par exemple), à la surconsommation d’engrais et à la surpêche. Les premières étant parfois liées aux dernières.

Le retour de l’holistique

Voilà pour les gouvernements. Ils ne sont pas les seuls destinataires du cri d’alarme poussé par les chercheurs. Sans nier leur intérêt, ces derniers mettent en garde contre certains messages relayés par certaines ONG environnementales. Du WWF à Conservation International, en passant par l’UICN, on ne jure plus que par les « solutions basées sur la nature ».  La plus évidente étant la plantation de forêt stockeuse de carbone. Le concept n’est pas mauvais en soi, concèdent les chercheurs, à condition de ne pas cibler un seul but. « Ce type d’intervention devra viser plusieurs objectifs : conservation de la terre, de l’eau douce et de l’environnement marin, plutôt que la préservation de quelques espèces iconiques ou d’espaces particulièrement menacés. »

Les auteurs appellent aussi à ne pas céder à la facilité. Planter des forêts, c’est bien, cela peut stocker du carbone. Mais un massif industriel d’eucalyptus n’est pas la nature. Et il est bien plus rentable de restaurer une mangrove, qui protège contre la montée du niveau de la mer, qui assure le gite et le couvert à bon nombre d’espèces marines. Et, accessoirement, qui stocke jusqu’à 4 fois plus de carbone qu’une forêt pluviale. Évidemment, il est plus difficile de planter une mangrove qu’une forêt de peupliers.

Agroécologie et agroforesterie

Autre message, délivré cette fois aux agriculteurs et aux penseurs des politiques agricoles: les membres de l’IPBES et du GIEC appellent nos producteurs de denrées alimentaires à bouleverser leurs pratiques. Notamment en mettant en pratique les pratiques de l’agroécologie et de l’agroforesterie, seules à même de freiner l’érosion de la biodiversité (les pollinisateurs, par exemple), tout en maintenant la productivité agricole. Sans pour autant accroître la contribution de l’agriculture au renforcement de l’effet de serre.

Pour le moment, la production de denrées alimentaires est à l’origine de 21 à 37 % des rejets anthropiques de GES. Réduire la consommation d’engrais azotés (ce que prévoit la stratégie française bas carbone) permettrait, au niveau mondial, de réduire l’émission de 3 à 6 milliards de tonnes de GES par an. L’équivalent de 10 à 20 années d’émissions françaises !

GIEC et IPBES ne sont pas hostiles aux solutions techniques contemporaines. A certaines conditions. L’énergie solaire a bonne presse. On peut ainsi faire cohabiter panneaux photovoltaïques, cultures (on appelle cela l’agrivoltaïsme) et insectes pollinisateurs. Déployées sur des pièces d’eau, les centrales solaires réduisent l’évaporation ; utile dans les climats les plus arides. Mais l’apport de l’énergie solaire sera sans tâche si les constructeurs de panneaux ne puisent pas leurs matières premières dans les fonds marins ou dans des biotopes menacés.

Ce reproche s’adresse également aux producteurs de batteries des véhicules électriques. Mot d’ordre : développer des systèmes ne consommant pas de ressources prélevées dans des milieux fragiles et recycler. La préservation du climat et de la biodiversité passe aussi par la généralisation de l’économie circulaire

*Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat  (GIEC)est un organisme intergouvernemental ouvert à tous les pays membres de l’Organisation des Nations unies.
**La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (en anglais : Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES) est un groupe international d’experts sur la biodiversité.

Hugo se fait un film: Soleil Vert

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Chaque semaine, Zeweed vous propose de (re)découvrir une pépite du cinéma. Aujourd’hui, gros plan sur Soleil Vert (1974), le chef-d’oeuvre écolo-trash et dystopique de Richard Fleischer.

New York. 2022. Quarante millions d’habitants. On doit enjamber des corps, morts ou en passe de l’être, pour se déplacer dans la ville. Il fait chaud. Très chaud, et tout le temps. Le monde est plongé dans une canicule permanente, où stagnent dans l’air des particules fines vertes qui donnent au jour des lueurs vaseuses. La couleur verte, disparue de la face du globe avec toute forme de végétation, d’arbres comme de légumes, est devenue celle d’une petite galette carrée qui est la seule forme d’alimentation accessible au commun des mortels. Ce biscuit à base de plancton condensé s’appelle le Soleil Vert. Tel est le monde qu’envisageait pour nous le réalisateur Richard Fleischer en 1974.

Particules fines et canicule

Bien que tout ait changé, il y a toujours des bons et des méchants, des brigands et des policiers. L’assassinat de M. Simonson, d’un homme puissant ouvre l’enquête menée par Charlton Heston qui, une fois n’est pas coutume dans les années 70, incarne un policier désabusé, courageux, nommé Thorn, aussi subtil et viril qu’un taureau. Il partage son taudis d’appartement, où il faut pédaler sur un vélo pour avoir de l’électricité, avec Sol, un vieillard qui se remémore non sans larmes le monde d’avant, où on mangeait de la vraie nourriture et où on publiait livres et journaux par milliers.
De cette nostalgie, Thorn ne comprend rien et il s’en fout : il n’a rien connu d’autre et n’a donc rien à regretter.

Heston s’étonne

Chez Simonson, l’homme puissant assassiné, ce qui attire son attention et met à rude épreuve son flegme olympique, ce n’est pas le crâne ouvert du défunt, mais le confort matériel. L’eau courante, l’air conditionné, la vraie nourriture dans le frigo, le whisky, le savon et surtout, le mobilier. Mobilier, c’est bien le titre que portent les femmes dans Soleil Vert, réduites à des objets domestiques destinés à procurer du plaisir aux hommes. Celle-ci s’appelle Shirl et regarde le cadavre de son ex-propriétaire se faire emmener par la morgue, qui se déplace non pas en voiture funéraire, mais en camion poubelle. Ces éboueurs de la mort ramassent des milliers de corps chaque jour, mais où les amènent-ils ? Que deviennent-ils ? Pourquoi la morgue distribue, en échange d’un cadavre, un jeton d’une valeur de 200$ ? C’est le grand mystère qui plane dans cette société dystopique, et autour de l’enquête de notre brave Thorn.

 

Cannibalisme en galette

Quand il aura compris pourquoi Simonson a été tué, après plusieurs duels western contre des suppôts du gouvernement, envoyés pour étouffer l’affaire, Thorn aura compris l’immonde et prévisible vérité. Il aura compris pourquoi la mort est encouragée au point qu’existe le Foyer, un mouroir ultramoderne où le pauvre et vieux Sol décide de mettre fin à ses jours et où on propose à chaque futur cadavre vingt minutes de bonheur. Alors que Sol sirote son dernier whisky face à des images de la nature jadis foisonnante, sur une musique classique à fond la caisse, Charlton Heston, arrivé trop tard pour empêcher cette euthanasie, découvre ces images, exactement comme il découvre la Statut de la Liberté à la fin de La Planète des singes : mais qu’avons-nous fait ?

Crépuscule vert

Nous sommes en 2021, et la même question se pose : qu’avons-nous fait ? Apparemment, on s’en est un peu mieux sorti que ce qu’envisageait Richard Fleischer. Pourtant, nous ne sommes pas plus respectueux de la nature que les humains de Soleil Vert. Peut-être rattraperons-nous leur destin asphyxié, mais alors qu’est-ce qui fait que nous nous y dirigeons plus lentement ? La porte de sortie du 2022 annoncé par ce film, c’est une erreur fondamentale dans sa vision de l’avenir.
Je l’ai dit plus haut, les femmes dans Soleil Vert sont réduites au rôle de mobilier.

L’objectification de leur corps aurait donc fini de les asservir au désir des hommes, au point où elles acceptent leur statut de meuble sexué sans sourciller. Le fait que le scénario ait tout faux dans ce pessimisme misogyne est une raison suffisante pour avoir de l’espoir à l’égard de notre espèce. Certes, nous épuisons toutes les ressources de la Terre, quitte à survivre dans d’effroyables conditions.
La sentence accablante de Soleil Vert ne s’applique en fait qu’à une certaine idée de la condition masculine, celle dont Charlton Heston est l’ambassadeur. Ce n’est pas grâce à des types comme lui que les femmes ont échappé à une vie domestiquée. C’est probablement grâce à leurs propres combats, à leur propre conscience, à leurs propres efforts, bref, à tout ce que ce film omet d’intégrer à son récit, que les femmes ont fait du monde un endroit pas aussi sale que celui de Soleil vert.

Réchauffement climatique : la weed devra s’adapter

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Paradoxe. A l’heure où produire du cannabis devient de plus en plus difficile dans l’ouest des Etats-Unis, son usage va sensiblement se développer.

En plus d’avoir désigné le prochain locataire de la Maison blanche, le scrutin américain du 3 novembre aura aussi été l’occasion pour quatre Etats de libéraliser l’usage de la marijuana. Sans grande surprise, une majorité d’électeurs ont voté en faveur d’une dérégulation de l’usage du cannabis en Arizona (récréatif), dans le Mississipi (médical), dans le Montana (récréatif), le New Jersey (récréatif) et le Dakota du sud (médical et récréatif).
Voilà donc plus de 20 millions d’Américains supplémentaires qui vont pouvoir déguster. Pour ce faire, les producteurs américains devront toutefois s’adapter aux effets du changement climatique.

Toujours plus de feux
L’un des plus évidents est l’allongement, en Californie notamment, de la saison des incendies. Avec l’irrépressible montée du mercure, le changement de régime des précipitations et la diminution des budgets à la gestion des forêts, la saison annuelle des incendies s’étend désormais sur 230 jours, en Californie, contre 140 jours dans les années 1970.
Pour les producteurs de weed du Golden State, cette année s’annonce contre un terrible millésime. D’ores et déjà, plus de 2 millions d’hectares sont partis en fumée. Et de très nombreux planteurs ont vu s’embraser leurs plantations. D’autres ont été touchés par les fumées et les retombées de cendres, nuisibles pour la floraison. Des conséquences d’autant plus terribles que la majorité de ces entrepreneurs ne sont pas assurés. Les compagnies d’assurance rechignent à contractualiser avec une industrie qui est toujours considéré comme illégale au niveau fédéral, rappelle le San Francisco Chronicle.

Des solutions existent
A l’évidence, ces paysans de l’herbe doivent anticiper un nouveau paradigme climatique. Fort heureusement, les solutions ne manquent pas. Chez Wo/Men’s Alliance for Medical Marijuana (WAMM), pionniers de la culture du cannabis à usage médical, on minore les risques en cultivant une partie des plants dans des mottes hors sol contenues dans de vastes big bags. Lorsque l’incendie menace, chaque plant peut être mis en sécurité.
Pour les champs en pleine terre, certains experts recommandent une protection par brumisation. Des sprinklers installés tout autour des propriétés peuvent briser la dynamique d’un incendie et réduire la température ambiante, qui peut être dévastatrice pour les plantes. A condition, bien sûr, de disposer de réserves d’eau suffisantes. Ce qui n’est pas toujours le cas en Californie.
On peut aussi diversifier les productions. Les fleurs ayant été délicatement cendrées peuvent être nettoyées à coup de souffleuses. Pour les cas (presque) perdus, on peut aussi les distiller. L’huile ainsi obtenue est débarrassée de toute odeur de fumée. C’est déjà ça.

Place à l’indoor
Pour les années qui viennent, mieux vaut prévenir. Par exemple, en privilégiant la culture sous serre dans des zones éloignées des forêts. Bon nombre de vignobles de la Napa Valley détruits par les flammes pourraient ainsi laisser la place. Dotées de l’air conditionné et de système de protection solaire informatisés, ces installations pourront être aussi équipées de filtres à charbon actif, capables d’abattre de fortes concentrations de suies et de cendres.
Les plus audacieux tenteront l’émigration vers le Colorado : un Etat où les plantations de weed ne se comptent plus. Le Centennial State a aussi vu le climat s’échauffer de 2°C en un siècle (un rythme deux fois supérieur à la moyenne mondiale), où les vagues de sécheresse sont toujours plus longues et sévères. Et où 20% des cultures sont déjà irriguées. ça ne va décidément pas être facile.

Les usines à gaz carbonique de Boris Johnson

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En amont de la conférence sur le climat de Glasgow (Cop 26), le gouvernement britannique investit massivement dans des technologies anti-réchauffement. Certaines sont inquiétantes.

Depuis quelques mois, les engagements en faveur du climat font la une. Pas un jour sans qu’une multinationale, un pays ou une ville n’affiche ses ambitions décarbonisatrices. La neutralité carbone est tendance. Ce que l’on sait moins, c’est que les forces finançant la lutte contre le réchauffement n’ont aucune idée de la façon dont il faut s’y prendre pour atteindre le zéro carbone. À la grande joie des scientifiques de sa Majesté qui ne manquent ni de moyens, ni d’imagination, ni d’audace.

Absorber le carbone

Dans les universités, les chercheurs esquissent des technologies plus ou moins dingues pour assurer notre avenir à faible réchauffement. Six mois avant l’ouverture du sommet mondial sur le climat de Glasgow, le gouvernement de Boris Johnson vient de débloquer 166 millions de livres (193 M€) de crédits en faveur des technos absorbeuses de CO2.

Vous aimez la mer ? Les scientifiques de l’université d’Exeter aussi. Ces derniers veulent aiguiser l’appétit de l’océan pour le gaz carbonique. Une fois les bulles de CO2 formées dans l’eau de mer, les promoteurs du projet Sea Cure assurent pouvoir les capter, comme « les bulles dans une coupe de Champagne ».
Inconvénient : trop de carbone acidifie l’eau marine. De quoi dégouter les organismes accro au calcaire pour construire leur squelette (oursins, coraux) ou leurs carapaces (coquillages, homards, crabes). On ne peut gagner à tous les coups.

L’appétit de l’océan

Parce qu’ils absorbent le quart de notre gaz carbonique, les océans font l’objet de toutes les attentions des labos. Planetary Hydrogen imagine balancer à la baille des millions de tonnes d’olivine (aussi appelé sable vert ) pour faciliter l’absorption du carbone par l’océan et sa transformation accélérée en carbonates. Ces minéraux devront ensuite finir leur vie au fond des mers. Les habitants des abysses pourraient ne pas apprécier de voir leur environnement transformer en carrière de craie.

Sous les pavés, la plage. Sous l’océan, le sable vert?

Revenons sur la terre ferme. Les cuistots nettoient souvent leur four électrique en appuyant sur la touche… pyrolyse. La société PyroCore propose de construire un très très gros four dans lequel des déchets de bois, portés à 500 °C, produiraient (en plus de l’énergie thermique) du charbon.
Epandus en forêts ou sur des pâturages, ces pyrolysats riches en carbone devraient être absorbés par le sol.

Valorisation polluante

En Suisse, des étudiants de l’école polytechnique de Zurich ont conçu un aspirateur de CO2 atmosphérique. Problème : le chauffage du solvant de ce système d’aspiration direct (DAC) requiert beaucoup d’énergie. Qu’à cela ne tienne, jugent les scientifiques de l’université de Nottingham, il suffit de disposer de beaucoup d’énergie décarbonée.
Ils envisagent très sérieusement d’équiper la centrale nucléaire de Sizewell C d’un DAC pour décarboner l’air ambiant. L’utilisation de 10% de l’énergie produite par un réacteur EPR permettrait de capter 1,5 Mt de dioxyde de carbone par an, estiment-ils. Petit détail : EDF n’a pas encore posé la première pierre de la centrale de Sizewell C. Rolls Royce s’intéresse aussi à cette technologie.
Tout comme Carbon Neutral Petrol. La start-up envisage même de transformer le carbone ainsi récupéré en … plastique. Des fois qu’on en manquerait.

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