En 2015, l’excentrique Bill Levin ouvrait aux fidèles les portes de la First Church of Cannabis. Une divine initiative maline qui lui permettrait de contourner la prohibition imposée Indiana, où se situe son Eglise. . Portrait d’un activiste en sale État.
Cheveux peroxydés en pétard, visage creusé, grande silhouette longiligne emballé dans un slim noir et d’une chemise blanche sur laquelle traine une écharpe en soie noire, Bill Levin fait plus penser au « Doc » de Retour Vers Le Futur version Iggy Pop qu’à un pasteur officiant dans l’un des états les plus coincés des States.
Avant d’enfiler la soutane verte, le fondateur de la First Church of Cannabis n’était pas un enfant de chœur: manager de groupes punks (dont certains qui ont eu leur heure de gloire comme les Zero Boys), gérant d’une affaire de bus pornos (avec partouzes et tournages à bord), propriétaire de dancings pour tout genre de valseuses, associé d’une petite chaîne de boutiques de tatouage puis directeur commercial d’une marque de boissons énergisantes cafeïnée (Jolt), c’est avec plus d’un évangile derrière lui que Bill Levin fondera en 2015 la première église américaine vouée au culte de l’herbe.
L’appel de la vierge Marie-Jeanne, Levin le date à l’été 1970 lorsqu’il goûte pour la première fois à la fleur défendue. 45 ans plus tard, il transfigure l’appel divin en célébrant sa première messe le 1er juillet 2015, trois mois après avoir crée la « Première Église du Cannabis » .
Si l’Etat du Midwest prohibe complètement le cannabis (y compris thérapeutique) la liberté de culte reste un droit inaliénable garanti à tous par la Constitution et plus récemment le Religious Freedom Restoration Act (RFRA) qui garanti le droit à chaque citoyen américain “de pratiquer sa religion comme il l’entend, tant que cette pratique n’entrave pas la liberté de croyance des autres“.
L’homme de foi y voit une aubaine; la RFRA étant une loi fédérale qui prévaut sur la loi de l’Etat de l’Indiana, il est légalement permis de consommer de la ganja durant l’office, tant que la pratique s’inscrit dans un rite religieux.
Indiana VS Indica.
Les autorités, elles, ne l’ont pas entendu de la sorte en menaçant de sévères poursuites pénales chaque croyant qui voudrait concrètement prouver sa foi en se cramant un doobie un entre deux psaumes. Une féroce bataille judiciaire de trois mois s’engage alors entre la First Church of Cannabis et l’Etat de l’Indiana. L’église perdra.
L’ex-futur Pape de la weed est désormais dans le colimateur de toute la Police, hors de question de fumer le moindre joint publiquement sous peine de voir l’église fermée et lui jeté en prison. Au delà de ce dur rappel à la loi, il lui sera aussi imposé une interdiction de parler du cannabis de façon favorable. Tout prêche pro-cannabis sera désormais assimilé à de l’ incitation à la consommation. Pendant les homélies, « Le grand Poohbah » trouvera d’autres façons de parler ganja en substituant le mot weed par un autre.
Le prêtre le plus à l’ouest des États-Unis parlera alors d’ « amour » ou de « bonnes vibrations » quand il évoque l’herbe sacrée. Ce qui donne lieu à de savoureux sermons du genre « si vous avez une dispute conjugale, prenez du recul en absorbant une grande dose de bonnes vibrations » ou « rien de tel que de se poser avec amour sur son sofa après une journée tendue au bureau ». L’apôtre de la weed en rajoutera une couche en certifiant que non, il ne conseille directement à personne de consommer « le meilleur complément santé du monde ». Dans un autre de ces peu catholiques enseignements, Bill évangélisera que « Le meilleur weed ne vient ni d’Amsterdam ni de Denver. Elle pousse ici, c’est la «Bubble gum et elle a remporté trois cannabis Cup».
Les douze déités, ou commandements de la First Church of Cannabis :
- 1. Traitez ton prochain avec amour et comme un égal.
- 2. La journée commence avec un sourire tous les matins. Lorsque vous vous levez, c’est la première chose à mettre.
- 3. Aidez les autres tant que possible. Non pas pour l’argent, mais parce que c’est nécessaire.
- 4. Traitez votre corps comme un temple. Ne l’empoisonnez pas avec des aliments et des sodas de mauvaise qualité.
- 5. Ne profitez pas des gens. Ne blessez rien intentionnellement.
- 6. Ne commencez jamais un combat… mais finissez-les si ils s’imposent.
- 7. Cultivez votre propre nourriture, élevez des animaux, intégrez la nature à votre quotidien.
- 8. Ne soyez pas un “troll” sur Internet, respectez les autres sans les insulter ou en ayant une attitude vulgaire ou agressive.
- 9. Passez au moins 10 minutes par jour à contempler la vie dans un endroit au calme.
- 10. Protégez ceux qui ne peuvent pas se protéger.
- 11. Riez souvent, partagez ce rire. Amusez-vous dans la vie, soyez positif.
- 12. Le cannabis est notre sacrement. Il nous rapproche de nous-mêmes et des autres. Il est notre source de santé et d’amour qui nous guérit de la maladie comme de la dépression. Nous l’embrassons de tout notre cœur et de tout notre esprit, individuellement et en groupe.
Le grand Poohbah gouverneur.
En juillet 2020, Bill Levin annonçait sa candidature aux midtrem elections, l’équivalent des élections législatives en France élections de 2020, briguant le poste de gouverneur de l’Indiana, siège alors occupé par Éric Holcomb, un républicain traditionaliste pur jus. La légalisation du cannabis sera bien entendu un thème central de la campagne de Levin, le candidat estimant que « les habitants de l’Indiana sont favorables à la légalisation du cannabis. Cette interdiction aurait d’ailleurs pris fin il y a longtemps si la question avait été directement posée aux électeurs.» “Si nous avions organisé un référendum, nous aurions légalisé le cannabis il y a 10 ans. Lorsque je serais élu gouverneur, ce genre de référendum sera l’une mesures que je mettrais en avant afin que les citoyens puissent décider de leur avenir, et non les politiques et institutions de Washington. ” Une approche ultra- libérale qui n’empêchera pas l’homme de foi d’avoir de chaleureux sentiments pour l’IRS , l’équivalent du fisc aux États-Unis. En 2018, L’IRS a déclaré les revenus du prophète de la fumette non imposables puisque provenant d’une activité religieuse. A la sortie du procès, interrogé sur ce jugement en sa faveur, il évangélisera sa victoire d’un “ Que voulez-vous, les voies du Seigneur sont impénétrables.”