Interview

Interview : Mila Jansen, 60 ans dans l’arène du hash

/

Du Royaume-Uni au Népal, d’Amsterdam à Katmandou, en passant par le Maroc et Goa, Mila Jansen alias « The Queen of hasch », a vécu tambour battant mille existences sans jamais se défaire de son légendaire sourire et du joint qui l’accompagne. Entretien avec la reine de tous les voyages.

ZEWEED : Comment avez-vous appris à faire du hasch ?
Mila Jansen : J’ai appris la théorie en Afghanistan, au Pakistan et en Inde, puis, en 1968, toujours en Inde, j’ai commencé en faisant du charas. J’avais appris l’art du hasch making en regardant pendant des années les cultivateurs frotter et tamiser les fleurs. Quand je suis revenue à Amsterdam, en 1988, j’ai recommencé à en produire alors que je gérais, avec des amis, 13 plantations. En 1988, je passais encore mes fleurs au tamis jusqu’à ce qu’un jour, en regardant tourner mon sèche-linge, j’invente le Pollinator*. 
À cette époque, le concept des cannabinoïdes et terpènes n’était pas connu – pas de nous en tout cas. Ce qui m’a valu pas mal d’expérimentations pratiques avant de trouver le bon équilibre [rires]. J’ai adoré cette période de mise au point. Et je voulais surtout proposer à Amsterdam un bon hasch, trouvant médiocre celui qui était vendu dans les coffee shops. Après vingt ans passés en Inde, où l’on trouvait de l’afghan, du népalais, du cachemirien, et produire le nôtre, je suis devenue exigeante !

ZW : Réussir dans un milieu aussi dangereux que masculin relève de l’exploit…
MJ. : C’est l’intelligence et une bonne idée qui m’ont donné l’occasion de percer, en créant en premier une machine qui fait tout le travail manuel, réservé aux hommes ! Cette innovation a permis aux cultivateurs de faire leur hasch en gagnant un temps fou. Quand j’ai créé mon entreprise, parce qu’il fallait bien que je nourrisse mes quatre enfants, je ne m’étais pas inquiétée d’une quelconque compétition avec les hommes parce que je n’étais pas en compétition avec eux. Oui, j’entrais dans un monde réservé aux hommes, mais mon business n’interférait pas avec les activités classiques de production, de semences, de lampes ou d’engrais qui sont aux mains de la gent masculine. Je suis certaine que si j’avais créé une banque de graines, par exemple, leur attitude aurait été très différente.

Mila à Goa

ZW : Vous êtes une icône féministe. Vous aviez le militantisme dans le sang ou c’est arrivé sans que vous n’y pensiez ?
MJ. : Il y a quelques jours, je suis tombée sur une citation de Shakespeare : « Les uns naissent grands, les autres se haussent jusqu’à la grandeur, d’autres encore s’en voient revêtir. » [Troïlus et Cressida, 1609 NDLR] J’appartiens définitivement à cette dernière catégorie car je n’ai jamais eu pour objectif de devenir une quelconque icône. J’étais mère célibataire jusqu’à ce que je crée mon entreprise. J’étais féministe et militante, oui, mais uniquement durant le peu de temps libre que j’avais, bien trop occupée à prendre soin de ma famille.

ZW : Vous avez habité à Goa, en 1968, soit les premières heures de ce qui allait devenir une Mecque de la contre-culture hippie. Ça ressemblait à quoi ?
MJ. : Goa en 1968 était le paradis que nous recherchions, niché entre les palmiers et un océan chaud. Il n’y avait que 11 voyageurs routards, cette année-là. L’année suivante, ils étaient 200 ! Il n’y avait pas d’électricité, la musique sortait d’une flûte en argent et de quelques tables, avec toujours le bruit de la mer en fond sonore. Nous faisions du stop à bord d’une charrette à buffles pour nous rendre au marché hebdomadaire, qui regorgeait de fruits, de poissons et de légumes frais, cueillis le matin même par les vendeuses du marché. Une explosion de couleurs, de soleil. Sur la plage, on achetait une douzaine de poissons frais pour deux cents américains ! Et, contre un coup de main pour relever les filets, le poisson était gratuit. Nous passions toute la nuit autour d’une énorme bougie, au son de la flûte, parfois des tablas, mais la plupart du temps juste avec le son des vagues qui s’échouaient sur le sable. Et les couchers de soleil sous LSD… Sortir de l’océan comme si nous étions les premiers à fouler cette Terre…

ZW : Vous avez connu le marché clandestin. De quel œil voyez-vous la légalisation ?
MJ. : J’espère que la légalisation arrivera le plus rapidement possible, même si je constate qu’elle semble s’accompagner d’un sacré paquet de permis, de documents, de coûts, etc. Il y a trop de règles, de contraintes ; ce qui est loin d’être idéal. Le fait que le gouvernement légalise ne veut pas dire qu’il peut mettre son nez partout. D’une manière ou d’une autre, cela semble faire le jeu des grandes entreprises, pendant que le petit agriculteur dévoué est mis à l’écart et condamné, à terme, à disparaître. Maintenant qu’on a un peu de recul, la légalisation ne semble pas vraiment rendre plus heureux quiconque que je connais.

La Mila famille au naturel

ZW : Quel est le meilleur hasch que vous ayez fumé ?
MJ. : C’est dans l’Himalaya, au-dessus de Kullu, au-dessus de la limite des arbres, que j’ai trouvé le meilleur hasch. Nous étions avec des sâdhus locaux (hommes saints indiens qui fument des chillums) à la recherche de plants de cannabis qui avaient survécu à l’hiver sous la neige ; nous les avons frottés et avons récupéré le hasch de nos mains. Nous l’avons mis dans un chillum et l’avons fumé de suite. C’était plutôt un trip acide : les sons du ruisseau babillant, les couleurs des fleurs sauvages, l’espace et la liberté dans le cerveau, la joie ! Les montagnes enneigées qui nous entourent, les forêts sans fin et les sâdhus eux-mêmes – une expérience magique !

ZW : Vos rapports avec la police ? Il y a dû en avoir quelques-uns, en soixante ans de carrière…
MJ. : Oui… En 1965, j’ai ouvert une boutique, Kink 22, où nous vendions les premières mini-jupes. Plus tard, début 1968, nous l’avons transformée en salon de thé. C’était l’époque de Timothy Leary et abandonner cette société était là où il en était. Le salon de thé attirait des gens revenant de l’Est, apportant du hasch et parfois des stocks américains réaffrétés de la guerre du Vietnam – ces gars-là rapportaient du LSD ! Régulièrement, il y avait une descente de police : le salon de thé était perquisitionné et je passais une nuit au commissariat de Leidseplein. Puis ce commissariat a fermé ses portes et a été remplacé par le Bull Dog, un coffee shop. En 2013, nous fêtions mon soixante-dixième anniversaire, très festivement au Bull Dog, justement, et, tout d’un coup, j’ai un flash : c’était là que j’avais fait de ma garde à vue !

ZW : Vous avez vraiment fait pousser de l’herbe à côté d’une caserne de pompiers ?
MJ. : Oui, c’est vrai. C’était en 1993-1994 et je cultivais beaucoup d’herbe, à cette époque. En l’occurrence, il y avait un joli spot juste à côté d’une grande caserne de pompiers. Et nous ne dépensions pas d’argent dans des systèmes de ventilation avec des filtres anti-odeurs… Ça sentait franchement l’herbe, mais ce n’était pas une odeur connue à l’époque. Nous n’avons jamais eu de problèmes avec nos voisins, les soldats du feu.

 

Eric Coquerel : « La légalisation des usages va peser sur la prochaine présidentielle. »

/

Alors que la légalisation du cannabis avance un peu partout dans le monde, la France intensifie sa répression tous azimuts. Est-ce la bonne solution ? « Pas du tout ! » s’exclame Éric Coquerel, député de La France insoumise, qui rêve d’un autre monde.

ZEWEED: Éric Coquerel, avec Bruno Retailleau comme ministre de l’Intérieur, peut-on dire adieu à la légalisation ?
Éric Coquerel : Avec lui, oui. Mais, comme je pense qu’il ne tiendra pas longtemps, c’est un adieu très provisoire et tout ça reviendra vite d’actualité. Et peut-être plus rapidement qu’on ne l’imagine parce qu’en réalité, c’est la seule solution pour que l’on commence à avancer à tous niveaux, en termes de politique sanitaire comme de sécurité.

Bruno Retailleau parle de « mexicanisation » de la France. La légalisation ne serait-elle pas un moyen de justement « démexicaniser » les quartiers ?
Attention au vocabulaire utilisé ; pour moi, c’est là n’envisager la question de la politique vis-à-vis des stupéfiants que d’un point de vue répressif. Et comme je pense que ce n’est pas la bonne voie, je n’ai pas très envie de reprendre le lexique très va-t-en-guerre du ministre de l’Intérieur.

Et donc ?
Je dirais qu’il faut amoindrir les effets des trafics en légalisant le cannabis, y compris dans la production et dans la diffusion, sous contrôle de l’État. Le Canada le montre : sa politique de légalisation a considérablement diminué les trafics et a permis de mettre en place une politique de santé publique plus efficace. Ça, c’est le premier point. Mais je pense qu’il faut également envisager une dépénalisation des usages de tous les stupéfiants, comme c’est le cas au Portugal. Ça ne réduira pas les addictions (ça, j’en suis sûr), mais on pourra au moins avoir une politique de santé publique digne de ce nom et une police qui sera utilisée contre les trafiquants et pas contre les usagers. Une solution tout-répressif ne réglera rien. La preuve : malgré tous ses efforts, la France est l’une des championnes du monde de la consommation de produits stupéfiants !

Vous parlez en votre nom propre ou en celui de La France insoumise (LFI) ?
Jusqu’à la légalisation, je parle au nom de LFI. Sur la dépénalisation, en mon nom propre.

« Au Canada, ils ont à peu près réduit de 60 % le trafic, c’est-à-dire que 60 % de la consommation du cannabis est passée dans le commerce légal. Ça donne un ordre d’idée de ce que ça pourrait rapporter »

Vous voyez un frémissement politique ?
Je le vois dans les débats qu’on a. Et, d’ici peu de temps, il va y avoir une proposition de loi transpartisane, initiée par plusieurs députés, dont moi-même, pour aller dans ce sens-là.

Une proposition qui réunira des députés de gauche et de droite, ou essentiellement à gauche ? 
J’espère qu’il y aura des députés de gauche, mais on peut imaginer aussi qu’il y ait des députés du centre, pourquoi pas ? J’ai fait deux propositions de loi lors des deux derniers mandats : une sur la légalisation du cannabis et une autre pour réduire le trafic de stupéfiants, qui reprenait exactement l’exemple portugais.

Eric Coquerel © Sachat Lintignat LFI (1)

Ça fume beaucoup de cannabis chez les députés ?
Je n’en sais rien et je n’essaye pas de savoir. Mais je ne vois pas pourquoi la proportion de consommation de cannabis que l’on constate dans la société ne serait pas la même à l’Assemblée nationale.

Il y a quand même un devoir d’exemplarité, de respect de la loi des représentants du peuple…
Oui, oui, oui. Il y a aussi un devoir d’exemplarité sur la consommation d’alcool. Ça n’empêche pas des gens de boire d’une manière importante à l’Assemblée.

Vous-même, vous fumez un peu ou pas du tout ?
Non, je ne fume plus de cigarette et je ne fume plus rien d’autre. Mais ce n’est pas par devoir d’exemplarité, mais plutôt par manque d’envie.

Y a-t-il des lobbies qui freinent la légalisation en France ?
Oui, il y en a de très puissants, au premier rang desquels les trafiquants. Il y a une telle masse d’argent en jeu que je ne vois pas pourquoi ce capitalisme-là (on va dire « délinquant ») ne s’organiserait pas comme le capitalisme officiel pour susciter des consommations.

« Je serais contre se contenter d’un modèle de type nord-américain où vous laissez au marché le soin de régler cette question parce qu’alors on ne réglera rien »

Les partis politiques ont-ils peur d’abattre un tel marché illégal qui leur assure une paix relative dans les quartiers ? 
Ça va peut-être vous paraître naïf, mais j’espère que personne ne va jusqu’à formuler cette question dans ces termes. Parce qu’au-delà de la paix relative, assainir tout ça, ça va être un boulot énorme. Ces trafics foutent la vie en l’air de beaucoup de gens, que ce soient les usagers ou ceux qui subissent les trafics, y compris les petites mains, d’ailleurs. À partir de là, je serais contre se contenter d’un modèle de type nord-américain où vous laissez au marché le soin de régler cette question parce qu’alors on ne réglera rien. Donc, pour aller vite, il faudrait que ce soit sous le contrôle de l’État avec une politique qui se préoccupe de la santé publique et non de faire du business. Le pays au monde où ils l’ont fait [le Portugal, NDLR] a eu des résultats exceptionnels, en transférant entre autres la politique de coordination des stupéfiants du ministère de l’Intérieur au ministère de la Santé.

Au moment où les caisses de l’État sonnent creux, légaliser ne serait-il pas un moyen de les remplir en partie ? Avez-vous pu chiffrer cet éventuel apport dans le PIB, par exemple ? 
De mémoire, le chiffre d’affaires annuel du trafic de stupéfiants s’élève, en France, à six milliards d’euros [Étienne Blanc, le rapporteur de la commission d’enquête du Sénat sur l’état du narcotrafic en France, l’a évalué dans une fourchette allant de trois milliards et demi à six milliards d’euros, NDLR]. C’est l’équivalent de la moitié du budget du conseil départemental de Seine-Saint-Denis ; ça pèse dans le PIB quand même. Au Canada, ils ont à peu près réduit de 60 % le trafic, c’est-à-dire que 60 % de la consommation du cannabis est passée dans le commerce légal. Ça donne un ordre d’idée de ce que ça pourrait rapporter. Chez nous, ça ferait un point de PIB, par exemple. Et je ne parle pas des effets induits sur la santé publique…

Il y a six millions de consommateurs de cannabis en France. Porter le débat sur la légalisation de manière forte serait un bon moyen d’intéresser les jeunes à la politique et, de manière plus cynique, de s’assurer un sacré réservoir de voix. Ce débat va-t-il peser dans la prochaine élection présidentielle ?
Au moins sur la légalisation, j’espère. Je ne sais pas si l’on ira jusqu’à assumer la question de la dépénalisation de tous les usages mais, sur la légalisation, oui, je pense qu’il pèsera à partir du moment où le sujet est devenu aussi massif nationalement.

Entretien Raphaël Turcat

Cet article est issu du dernier ZEWEED mag. Pour le trouver près de chez vous, cliquez sur ce lien

Camille Bazbaz : Radical Feeling

/

Ça démarre fort pour Camille Bazbaz, qui a vingt-deux ans quand il fait ses débuts discographiques au sein du Cri de la mouche, groupe « punkoïde » signé sur le label de Michel Sardou. La suite ? Une dizaine d’albums entre Paris et Kingston avec des musiciens devenus des amis, comme Winston McAnuff, cinq B.O. pour son « poto » Pierre Salvadori et, aujourd’hui, l’aboutissement d’un projet de quinze ans : The Salmon, enregistré avec Tchiky, alias Jérôme Perez, et le chanteur Kiddus I – inoubliable interprète de « Graduation In Zion » dans le film de Theodoros Bafaloukos, Rockers (1978). C’est chez moi qu’il s’est livré et prêté au jeu de la divine interview.

Propos recueillis par Olivier Cachin

ZEWEED : Cinq mots pour te définir ?
Camille Bazbaz : Douceur, colère, amour, reggae, punk-rock.

Trois lieux qui te définissent ?
Paris, Brest, Kingston.

Cinq albums à emporter au Paradis
– J. J. Cale, Troubadour
– Gregory Isaacs, Cool Ruler
– Erik Satie, Gnossiennes
– John Barry, le générique de The Persuaders (Amicalement Vôtre)
– Serge Gainsbourg, Mauvaises Nouvelles des étoiles

Plutôt paradis céleste ou artificiel ?
Ni l’un ni l’autre. L’enfer est sur Terre, c’est ma certitude. Je ne suis pas obsédé par les défonces non plus, ni par l’idée d’un meilleur ailleurs. J’aime bien la vie sur Terre : même si c’est difficile, c’est ici que ça se règle. Je ne crois pas à l’au-delà.

Crédits : Sathy Ngouane

Une journée au paradis de Bazbaz, ça serait quoi?
C’est écrire une chanson, faire de la musique avec les gens que j’aime, boire un coup au comptoir avec mes potes ou me réveiller le matin avec ma chienne, quand j’en ai une, c’est ça mon paradis. Je n’ai pas de fantasme de groupe idéal comme Yarol, je n’ai jamais eu de poster de rock star chez moi, même si j’aime Gregory Isaacs, Jim Morrison, Sly Dunbar, John Bonham. La musique, c’est un peu comme faire l’amour sans se toucher : il y a une intimité partagée. Je m’en fous de Jimi Hendrix et des rock stars, je les aime et je les emmerde.

Ta source préférée de paradis artificiel ?
L’herbe et le whisky.

Quels souvenirs gardes-tu du Cri de la mouche ?
Ma première et plus grande histoire d’amour. J’étais un ado plein de boutons, si je n’avais pas rencontré cette bande de mecs au lycée, je ne suis pas sûr que j’aurais fait de la musique. Dans cette bande de mecs avec qui je traînais depuis la sixième, il y avait le génial Thomas Kuhn ; le chanteur qui, malheureusement, est mort à trente piges. Faire le Belmondo à seize ans, escalader les grues pour impressionner les meufs et les débiles dont je faisais partie, OK, mais avec dix ans de rock’n’roll et d’excès dans la gueule, et peut-être plus… Moi, derrière, qui essaie de le rattraper : « Non, tu ne sauteras pas du Pont-Neuf. Non, tu ne monteras pas sur cette moto bourré »… C’est un peu pour ça que je me suis barré du groupe ; moi, j’avais envie de vivre.

Ton premier album, Dubadelik, est influencé par le reggae…
Les Clash, les Pistols, tous les groupes anglais étaient copains avec les rastas londoniens. Ce sont eux qui m’ont amené au reggae. Mes parents écoutaient « Could You Be Loved » de Bob Marley ; pour moi, c’était un peu du disco débile. À quinze ans j’écoutais The Cure et les Clash, je n’aimais pas le funky à la Kool & The Gang. C’est « Police and Thieves », version Clash, qui a tout déclenché. Je tombe sur l’original de Junior Murvin et je me prends une baffe. Pas du tout le reggae de Marley ! J’ai découvert LKJ parce que j’avais vu une photo, dans Rock & Folk, de Sid Vicious avec un badge de LKJ. Je pensais que c’était un truc antifasciste. Il avait son tee-shirt avec la croix gammée cassée, super provoc’. Je finis donc par écouter Linton Kwesi Johnson et ça me retourne. Je me dis qu’il n’y a pas que la puissance de la guitare, il y a aussi la violence de la basse. Les Jamaïcains ont mis leur hargne dans la basse et le riddim minimal.

Tu as fait cinq B.O. pour les films de Pierre Salvadori.
Ça a commencé très pro avec un message du producteur sur mon répondeur : « Bonjour, M. Pierre Salvadori aimerait beaucoup vous rencontrer et pourquoi pas travailler sur la musique de son film. » En plus, je venais de voir Les Apprentis (1995) ; j’avais l’impression qu’il racontait ma vie ! On se rencontre et on devient potes instantanément. On a passé une après-m à parler de tout sauf du film. Sex Pistols, Tina Turner, Creedence, Jim Morrison… La musique, c’est un passeport, un langage. Et il m’a fait confiance. La musique de film, c’est hyper différent : tu as un cadre, un boss. J’adore me mettre au service des autres.

« Winston McAnuff est un gros smoker. Il ne boit pas, il ne prend pas de drogues dures, il a soixante-sept ans et il fume comme des petits-bourgeois prennent du Xanax »

Tu as aussi travaillé avec un musicien jamaïcain, Winston McAnuff, avec qui tu as notamement joué à la Bob Marley tribute party, organisé par ZEWEED au NoPi en mars dernier.
Bosser avec Winston m’a appris que le reggae est une musique punk, proche du rock’n’roll. Winston me disait : « Quand tu joues ta note, ta caisse claire, imagine que tu es à la chasse au canard. Tu prends ton fusil. » Moi, je voyais Elmer Fudd et Daffy Duck dans les dessins animés. « You want to shoot the bird, shoot BEFORE ! » C’est avant, parce que le temps que ton cerveau donne l’ordre à ton bras, c’est déjà trop tard. C’est génial. Des petites phrases Carambar dub mais, en vrai, ce sont des choses que j’applique toujours. Winston est  un gros smoker. Il ne boit pas, il ne prend pas de drogues dures, il a soixante-sept ans et il fume comme des petits-bourgeois prennent du Xanax. C’est pas un junkie psychopathe sous Fentanyl !

Crédits : Thomas Boujut

Raconte-nous ta rencontre avec Winston.
Le jour où il vient en studio, je prépare un reggae comme un con, parce qu’il est jamaïcain. Il écoute et il me dit que c’est de la merde. Je ne savais pas tuer l’oiseau, j’avais oublié mes années punk. Je le ramène à son hôtel, on se dit à peine au revoir, je me dis que c’est un gros con, je retourne chez « oim », je raconte ça à ma chérie et elle me dit : « Mais tu ne lui as pas fait écouter tes trucs à toi ? » À l’époque, je maquettais mon album Sur le bout de la langue (2004) qui a cartonné. Elle me dit que je suis un con, la nuit passe et je me réveille en me disant qu’elle a raison en fait. Je rappelle Winston, je lui propose de venir écouter d’autres trucs. Et là, il kiffe. Il me dit : « Enlève ta voix, j’ai une idée. » Ce qui aurait vexé des grands chanteurs de variétés, mais moi, connaissant le modus reggae où ,avec un instru’, on peut faire 100 chansons, direct j’enlève ma voix sur deux-trois titres, on commence l’album A Drop (2005) et notre amitié est née. Winston m’a rappelé ce que disait ma grand-mère bretonne : « C’est pas à une Bigoudène qu’on apprend à faire des crêpes. » J’ai revu la tête de ma grand-mère Yvonne mélangée à celle de Winston, il avait trop raison, ce con !

« Lee Perry me demande ce que je fous là, je lui réponds que je suis venu voir si je pouvais lui pomper tous ses plans, il me regarde méchamment… et se marre »

C’était comment, ton premier trip à Kingston ?
Je déboule avec mon ingé son ; à l’aéroport, on attend nos valises qui n’arrivent pas. On va au comptoir Air Jamaica où il y a trois pin-up genre SAS trop sexy qui nous regardent à peine. On sort de l’aéroport, on dit à Winston que nos bagages sont perdus, il va au guichet, tape sur le comptoir, dit aux trois nanas : « Hey man ! » et règle l’histoire. Je passe quinze jours là-bas et quand je repars, je regarde par le hublot et je m’attends à voir Ricardo Montalban et Hervé Villechaize – le nain de L’Île fantastique ! C’était vrai tout ce qu’on a vécu ? Aller acheter du poulet à minuit avec U-Roy qui faisait la queue, Kiddus que je rencontre en studio le troisième jour et qui me saute dans les bras en me disant qu’on va aller acheter des bières à la station-service… Et il y avait un mec dans le studio planqué au fond, Winston me fait : « Tu veux rencontrer Lee Perry ? » Lee Perry est en mode Roland-Garros, comme s’il s’était enduit d’huile et jeté dans un bain de terre battue : il est rouge, sur un trône. Lee Perry me demande ce que je fous là, je lui réponds que je suis venu voir si je pouvais lui pomper tous ses plans, il me regarde méchamment… et se marre. Et tout était comme ça. J’avais une « beuh de ouf », la kiki ; je dormais avec, sous mon oreiller. J’y suis retourné avec Yarol [Poupaud, NDLR] ; je n’y suis jamais allé en touriste, toujours pour la musique.

Comment démarre l’aventure de The Salmon ?
Kiddus, je l’ai rencontré dans un bar à Belleville, en 2008. À force de discuter avec Winston qui savait que j’avais vu Rockers, il a déboulé avec Kiddus : « Tiens, je te présente ton chanteur préféré ! » Je suis en train de boire un café calva, à 11 heures ; il me demande ce que je bois, je lui en commande un, il goûte et trouve ça génial. On s’en enfile 10, on rigole. Punky reggae party ! On s’entend bien ; au bout de deux heures, on trace à mon studio, on commence à bosser. Et ça nous a pris quinze ans. On a enregistré, au fur et à mesure, The Salmon, il y a dix ans ; « Wiggling » il y a un an ; « The Long Road » il y a quinze ans, avec mon pote guitariste Jérôme « Tchiky » Perez, qui a fini par réaliser l’album et le mixer avec moi. Kiddus, on ne savait jamais quand il venait… C’est un tigre blanc ! Un jour, on avait un flûtiste en studio, un autre jour un violoncelliste ; trois ans plus tard, Pam Hall, la choriste de Peter Tosh, un tromboniste, deux percussionnistes dont Fabrice Colombani, alias Cubain, le bassiste des Roots Radics, des batteries de Sly Dunbar, Style Scott et Raphaël Chassin, le bordel total ! On doit être 27 sur l’album.

Kiddus I est une personnalité à part…
C’est un prince mais il est en haillons. À force de ne pas vouloir louvoyer dans le monde de Babylone en l’attaquant frontalement, voilà ce qui se passe. Il vit dans les collines à Kingston. Il déboule à Paris fin octobre pour deux mois. Les paroles de Kiddus sont géniales, on comprend ce qu’il dit, pas comme les nouveaux mecs du dancehall, ils ont perdu de la poésie. C’est pas rigolo le monde dans lequel ils vivent et, en même temps, le Trenchtown de Bob Marley, ça n’était pas mieux, même pire, mais il y écrivait « Three Little Birds ». Maintenant, les mecs te gueulent dessus, tu ne comprends même pas l’insulte ! Je fais mon vieux con, mais j’ai du mal. D’ailleurs, ils n’écoutent plus que du R & B de merde, limite Céline Dion.

Propos recueillis par Olivier Cachin

Album The Salmon chez 22D Music Group

Insta : @bazbazcamille

 

Philippe Cohen Solal (Gotan Project): l’interview résurrection.

/

À l’occasion de la sortie de son album 75010, Philippe Cohen Solal, le cofondateur du célèbre Gotan Project, revient pour ZEWEED sur la pluralité de ses vies, son expérience de mort imminente, la résurrection du Club des hachichins, la production de Paradis artificiel(s), les vertes plantes qui peuplent son paradis ici-bas, ainsi que la playlist qu’il emporterait dans l’au-delà.

ZEWEED : Avant le Paradis, il y a la vie, et il semblerait que vous êtes la preuve vivante qu’il soit possible d’en avoir plusieurs ?
Philippe Cohen Solal : Oui, c’est vrai ! J’ai parfois l’impression d’avoir eu plusieurs vies ; professionnelles d’abord, puisque j’ai fait différents métiers. J’ai commencé par la radio, ensuite j’ai été directeur artistique d’une maison de disques, avant de travailler en tant que Music Supervisor pour le cinéma. Parallèlement à tout ça, je faisais ma musique. Même si c’était pour gagner ma vie, ces métiers m’ont permis de chercher mon langage musical. À vingt-cinq ans, j’ai interviewé Serge Gainsbourg qui m’avait dit que, si on voulait être chanteur ou musicien, il fallait dix années avant que ça marche. C’est ce que ça m’a pris. J’ai commencé à faire de la musique électronique à la fin des années 1980 et j’ai trouvé mon langage musical une décennie plus tard

ZW : Ça, ce sont vos vies professionnelles…
C. S. : C’est vrai ! J’ai connu plusieurs événements dans ma vie, à différents âges d’ailleurs, lors desquels j’ai été très proche de la mort. Ces événements me donnent parfois l’impression d’avoir eu plusieurs vies ou d’avoir vécu plusieurs chapitres. Mais c’est le dernier en date qui a véritablement décuplé mon énergie. Le 26 décembre 2017, l’année où j’ai sorti l’album Paradis artificiel(s), je suis tombé d’un ponton dans la mer du Nord, en Suède. Je suis resté dans de l’eau à deux degrés pendant cinquante minutes. J’ai eu une hypothermie très sévère et j’ai été sauvé par chance, et par hasard d’ailleurs. Là-bas, j’étais dans l’image du tunnel avec, au bout, sa lumière blanche et ses halos bleus. J’ai vécu une expérience de mort imminente. Ces expériences sont de différentes natures. Certains peuvent se voir au-dessus de leur corps ou autre, mais pour moi, c’était la lumière blanche. Depuis cet événement, je n’ai plus aucune peur d’entreprendre ou d’essayer des choses. J’ai l’impression que rien, outre ma propre volonté ou mon propre jugement, ne peut m’arrêter.

« J’ai vécu une expérience de mort imminente. »

ZW : Avez-vous tiré une sorte de conviction spirituelle de cet événement ?
C. S. : Non, aucune ! Je ne crois pas en Dieu, de toute façon. Je suis plus proche philosophiquement de la vision bouddhiste des choses, voulant que tout se transforme et que rien ne meurt vraiment. Ma seule conviction est qu’il faut vivre pleinement la vie que nous avons ici et maintenant.

ZW : Cette expérience a coïncidé avec la sortie de votre album Paradis artificiel(s), en 2018.
C. S. : Ce projet est parti d’une carte blanche offerte par le Paris Music Festival, qui propose à des artistes d’investir des lieux atypiques pour y jouer des représentations live. En l’occurrence, le directeur de l’époque m’avait proposé l’hôtel de Lauzun, situé sur l’île Saint-Louis. C’est dans ce sublime espace que le docteur Jacques Joseph Moreau de Tours, accompagné de Théophile Gautier et d’autres, créa le célèbre Club des hachichins où l’on se rassemblait autour d’un café et d’une confiture de haschisch, lors de soirées que les membres appelaient Fantasias. Ces soirées accueillaient l’intelligentsia de l’époque. On pouvait y croiser Balzac, Baudelaire, Delacroix, ou encore Flaubert. En réinvestissant ce lieu, on a voulu faire revivre l’esprit du Club. Durant quatre jours, avec des artistes tels que, Pierre Barouh Christophe Chassol, Olaf Hund, Marie Modiano ou encore Peter von Poehl, nous avons fait revivre l’esprit du Club en faisant des performances liant la musique à des textes littéraires. Évidemment, j’ai pris la carte blanche au pied de la lettre. J’ai repris la recette de la confiture livrée par Théophile Gaultier et j’ai fait une vingtaine de petits pots que j’ai servie aux artistes qui le voulaient bien.

ZW : Et que vaut cette confiture ?
C. S. : J’en ai pris une fois sur scène ; ce qui n’était pas une très bonne idée car cette confiture est en réalité une sorte de pâte d’amande au miel et à la cannelle, et dont les effets m’ont quasiment bloqué la gorge. Pas idéal pour chanter… Mais, de façon générale, je crois que cela a participé à la magie de l’événement. J’ai rarement vu, à Paris, le bouche-à-oreille fonctionner comme il a fonctionné pour cet événement. Au quatrième jour, près du double de la capacité du lieu était atteint. C’était une expérience vraiment super qui a donné lieu à la production de Paradis artificiel(s), un album studio accompagné de mes compères de festival.

« Je pense qu’il faudrait s’en tenir à l’esprit du club initial et proposer du haschisch. »

ZW : Si vous pouviez créer votre propre club, quels artifices y mettriez-vous pour qu’il ressemble le plus possible au Paradis ?
C. S. : Je pense que je ferais quelque chose d’assez proche du Club des hachichins. Je ferais des soirées, des fêtes qui seraient musicales, qui seraient des rencontres d’artistes où la littérature, la poésie ou la vidéo tiendraient une place importante. Et puis je pense qu’il faudrait s’en tenir à l’esprit du club initial et proposer du haschisch. Ce serait vraiment cool de pouvoir refaire ça, de rouvrir les portes de ce club, ne serait-ce qu’une fois par mois.

ZW : Vôtre paradis serait malheureusement illégal…
C. S. : Et pourtant, c’est très implanté dans la société. Je trouve que c’est important d’en parler. Il y a plein de gens qui vivent depuis longtemps avec ; ça ne les empêche pas pour autant d’avoir une famille, un boulot et de payer leurs impôts. Après, nous n’avons pas tous le même rapport à l’addiction. Me concernant, j’ai eu la chance de n’avoir jamais été addict à quoi que ce soit, à part la musique. J’ai essayé plein de drogues, mais aucune n’a pu me faire sacrifier ma vie pour elle. Ça, c’est impossible ! De façon plus générale, ce rapport à la prohibition me rappelle le début des années 1990, lorsque j’allais voir les maisons de disques pour présenter ma musique. Les mecs me disaient que la musique électro ne marcherait jamais en France. Moi, je répondais que si ça marchait en Italie, en Espagne, partout en Allemagne et aux États-Unis, y’avait aucune raison que ça ne fonctionne pas ici. Mais, pour eux, la musique électro, c’était comme le nuage de Tchernobyl : un truc qui passerait pas les frontières… Je pense qu’un jour, la France devra accepter de légaliser le cannabis pour sortir de ce truc mafieux, de cette corruption et de cette hypocrisie, comme d’autres l’ont fait avant elle.

ZW : Une playlist à emporter là-haut ? 
C. S. : oui, et sans ordre de préférence: 

– Moss Garden (2017 Remaster) – David Bowie
– Full Moon – Eden Ahbez
– Eden’s Island – Eden Ahbez
– Summer’s Cauldron (Remasterd 2001) – XTC 
– Paradis – Alain Chamfort 

 

Propos recueillis par Benjamin Cazeaux-Entremont

Interview : Philippe Vandel, serial joker

//

Journaliste multimédias, doucement monomaniaque du pourquoi, Philippe Vandel est au Festival de Cannes ce que Gainsbourg était aux Gitanes : un grand habitué. Pour ZEWEED, il revient sur un stupéfiant fait d’arme de l’équipe de Nulle Part Ailleurs, dans lequel il est question  de shit , de latex et de Chirac. 

Si Philippe Vandel devait être une ponctuation, ce serait indiscutablement un point d’interrogation. Depuis plus de 3 décennies, l’ éternel jeune homme aux 61 printemps décline  avec impertinence l’art du « pourquoi » sur tous les supports.
En 1990,  il conçoit et présente pour Canal + «  paradoxes »,   avant de proposer en 92, toujours sur Nulle Part Ailleurs (NPA) « le monde de l’absurde ». Soit deux segments composés de séquences micro-trottoir durant lesquelles Vandel demande aux passants, avec une désarmante candeur,  de répondre à des questions où l’absurde le dispute au contre-sens. 
Sur Nova, où il a fait ses débuts en 84 en tant qu’ingénieur du son, il propose en 93 la première chronique quotidienne des « pourquoi ? », avec une angle mi-informatif mi-goguenard et de grandes questions comme « pourquoi les cygnes ne s’envolent jamais des bassins ? » « pourquoi les enfants demande toujours pourquoi ? »
ZEWEED n’a pas pu résister à la tentation de renverser les rôles l’espace d’une interview afin d’obtenir une réponse à la cruciale question: « Pourquoi NPA a mis du shit dans la tête de Chirac ? »

ZEWEED: J’ai lu qu’une année, alors que l’équipe de Nulle Part Ailleurs (NPA) descendait à Cannes pour le festival, les enthousiastes de la fumette avaient planqué du hash dans la tête en latex de la marionnette de Chirac. C’est vrai? Qui a eu cette stupéfiante idée ? 
Philippe Vandel : Oui, c’est vrai, mais qui précisément… aucune idée. Ce que je sais, c’est que ceux qui fumaient du shit à NPA, et dont je ne faisais pas partie (je ne fume même pas de clopes), s’étaient rendus compte qu’il était compliqué de s’en procurer sur place. Ils se sont donc tous cotisés pour acheter, de mémoire, 1.5kg de shit et ont décidé de planquer la grosse boulette dans la tête en latex de la marionnette de Chirac, qui était transportée avec le reste du matériel dans des semi-remorque. 

ZW : Pourquoi la tête de Chirac? 
PV : C’est là que leur idée était géniale : si par manque de bol ils se faisaient arrêter par la douane volante, ils avaient anticipé ce qu’aurait titré Le Parisien « Un kilo et demi de shit retrouvée dans la tête à Chirac ». 
Et c’est bien « dans la tête à Chirac » et non « dans la tête de Chirac »!  Je m’en souviens mot pour mot. En l’occurrence, il y avait plusieurs têtes en latex du Président, mais une seule a été garnie. 

ZW : Quelle année le fret de cannabis présidentiel ?  
PV : Je ne suis pas certain de l’année précise, mais c’était en tous cas lorsque Chirac était Président, et c’est en 1998 que nous sommes descendus pour la dernière fois à Cannes. Donc en 95, 96, 97 ou 98. 

ZW : 1,5 kg de shit dans la tête du président : un cerveau pèse le même poids. L’équipe avait poussé la blague à escient ou c’était juste leur conso habituelle pour deux semaines ? 
PV : Non, je ne pense vraiment pas que c’était calculé. Mais comme je n’étais pas dans la boucle des fumeurs, je ne peux pas te dire. Il faudrait demander aux intéressés… et ne compte pas sur moi pour balancer des noms. Je n’ai pas tous les détails. Ce que je peux te dire, c’est que ce sont les techniciens, pas les auteurs, qui avaient monté l’opération. Pour info, les auteurs, ils étaient trois : ça aurait fait 500 grammes chacun : pour deux semaines, c’est surhumain ! Et va écrire des textes drôles après ça… Bref : c’est des gens de NPA qui s’étaient groupés, plus la technique, soit une grosse centaine. Evidemment, il était hors de question de faire passer ça par avion. 
Autre anecdote cannoise : on prenait deux avions séparés au cas où il y en ait un qui s’écroule. Par exemple, de Greef et Lescure (Alain de Greef, directeur des programmes de CANAL + et Pierre Lescure, PDG du groupe CANAL + à partir de 1994 NDLR) prenaient deux vols distincts. Idem pour Philippe Gildas et Antoine de Caunes. Toutes les équipes étaient coupées en deux, avec un système très démocratique d’ailleurs : ceux qui partaient de Paris avec le premier vol du matin avaient le droit de revenir plus tard. On t’obligeait une seule fois à te lever tôt. 

ZW : Cet esprit transgressif, décalé, il est né en conférences de rédaction ou lors des soirées qui les précédaient ? 
PV : Il n’y avait pas de conf’ de rédac au sens propre. Chaque entité était autonome : les Guignols faisaient les Guignols dans leur coin, moi je faisais mon truc dans mon coin, de Caunes faisait son truc dans son coin avec ses auteurs, et la bande à Moustic (Jules-Edouard Moustic, créateur historique de Groland, NDLR) était elle aussi totalement autonome. Mais quand Moustic faisait « Le 20h20 », avec ce slogan génial : «Du vin, du hash, et du vin », je pense que c’était avec du vin et du hash, pour de vrai. 

ZW : Ah oui, Gonzo! 
PV : Ce que nous demandait de Greef, c’était d’être à l’antenne comme on était hors antenne, que l’on se sente les plus libres possibles. Alors oui, c’était sulfureux, oui, on cassait les codes. Mais il faut reconnaitre qu’il était beaucoup plus facile de casser les codes à l’époque qu’aujourd’hui puisque les codes étaient très rigoureux. Par exemple NPA, c’est la 1ère émission où on a tutoyé les gens à l’antenne. Et une fois que tu as tutoyé les gens, ceux qui viennent ensuite ne peuvent pas faire plus.
NPA a aussi été la première grande émission à mélanger la grande info avec la petite info. C’est Philippe Gildas qui avait eu cette intuition quand il était encore à Europe 1. Philippe disait : “Quand les gens sont au café, ils parlent aussi bien de la décision d’un ministre que de la nouvelle Renault. Eh bien nous, on va tout mettre dans le même programme ». Parce qu’avant l’arrivée de NPA, tu avais une émission politique, une pour la bagnole, une pour la promo du dernier Bashung, une émission pour le sport et encore une autre pour rigoler. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Ardisson avec « Tout le monde en parle », en invitant à la même table un curé, une strip-teaseuse et un académicien. 

 

Mama : des canna-éditeurs qui vous veulent du bien

//

Auteurs précurseurs et fondateurs de Mama Éditions, Tigrane Hadengue et Michka Seeliger-Chatelain ont été parmi les premiers en France à donner leurs lettres de noblesse au chanvre et au cannabis. Aujourd’hui, ils poursuivent leur œuvre novatrice, sans jamais perdre de vue la mission qui leur tient à cœur : éveiller les consciences et faire du bien.

 

ZEWEED : Mama Éditions fêtera bientôt son vingt-quatrième anniversaire. Qu’est-ce qui vous a conduits à vous lancer dans une aventure aussi audacieuse ?Tigrane : Cela a avant tout été une rencontre avec Michka, que j’ai connue très jeune parce qu’elle était une amie de ma mère et de mon beau-père. J’avais une vingtaine d’années quand elle m’a proposé de travailler pour elle comme attaché de presse dans une maison d’éditions suisse, où elle a publié plusieurs ouvrages de référence, notamment Le Cannabis est-il une drogue, sous-titré : Petite histoire du chanvre, et Le Chanvre, renaissance du cannabis qui, manière de joindre le fond à la forme, a été imprimé sur du papier de chanvre. Ce livre-là a fait date en ce qu’il traitait en particulier du chanvre textile agricole dont on parle tant aujourd’hui, presque trente ans après. Puis, chez ce même éditeur, nous avons conçu ensemble une anthologie du cannabis : une somme de mille pages qui rassemble des textes de plus d’une centaine d’auteurs, allant d’Hérodote à des scientifiques et prix Nobel contemporains. C’est désormais un ouvrage de référence ; certains le qualifient même de Lagarde et Michard du cannabis !
C’est à la suite de ce travail en commun que nous avons eu envie de mener à bien nos propres projets éditoriaux, selon une démarche artisanale à contre-courant de l’industrialisation du monde l’édition.

 

ZW : A-t-il été difficile de publier des livres sur le chanvre et le cannabis dans une société française encore très réticente vis-à-vis de ces sujets ?
Tigrane : C’est vrai que, pendant longtemps, notre démarche a été perçue de manière abusivement polémique. Pourtant, nous avons toujours fait un travail extrêmement soigné, respectueux des cadres légaux. Tous nos livres sont précédés d’avertissements de médecins, de psychiatres, et visés par des avocats. À la différence d’autres éditeurs, nous n’avons jamais donné dans la provocation. Par ailleurs, nous tenons à mettre en avant des avis opposés mais complémentaires, à dépasser les jugements réducteurs, à refuser tout manichéisme. Ces sujets sont bien plus complexes que ça, à l’image du cannabis, qui peut aller d’un chanvre non psychoactif à un cannabis qui l’est beaucoup.

« À la différence d’autres éditeurs, nous n’avons jamais donné dans la provocation » Tigrane

Michka : Je me souviens qu’en 2001, nous avons tenu un stand au Salon de l’agriculture, à Paris, afin de promouvoir la première édition d’un de nos ouvrages intitulé Pourquoi et comment cultiver du chanvre. Ce livre, déposé au ministère de l’Intérieur et parfaitement respectueux de la loi, était présenté entouré de plants de chanvre certifié « agriculture biologique » par le ministère de l’Agriculture. Or, il se trouve que des policiers en service sont passés par là. Ils ont considéré que nous incitions à la consommation de stupéfiants et que nos plants de chanvre étaient comparables à ceux que l’on trouverait dans une arrière-boutique d’Amsterdam. Du coup, j’ai été emmenée manu militari au quai des Orfèvres, tandis que nos stocks de livres et plants de chanvre étaient confisqués… Le bon côté de cette histoire, c’est que les policiers sont arrivés au même moment qu’un groupe de journalistes qui visitaient le salon. Cette coïncidence nous a fait une publicité inespérée. Le lendemain, on s’est retrouvé dans différents journaux télévisés dénonçant l’erreur de ces policiers. Je me souviens d’une journaliste télé relatant avec ironie cet incident en disant : « Chez Mama Éditions, la maréchaussée a eu des hallucinations ! »

« Ça bouge beaucoup aux États-Unis, alors que cette nation a peut-être été celle qui est allée le plus loin dans la répression. Cela leur a sans doute donné le loisir de se rendre compte, avant les autres, que c’était une fausse piste » Michka

ZW : Avez-vous le sentiment que les mentalités changent en France ?
Michka : La France demeure très méfiante vis-à-vis du cannabis en général. Toutefois, les mentalités évoluent, même si cela se fait un peu trop lentement. De nombreux pays autour de nous sont en train de légaliser le chanvre thérapeutique, mais la suspicion par rapport au THC demeure. Le chanvre, c’est le cousin honnête du cannabis qui continue à être perçu comme malhonnête. Cela dit, ça bouge beaucoup aux États-Unis, alors que cette nation a peut-être été celle qui est allée le plus loin dans la répression. Cela leur a sans doute donné le loisir de se rendre compte, avant les autres, que c’était une fausse piste. En tout cas, ceux qui là-bas ont été jetés en prison il n’y a pas si longtemps, doivent tomber des nues en voyant que leurs concitoyens d’aujourd’hui vendent du cannabis légalement et par dizaines de kilos en payant leurs impôts

ZW : Si vous deviez défendre les vertus du cannabis, quel serait votre argument principal ?
Tigrane : Le cannabis est un remède scientifiquement incontesté. Dans le domaine ophtalmologique, par exemple, on sait qu’il soigne le glaucome en faisant baisser la pression oculaire, qu’il soulage les personnes atteintes de sclérose en plaques. Il peut également s’appliquer dans le traitement des cancers en ce qu’il est un antiémétique de premier ordre. De fait, il a été cliniquement démontré que le THC prévient les nausées, les vomissements et la perte d’appétit causés par la chimiothérapie. L’ennui, c’est qu’en France, comme le cannabis est classé dans les tableaux recensant tout ce que l’on appelle les drogues dures, on se prive trop souvent d’informer sur ses possibles vertus thérapeutiques, par peur d’inciter à la consommation de stupéfiants. Ça pince le cœur qu’au pays des Lumières, on en soit arrivé à un stade où des personnes qui ont simplement besoin d’un médicament naturel, sans effets secondaires, ne puissent pas avoir accès à leur remède.

« Plusieurs de nos ouvrages, certains coûteux à produire en termes d’iconographie et de traduction, sont devenus des références et que les aides et les subventions que nous avons sollicitées ne nous ont jamais été accordées » Tigrane

ZW : Tout au long de votre travail dans le cadre de Mama Éditions, avez-vous été soutenus ?
Tigrane : Non, nous n’avons pas vraiment été soutenus. On a plutôt eu le sentiment d’être blacklistés. Et le fait que nos publications sur le chanvre et le cannabis ne représentent aujourd’hui qu’une minorité, n’a pas changé la donne. La vérité, c’est que plusieurs de nos ouvrages, certains coûteux à produire en termes d’iconographie et de traduction, sont devenus des références et que les aides et les subventions que nous avons sollicitées ne nous ont jamais été accordées. C’est là un point de vue économique mais qui semble répondre à votre question, s’agissant du soutien dont nous aurions pu bénéficier. On peut dire que, d’un point de vue institutionnel, ce n’est pas nous qui étions marginaux ; c’est plutôt les autres qui nous ont marginalisés. Ce qui ne nous a pas empêchés de rencontrer notre public, nos libraires, nos bibliothécaires, et de voir que, petit à petit, un certain nombre de médias ou de cercles institutionnels qui, il y a vingt ans, nous disaient : « Vous êtes gentils, mais ce n’est pas la Californie ici ; on est en France, alors arrêtez de nous envoyer vos dossiers de presse. On ne parlera jamais de Mama Éditions ! », nous demandent aujourd’hui des exclusivités, des interviews. Ils semblent avoir réalisé que nous avons été des pionniers, des précurseurs, sur des sujets devenus des phénomènes de société, comme le chanvre, le cannabis médical, le CBD, mais aussi les nouvelles spiritualités, le chamanisme, le jardinage biodynamique en milieu urbain…

ZW : À ce sujet, comment expliquez-vous ce retour en grâce, cet engouement pour des sujets longtemps dédaignés ?
Michka : Il y a beaucoup de choses qui se passent en même temps, dans la société. Nous vivons une époque où les pires horreurs peuvent se produire mais, d’un autre côté, il y a un segment de cette société qui vit une sorte d’élévation du niveau de conscience, une recherche spirituelle. L’important, c’est de choisir sur quoi tu te focalises ; c’est ça qui fait que tu feras partie de ce monde-ci ou de ce monde-là. Pour moi, c’est d’abord un choix et une démarche individuelle.

Tigrane : Il y a aussi le fait qu’après avoir été à ce point déconnecté de la nature au sens large, c’est-à-dire du règne animal, végétal, minéral, on commence à se rendre compte du prix à payer ; on prend conscience des effets secondaires de cette déconnexion, en termes de dépression, de déséquilibre énergétique, de sentiment de ne plus savoir quel est le sens de sa vie, le pourquoi de son travail. Ces conséquences sont beaucoup plus néfastes qu’on ne l’imaginait. C’est un signal d’alarme qui nous enseigne que nous avons besoin de choses simples qui nous font du bien. Cette reconnexion avec la nature, c’est quelque chose de fondamental, d’existentiel, parfois même de vital. On peut se faire tellement de bien très facilement, tout simplement en retournant vers les éléments.

ZW : Parallèlement à vos métiers d’auteurs et d’éditeurs, vous avez également créé, en 2001, le musée du Fumeur, à Paris. Pouvez-vous nous parler de cette initiative ?
Tigrane : Michka et moi avons tous les deux un esprit curieux et ouvert. Au-delà de notre intérêt pour le chanvre et le cannabis, nous avons éprouvé un immense plaisir à explorer l’univers du tabac. Pas le tabac de la cigarette, qui est artificiellement desséché et bourré de centaines d’additifs particulièrement nocifs ; mais plutôt le vrai tabac, dirais-je : celui des peuples premiers, le tabac cérémoniel, chamanique, ou le tabac brun de nos campagnes françaises. Nous avons découvert qu’à l’opposé de la cigarette, il y avait eu jadis, en Occident, un usage du tabac qui n’était pas synonyme de fléau, en termes de santé publique, mais, au contraire, synonyme de dégustation, d’art de vivre. Le monde du cigare ou de la pipe de tabac brun faisait écho à des traditions qui remontaient au calumet de la paix, aux cigares des Lacandons (une ethnie vivant en Amérique centrale), qui sont gigantesques par rapport à nos cigares et qui n’empêchent pas ce peuple de compter un nombre important de centenaires. C’est donc là un tout autre usage, aux antipodes de l’aspect compulsif de la cigarette. Avec elle, on n’arrive jamais à satiété parce qu’elle est calibrée pour nous rendre dépendant. Chez ces peuples premiers, le tabac offre au contraire une expérience de satiété, de contentement qui fait qu’une fois qu’on l’a consommé, on ne se demande pas quand est le prochain. Il procure une plénitude, une complétude, une satisfaction qui n’en demande pas plus. Et puis, nous avons découvert les trésors de richesses culturelles et littéraires associées à l’acte de fumer, dans son acception la plus noble. C’est cela que nous avons voulu partager avec public…

ZW : Vous qui avez été des précurseurs dans beaucoup de domaines, comment voyez-vous l’avenir ? Êtes-vous plutôt optimistes ou pessimistes ?
Tigrane : Fondamentalement optimiste. Par nature, et je dirais même par devoir.
Michka : Oui, c’est vraiment un devoir d’être optimiste. Nous n’avons plus le temps, aujourd’hui, de perdre de l’énergie en alimentant ce qu’on ne veut pas. Il faut au contraire placer son regard, toute son intention, sa direction, vers ce qu’on veut voir se manifester dans la réalité.

Site : www.mamaeditions.com
Insta : @mamaeditions 
FB : @mamaeditions

 

Jim Ross, l’Hibernatus de la weed

/

Jim Ross, c’est le cultivateur aussi barré que passionné qui a fait pousser le même plant de Matanuska Thunder Fuck (MTF)  pendant 20 ans afin de préserver la lignée de cette mythique variété en voie de disparition. Une Ganja exceptionnelle qui pousse en Alaska et qui fait aujourd’hui un carton chez les cannabis-aficionados (qui ont la chance d’en trouver).
Notre reporter Steve a fait sortir Jim de son placard le temps d’une interview, exercice auquel le breeder ne s’était livré qu’une fois en deux décennies.

Buenos Aires, 16h45.
Je suis avec mon chat et mon lap-top sur ma terrasse quand je reçois ce laconique message: « Appelle Jim. Il veut te parler, il a des questions. »
Je bondi de mon transat et attrape direct mon téléphone pour composer frénétiquement le numéro figurant dans l’e-mail qu’Andreas, mon contact en Alaska, m’a envoyé.
Une voix calme et grave me répond.
C’était Jim Ross, qui n’a accordé qu’une interview depuis sa cannabique popularité: en 2018 à l’occasion d’un reportage lui étant consacré.
Jim a désormais 61 ans et vit à Wasilla, en Alaska.

Un breeder en Alaska

« Comment vas-tu Jim? » je demande.
« Ça va, je m’accroche » me dit-il le plus tranquillement du monde.
En 2001, Jim a reçu une bad news : celle d’un diagnostic de myosite, une maladie rare et sans traitement,  qui provoque une inflammation chronique ainsi qu’une atrophie des muscles.
«J’étais déjà censé être mort  il ​​y a 2 ans, mais on dirait bien que l’échéance a été repoussée», s’amuse Jim en me racontant comment la maladie a ravagé un corps déjà frêle
«Je ne suis que peau et os. Au cours des deux dernières années et demie, j’ai perdu 32 kilos. Les toubibs disent que j’ai un pied dans la tombe. Mais, ironie de la vie, je fabrique mon traitement à partir de la MTF que je fais pousser. Et avec la bénediction de mon médecin qui me dit «continue de te traiter avec ta weed, ça marche! »

Il rit de nouveau et commence à expliquer comment il fabrique son médicament.
«Je prends 50 grammes de têtes réduites en poudre et un 50 cl de vodka , je la mets dans un pot , je la secoue, et après 3 mois je la filtre avec une étamine. Tous les jours, je prends deux à trois petites doses.» poursuit Jim.
La Matanuska Thunder Fuck qu’il utilise pour fabriquer son médicament, est une mystérieuse variété de cannabis élevée dans les années 1980 à Trapper Creek, sur les contreforts de la chaîne de l’Alaska.
C’est en 1987, lorsqu’il a déménagé de l’Oregon en Alaska, que Jim a gouté aux plaisirs de la  MTF.
«J’étais venu ici en vacances pour pêcher et je ne suis jamais parti. C’est tellement beau, et accessoirement, c’est la meilleure pêche au monde », analyse-t-il d’un ton réveur.

Trapper Creek Hash Plant

À l’époque, la MTF était connue sous le nom de Trapper Creek Hash Plant par Jim et ses copains et était cultivée  par  un certain « Tiny ».
En 1988, Tiny, en proie à des crises de parano due à la prise de substances non recommandables, était persuadé que les flics allaient le refroidir pour de bon. Il a abandonné sa culture et a demandé à un pote, Jeff Payton, de sauver ses plantes une fois le danger (imaginaire, révèlera l’histoire) écarté
En 1997, Jeff Payton transmet la souche à Jim,  qui l’a maintenu en vie depuis.

« À quoi ressemble MTF dans la salle de culture? ».
«C’est juste une variété incroyable», répond Jim tout enjoué.
« Elle se comporte de manière incroyable. Il a des feuilles  qui poussent au-dessus des feuilles « panneaux solaire » sur la même extrémité. Et ces feuilles « parasol/éventail » sont plus grandes que la main. A titre d’exemple plus précis, j’en ai trouvé une qui faisait 30 centimètres de circonférences avec, superposée une autre feuille à trois crocs », s’étonne encore Jim.
« Oh, et autre une fois« , continue-t-il, me donnant à peine le temps de taper mes notes, « J’ai même eu une tige poussant sur l’une de mes feuilles parasol! »

A la recherche de la Matanuska ThunderFuck

Depuis 1997, Jim fait pousser sa MTF de légende chez lui, en utilisant toujours des clones provenant soit d’une mère, soit de plantes saines.
« Je n’ai jamais fait pousser à partir de graines. Il s’agit du même phénotype depuis 1997 ».
Depuis qu’il a obtenu un plant de MTF de la part de Jeff Payton, Jim répand la bonne parole en transmettant des clones à ses proches amis.
«J’ai même fini par en redonner à Tiny et Jeff, qui avaient cessé de la cultiver depuis des années».
Jim a même rendu la souche à Cameron van Ryn, un cultivateur agréé FRM Wasilla, qui avait lui aussi obtenu la souche de Tiny il y a plus de vingt ans,  mais l’avait perdu, la faute aux méchants acariens.
Malheureusement, Tiny est récemment décédé.
Mais grâce à Jim et à ses amis, la légende de Trapper Creek vit toujours.

MTF, la weed de tous les superlatifs.

En 2017, Ron Bass, un producteur agréé de Houston, publie un article dans le Anchorage Daily affirmant qu’il avait trouvé de l’or et trouvé la légendaire souche de l’Alaska.
«J’ai jeté un coup d’œil à ces plantes,  sur les photos du journal et j’ai directement su que c’était pas de la MTF», explique Jim. «Tu peux me mettre dans une pièce avec 100 souches différentes, et je te trouverai rapidement la MTF… si il y en a.».
Et il avait raison; le plant de Ron Bass  s’est avéré ne pas être une pure MTF
Jim a finalement donné sa souche à Ron, qui a promis de la cultiver et de la transformer à des fins médicales.
«Je ne voulais pas d’argent ou de  gloire. J’ai dit à Ron que s’il pouvait sauver quelqu’un ou guérir avec ça, ça me convenait. Parce que c’est ce que ça a été pour moi : guérir, pas s’enrichir».
Sur une période de 18 mois, Jim a donné à Ron un total de 40 clones enracinés de sa belle plante. Ron a depuis déposé MTF et commercialisé la variété, en faisant même le thème d’un titre rap avec Afroman.

Cameron Van Ryn la développe également commercialement et fournit la MTF de Jim à des dispensaires en Alaska.
«Ils reçoivent un demi-kilo qui part généralement en une semaine. On ne peut pas répondre à la demande », glousse Jim.
Pour autant,  Jim préfère rester discret. Il est en train de vendre sa maison pour déménager dans l’un des 4 états du coin avec sa femme.
«En vieillissant, les hivers deviennent plus durs», concède-t-il. Pour la première fois depuis le début de notre entretient, qui dure depuis plus d’une heure, j’entends Jim soupirer.
«Je ne peux plus faire de la motoneige, du 4×4 ou du ski. C’est pas facile… »

Je lui pose des questions sur sa femme, Teena, et la voix de Jim reprend immédiatement son ton enjoué
« Oh, nous sommes mariés depuis 25 ans. Je l’ai rencontrée en Alaska et elle vient aussi de l’Oregon », rit-il à nouveau. «Nous étions juste amis depuis longtemps. Ensuite, quand nous sommes devenus l’un et l’autre célibataires, les choses se sont concrétisées. Notre amour a poussé en même temps que ma MTF. Appelez-ça comme vous voulez. Pour moi, c’est ni plus ni moins que le destin, un merveilleux destin ».

 

Franck Milone, pionnier du cannabis thérapeutique made in France

/

Lancée en 2021, l’expérimentation du cannabis thérapeutique a été prolongée en mars de cette année.  Alors que tous les feux sont au vert, le remboursement du cannabis thérapeutique ne figure pas à cette heure sur le Plan De loi financement de la Sécurité Sociale (PLFSS). Une mauvaise nouvelle pour la filière et les 300 000 patients en attente,   qui risquent de ne pas se voir prescrire le médicament vert, à défaut d’être remboursé*. En 2022, ZEWEED avait  rencontré Franck Milone, président et fondateur de LaFleur, premier laboratoire français à avoir mis au point des traitements à base de cannabis.

Zeweed. Pouvez-vous nous décrire en quelques mots l’activité du laboratoire LaFleur ?
Franck Milone. Le laboratoire LaFleur est un laboratoire pharmaceutique français fondé en 2014 et qui est spécialisé dans le développement de médicaments à base de cannabis.
Nous avons pour vocation de développer des outils innovants pour produire de manière efficiente des produits de santé à base de cannabis au bénéfice des patients en échec thérapeutique.

Depuis quand travaillez-vous  sur l’élaboration de médicaments à base de cannabis?
On a lancé le développement du premier médicament à base de cannabis en France en 2018 avec le CNRS de Strasbourg spécialisé en oncologie: les traitements contre le cancer. 

« premiers essais cliniques chez les patients dès 2023 » 

Qu’en est-il aujourd’hui ?
Il y a eu beaucoup de problématiques liées à la manipulation du cannabis et à son importation. On a tout de même réussi à importer et transformer des fleurs. Des essais ont été réalisés entre 2018 et 2021 sur des lignées de cellules cancéreuses. Actuellement, on lance les essais sur le modèle animal. Les premiers résultats sont attendus début juillet sur ce candidat-médicament. Et permettront de mettre en place les premiers essais cliniques chez les patients dès 2023. 

Combien de temps faut-il pour mettre au point et commercialiser un médicament au cannabis ?
Du développement à la mise sur le marché, il faut compter environ 8 ans. Dans notre cas, on estime la mise sur le marché du premier médicament à base de cannabis en France d’ici 2026.

Parallèlement, vous travaillez sur d’autres produits ?
Oui, on démarre un projet sur l’utilisabilité d’un dispositif médical connecté sous la forme d’un vaporisateur avec des cartouches sécurisées de granules de fleurs de cannabis. Ce dispositif médical serait adressé à une population senior. Cette étude permettrait le lancement d’un essai clinique pour évaluer l’amélioration de la qualité de vie des séniors et l’impact sur la consommation de certains médicaments.

L’intérêt est donc double : d’un coté la validation d’une nouvelle technique et de l’autre sa mise en pratique  chez les seniors…
La première étape est de valider la capacité de ce dispositif à s’adapter à l’usage d’une population sénior, et par la suite de juger du potentiel thérapeutique du cannabis sur ces populations. Il s’agit d’un de nos développements dans le cadre recherche autour du cannabis médical.

De quel oeil le corpus médical français voit-il le cannabis ?
Les mentalités ont bien évolué depuis la création en 2014. L’exemple le plus probant est celui de la mise en place de l’expérimentation qui évalue le cadre de dispensation du cannabis médical en France. Face à une demande grandissante de patients et de professionnels de santé, un constat mondiale sur la légalisation du cannabis médical et des données scientifiques prouvant l’intérêt médical dans le traitement de certaines conditions médicales, l’Agence du médicament (ANSM) a mis en place un comité scientifique transdisciplinaire pour assurer le suivi de cette expérimentation qui prévoit l’inclusion de 3000 patients, la formation de plus de 4500 professionnels de santé et autorise la dispensation de médicaments à base de cannabis pour 5 indications thérapeutiques (situation palliative, spasticité dans la sclérose en plaques, épilepsie NDLR ) conduit sur deux ans. 

La fine fleur des laboratoires de cannabis thérapeutique français à l’oeuvre.

Et côté financement, ça se passe comment?
On est la première entreprise à avoir obtenu un financement public par la BPI pour le développement d’un médicament à base de cannabis en France. On a également réalisé une levée de fonds en 2020 de 3 millions d’euros. Aujourd’hui en France, l’accès au capital reste toujours un obstacle sur la thématique. Nous sommes en capacité, à travers notre laboratoire de recherche et notre expertise de travailler sur le cannabis médical dans un cadre règlementaire, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis. La France possède un boulevard d’innovation si elle sait le saisir. 

« La France a un boulevard d’innovation si elle sait le saisir »

La France a-t-elle les moyens de devenir un leader de la filière cannabis thérapeutique?
Tout à fait, on a la chance qu’au niveau fédéral, les États-Unis n’ont pas encore avancé sur l’enjeu médical qu’offre le cannabis, ce qui fait que les recherches biomédicales sont inexistantes. Une opportunité pour les entreprises françaises de figurer parmi les pionnières sur le sujet. Encore faut-il savoir saisir ces opportunités. On a réussi à faire une première levée de fonds en 2020, mais il faut continuer en ce sens pour la partie industrielle et la partie R&D (recherches et développements, NDLR). Profitons du climat réglementaire actuel favorable pour continuer à investir dans la recherche et développer des produits de santé français au bénéfice des patients en impasse thérapeutique. L’ANSM doit dans un avenir proche assurer une production de cannabis médical en France en apportant des spécifications techniques (critères de qualité pharmaceutique, formes pharmaceutiques, contrôle pour la culture, etc. NDLR).

Premiers médicaments 100% made in France prévus pour 2026

Justement, est-ce que vous arrivez à travailler sur une production de cannabis française actuellement ?
Sur la partie fleur de cannabis, on est encore dépendant des produits étrangers. En parallèle, on installe notre premier centre de R&D agro-pharmaceutique dans lequel on développe, optimise et standardise des procédés de production de cannabis médical, afin d’avoir des premiers lots de cannabis médical standardisé début 2023 et de proposer des produits 100 % fabriqué en France, à l’échéance de la généralisation du cannabis médical en France.

Vous proposez aussi un ensemble de service aux cultivateurs de cannabis à visée médicale…
Effectivement, au cœur de notre laboratoire de recherche nous mettons en place un ensemble de services d’une part autour de la prestation analytique pour valider les niveaux de principes actifs dans les fleurs de cannabis ou produits transformés. Et de l’autre un service autour de l’extraction de fleurs, à travers le développement de partenariats avec des agriculteurs qui depuis le décret de décembre 2021 autour de la production de fleur (dont la teneur est inférieure à 0,3% THC) peuvent valoriser la récolte de fleurs en ayant un contrat avec un laboratoire.

Les laboratoires LaFleur travaillent sur des cartouches de cannabis standardisées et sécurisées, des huiles et des gélules.

Sous quelle forme les futurs médicaments au cannabis seront-ils proposés? De la poudre, des fleurs, des gélules…?
On travaille sur différentes formes galéniques (mode d’administration, NDLR) : des granules de fleurs au travers de cartouches sécurisées à utiliser avec un dispositif médical connecté. Mais aussi des huiles qui permettent une titration précise. La prescription du cannabis médical par le professionnel de santé prévoit une augmentation progressive de la dose en suivant les conditions médicales du patient. Enfin, une fois le traitement stabilisé, des gélules peuvent être prescrites pour plus de reproductibilité et de confort d’usage. Nous proposons ces 3 formes pharmaceutiques : des cartouches de cannabis standardisées et sécurisées, des huiles et des gélules. 

En termes de variétés, pouvez- vous donner des précisions sur les types de cannabis ? Indica, sativa, variétés spécifiques?
On fait des tests sur différents types de plantes, indica ou sativa, et sur différentes variétés. Le premier objectif est d’avoir une palette d’actifs et de variétés qui soit relativement large pour avoir la capacité ensuite d’innover. On s’intéresse davantage aux formes acides des deux molécules les plus connues que sont le THC et le CBD ou sur de nouveaux actifs plus récemment découverts comme le CBG ou le CBN entre autres.

« le cannabis médical (…) doit apporter des preuves de sécurité, de tolérance et d’efficacité pour qu’il puisse s’inscrire dans un parcours de soin »

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans le cannabis thérapeutique?
Je me suis confronté à la réalité du système de santé à l’âge de 18 ans quand on m’a diagnostiqué une sclérose en plaques à la suite d’une crise neurologique. Face à l’incompréhension du professeur qui me suivait à l’époque et aux milliers de patients en échec thérapeutique qui se retrouvaient dans la même situation, j’ai eu envie d’innover sur la thématique du cannabis médical. Je suis donc allé à la rencontre des autorités publiques, des professionnels de santé parce que je me suis aperçu que pour faire avancer les choses, il fallait investir dans la recherche scientifique. Défendre le cannabis médical dans l’industrie pharmaceutique c’est rappeler qu’il s’agit d’un médicament qui doit apporter des preuves de sécurité, de tolérance et d’efficacité, pour qu’il puisse s’inscrire dans un parcours de soin. Ainsi, j’ai décidé de défendre le cannabis médical à travers les angles de la recherche, la formation et l’innovation. 

Vous soutenez aussi d’autres structures de la filière cannabis thérapeutique, pouvez-vous m’en dire plus ?
Je me suis notamment investi au sein de l’association de patient l’UFCM I Care (Union Francophone pour les Cannabinoïdes en Médecine) qui organise depuis 2014 des colloques scientifiques à Strasbourg et Paris pour favoriser le partage des avancées mondiales sur le cannabis médical et j’ai fondé le laboratoire pharmaceutique LaFLeur spécialisé dans le cannabis médical. Aujourd’hui nous avons un ancrage historique en région parisienne et sommes implanté à Angers, la capitale du végétal spécialisé au cœur du campus du végétal.

Propos recueillis par Julio Rémila en juin 2022

* Pour que le remboursement du cannabis thérapeutique soit inscrit au PLFSS 2024, les 300 000 patients en souffrance ont besoin de vous afin que le médicament vert ait une chance d’être pris en charge par la sécurité sociale et donc prescrit. 

Agissez pour que le cannabis à visée médicale soit enfin accessible en France en cliquant sur ce lien.

Panakeia, le chanvre CBG sans THC à l’état naturel

//

Développée en France par Cannaveyron, Panakeia est la première variété de chanvre CBG naturellement dépourvue de THC et de CBD. Zeweed a rencontré Yohan Varin, l’homme derrière cette petite révolution du chanvre bien-être.

Tout commence en 2017 lorsque Yohan plante ses premières graines de chanvre dans le Parc Naturel Régional du Quercy. Très vite, il comprend que si les producteurs français ne se regroupent pas pour s’entraider et mutualiser leurs coûts, ils risquent fort de se faire dévorer par les grandes industries qui lorgnent sur un marché européen estimé à 1.3 milliards d’euros en 2023

Fort de ce constat, Yohan Varin co-fonde avec François-Guillaume Piotrowski et Charles Morrel l’AFPC (Association Française des Producteurs de Cannabinoïdes). A ce jour, le syndicat qui s’est donné pour mission de « promouvoir un CBD français de qualité dans l’intérêt des producteurs, des revendeurs et des consommateurs » compte près de 200 adhérents.

Des premières graines plantées dans le Quercy il y a 6 ans…

En automne 2020, Yohan crée, avec Daniel Sournac et Hassan Benahmed, la marque Frenchcbdreams /Cannaveyron.
En 2021 la start-up cannabique produira plus d’une demie tonne de chanvre CBD premium. Car contrairement à nombre de ses concurrents, Yohan pratique une extraction mécanique du THC, sans l’utilisation du moindre solvant.

Mais la vraie révolution proposée par Cannaveyron est ailleurs.
Depuis quelques mois, Yohan et ses deux associés cultivent du chanvre cannabigérol (CBG) garanti sans THC à l’état naturel. Une grande première pour la filière française.

… A la co-création d’un syndicat qui regroupe plus de 250 adhérents.

Baptisée Panakeia, cette petite merveille de la botanique moderne affiche un taux de CBG de 18% pour 0% de THC. Un exploit rendu possible grâce aux travaux en génétique agricole de la société espagnole Hemp Trading.

Dans l’état actuel de la législation française, qui ne permet pas d’extraire les composants du cannabis en France, la Panakeia se pose comme la solution rêvée pour proposer aux consommateurs un produit propre, riche en principes actifs et on ne peut plus légal.

Au delà du marché du chanvre bien-être, c’est aussi le marché du cannabis à visée médicale que Yohan compte pénétrer avec la Panakeia. Tout comme le THC ou le CBD, le CBG possède de nombreuses propriétés thérapeutiques à même de soulager les patients atteints de glaucome, de la maladie de Parkinson, d’Alzheimer ou encore de la maladie de Crohn. Le CBG est aussi reconnu pour ses propriétés anti-inflammatoires, anti-bactériennes, antibiotiques et antispasmodiques.

La Panakeia : une tête bien faite, née pour être en tête des ventes de fleurs CBG

18% de CBG et aucune trace de THC à la récolte

Cerise sur la sommité florale: la Panakeia offre de très bons rendements et garantie des productions sans pertes. Pour l’instant, la législation oblige les cultivateurs à détruire leur récolte dès lors qu’elle présente un taux de THC supérieur à 0,3 % en produit fini, soit à peu près 1% de THC en produit brut. La Panakeia étant naturellement dépourvue de THC, les coûts d’exploitation s’en trouvent largement réduits. Les trois associés en cultivent à ce jour 700 pieds.
Avec une approche globale (recherche, éducation, marketing, distribution, juridique) et durable, Frenchcbdreams a tout pour devenir un modèle vertueux du chanvre bien-être.

Commandes et informations: le site de Cannaveyron/Frenchcbdreams est accessible via ce lien

Samuel Botton, le gourou de la green communication.

//

Samuel Botton, 30 ans, spécialiste en relations publiques et communication de crise affiche dix ans d’expérience dans le milieu des médias et du conseil. Après avoir fait ses armes dans de grandes agences et institutions, il aspire à devenir « le communicant préféré de la matière communicante préférée ».

Julio Rémila : Depuis combien de temps as-tu ouvert cette agence ? Quelle est ta clientèle ?
Samuel Botton : STEP Conseil existe depuis un peu plus d’un an. On accompagne différentes typologies de clients. Ça peut aller des fonds d’investissements à des artistes, des sportifs et bien entendu Phytocann, l’un des plus gros producteurs de CBD en Europe.

Tu travailles avec beaucoup d’acteurs de la filière chanvre bien-être, un hasard ou un choix ?
Un heureux hasard je dirais. Je voyais monter la tendance du CBD depuis quelques années déjà. J’avais été démarché par plusieurs marques avant Phytocann, mais j’ai systématiquement décliné dans la mesure où on me demandait de faire de la « communication produit ». J’avais besoin d’une mission avec du sens et des axes de pédagogie à mettre en place. Puis Alexandre Lacarré, le PDG de Phytocann, m’appelle par le biais d’une connaissance commune et me met au défi.

« Là, j’ai 10 000m2 de plantations et un boss aussi fou que moi pour m’amuser »

Depuis, on ne s’est plus lâché. Encore aujourd’hui, beaucoup d’acteurs me contactent mais je fonctionne à la loyauté et à l’affect. Et puis soyons honnêtes, aucune structure ne peut s’aligner sur Phytocann en termes de champs des possibles. Quand en quelques semaines seulement, tu sors du BFM Business, l’AFP, L’Express, Quotidien, Le Figaro, des couvertures de magazines… C’est qu’il y a un truc. Et faire du conseil pour des boutiques, ça ne me fait pas vibrer. Là, j’ai 10 000m2 de plantations et un boss aussi fou que moi pour m’amuser. La campagne RP de Phytocann, on m’en parle plusieurs fois par semaine depuis plus de six mois (rires).

Penses-tu être un militant ? 
Je ne sais pas… Disons que je m’acquitte de ma mission avec le plus grand sérieux et la détermination qui me caractérise. Je monte au créneau quand c’est nécessaire et que l’industrie du CBD vit des moments troubles. Est-ce que je suis pour les légalisations des fleurs de CBD et de THC ? Evidemment. Nous sommes sur une vraie problématique économique et de santé publique. J’essaye de contribuer à ma modeste mesure. Pas toujours avec finesse, il est vrai, mais au moins on rigole bien, on choque et on éveille les consciences.

Est-ce des personnalités compliquées à gérer ?  
C’est beaucoup plus facile aujourd’hui que quand j’avais 23 ans. Maintenant, j’ai beaucoup plus d’assurance, d’expérience et de maîtrise. Et puis surtout je peux me permettre de dire non à qui je veux et quand je veux. Sans état d’âme. Forcément il y a des personnalités plus complexes à gérer que d’autres, mais tous et toutes savent qu’il y a une limite à ne pas franchir. Je n’ai pas monté STEP Conseil pour ressembler aux autres agences de com’ qui disent oui à tout et n’importe quoi juste pour sécuriser un budget. Il en va également de ma réputation et de celle de STEP Conseil. J’accorde énormément d’importance au bouche à oreille et à la parole que je donne à mes partenaires et clients.

Ton meilleur et ton pire souvenir avec ces clients ? 
Le meilleur souvenir avec Phytocann et Alex Lacarré c’est la couverture de Technikart. Je pensais pas qu’il jouerait autant le jeu sur le shooting photo.

Alexandre Lacarré lors du shooting photo pour la couverture du magazine Technikart

Pour les mauvais souvenirs, il n’y en a pas. Certaines journées sont plus difficiles que d’autres. Il y a parfois des situations à gérer en urgence, sous pression, mais en définitive, c’est aussi pour cela que je fais ce job.

« au moins on rigole bien, on choque et on éveille les consciences »

Qui rêves-tu d’avoir dans ton escarcelle ?
En toute franchise, j’estime avoir fait le tour de la question sur le CBD et le cannabis, je suis très bien avec Alexandre Lacarré et Phytocann. Quand tu joues au Real Madrid, que tu es une référence dans ton secteur, tu n’as pas envie de te retrouver dans un club de seconde zone comme le PSG. Et bien c’est pareil pour l’industrie du CBD. Après, dans d’autres secteurs, j’aimerais bien retrouver le milieu du sport ou travailler de nouveau avec une belle licorne française. Pour le reste je suis ouvert aux belles rencontres. Tant qu’il y a du sens, il y aura un sujet.

Tes conseils pour un débutant ?  
Du travail tout simplement. Même après 10 ans dans le milieu, je continue d’apprendre chaque jour. Ne pas avoir peur de se prendre des portes. C’est l’essence même de nos métiers. Nous exerçons une discipline, dans la com’ j’entends, qui demande une gymnastique quotidienne de l’esprit et une capacité de synthèse. À saupoudrer de bon sens et d’esprit logique évidemment.

Ton actualité ? 
En dehors du CBD, STEP Conseil est engagé sur différentes causes en faveur de l’intégration des personnes autistes en milieu professionnel ainsi que l’accès aux soins pour des personnes handicapées. C’est un combat complexe, long et difficile avec lequel je vis depuis bientôt 4 ans. J’essaye d’y apporter une modeste contribution car c’est une cause qui me touche. Pour le reste, j’accompagne actuellement plus d’une dizaine de clients de manière récurrente chaque mois et j’ai toujours 4 ou 5 missions ponctuelles en roulement sur du one-shot. Artistes, fonds d’investissements, syndicats professionnels, société à impact, entreprises d’avenir … les sujets ne manquent pas !

« Ça me fait rire de voir que certains, à des postes de dir’com’, pensent que l’argent résout tous les problèmes et qu’il suffit de payer pour qu’on parle de toi. »

Et demain ? 
On prépare plein de surprises pour les mois à venir avec Phytocann. Nous avons déjà annoncé une collab avec l’artiste Vincent Faudemer sur la marque Ivory. L’alliance du CBD, de l’art et du WEB.3. Et nous travaillons sur une nouvelle collab avec l’un des plus gros noms de la scène française … Mais je laisserai le soin à Alexandre-Henri Lacarré de vous en parler le moment venu.

Une anecdote à partager avec Zeweed ? 
Une anecdote… La semaine dernière, je faisais la tournée des rédactions par téléphone sur le sujet CBD. Sur les 9 journalistes que j’ai eu au téléphone, 3 d’entre eux m’ont dit avoir été contactés par mes concurrents pour obtenir « le même sujet que Phytocann » en avançant le fait qu’ils étaient « prêts à payer ce qu’il fallait ». Ça me fait rire de voir que certains, à des postes de dir’com’, pensent que l’argent résout tous les problèmes et qu’il suffit de payer pour qu’on parle de toi. C’est bien une logique de responsable marketing ça (rires). Je le vois aussi comme une belle reconnaissance du travail accompli. Tout le monde nous voit, veut être à notre place, mais personne ne sait comment faire. Je trouve ça rigolo

Propos recueillis par Julio Rémila.
1 2 3