Jo (à gauche) et Flo en pleine floraison, à quelques semaines de la première récolte 2021.

Jo & Flo, association de bienfaiteurs

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Aux pieds du Mont Caroux, qui selon la légende hébergerait la Déesse Cebena, Zeweed a rencontré un cultivateur à la main déjà bien verte :  Florian Taret. Portrait d’un aventurier du chanvre made in France.

Bonjour, Qui êtes-vous ?
Florian Taret :  J’ai monté la  société SCEA Jo & Flo Associés, avec la marque Roq’CBD. On produit des fleurs de cannabis légales.

Quand avez-vous monté votre entreprise ?
En mai 2021, ça fait un an. Les prix ont beaucoup changé en quelques mois. Au départ, on ne nous conseillait de rien vendre à moins de deux euros le gramme, mais c’est loin de la réalité des prix du marché actuel.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer ?
Le cannabis ! Cultiver de l’herbe dans un cadre légal. Vivre d’une culture qui nous plait, qu’on connait. La plante en elle-même, avec ou sans matière psychoactive, c’est le plaisir de la culture et d’être indépendant.

Avant vous faisiez quoi ?
Je travaille encore à la vigne. J’ai une famille, si la société ne marche pas, je peux pas me permettre de prendre des risques. L’idée de base c’est d’être indépendant, mais on se laisse deux ou trois piges pour y parvenir et se sortir des salaires convenables.

Le bon tuyau pour réussir une récolte de Panakeïa et de Serinity : de l’eau et la belle chaleur du midi. (Crédits Photos Julio Rémila)

Vous disiez que les prix ont beaucoup évolué en un an ?
Aujourd’hui, c’est pas possible de vendre à 2 euros le gramme, surtout avec la concurrence italienne et suisse qui la vend entre 40 et 60 cents. Avec un écart de prix comme ça. Si on nous avait aiguillé correctement, donné les bons prix de vente… Bref. Les CBD-shops français sont pas contre nous.
Les produits suisses et italiens ont des taux plus élevés que chez nous en France, où le THC est limité à 0,3 %. Ils travaillent avec plus de plantes, ça développe plus de goût, de parfum. Ils ont le droit de faire des variétés lavées, rincées et re-terpénisées.

Comment considerez-vous cette pratique de lavage ?
C’est de la merde. Dans tous les cas, j’ai pas besoin de laver ma production, on dépasse pas les taux en THC, la « Serenity », la plus forte, est à 0,2 %, et pour la « Panakeïa » on est à 0 %, THC non détectable. Sur les taux de CBG, on est au-dessus des moyennes de production, françaises et étrangères, avec 14,8 % pour notre Panakeïa quand les autres plafonnent à 9 %.

Des têtes bien faites et bien pleines : ni plus ni moins que le résultat d’un travail rigoureux. (Crédits Photos Julio Rémila)

Et c’est votre première année ? C’est prometteur!
Oui, on n’avait jamais fait pousser de CBG ou de CBD avant. J’ai fait du récréatif avant, je connaissais déjà la plante. On est capable de faire de belles fleurs sans lavage ni ajout de terpènes. L’objectif est de s’aligner sur les prix à l’avenir, en conservant nos atouts. Ici, on a un climat très chaud, limite Maroc avec 47° parfois. C’est l’Eldorado du cannabis en vrai ! En extérieur tu peux arriver à de belles choses. On a des sols schisteux, ça donne un truc très minéral, avec du goût. Et l’été le sol ne craque pas avec la chaleur, les sols sont stables. Ça pousse bien, tant que tu arroses.

Vous étiez satisfaits de votre première récolte ?
On a bien travaillé. Sur une parcelle de 30 ares, on aurait pu sortir 200 kilos. On s’est fait bouffer par les pyrales du buis, des agrumes, du chêne vert… C’est des papillons de nuit qui pondent sur les apex principaux. On a vu jusqu’à 15 chenilles sur une seule fleur. C’est impressionnant et ça nous a fait perdre les ¾ de la récolte.

Ça vient d’où ces pyrales ?
Elles aiment le sucre, donc quand tu traites pas forcément, ton exploitation devient l’épicentre du phénomène. C’est le seul problème de production qu’on a eu. Sur la Panakeïa, on a eu quelques hermaphrodites mais c’était négligeable. Au final, on a récolté environ cinquante kilos sur 30 ares, ce qui n’est pas mauvais au regard de ce qui se fait chez nos confrères.

Comment expliquez-vous ces performances ?
On a cultivé du récréatif pendant des années. Avec mon associé, on a notre façon de faire, on se connait depuis très longtemps. Qu’il s’agisse d’un plant de récréatif ou de 1 000 plants de CBG, je m’en occuperai toujours de la même façon. On a regardé comment les autres travaillent, on a une méthode et un état d’esprit totalement différent.

Entre producteurs, comment sont les relations ? Il y a de l’échange ou c’est plutôt tendu ?
Un peu des deux. On cherche tous à sortir du lot, mais on n’est pas fermé à donner un coup de main, trois conseils. Au contraire, je trouve que c’est bien d’échanger. C’est comme ça qu’on a appris aussi, avec le savoir que les anciens nous ont transmis.

Sur la production ça a l’air d’aller, sur la distribution, l’aspect commercial ça va aussi ?
C’est plus compliqué. Comme je te disais, je bosse à la vigne aussi, c’est huit heures par jour en moins pour m’occuper de ça. C’est dur. On a fait le tour des shops mais on a annoncé des prix beaucoup trop élevés, on s’est tiré une balle dans le pied.

Jo en plein arrosage, la saison 2022 sera-t-elle meilleure que la précédente? (Crédits Photos Julio Rémila)

Vous allez pouvoir vous aligner ?
On a déjà bien baissé nos prix pour ce qu’il nous reste oui. L’année prochaine, on espère s’aligner à 60/65 cents le gramme. Les shops ne sont pas contre travailler avec les produits français, au contraire, ils ne demandent que ça. Mais il faut une fleur de qualité, avec du goût. Après, une plante naturelle sera toujours moins parfumée qu’une plante avec des ajouts. Il faut pas se voiler la face. Tous ces parfums, c’est des arômes ajoutés. Ça sent bon mais en vrai c’est de la merde. Il faudrait interdire le lavage et les ajouts, c’est un scandale.

Quelle serait la solution ?
Je vais pas attendre que la solution tombe du ciel. Idéalement, il faudrait une législation pour ça, pour tous ces produits trafiqués et lavés. Au final, c’est pas terrible pour le consommateur, il doit être mieux informé sur ce qu’il achète. Je pense que les shops devraient avoir un quota minimum de produits français en vente. Après on est toujours en retard pour tout, on peut pas en vouloir aux autres d’avancer…

Etes-vous inquiet pour l’aspect législatif en France ?
Non, je m’inquiète pas pour ça. C’est Darmanin qui faisait du zèle. Pour lui le CBD devrait pas être légal. Mais c’est pas lui qui décide, c’est l’Europe. Ça me fait pas peur, au contraire, j’ai encore plus envie de continuer. L’UE pourrait homogénéiser le taux de THC pour l’ensemble du territoire. L’Italie est à 0,6 %, nous à 0,3… J’étais au salon à Marseille en mars, c’était pas un salon français, mais un salon en France.

Comment ça ?
C’est simple, 95 % des gens qui étaient là, c’était des Suisses et des Italiens. C’est à l’image de ce qui se passe dans les shops en France. C’est eux qui ont le monopole.

Une belle tête sur une belle plante : le coup de foudre est garanti! (Crédits Photos Julio Rémila)

Est-ce que vous pensez qu’un syndicat pourrait contribuer à établir un cadre ?
Ça pourrait servir, mais il faudrait des interlocuteurs calés sur le sujet, je doute que ce soit le cas aujourd’hui. Quand tu les écoutes, ils sont complètement à côté de leurs pompes, concernant le mode de culture, les taux de cannabinoïdes… J’ai l’impression que chacun veut tirer la couverture à soi, au lieu de se fédérer pour faire avancer la cause. Un décret devrait être pris en juin, on va voir ce qu’il en sort. Déjà, pour produire cette année, il faut avoir un contrat de distribution. Comment tu fais pour vendre tes fleurs avant même de les produire ? Si t’as une saison de merde et pas de récolte tu fais comment ? C’est n’importe quoi.

Qu’est-ce que vous pensez du marché français ?
La France a tout a gagné avec le CBD, sans parler du récréatif. Après la crise du Covid, l’État pourrait récupérer un bon billet déjà. On est taxé à 20 % sur la fleur, c’est un produit de luxe. Il y a des gros sous à faire.

Avec le deuxième mandat de Macron qui commence, vous pensez que la législation peut évoluer ?
Macron, c’est un joueur de flûte. Pourtant, quand tu vois le nombre de morts liés au trafic de drogue chaque année, le manque à gagner dans les caisses de l’état.

Est-ce que vous vous  considérez comme pionnier dans le chanvre-business en France ?
Je dirais pas que je suis un pionnier, il y a des gens qui sont en place depuis longtemps, qui faisaient déjà des huiles, des produits dérivés bien avant nous.

Vous vendez quoi d’ailleurs, uniquement des fleurs ?
Non, on fait de l’huile d’olive, un produit 100 % local et naturel. J’entretien des oliviers sur la commune depuis des longtemps. Avec la récolte, je vais au moulin et fais une huile pressée comme il faut dans un vrai moulin. C’est pas celle que tu trouves au magasin. On fait un macéra avec des fleurs. C’est très parfumé.

De l’huile d’olive, de la fleur… c’est quoi la suite ?
On prépare un rosé avec un AOC du coin (Saint-Chinian). Ça va être un vin de fête. Pourquoi pas un vin blanc par la suite. Je cherche un brasseur aussi. L’avantage pour l’alimentaire, c’est que je fournis une fleur testée à 0 % de THC. Il n’y a pas de mauvaise surprise. Et surtout pas de lavage !

Propos recueillis par Julio Rémila

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Journaliste de 42 ans autodidacte, Julio écrit régulièrement pour
Technikart depuis 2015, mais aussi pour Grand Seigneur et pour des sites
spécialisés (droits, relations internationales...).
Pour lui, l'écriture se résume à "Porter sur le monde un regard sans
jugement et sans haine". Un pari qu'il relève régulièrement.

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