À Lice, ville turque de 25 000 habitants, une opération de destruction de cannabis tourne à l’intoxication générale. La combustion en centre ville et en plein air de 20 tonnes saisies a provoqué nausées, hallucinations et colère chez les riverains.
Le 18 avril dernier, les autorités turques ont procédé à l’incinération de 20 tonnes de cannabis confisquées lors de 226 opérations anti-drogue réalisées en 2024 à Lice, dans l’est de la Turquie. Si la valeur du cannabis détruit atteint 10 milliards de livres turques (environ 261,4 millions de dollars), l’opération, menée par le commandement local de la gendarmerie, s’est rapidement transformée en crise sanitaire pour les 25 000 habitants. Pendant plusieurs jours, un épais nuage de fumée toxique s’est installé au-dessus de la ville, provoquant étourdissements, nausées et hallucinations parmi la population. En cause : l’étonnante initiative de mener l’opération en plein centre ville.

Bis repetita
« Tout comme la fumée de tabac nuit aux fumeurs passifs dans les espaces clos, la fumée issue de la combustion de ces stupéfiants peut provoquer de graves désagréments, une intoxication, des étourdissements, des nausées et des hallucinations », soupire Yahya Oger, président de l’association Green Star, engagée dans la lutte contre les addictions. Cinq jours après la destruction, les effets néfastes perdurent, contraignant les habitants à des allers-retours incessants à l’hôpital. « Nous n’avons pas pu ouvrir nos fenêtres pendant des jours à cause de l’odeur », confie un habitant sous couvert d’anonymat, déplorant une situation qui se répète… chaque année depuis 3 ans.

Indignation et demandes de solutions alternatives
L’opération a suscité l’indignation, notamment en raison du choix controversé des autorités d’utiliser 200 litres de diesel pour brûler les stupéfiants en plein centre-ville, une méthode qualifiée de « non-professionnelle ». Comble de la provocation, les agents avaient disposé les paquets de cannabis de façon à écrire le nom « Lice », un geste qu’Oger juge « inacceptable ». Green Star recommande désormais aux autorités de procéder à l’élimination des drogues dans des usines équipées de cheminées filtrées ou à l’écart des zones habitées. L’association propose aussi des programmes éducatifs de sensibilisation aux drogues destinés aux forces de l’ordre et aux écoles. Malgré les troubles de santé persistants, aucune plainte officielle n’a encore été déposée auprès de Green Star, alors même que les habitants continuent de signaler leur mal-être aux médias et organisations locales. Enfin, le bureau du gouverneur a indiqué que les opérations à l’origine de la saisie avaient donné lieu à des poursuites judiciaires contre 1 941 personnes.