Alors que le remake du second tour 2017 Emmanuel Macron vs Marine Le Pen se profile sur fond d’enchère sécuritaire, Zeweed a retrouvé une interview de la députée LREM Caroline Janvier* qui en juin dernier**, nous disait voir Emmanuel Macron proposer un référendum sur la question s’il était élu. Après avoir largement dragué l’électorat de droite, le Président sortant tentera-t-il un coup de filet électorale chez les jeunes gauches en promettant une consultation nationale sur la question cannabique?
Dans le paysage politique français, vous faites partie des parlementaires qui souhaitent la légalisation du cannabis, quitte à être en désaccord avec la ligne de l’actuel gouvernement. Qu’est-ce qui vous a poussé à mener ce combat?
Ce qui m’a poussé à m’investir sur ce sujet sensible, alors que c’est mon premier mandat d’élue, c’est le constat d’échec de la politique répressive menée depuis 1970. Alors que nous avons les dispositions légales les plus coercitives d’Europe, la France continue d’y afficher la plus grande proportion de consommateurs de cannabis. Pendant 50 ans, les gouvernements successifs ont approché la question de manière idéologique et morale, privilégiant l’interdiction à l’efficacité, le jugement de valeur aux enjeux de santé publique. A cette forme d’entêtement basée sur des préjugés, une nouvelle approche s’impose.
“en 2022, du coté de En Marche (…) nous aurons des évolutions”
51% des français sont favorables à la dépénalisation et pourtant le gouvernement campe sur la position prohibitionniste. Cela veut-il dire que la légalisation est impensable jusqu’en 2022? Ou sous une second mandat d’Emmanuel Macron?
Elle n’est pas impensable mais elle n’est pas prévue, ça me paraît très peu probable durant ce mandat. En revanche en 2022 (pour les élections présidentielles NDLR), du coté de En Marche comme dans d’autres formations politiques, je pense que cela fera parti des sujets incontournables lors des élections présidentielles. Nous aurons à ce moment-là des évolutions, ou en tous cas une approche qui sera moins dogmatique et moins dans la posture partisane.
Cela veut-il dire que le candidat Emmanuel Macron pourrait à ce moment là porter la légalisation, à l’instar de Justin Trudeau au Canada en 2018?
Oui, je vois bien Emmanuel Macron, le candidat, porter la légalisation du cannabis et proposer aux français choisir, sous forme d’un référendum, d’une convention ou d’un débat publique. Je pense que cela fait parti des possibles et j’y travaille ardemment. Je viens d’écrire un livre sur le sujet cannabis qui va sortir dans les prochains jours et qui est publié par Point d’Orgue, qui est une maison d’édition rattachée au mouvement En Marche… Tout ça pour vous dire qu’au sein du mouvement En Marche, il y a une vraie réflexion là-dessus, avec par exemple “Les Jeunes avec Macron” qui sont favorables à la légalisation. C’est un sujet sur lequel il y a des débats et une réflexion.
“laisser les français choisir, sous forme d’un référendum”
Cette légalisation, comment la concevez-vous? Ouverte et vecteur d’intégration comme l’imagine Eric Coquerel (député LFI) ou sous monopole d’Etat comme le souhaite François-Michel Lambert (député vert LT) ?
Je conçois une légalisation ouverte au privé, mais responsable. On a vu qu’en Uruguay ou au Québec, il y a une forme d’échec de l’offre entièrement publique dans la mesure où cette offre n’est pas assez concurrentielle pour parvenir à assécher le marché noir.
Je crois qu’il faudrait qu’il y ait une régulation de l’Etat sur la production, la transformation et la distribution du cannabis, mais avec une forme d’efficacité. S’il y a trop de normes et de taxes, le consommateur continuera à se tourner vers le marché noir et les grands acteurs privés du cannabis légal ne se lanceront pas. Il nous faut développer une filière française, un filière d’excellence proposant une offre variée. Il s’agit de trouver une position intermédiaire entre quelque chose de trop ferme et restreint comme au Québec ou en Uruguay, et une légalisation débridée comme c’est le cas au Colorado, où il y a une approche marketing et commerciale ne permettant pas d’atteindre les objectifs de santé publique. Il faut éviter l’incitation et à mon sens la commercialisation de produits comestibles au THC et de concentrés.
Ce serait une légalisation à l’image du modèle Canadien?
Tout à fait. Mis à part le Québec qui est dans un régime de légalisation particulier (Au Québec, la vente se fait exclusivement via des succursales de la SQDC, société d’Etat, NDLR), dans les autres provinces, le commerce du cannabis est assuré dans des dispensaires gérés par des entreprises privés, mais avec des licences et un cahier des charges très strict en matière de santé publique. Et les résultats sont là puisque le pays affiche une baisse de la consommation chez les mineurs. Le modèle Canadien est à ce titre intéressant.
“Dépénaliser (…) c’est du laxisme”
En Italie, l’auto-culture est dépénalisée dans une certaine limite. Est-ce que dépénaliser l’auto-culture ou le cannabis peut être un premier pas vers la légalisation?
Je ne suis pas pour les demi-mesures. Je pense que nous en sommes arrivés à un stade où la question doit être abordée de façon globale. Dépénaliser l’auto-culture ou le cannabis ne résoudrait pas les problèmes de contrôle de la qualité ou celui du marché illégal. On le voit au Portugal qui a dépénalisé: les réseaux criminels continuent de prospérer. Ce serait à mon sens faire preuve de laxisme. Il faut un cadre ferme et respecté: au Canada par exemple, la vente de cannabis à un mineur est passible de 14 ans de prison.
J’aimerais que l’on ait une politique très ferme envers les vrais risques: interdire la consommation aux moins de 21 ans, la résine trop forte ou coupée, ainsi que les concentrés ou le cannabis de synthèse.
Et vous, ce cannabis que l’on dit récréatif, vous l’avez expérimenté?
Oui, comme un français sur deux, mais bien avant mon mandat (rires).
*Caroline Janvier et députée LREM du Loiret et rapporteuse de la mission d’information sur le cannabis (MIC)
**Interview réalisée le 22 juin 2021
Propos recueillis par Alexis pour Zeweed