Jean Baptiste Moreau creuse le sillon de la légalisation

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Jean Baptiste Moreau fait parti des élus LREM qui se sont ouvertement prononcés pour une fin d’interdiction de l’herbe, quitte à froisser la ligne prohibitionniste du gouvernement et du candidat Macron qui se dit “défavorable à la légalisation”  Dans un entretien accordé à Zeweed*, le député et rapporteur de la mission d’information sur le cannabis nous confiait pourtant que la légalisation du cannabis serait au programme du candidat à la présidentielle 2022. Faudra-t-il attendre les législatives pour que l’ex et futur locataire de l’Elysée (s’il est élu) tienne promesse? Il y a un an, le député de la Creuse y croyait en tout cas.

Jean-Baptiste Moreau doit aimer l’herbe. Quand il ne s’occupe pas de celle que vont brouter quotidiennement les 300 vaches de son exploitation agricole, c’est de celle que fument les français dont il se mêle, en soutenant la légalisation du cannabis. Membre de La République En Marche dont il est porte-parole depuis 2019, Jean Baptiste Moreau est député de la Creuse depuis 2017. A contre-courant de la politique du gouvernement, il recommande en mai dernier la fin de la prohibition sur la cannabis à l’occasion de la remise du rapport de la mission d’information sur le cannabis (MIC).
Sa pugnacité et celle d’autre rapporteurs LREM de la MIC comme la députée du Loiret Caroline Janvier aura payé, puisqu’un référendum sur la légalisation serait au programme électoral d’Emmanuel Macron  pour les élections présidentielles de 2022. L’élu creusois nous a accordé un entretien téléphonique depuis sa voiture, garé sur une aire d’autoroute de son département.

Quel regard porter sur 50 ans de prohibition?
Celui d’un échec total. Malgré la prohibition, la consommation n’a cessé d’augmenter en France. A tel point que nous sommes le plus gros consommateur de cannabis d’Europe, avec une des politiques les plus répressives. On voit bien que cette gestion, qui aboutit à un million de consommateurs réguliers dans l’hexagone, ne fonctionne pas. Ca me rappelle la prohibition de l’alcool aux USA de 1929 à 1933, à laquelle Roosevelt a judicieusement mis un terme.
La prohibition ne peut pas fonctionner pour des consommations de masse comme l’alcool ou le cannabis.

“La prohibition ne peut pas fonctionner pour des consommations de masse comme l’alcool ou le cannabis”.

La Mission d’Information Parlementaire sur le Cannabis (MIC), dont vous êtes rapporteur, a rendu son rapport qui recommande entre autre la légalisation du cannabis récréatif. Pourtant, le gouvernement continu de camper sur des positions prohibitionnistes : Tout ça pour ça?
Effectivement, c’est un peu frustrant. Après, nous verrons si le temps donne raison à nos recommandations. Pour moi, qui ai suivi une formation scientifique, je pars du principe que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Nous avons mené une politique de prohibition sans aucun succès durant 50 ans. Je ne vois pas pourquoi cette même politique fonctionnerait aujourd’hui ou dans les 20 prochaines années. Ce n’est pas en multipliant les effectifs de police que l’on va éradiquer le marché illégal. Un commissaire haut gradé de la brigade des stupéfiants me confiait récemment le coté illusoire et vain de cette lutte contre le deal: quand une opération est menée, avec tout ce que cela suppose en mobilisation d’effectifs et de moyens, trois autre points de vente apparaissent le lendemain. On sait le caractère inefficace de la prohibition, mais on continu à s’entêter dans cette voie.

“Nous avons mené une politique de prohibition
sans aucun succès durant 50 ans.
Je pars du principe que les mêmes causes
produisent les mêmes effets”.

Quel est le point de blocage qui empêche la France d’aborder le problème comme l’on fait le Canada, les USA et une grande partie des pays membres de la communauté Européenne qui ont assouplit leur législation ?
Je pense que nous sommes restés dans une position trop dogmatique sur le sujet, et que les ministres concernés par ce dossier ignorent tout bonnement la question pour des raisons personnelles. En exemple, le premier ministre, qui est en charge de la réécriture de l’arrêt de 1990 (qui encadre les dispositions entourant la vente de chanvre bien-être NDLR) n’a même pas lu notre rapport sur la question CBD, fruit de deux ans de travail. Autant dire que ce n’est pas très engageant pour ouvrir un dialogue.
Encore une fois, les à-priori et positions dogmatiques tuent dans l’oeuf toute discussion. Quand je constate que certains membres du gouvernement  font encore la confusion entre CBD et THC… je ne peux que regretter que les travaux de la MIC n’ai même pas été gratifiés d’une lecture. C’est dommage, ça aurait contribué à grandement clarifier le débat.

“Certains membres du gouvernement
  font encore la confusion entre CBD et THC”

De fait, nous sommes encore dans la caricature,  quand j’entend par exemple certains ministres opposer à la légalisation le danger de l’escalade vers des drogues dites dures. C’est tout le contraire! C’est justement parce qu’aujourd’hui, le dealer a tout intérêt à vendre autre chose que du cannabis qu’il propose des drogues addictives et dangereuses, son intérêt étant d’accrocher le client.
Or, une des idées force de la légalisation est de couper du marché noir les consommateurs de cannabis!

Jean-Baptiste Moreau, la légalisation, il y croit dur comme vert.

La député LREM Caroline Janvier nous confiait dans un récente interview qu’un référendum sur la légalisation serait très vraisemblablement au programme d’Emmanuel Macron pour les présidentielles de 2022. Vous y croyez?
Oui, j’y crois. A l’image de ce qu’a fait Justin Trudeau au Canada (qui a légalisé le cannabis récréatifs quelques semaines après son élection en 2018 NDLR).
J’y crois parce que les positions du président sur la question, sauf dernièrement, ont toujours été mesurées. Il n’a pas de certitudes sur le sujet, et à ce titre, je crois en la capacité du LREM à en faire un des axes de sa campagne présidentielle.
Dans ce cadre-là, un référendum sur la légalisation du cannabis me paraît très probable.
D’ailleurs, il en a parlé récemment, de cette volonté d’organiser un débat autour de cette question.

“Dans le cadre de la campagne présidentielle (…)
Un référendum sur la légalisation du cannabis me paraît très probable”.

Ce serait pour quand, ce référendum, si Emmanuel Macron venait à être réélu?
Pour le premier semestre suivant l’élection. Encore une fois , à l’image de ce qu’a fait le premier ministre canadien Justin Trudeau, ce genre de décision s’impose en tout début de mandat, sinon, ça n’a pas de sens.

Et cette légalisation, justement, vous la voyez comment? Entièrement régie par l’Etat, comme l’imagine François-Michel Lambert, ou plus ouverte comme la conçoivent Caroline Janvier ou Eric Coquerel?
Je suis pour que l’Etat joue un rôle de régulation et de contrôle. Le but n’est pas de suivre un modèle type Colorado où c’est du tout-business avec de la publicité pour encourager à consommer ce qui reste tout de même une drogue. L’idée est de faire baisser la consommation, pas de l’inciter. Il m’apparaît important que l’Etat contrôle la distribution et la qualité des produits mis en vente. Je suis pour un commerce du cannabis sous contrôle de l’Etat et non pas fait par l’Etat. On voit bien que quand la production, la transformation et la distribution sont entièrement régies par l’Etat, comme en Uruguay, les résultats ne suivent pas:  le marché noir subsiste.

“Au Canada on voit que ça marche,
la consommation de cannabis chez les mineurs
est en baisse dans tout le pays”

Un modèle à la canadienne, le Québec** mis à part?
Oui, au Canada on voit que ça marche;  la consommation de cannabis chez les mineurs est en baisse dans tout le pays ainsi que la consommation de bière, avec des profits substantiels enregistrés dans les caisses de l’Etat. Après, il faut que cet argent dégagé sur les ventes de cannabis serve à mener des campagnes d’information et de prévention dans les écoles et quartiers sensibles. Il s’agit de créer un cercle vertueux.

Sur le récréatif, vous croyez à une filière française?
Pas en intégralité: les filières d’approvisionnement qui existent, il va falloir les traiter d’une façon ou d’une autre en les intégrant légalement au marché.  Bien entendu en contrôlant la qualité et le mode de production des produits importés. Sur cet axe, je pense notamment au Maroc. Nous avons des atouts pour proposer des produits de qualité, mais ne compter que sur la filière française pour alimenter ce marché me paraît peu réaliste.

Et vous, vous l’avez expérimenté ce cannabis récréatif?
Ca fait quelques années maintenant, mais oui, j’ai essayé. Quand on est jeune, on essaye des choses..  et lors de fêtes, ça m’est arrivé d’en consommer. A titre personnel, je n’en garde pas un souvenir impérissable: ça me donnait mal à la tête (rires)

*Interview réalisée en juillet 2021
**Au Québec, c’est le gouvernement de la province qui assure la production et la vente de cannabis dans des dispensaires d’Etat gérés par la SQDC.

 

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Journaliste, peintre et musicien, Kira Moon est un homme curieux de toutes choses. Un penchant pour la découverte qui l'a emmené à travailler à Los Angeles et Londres. Revenu en France, l'oiseau à plumes bien trempées s'est posé sur la branche Zeweed en 2018. Il en est aujourd'hui le rédacteur en chef.

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