Volodia Opritchnik

Ancien militaire, passé à l’activisme écologique, Volodia arrose désormais les ennemis du climat à coup d’articles. Créateur de L’Usine à GES, première lettre francophone sur la politique et l’économie du réchauffement, Volodia partage son temps libre entre les dégustation de vins et de cigares. Deux productions qui ne renforcent pas l’effet de serre.

Quand la montée des eaux menace le transport aérien

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Sous l’effet du réchauffement, un nombre croissant d’aéroports risquent de se retrouver les pistes dans l’eau.

S’envoyer en l’air n’est plus donné à tout le monde. Avec une pandémie à rallonge, des frontières qui se ferment les unes après les autres, les Boeing 737 Max qui envoient leurs passagers au ciel éternel, l’aérien traverse la pire crise de son existence.

En 2020, le trafic aérien mondial a chuté de plus de 70% par rapport à l’année précédente. Et les perspectives de retour « au monde d’après » s’éloignent régulièrement. Aéroport de Paris n’envisage plus de reprendre une activité comparable à celle de 2019 avant 2024, voire 2027.

Contraintes carbone

C’est, peut-être, optimiste ? Car, les contraintes carbone vont sensiblement s’alourdir pour le secteur aérien. L’Union européenne va faire participer la totalité des compagnies opérant depuis ses aéroports au marché du carbone communautaire. Dès cette année, les compagnies volontaires pourront commencer à participer au système international de compensation des émissions carbonées du secteur aérien, le Corsia.

A terre, les choses n’iront guère mieux. Du moins, dans certaines régions. Car, sous l’effet du réchauffement, les eaux marines, gonflées de l’eau des glaciers fondus, se dilatent. Le niveau de l’océan monte de plus en plus vite.

Une équipe de chercheurs, dirigée par Aaron Yesudian (université de Newcastle) a évalué l’impact de l’élévation du niveau des mers sur les aéroports côtiers. Les scientifiques ont évalué la vulnérabilité de 14 000 plateformes aéroportuaires. Et certaines sont vraiment très mal placées.

Gros et petits

Dès aujourd’hui, 269 peuvent être envahies par les eaux. A supposer que nous sachions stabiliser le réchauffement à 2 °C, une centaine d’aéroports seraient noyés et près de 400 se retrouveraient fréquemment les pistes dans l’eau. Si nous continuons à rejeter autant de gaz à effet de serre qu’aujourd’hui, près de 600 aéroports seront menacés d’engloutissement.

Dans le lot, on trouve des infrastructures majeures pour le transport aérien mondial, comme Amsterdam Schiphol (70 millions de passagers), Suvarnabhumi, le nouvel aéroport de Bangkok (56 millions de passagers/an), Shanghai Hongqiao (45 millions de passagers), Newark Liberty (33 millions de passagers), La Guardia (31 millions de passagers).

Des régions entières, comme l’ouest de la Chine ou les Antilles, pourrait être fortement pénalisées. Les archipels des Salomon ou des Maldives risquent de se retrouver sans aéroport. Quant au Marco Polo International Airport de Venise … mieux vaudra prendre le train.

La Norvège, future poubelle à carbone de l’Europe.

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Dès 2024, le royaume Danois va proposer aux industriels européens de stocker leur CO2 au fond de la mer. Une autre façon de réduire son empreinte carbone.

Le royaume scandinave est un peu schizo. En 2016, son parlement a fait de la Norvège le premier pays du monde à viser la neutralité carbone. En principe, c’est pour 2030. Pour y parvenir, Oslo compte notamment sur son parc de production d’électricité : le plus décarboné du monde (à 98 % !).
D’un autre côté, la Norvège, il faut bien le dire est un gros réchauffeur de climat. En produisant l’équivalent de 4 millions de barils d’hydrocarbures par jour depuis vingt ans, le pays reste le premier producteur de pétrole d’Europe occidentale. Mais qu’importe, l’or noir et le gaz naturel sont consommés loin des fjords.

Arbres artificiels

Fort heureusement, des solutions existent. Il y a, bien sûr, les arbres artificiels qui absorbent (un peu laborieusement il faut bien le dire) le CO2 superflu de l’atmosphère. Ne riez pas, des expérimentations sont en cours en Suisse et en Islande. D’autres devraient suivre. La Norvège a une autre idée. Depuis deux décennies, son pétrolier national, Equinor, injecte le gaz carbonique de deux installations gazières dans le sous-sol de la mer du nord et de la Baltique. Pourquoi ne pas faire de ses premières industrielles, une nouvelle activité économique ? Pari relevé.

Aurores boréales

Le 15 décembre dernier, le Storting (parlement du royaume) a autorisé le lancement du programme « Aurores boréales ». En collaboration avec les pétroliers Total et Shell, Equinor va proposer aux industriels de l’Europe de stocker leur gaz carbonique dans une structure géologique sous-marine étanche.
Lancé en 2024, le dispositif sera inauguré par une cimenterie et une usine d’incinération de la région d’Oslo. Les deux unités industrielles vont séparer le dioxyde de carbone de leurs effluents gazeux. Le dioxyde de carbone sera chargé sur un bateau citerne spécial. Destination : le port d’Oygarden. De là, il sera siphonné par un gazoduc spécial qui le mènera vers le site d’injection, situé à une centaine de kilomètres de la côte, près du champ gazier Troll.

Aquifère salin

Dans un premier temps, Aurores boréales pourra stocker 1,5 million de tonnes de gaz par an. Mais les géologues espèrent pouvoir accroître sensiblement cette capacité. L’aquifère salin, dans lequel sera injecté les bulles carbonées pourrait, estiment-ils, accueillir une centaine de millions de tonnes de gaz. De quoi intéresser bien des clients.

Concurrence en vue

Ceux-ci auront d’ailleurs l’embarras du choix. Les ports de Rotterdam (Pays-Bas) d’Anvers (Belgique) et le North Sea Port (regroupement des autorités portuaires de Gand, Terneuzen et Vlessingue) vont proposer à leurs clients d’injecter leur CO2 à 3 000 mètres de profondeur au large des côtes néerlandaises.
Les Britanniques ne seront pas en reste. Des énergéticiens proposent le même type de prestations aux industriels de l’énergie et de la chimie du Yorkshire et du nord-est de l’Angleterre. En France, Dunkerque songerait aussi à se lancer dans l’envoi du carbone par le fond.

Le lombricompost: pour une culture de weed saine et bio.

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De plus en plus de cultivateurs fertilisent leurs plantations avec du lombricompost. Une très bonne façon d’alléger l’empreinte environnementale de l’élevage tout en faisant pousser une weed saine et bio 

Le cannabis a beau être une plante robuste, elle a tout de même ses petites exigences agronomiques. La belle ne dédaigne pas la bonne terre, apprécie l’eau la plus neutre possible. Et selon les périodes de sa croissance, sera plus ou moins gourmande en azote, potassium, phosphore, hydrates de carbone, calcium ou le magnésium. Sans oublier quelques oligoéléments : fer, zinc.
Les fabricants d’engrais le savent bien. Et nombre de préparations pondéreuses ou liquides attendent amateurs et professionnels dans les boutiques spécialisées. On peut aussi se fournir auprès d’autres producteurs : les vers de terre.

Milieu humide et chaud

Les plus productifs sont des cousins des lombrics, appelés eisenia. Tous ces vers de terre se plaisent dans des milieux humides et si possible pas trop froids. Entre 18 °C et 40 °C, c’est parfait. Véritables estomacs rampants, les esenia se délectent de toutes sortes de déchets : litière forestière, reliefs de repas, déchets de jardinage, mais surtout lisiers de l’élevage. En fait, pour esenia, le vrai bonheur est dans la bouse.

Millions de vers

Créée en 2003, Worm Power fait le lien entre weed culture et production de lait. Située dans l’Etat de New York, elle collecte des centaines de tonnes de fumiers et de lisiers de bovins, issus des fermes laitières voisines. Déshydratée et réchauffée, cette matière première est épandue sur de longues tables où fourmillent des millions de vers de terres. En toute liberté, ils se repaissent de cet apport et … défèquent à leur tour. En quelques jours, le fumier a laissé la place à une couche de turricules, bien noire et bien calibrée. Très riche en azote, notamment, ce terreau noir est d’une grande fertilité et totalement compatible avec les préceptes de l’agriculture biologique.

Economie circulaire

Worm Power l’affirme : l’utilisation du lombricompost en culture de cannabis est gagnante à tous les coups. études universitaires à l’appui, la compagnie affirme que les plants nourris aux turricules (ou à la fraction liquide, également très riche en matière nutritives) affichent d’intéressantes teneurs en THC. En valorisant ainsi des déchets de l’élevage, relativement polluants pour les sols et l’eau, le lombricompost permet d’appliquer à l’élevage bovin et à la culture d’herbe les principes de l’économie circulaire.

Les performances des vers de terre ont donné des idées aux bipèdes. On ne compte plus les start-up à se lancer dans le gavage des esenia. Etudiant en gestion du paysage et de l’entreprise à l’université (mormone) Brigham Young, Joseph Walker a mis son double cursus à profit de sa petite entreprise de lombricompostage. Aujourd’hui, Omni Earth est l’un des principaux fournisseurs de terreaux de vers de terre des planteurs bio de l’Utah. Le vers à moitié plein ?

La 5G, pas géniale pour le climat

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En cours de déploiement dans de nombreux pays, la norme de téléphonie mobile de 5e génération devrait alourdir notre bilan carbone.

Le nouveau mantra des dirigeants des compagnies de téléphonie tient en un chiffre et une lettre : 5G. Promise depuis une trentaine d’années par les ingénieurs, cette cinquième génération de norme de téléphonie mobile a un gros atout.
Elle pourrait donner accès à des débits de transfert de données 100 fois supérieurs à ceux de la norme actuelle, la 4G. Concrètement, cela permettra de faire dialoguer, dans un rayon donné, un très grand nombre de terminaux téléphoniques ou d’objets communicants (voitures autonomes, par exemple). Formidable !

Technologie made in China

Ce qui l’est moins, en revanche, c’est le cortège de critiques qui s’est abattu sur cette technologie, d’abord maîtrisée par des industriels chinois (Huawei, ZTE). Les Américains et les Européens craignent que l’introduction de ce standard (et des équipements qui vont avec) dope l’efficacité des services de renseignements de l’empire du Milieu.

Sans preuve pour l’instant, des ONG craignent les conséquences sanitaires du déploiement de ces nouvelles ondes. Dans un article publié par Nature, des météorologues ont aussi rappelé qu’une fréquence attribuée aux industriels de la 5G (23,8-gigahertz) était susceptible de réduire l’efficacité de mesures de l’atmosphère par certains satellites météorologiques.

La faute aux équipements importés

Côté environnemental, en revanche, les critiques semblent fondées. Dans les derniers jours de l’année passée, le Haut conseil français pour le climat (HCC) a publié une première évaluation de l’introduction de la 5G en France. La multiplication annoncée des terminaux, antennes, centres de données et objets connectés devrait accroître de 6 à 13 % la consommation d’électricité entre 2021 et 2030.  Selon le rythme et l’ampleur du déploiement, la 5G devrait aussi alourdir de 2,7 à 6,7 millions de tonne équivalent carbone (Mtéq.CO2) le bilan carbone français. L’essentiel de ce bilan carbone étant imputable à la production et à l’importation d’équipements électroniques.

Le sénat veut faire la loi

Bien sûr, souligne le HCC, les émissions attribuables à la surconsommation d’électricité seront prises en charge par le marché européen du carbone. Sans que cela garantisse « l’atteinte des objectifs de la France inscrits dans la loi ». Dit autrement, la France qui est incapable de tenir ses propres engagements climatiques devrait poursuivre son dérapage carbonique, en partie à cause de la 5G.

Le pire est-il inéluctable ? Pas forcément. Une fois n’est pas coutume, le sénat français s’est saisi d’une question touchant au climat. Plusieurs dizaines de parlementaires ont déposé une proposition de loi visant à « réduire l’empreinte environnementale du numérique ». Pas sûr que cela suffise. Aux dernières nouvelles, ledit numérique émet autant de gaz à effet de serre que le transport aérien. Et cela n’est pas près de diminuer.

Durant l’automne 2O2O, la France a attribué aux 4 opérateurs français de téléphonie mobile les licences d’utilisation des fréquences utilisées par la 5G. A cette occasion, l’Etat a empoché plus de 2,7 milliards d’euros. Les licences ont été attribuées pour 15 ans. Et les premiers abonnements 5G ont été proposés à l’occasion des fêtes de Noël.

Pour l’environnement, le Brexit ne change rien.

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Londres et Bruxelles sont convenus de ne pas toucher aux règles encadrant l’environnement, l’énergie ou l’atome. Histoire de ne pas perturber le commerce.

Nous y sommes. Trois ans et demi après qu’une majorité de sujets de sa très gracieuse majesté s’est prononcée en faveur du Leave, le Royaume-Uni n’est plus membre de l’Union européenne (UE). En 63 ans d’existence, c’est la première fois qu’un pays membre quitte ainsi le bloc communautaire.

Un accord de 1450 pages

Malgré les nombreuses menaces, lancées par le premier ministre britannique Boris Johnson, le Brexit s’est finalement conclu par un accord. Après deux ans et demi de difficiles négociations, Londres et Bruxelles ont fini par sceller leur désunion dans un volumineux accord. Le 24 décembre 2020, les deux parties publient un acte de divorce de poids.
En 1450 pages, ils établissent de nouvelles règles bilatérales sur des sujets aussi divers que le commerce (mais pas celui de la weed), la pêche, la santé, la fiscalité (n’oublions pas les choses importantes), le commerce, la coopération scientifique. Sans oublier, l’énergie nucléaire, l’environnement ou la lutte contre le changement climatique.

Trois documents sinon rien

Dans le détail, l’acte de divorce est constitué de trois documents : un accord de libre-échange, le partenariat pour la sécurité des citoyens et l’accord de gouvernance. Dans leurs grandes lignes, ils établissent deux grands principes pour conforter les relations entre les deux parties : liberté de circulation pour les marchandises et maintien des règles communes pour, la protection des travailleurs, la transparence fiscale et les aides d’Etat à l’économie. Sans oublier la protection de l’environnement et du climat. A noter d’ailleurs, dans ce dernier cas, que 80 % des lois britanniques sont d’origine … européenne.

Pour autant, le Brexit oblige les entreprises britanniques à quitter le marché communautaire du carbone, l’ETS. Malheureusement pour elles, Londres a ouvert, dès le 1er janvier, un système national
Les frontières pourront être de nouveau baissées d’un côté ou de l’autre du Channel si l’une des parties prouve que le principe de non régression de toutes ces règles de droit a été bafoué. Auquel cas, un tribunal spécial pourra accorder des mesures de compensation à la partie lésée.

Circulation (presque) libre

Même si les douaniers recommenceront à examiner les passeports, la liberté de circulation sera presque rétablie pour les citoyens. L’accord de Noël garantit l’égalité de concurrence entre les transporteurs de l’Union et du Royaume-Uni, de sorte que les droits des passagers, des travailleurs et la sécurité du transport ne soient pas compromis. Coup dur, en revanche, pour les grandes compagnies de charter aérien britannique : interdiction leur est désormais faite de faire du cabotage dans les aéroports des pays du continent.
Jadis fluide et détaxé, le commerce de l’électricité sera désormais soumis à des réglementations (tatillonnes, forcement !) et des droits de douane. Ce qui va renchérir le coût du MWh au Royaume-Uni, pays structurellement importateur de courant européen. Anticipant cette décision, les marchés de gros britanniques ont déjà vu doubler les prix de l’électron entre les mois de mai et décembre derniers.

Nuke is good

« Leaving European Union », c’est aussi quitter Euratom, l’organisation communautaire de coopération en matière d’énergie nucléaire. Pour le Royaume-Uni, pareil départ pouvait entraver la relance de son programme électronucléaire. Qu’à cela ne tienne : Bruxelles et Londres sont convenus de ne rien changer entre eux dans le domaine de l’atome. EDF va pouvoir continuer à construire des réacteurs outre-Manche.
Et à propos de Manche, les pêcheurs européens pourront continuer de jeter leurs filets dans les eaux anglaises, galloises ou écossaises. Les pêcheurs britanniques qui avaient massivement soutenu le Brexit pour pouvoir reprendre le contrôle de leurs stocks de poisson digèreront-ils cette arrête ?

Comment Joe Biden va dynamiser la culture du chanvre.

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La prochaine administration fédérale pourrait favoriser la plantation de cannabis pour doper la lutte contre le réchauffement.

Pas plus Joe Biden que Kamala Harris ne sont des fans du cannabis. Dans les années 1980, le président-élu des Etats-Unis préconisait l’application de la peine de mort pour les trafiquants. Comme procureur générale de Californie, Kamala Harris a instruit plus d’affaires touchant aux stupéfiants que son prédécesseur. Pour autant, la future vice-présidente semble avoir mis un peu d’herbe dans son tabac : en septembre 2019, elle a publiquement désapprouvé l’incarcération systématique des consommateurs de marijuana.
Malgré ce lourd passif, Biden et Harris pourraient dynamiser la culture du chanvre. Et ce, pour deux raisons.
La première est que le nombre d’Etats fédérés autorisant la fumette récréative ne cesse d’augmenter. Lors des scrutins du 4 novembre, les électeurs de l’Arizona, du Montana, du New Jersey et du Dakota du Sud ont approuvé des projets de loi allant dans ce sens. En Oregon, la possession de toute drogue est désormais autorisée.

Projet de loi “dérégulateur”.
Un tiers des Américains est donc libre de consommer de la weed en toute légalité. Un nombre appelé à progresser : le 4 décembre, la Chambre des représentants a adopté une proposition de loi visant à rayer le cannabis de la liste fédérale des drogues dangereuses. Biden n’ira pas contre le vent (parfumé) de l’histoire.
D’autant que ses projets de lutte contre le réchauffement climatique soufflent dans le sens de la production de chanvre.
Et c’est là la seconde raison: mi-novembre, une quinzaine d’anciens conseillers « climat » de l’ex-président Obama ont mis en ligne une série de recommandations pour le futur locataire de la Maison blanche.

Stratégie climatique
Esquisses des feuilles de route des administrations en charge de terres fédérales, de l’environnement, de l’énergie ou du budget, ces « mémos » ressemblent furieusement à une stratégie climatique cohérente et réfléchie.
Le chapitre traitant du département à l’agriculture (USDA) n’est pas le moins intéressant. Rédigés par trois anciens dirigeants du ministère, il rappelle que le secteur primaire américain est à l’origine de 10% des émissions américaines de gaz à effet de serre(Ges). Et ses capacités d’absorption du carbone sont plus importantes encore.
Aussi, Robert Bonnie, Leslie Jones et Meryl Harrell préconisent-ils d’inciter les agriculteurs, moyennant subventions, à adopter des pratiques favorisant le stockage du carbone dans le sol. L’un des outils les plus puissants serait la création d’une banque du carbone agricole.

Banque du carbone
Créée sous l’égide de l’USDA, cet établissement achèterait, à bon prix, les crédits carbone générés par les agriculteurs plantant des cultures favorisant le stockage du carbone organique dans le sol. Dans le lot, les cannabacées sont de bons candidats. Chaque hectare de cannabis capte l’équivalent d’une quinzaine de tonnes de CO2 par an. En achetant pour un milliard de dollars par an de crédits, la Carbon Bank pourrait contribuer à maintenir une cinquantaine de millions de tonnes de carbone dans le sol : l’équivalent des émissions annuelles des Pays-Bas.
Bien sûr, le bilan carbone du chanvre varie fortement selon l’usage qu’on en fait. Un chanvre servant de matière première à la fabrication de produits à longue durée de vie (fibres pour vêtements, cordage, isolation) affichera un meilleur bilan carbone que celui qui sera transformé en aliments ou en weed. Mais l’on peut parier qu’aux Etats-Unis comme en Europe, tous les usages cannabiques sont appelés à se développer.

Rendez-vous après le 20 janvier 2021. Joe Biden aura définitivement succédé à Donald Trump : un nouveau chapitre du cannabis américain sera alors ouvert.

Antarctique : plaidoyer pour le continent blanc.

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Vaste comme le Canada et l’Union européenne, l’Antarctique est un continent dédié à la recherche. Initiée par le réchauffement climatique, la déstabilisation de ses glaces aura des conséquences planétaires. 

Après plus d’un mois de voyage, ils sont arrivés à bon port. Le 13 novembre, les membres de la première équipe d’expéditionnaires de l’institut polaire français ont débarqué d’un Airbus australien sur la base antarctique Mario Zuchelli. Il ne leur reste plus qu’à franchir en chenillettes les 1 200 km qui les séparent de la station franco-italienne Concordia, au cœur du continent blanc, où ils effectueront leur campagne scientifique australe.
Dans l’extrême sud de l’océan indien, le brise-glace Astrolabe vogue vers la base française Dumont d’Urville. Il y débarquera une autre équipe ainsi que le ravitaillement. Pourquoi envoyer autant de chercheurs et de techniciens dans ce désert glacé ? Pour compter les manchots ? Pas seulement.

La terre de tous les extrêmes
S‘étendant sur 14 millions de km2, l’Antarctique est le quatrième plus important continent de la planète, derrière l’Asie, l’Afrique et l’Amérique. Territoire de tous les extrêmes, le « pôle sud » est la terre la plus froide, la plus sèche, la plus venteuse, la plus isolée et la plus glacée du monde. Et celle dont l’altitude moyenne (2 300 m) est la plus élevée. C’est aussi l’endroit du globe où l’on compte le moins d’humains.
Le traité de l’Antarctique et le protocole de Madrid l’ont consacré « réserve naturelle dédiée à la paix et à la science » où l’exploitation des ressources minérales (et de la glace !) est interdite et le tourisme très réglementé. Seule concession laissée aux bipèdes : la construction, ces 50 dernières années, de moins de 70 stations scientifiques, dont la moitié sont occupées en permanence.

Le paradis de la science
À peu près vierge, l’Antarctique est un paradis de la science. Le Britannique Joseph Farman y a découvert, en 1985, le trou dans la couche d’ozone stratosphérique. En étudiant (parfois dans le whisky !) les bulles d’air piégées dans la glace, les Français Claude Lorius et Jean Jouzel mettent en évidence, deux ans plus tard, les relations entre variations du climat et concentrations de gaz à effet de serre. Autre découverte majeure.
Si la vie est presque absente de la surface, elle fourmille dans les eaux côtières. Les conditions extrêmes ont forgé des écosystèmes endémiques nombreux et d’une très grande richesse : des micro-organismes inconnus, aux baleines, en passant par le krill, les pinnipèdes, des poissons insensés et une grande diversité d’oiseaux. Nul terrien ne pourrait soupçonner pareille biodiversité sur des côtes et des eaux si inhospitalières, en apparence.

Un environnement unique
Réservoir unique de vie, l’Antarctique abrite aussi le plus grand stock d’eau douce de la planète. Glacée, cette eau s’écoule dans l’océan à des flux toujours plus importants, en raison principalement du réchauffement de l’océan, plus rapide que prévu. Chaque année, 220 milliards de tonnes de glaces s’écroulent dans la mer. De quoi en élever le niveau de 0,3 mm/an. Mais le phénomène s’accélère. À ce rythme, le réchauffement pourrait non seulement perturber les écosystèmes marins de l’Antarctique mais aussi faire grimper, partout sur la planète, le niveau marin d’un mètre en un siècle. De quoi noyer bien des régions basses (Pays-Bas, Bangladesh), des métropoles côtières (New York, Marseille, Shanghai, Lagos). Notre avenir est inscrit dans les glaces et les neiges de l’Antarctique.
Raison de plus pour les protéger.

 

 

 

Amazon s’attaque (enfin) au réchauffement climatique.

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 Jeff Bezos, le créateur d’Amazon, a fait amende honorable en allouant plus de 800 M$ de sa fortune personnelle à des ONG investies dans le climat. Et ce n’est qu’un début.

Pour les écologistes (et les libraires !), Jeff Bezos, c’est le mal absolu. Après avoir bâti, en une vingtaine d’années, le plus grand groupe mondial de commerce en ligne, le propriétaire du Washington Post fait monter le thermomètre climatique. Dynamisant le commerce international, transportant ses marchandises par avions et par camions, Amazon affiche un bilan carbone désastreux.

Lourd bilan carbone

Rien qu’au Royaume-Uni, Amazon a directement relâché 19 000 tonnes de dioxyde de carbone lors du dernier Black Friday. Au niveau mondial, le groupe évalue son empreinte carbone à plus de 50 millions de tonnes de gaz à effet de serre : un peu plus que la Suisse. Bonne nouvelle : l’entreprise affirme désormais que ce bilan sera réduit à néant d’ici à … 2040.
Pour autant, le millardaire new-yorkais n’entend pas se croiser les bras. Comme nombre de ses camarades « Sans Difficultés Financières », l’homme le plus riche du monde (selon Forbes !) va consacrer une partie de sa gigantesque fortune personnelle à la lutte contre le changement climatique.

10 milliards pour le climat

Le démarrage de la pandémie a un peu masqué la nouvelle : en février dernier, l’ancien étudiant de l’université Princeton a annoncé la création du Bezos Earth Fund (BEF). Doté de 10 milliards de dollars (8 milliards d’euros), le BEF financera la recherche scientifique, des organisations non gouvernementales, mais aussi n’importe quelle initiative bonne pour faire redescendre le thermomètre planétaire.
Visiblement, le plan de distribution n’était pas tout à fait prêt. Il aura fallu plus de 8 mois avant que les premiers bénéficiaires (tous Américains) soient connus. Dans un premier temps, le mécène du climat va doter l’Environmental Defense Fund (EDF), le Natural Resources Defense Council (NRDC), le World Wildlife Fund (WWF) et Nature Conservancy de 100 millions de dollars (81 millions d’euros) chacun. Grand pourvoyeur d’études sur les effets du réchauffement, le World Resources Institute (WRI) devrait recevoir 85 millions de dollars (70 millions d’euros). .

Coordonner l’action des ONG

Moins connus du grand public et des journalistes, l’Energy Foundation et la ClimateWorks Foundation seront créditées de plusieurs dizaines de millions de dollars. Cette dernière nouvelle n’est pas inintéressante. Car ces deux organisations, habituellement soutenues par un réseau de philanthropes (les familles Rockfeller, Ford, Hewlett ou Packard, par exemple), sont réputées pour coordonner l’action de centaines d’associations environnementales de par le monde.
En 2009 et en 2015, elles avaient notamment organisé le lobbying des ONG en amont des sommets climatiques de Copenhague et de Paris. L’an prochain, l’Écosse doit accueillir, à Glasgow, la COP 26, à l’issue de laquelle les Etats doivent, en principe, rehausser leurs ambitions climatiques. Les associations ne seront pas de trop pour les convaincre de ne pas renoncer.

 

Biden: environnementalement correct ?

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Contrairement à Donald Trump, le prochain président des Etats-Unis a un programme environnemental. Et il est plutôt enthousiasmant.

Il n’est encore officiellement élu, mais à l’heure où nous mettons en ligne, Joe Biden dispose déjà du soutien de 290 grands électeurs sur les 270 nécessaires pour assurer son accession à la Maison blanche.
Ne restera plus que la formalité de la passation de pouvoir en 2021 et le vote des grands électeurs mi-décembre pour qu’il devienne, sans contestation aucune, le 46ème président des Etats-Unis.

Carbon Market
Est-ce une bonne nouvelle pour l’environnement. Bonne question, je vous remercie de me l’avoir posée. Dans sa longue vie parlementaire (sa première élection date de 1973 !)  Joseph Robinette Biden ne s’est pas beaucoup intéressé aux questions vertes. A ceci près qu’il fut l’un des rares sénateurs à voter en faveur de la création d’un système américain d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, le fameux marché du carbone. Sans succès.

Back to Paris
Dans ces mois de campagne acharnée contre Trump, le négationniste du réchauffement, le challenger démocrate s’est découvert une fibre verte. Et n’a pas hésité à défendre un programme qui n’a rien de déshonorant. Première promesse : s’il est élu, Joe s’engage à faire réintégrer les Etats-Unis dans l’accord de Paris sur le climat. Ce qui ne l’oblige à pas grand-chose d’autre que de produire, tous les 5 ans, une politique climatique un peu améliorée d’une fois sur l’autre.

Carbon Neutral
Est-ce encore bien utile ? Là encore, bonne question. Ces dernières semaines, l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Japon, la Corée du sud ont annoncé vouloir viser la neutralité carbone à l’horizon de 2050. La Chine suivra le mouvement avec 10 ans de retard. La neutralité carbone en 2050, cela convient parfaitement à Biden. Le président presque élu propose d’ailleurs à cette échéance la production d’énergie américaine soit totalement propre. Ce qui suppose de construire beaucoup de centrales nucléaires, solaires et éoliennes d’ici là. En 2019, les énergies vertes ne produisaient que 11% de l’énergie primaire consommée par l’Oncle Sam.

Green New Deal
La grande affaire du successeur annoncé de Donald Trump sera le lancement de son plan de relance post-Covid. Doté de 1 700 à 2 000 milliards de dollars (selon les versions) de fonds fédéraux, ce Green New Deal espère susciter trois fois plus d’investissements privés afin de rénover les bâtiment (qu’ils soient plus sobres), moderniser les réseaux d’électricité, produire plus d’énergies renouvelables, développer le marché des voitures électriques.

Corn belt
Pour alimenter les moteurs thermiques qui continueront d’équiper camions, bateaux et avions, l’ancien vice-président de Barack Obama entend doubler la production d’agrocarburants, au grand bénéfice des planteurs de maïs américains. Pour accélérer la transition énergétique de l’Hyperpuissance, Washington créera une agence une agence de développement de technologies sur l’énergie et le climat, un peu comparable à la Darpa qui imagine les armements du futur pour le compte du Pentagone.

Nuke is good
Sa feuille de route est déjà écrite : les recherches devront prioritairement porter sur les systèmes de stockage d’énergie (utile si l’on veut développer les énergies intermittentes comme l’éolien ou le solaire), les petits réacteurs nucléaires, les bâtiments neutres en carbone, la production de matériaux décarbone ou les fluides réfrigérant ne réchauffant pas le climat.
Lors d’un débat avec le président en exercice, Joe Biden a aussi promis d’interdire l’accès des terres fédérales aux compagnies pétrolières et de réduire les subventions à la production d’hydrocarbures. Ce qui, curieusement, ne l’a pas pénalisé dans les Etats les plus producteurs d’huile et de pétrole de schiste.

 

Et si on enterrait (littéralement) le CO2?

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L’un des moyens le plus simple de ralentir le réchauffement climatique est de stocker le carbone atmosphérique dans le sol.
Et en plus, ça peut rapporter gros.

Ce sont en tous cas les principaux résultats du rapport spécial du Giec sur la possibilité de stabiliser le réchauffement à 1,5°C.
Publiée, il y a déjà deux ans, cette étude, commandée à l’issue du sommet climatique de Paris en 2015, le confirme : oui, nous pouvons encore freiner la dynamique du changement climatique.
A condition de nous y mettre franchement, tout de suite et de ne pas baisser les bras en route !
Autre enseignement et pas le moindre, il ne suffira pas de réduire sensiblement nos émissions de gaz à effet de serre (GES) pour éviter la surchauffe. Compte tenu des centaines de milliards de tonnes de CO2, méthane, protoxyde d’azote et autres HFC que nous avons relâché (au rythme effrayant d’une cinquantaine de milliards de tonnes par an), nous devrons décarboner une partie de l’atmosphère pour minorer le réchauffement et ses effets.

Milliards de microbes

L’une des solutions les plus simples en la matière est de laisser faire la nature. Et plus précisément les microbes.
Chaque poignée de terre végétale naturelle recèle des milliards de micro-organismes capables, en résumé, de capter le gaz carbonique de l’air et de stocker son carbone six pieds sous terre.  Une capacité qui suscite déjà des convoitises.
Certaines entreprises voient là un moyen simple d’alléger leur empreinte carbone ou de faire des profits. Cargill est l’un des pionniers de ce nouveau business. La multinationale de l’agro-alimentaire ambitionne de baisser de 10 % son empreinte carbone entre 2017 et 2025. Elle va certes améliorer certains de ses procédés. Mais surtout contractualiser avec les milliers d’agriculteurs qui lui fournissent denrées et matières premières.

Economies d’émission

Depuis belle lurette, le groupe centenaire distille de bonnes pratiques agronomiques aux planteurs de cacao sous contrat. Désormais, il payera les agriculteurs qui réduiront leurs émissions et stockeront du carbone dans le sol.
En partenariat avec l’association des producteurs de soja de l’Iowa et le consultant Quantified Ventures, Cargill a mis sur pied le Soil & Water Outcomes Fund (SWOF), un nouveau venu dans l’intermédiation de crédits carbone.
Des agriculteurs souhaitant épandre moins d’engrais azotés (source de protoxyde d’azote, puissant gaz à effet de serre), planter des cultures intersaison ou diminuer les labours toucheront un pécule de SWOF. Ces revenus compensatoires peuvent atteindre 17 euros/hectare.

Crédits carbone

Pour chaque tonne de GES évitée ou stockée dans le sol, SWOF génère un crédit carbone qu’il vend à Cargill. Le groupe peut les utiliser pour se conformer à ses objectifs climatiques. Le géant de Minneapolis a convaincu plusieurs dizaines d’agriculteurs, exploitant 4.000 hectares dans l’Iowa, de tenter l’expérience. Dès la première année, l’expérience devrait éviter l’émission de 50 tonnes d’oxyde nitreux et stocker 7.500 tonnes de carbone dans les champs. Ce qui équivaut à une économie d’émission de 30.000 tonnes équivalent CO2.
Séduisant, le concept a traversé l’Atlantique. Soil Capital propose aux paysans français et belges le même type de prestations que celles offertes par Quantified Ventures. Les agriculteurs désirant bénéficier des crédits carbone émis par l’entreprise belge doivent se convertir à l’agriculture régénérative. C’est-à-dire : consommer moins d’engrais azotés, ne plus labourer, laisser les sols toujours couverts de plantes vivantes, planter des haies, pratiquer la polyculture…Pas si simple de protéger la planète.

 

 

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