Bousculer les règles est pour Jean Moiroud une seconde nature. En témoigne la cause qu’il défend ; faire reconnaître la vape comme un outil de santé par les pouvoirs publiques. Zeweed a rencontré le président de la Fédération Interprofessionnelle de la vape (FIVAPE) pour faire le point sur la plus saine des façons de fumer, que ce soit du tabac ou du CBD.
Bonjour, qui êtes-vous et que faites-vous?
Je suis Jean Moiroud et je préside la Fédération Interprofessionnelle de la vape (Fivape) depuis 2016. Je suis également fabricant d’e-liquide depuis 2012.
Quel est le rôle de la FIVAPE et depuis quand existe-t-elle?
Nous unissons et représentons l’ensemble de la filière française des produits du vapotage, des fabricants aux distributeurs, avec la particularité d’être totalement indépendants de l’industrie du tabac. Nous nous adressons aux responsables publics, politiques et médiatiques. Notre mission est de faire en sorte que la vape ait sa place qu’elle mérite dans les politiques de santé publique.
Quant à sa création, cela fait maintenant 8 ans que la FIVAPE existe. Elle a été fondée en 2014 à la suite de l’adoption, au niveau européen, de la Directive sur les Produits du Tabac, qui encadre encore aujourd’hui les produits du vapotage.
“le vapotage est depuis plusieurs années l’outil préféré des français pour quitter le tabac”
Quels sont les moyens d’action de la FIVAPE ?
Nos actions sont financées uniquement par les cotisations de nos adhérents, qui souhaitent défendre leurs produits et leur secteur d’activité. En France, nous avons la chance de pouvoir compter sur une filière unie et engagée avec plus de 700 entités commerciales, le syndicat le plus représentatif d’Europe sur les métiers de la vape.
Nous sommes toutefois contraints d’agir dans un cadre limité : la publicité et la propagande pour les produits du vapotage est prohibée. Nos actions sont moins ostensibles : convaincre les responsables publics et politiques de l’utilité du vapotage, être l’interlocuteur de référence auprès des médias sur ce sujet, produire du contenu prospectif et scientifique à destination des autorités de santé, etc…
Comment abordez-vous la vape de CBD ?
Les produits de vapotage au CBD ont fait leur apparition très tôt. Au-delà des aspects économiques, au niveau de la filière (celui de la Fivape), la question centrale autour du CBD a été de se demander si cette molécule avait un intérêt pour aider nos clients à arrêter de fumer. C’est ainsi que de nombreux produits du vapotage au CBD ont trouvé assez naturellement leur place dans les boutiques spécialisées.
Certaines entreprises de la vape sont d’ailleurs aujourd’hui très actives dans la filière CBD et produisent des cosmétiques aux produits comestibles. Notre principale retenue concerne les fleurs. C’est une présentation qui est destinée à être consommée fumée, et ça, c’est clairement contraire à notre engagement en réduction des risques.
La vape de CBD peut-elle représenter un enjeu économique de taille?
Pour les professionnels de la vape, toute molécule qui présente potentiellement ou de façon avérée un intérêt quant à l’arrêt du tabac ou de la combustion au sens large, doit être appréhendée. D’abord d’un point de vue sanitaire, ensuite si le potentiel économique est là, c’est encore mieux.
La construction de notre identité de filière et de notre respectabilité s’est faite progressivement et au prix d’efforts considérables. Nous devons rester prudents face aux innovations, tout en conservant l’ouverture d’esprit et le pragmatisme qui caractérise les professionnels de la réduction de risques.
“l’objectif sanitaire doit être d’arrêter la combustion”
Au même titre que pour la cigarette, la vape de CBD peut-elle être une alternative pour les fumeurs de cannabis ?
Oui, très clairement. Mais nous préférons parler de solution d’aide à l’arrêt de la combustion. Le cannabis est historiquement consommé avec du tabac en France. C’est une spécificité européenne qui a des conséquences dramatiques en termes de santé publique. L’addiction supplémentaire du tabac crée une toute autre catégorie de fumeurs – les fumeurs de joints – qui s’ignore bien souvent en tant que telle et échappe aux circuits de prévention et de prise en charge des addictions au tabac.
Je profite de cet espace pour le redire : les fumeurs de joints sont des fumeurs.
Pour nous professionnels de la vape, c’est un vrai sujet à traiter “au comptoir”, face à des clients qui veulent adopter une cigarette électronique pour arrêter le tabac mais pas les “joints du soir”. Nous nous devons de les reconnaître et de leur proposer des solutions. La réduction du risque la plus intéressante vient de l’arrêt total de la combustion. Pour un fumeur de cigarette comme pour un fumeur exclusif de joints avec du tabac ou un poly-consommateur, l’objectif sanitaire doit être d’arrêter la combustion.
A ce titre, les produits au CBD apparaissent comme très complémentaires de nos solutions de délivrance de la nicotine. L’apport du CBD et plus encore celui d’un spectre large de cannabinoïdes permet de conduire les fumeurs de joints vers un arrêt total de la combustion tout en satisfaisant une large partie de leurs besoins.
Quels sont les avantages de la vape de CBD ?
Ils sont identiques à ceux d’un arrêt du tabac avec la vape : une réduction du risque à plus de 95%. Pour le corps, arrêter la combustion et passer à la vape c’est comme arrêter totalement… et avec les effets que cela entraîne ! Retrouver l’odorat, le goût et le souffle et se sentir mieux au quotidien sont les bénéfices “classiques” de l’arrêt, mais ça ne fait jamais de mal de les rappeler.
Le succès des fleurs de CBD est un marqueur générationnel important : il répond à un besoin de changement chez beaucoup de fumeurs. Je suis né dans les années 80 et j’ai de nombreux amis qui y ont vu une façon de se distancier de leur consommation historique de cannabis. Le besoin d’arrêt est là, il faut juste l’accompagner. Pour nous le CBD peut parfaitement y répondre… mais pas sous toutes ses formes !
“Il reste plus de 15 millions de fumeurs dans notre pays (…) ce sont autant de clients à convaincre”
Après un départ fulgurant, le marché est-il toujours aussi dynamique?
Oui, les boutiques de vape font partie du paysage urbain et le marché reste dynamique. Les boutiques de vape ont été reconnues comme essentielles pendant les confinements, ce qui est une reconnaissance de leur utilité sociale. On en compte aujourd’hui plus de 3000 et les ouvertures continuent, mais plus lentement. Il reste plus de 15 millions de fumeurs dans notre pays. C’est considérable par rapport à nos voisins européens, mais pour la vape ce sont autant de clients à convaincre. C’est un business sérieux, exercé par plus de 15 000 personnes en France, et je peux vous dire que les témoignages d’ex-fumeurs libérés du tabac grâce à la vape, il n’y a pas mieux pour avoir envie de se lever le matin !
“Je n’ai pas honte de dire qu’en 2022, fumer de l’herbe est ringard”
“Je trouverais dommage de rater le virage d’une légalisation intelligente, qui coche à la fois les cases du progrès sociétal et sanitaire”
La vape et le chanvre bien-être, même combat ?
Il existe énormément de convergences entre les combats pour le CBD et ceux de la vape. Nos crédos sont très similaires : acceptation sociale des produits que nous défendons, ancrage fort avec l’univers de la réduction des risques, correction des fausses perceptions auprès du grand public et des pouvoirs publics, progrès sociétal, etc… Mais selon moi, l’intersection sur laquelle nos deux univers devront se retrouver à un moment, c’est celle de la santé et de l’arrêt de la combustion.
Il faut être à l’avant-garde de son combat. Je n’ai pas honte de dire qu’en 2022, fumer de l’herbe est ringard et cancérigène.
Par contre, pouvoir librement acheter un vape-pen qui produira les mêmes effets en 2 bouffées, tout en ayant un impact insignifiant sur la santé, ça c’est un vrai progrès. A ce titre, je trouverais dommage de rater le virage d’une légalisation intelligente, qui coche à la fois les cases du progrès sociétal et sanitaire.
Un scoop pour Zeweed?
Pour faire entendre les demandes de notre filière, nous sommes en train de finaliser un livre blanc qui récapitule nos 10 principales propositions. Produire des contenus utiles, faire avancer la réflexion sur la réduction des risques : une mission qui continue !