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Charles Morel, avocat à la barre du CBD en France

Il y a trois semaines, plusieurs acteurs du commerce de chanvre bien-être ont décidé de créer l’Union des Professionels du CBD. Objectif affiché du syndicat: faire front face à la politique répressive du gouvernement et assurer l’avenir de la filière cannabidiol en France. Zeweed a rencontré son président, l’avocat pénaliste Charles Morel pour discuter droit européen, Mildeca* et futur du CBD dans l’hexagone.

Comment est venue l’idée de créer l’Union des Professionnels du CBD (UPCBD) ?
D’un élan de plusieurs acteurs du CBD en France. En pleine croissance, le commerce de CBD continu d’évoluer dans un cadre juridique et administratif  peu sécurisant, avec des saisies, des fermetures et des poursuites …  mêmes si elles se terminent désormais par des relaxes. Pour autant, ces procédures s’avèrent très coûteuses, alors que les professionnels du CBD souhaitent simplement proposer une alternative non addictive et naturelle aux traitements médicamenteux classiques. C’est en partant de ces deux constats qu’est venue l’idée de fonder ce syndicat. Lors de sa création, j’ai été contacté par l’un des fondateurs pour présider l’UPCBD.

Le 23 juin, la cour de cassation a estimé que l’on ne pouvait “interdire la commercialisation du CBD dans un État membre”. Comment analysez-vous cette décision? Comme une bonne nouvelle à l’instar de Yann Bisiou?
C’est la confirmation que le droit est de notre côté. Certains, comme Renaud Caulson (spécialiste des drogues et professeur de Droit à l’université de Nantes ; N.D.L.R), y verraient même la porte ouverte à la création d’une filière agricole française du chanvre et de l’extraction du CBD. C’est d’ailleurs ce que l’on espère, créer cette filière française qui va couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur, de la production jusqu’à la vente.

“Aucun argument ne légitime l’option répressive quand tant de lois la discréditent”

Qu’est-ce qui empêche l’essor de la filière chanvre française?
Nous avons récemment eu une réunion avec le conseiller à l’industrie de Matignon puis avec la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). On a le sentiment qu’ils sont surtout soucieux de lutter contre les stupéfiants et le THC, considérant qu’aujourd’hui l’État ne dispose pas de tests permettant de faire la distinction entre CBD et THC. De plus, en contradiction avec l’arrêt de la Cour de cassation du 23 juin dernier, ils semblent plutôt vouloir interdire la fleur européenne que de mettre à profit l’obligation de mise en conformité pour autoriser la production nationale de sommités florales aux fins d’extraction du CBD. Si telle est leur intention, elle est vouée à l’échec. Nous serons aux côtés de l’État pour une régulation pragmatique mais s’il compte jouer contre son camp, contre une génération d’entrepreneurs et d’usagers qui plébiscitent le CBD, nous lutterons sur tous les terrains. Aucun argument ne légitime l’option répressive quand tant de lois la discréditent.

“Nous serons aux côtés de l’État pour une régulation pragmatique mais s’il compte jouer contre  (…) nous lutterons sur tous les terrains.”

Vous avez été bien reçus reçus par Matignon et la Mildeca ?
Concernant Matignon, il s’agissait plutôt de prendre date. Mais je n’ai pas perçu de mépris. Avec la Mildeca, on sentait que la balance entre une régulation libérale et pragmatique et une position répressive par tradition et idéologie, on penchait vers la seconde option. Cette ligne Maginot n’arrêtera rien, ou durant peu de temps. La libéralisation de la production et de la commercialisation du CBD, y compris sous forme de fleur, va dans le sens de l’histoire. Il suffit de voir toutes les boutiques qui s’ouvrent tous les jours. On ne peut arrêter un tsunami. Au demeurant, lutter contre le commerce du CBD revient à travailler en faveur du THC. Un commerçant m’a même raconté que c’est un dealer de shit qui a appelé la police pour que sa boutique soit perquisitionnée.

“La libéralisation de la production et de la commercialisation du CBD, y compris sous forme de fleur, va dans le sens de l’histoire”

Comment expliquez-vous que la politique répressive ne soit pas remise en cause?
À mon sens, c’est le résultat d’un équilibre gouvernemental qui tourne en faveur du Ministre de l’intérieur. On voit bien quel est son point de vue à ce sujet. Côté justice, on sent qu’il n’a pas une opinion très arrêtée. Rappelons quand même qu’en 2017, Emmanuel Macron s’était engagé à sortir des carcans idéologiques. Dans ce cas, on pouvait s’attendre à ce qu’il ait une approche pragmatique reposant sur des faits établis. Mais pour l’instant, c’est la position idéologique et prohibitionniste qui l’emporte.

“Mais pour l’instant, c’est la position idéologique et prohibitionniste qui l’emporte”

Comment assurer à un usager qu’il ne sera pas arrêté avec du CBD ?
C’est impossible, on dispose de plusieurs histoires où un consommateur se retrouve en garde à vue avec une boîte de CBD encore fermée. Il y a un manque total de formation chez les policiers. De plus, ils se servent d’appareils testeurs qu’il utilisent aussi pour l’analyse de cannabis illégal. Quand vous avez des résidus dans l’appareil, il est normal que le résultat soit faussé. Le vrai problème repose dans le manque de moyens, même si le coût de déploiement de tests et d’analyses permettant de faire la distinction sur tout le territoire est largement inférieur aux bénéfices que la France tirerait d’une filière agricole dédiée au CBD.

Que préconiseriez-vous pour améliorer la réglementation actuelle ?
Pour nous, les choses sont claires. Il faut autoriser la production de chanvre à des fins d’extraction de CBD. Et ce, également pour les plantes et pas uniquement les tiges et les fibres. Ensuite, le taux de THC autorisé doit être établi à 1% dans le produit fini. Cela permet d’assurer le caractère naturel de l’extraction et d’éviter les procédés chimiques et gazeux dégradant la qualité du produit.

Le site de l’Union des Professionnels du CBD est accessible ici.

*La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, anciennement Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, est un organisme français placé sous l’autorité du Premier ministre qui anime et coordonne les actions de l’État en matière de lutte contre les drogues.

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Diplômé de l’ESJ, Vincent s’intéresse de près à nos cultures sous toutes leurs formes. Spécialisé dans les questions de droit internationale et les évolutions sociétales, il collabore régulièrement pour Zeweed sur ces sujets.

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