Julio R

Journaliste de 42 ans autodidacte, Julio écrit régulièrement pour
Technikart depuis 2015, mais aussi pour Grand Seigneur et pour des sites
spécialisés (droits, relations internationales...).
Pour lui, l'écriture se résume à "Porter sur le monde un regard sans
jugement et sans haine". Un pari qu'il relève régulièrement.

Franck Milone, pionnier du cannabis thérapeutique made in France

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Lancée en 2021, l’expérimentation du cannabis thérapeutique a été prolongée en mars de cette année.  Alors que tous les feux sont au vert, le remboursement du cannabis thérapeutique ne figure pas à cette heure sur le Plan De loi financement de la Sécurité Sociale (PLFSS). Une mauvaise nouvelle pour la filière et les 300 000 patients en attente,   qui risquent de ne pas se voir prescrire le médicament vert, à défaut d’être remboursé*. En 2022, ZEWEED avait  rencontré Franck Milone, président et fondateur de LaFleur, premier laboratoire français à avoir mis au point des traitements à base de cannabis.

Zeweed. Pouvez-vous nous décrire en quelques mots l’activité du laboratoire LaFleur ?
Franck Milone. Le laboratoire LaFleur est un laboratoire pharmaceutique français fondé en 2014 et qui est spécialisé dans le développement de médicaments à base de cannabis.
Nous avons pour vocation de développer des outils innovants pour produire de manière efficiente des produits de santé à base de cannabis au bénéfice des patients en échec thérapeutique.

Depuis quand travaillez-vous  sur l’élaboration de médicaments à base de cannabis?
On a lancé le développement du premier médicament à base de cannabis en France en 2018 avec le CNRS de Strasbourg spécialisé en oncologie: les traitements contre le cancer. 

“premiers essais cliniques chez les patients dès 2023” 

Qu’en est-il aujourd’hui ?
Il y a eu beaucoup de problématiques liées à la manipulation du cannabis et à son importation. On a tout de même réussi à importer et transformer des fleurs. Des essais ont été réalisés entre 2018 et 2021 sur des lignées de cellules cancéreuses. Actuellement, on lance les essais sur le modèle animal. Les premiers résultats sont attendus début juillet sur ce candidat-médicament. Et permettront de mettre en place les premiers essais cliniques chez les patients dès 2023. 

Combien de temps faut-il pour mettre au point et commercialiser un médicament au cannabis ?
Du développement à la mise sur le marché, il faut compter environ 8 ans. Dans notre cas, on estime la mise sur le marché du premier médicament à base de cannabis en France d’ici 2026.

Parallèlement, vous travaillez sur d’autres produits ?
Oui, on démarre un projet sur l’utilisabilité d’un dispositif médical connecté sous la forme d’un vaporisateur avec des cartouches sécurisées de granules de fleurs de cannabis. Ce dispositif médical serait adressé à une population senior. Cette étude permettrait le lancement d’un essai clinique pour évaluer l’amélioration de la qualité de vie des séniors et l’impact sur la consommation de certains médicaments.

L’intérêt est donc double : d’un coté la validation d’une nouvelle technique et de l’autre sa mise en pratique  chez les seniors…
La première étape est de valider la capacité de ce dispositif à s’adapter à l’usage d’une population sénior, et par la suite de juger du potentiel thérapeutique du cannabis sur ces populations. Il s’agit d’un de nos développements dans le cadre recherche autour du cannabis médical.

De quel oeil le corpus médical français voit-il le cannabis ?
Les mentalités ont bien évolué depuis la création en 2014. L’exemple le plus probant est celui de la mise en place de l’expérimentation qui évalue le cadre de dispensation du cannabis médical en France. Face à une demande grandissante de patients et de professionnels de santé, un constat mondiale sur la légalisation du cannabis médical et des données scientifiques prouvant l’intérêt médical dans le traitement de certaines conditions médicales, l’Agence du médicament (ANSM) a mis en place un comité scientifique transdisciplinaire pour assurer le suivi de cette expérimentation qui prévoit l’inclusion de 3000 patients, la formation de plus de 4500 professionnels de santé et autorise la dispensation de médicaments à base de cannabis pour 5 indications thérapeutiques (situation palliative, spasticité dans la sclérose en plaques, épilepsie NDLR ) conduit sur deux ans. 

La fine fleur des laboratoires de cannabis thérapeutique français à l’oeuvre.

Et côté financement, ça se passe comment?
On est la première entreprise à avoir obtenu un financement public par la BPI pour le développement d’un médicament à base de cannabis en France. On a également réalisé une levée de fonds en 2020 de 3 millions d’euros. Aujourd’hui en France, l’accès au capital reste toujours un obstacle sur la thématique. Nous sommes en capacité, à travers notre laboratoire de recherche et notre expertise de travailler sur le cannabis médical dans un cadre règlementaire, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis. La France possède un boulevard d’innovation si elle sait le saisir. 

« La France a un boulevard d’innovation si elle sait le saisir »

La France a-t-elle les moyens de devenir un leader de la filière cannabis thérapeutique?
Tout à fait, on a la chance qu’au niveau fédéral, les États-Unis n’ont pas encore avancé sur l’enjeu médical qu’offre le cannabis, ce qui fait que les recherches biomédicales sont inexistantes. Une opportunité pour les entreprises françaises de figurer parmi les pionnières sur le sujet. Encore faut-il savoir saisir ces opportunités. On a réussi à faire une première levée de fonds en 2020, mais il faut continuer en ce sens pour la partie industrielle et la partie R&D (recherches et développements, NDLR). Profitons du climat réglementaire actuel favorable pour continuer à investir dans la recherche et développer des produits de santé français au bénéfice des patients en impasse thérapeutique. L’ANSM doit dans un avenir proche assurer une production de cannabis médical en France en apportant des spécifications techniques (critères de qualité pharmaceutique, formes pharmaceutiques, contrôle pour la culture, etc. NDLR).

Premiers médicaments 100% made in France prévus pour 2026

Justement, est-ce que vous arrivez à travailler sur une production de cannabis française actuellement ?
Sur la partie fleur de cannabis, on est encore dépendant des produits étrangers. En parallèle, on installe notre premier centre de R&D agro-pharmaceutique dans lequel on développe, optimise et standardise des procédés de production de cannabis médical, afin d’avoir des premiers lots de cannabis médical standardisé début 2023 et de proposer des produits 100 % fabriqué en France, à l’échéance de la généralisation du cannabis médical en France.

Vous proposez aussi un ensemble de service aux cultivateurs de cannabis à visée médicale…
Effectivement, au cœur de notre laboratoire de recherche nous mettons en place un ensemble de services d’une part autour de la prestation analytique pour valider les niveaux de principes actifs dans les fleurs de cannabis ou produits transformés. Et de l’autre un service autour de l’extraction de fleurs, à travers le développement de partenariats avec des agriculteurs qui depuis le décret de décembre 2021 autour de la production de fleur (dont la teneur est inférieure à 0,3% THC) peuvent valoriser la récolte de fleurs en ayant un contrat avec un laboratoire.

Les laboratoires LaFleur travaillent sur des cartouches de cannabis standardisées et sécurisées, des huiles et des gélules.

Sous quelle forme les futurs médicaments au cannabis seront-ils proposés? De la poudre, des fleurs, des gélules…?
On travaille sur différentes formes galéniques (mode d’administration, NDLR) : des granules de fleurs au travers de cartouches sécurisées à utiliser avec un dispositif médical connecté. Mais aussi des huiles qui permettent une titration précise. La prescription du cannabis médical par le professionnel de santé prévoit une augmentation progressive de la dose en suivant les conditions médicales du patient. Enfin, une fois le traitement stabilisé, des gélules peuvent être prescrites pour plus de reproductibilité et de confort d’usage. Nous proposons ces 3 formes pharmaceutiques : des cartouches de cannabis standardisées et sécurisées, des huiles et des gélules. 

En termes de variétés, pouvez- vous donner des précisions sur les types de cannabis ? Indica, sativa, variétés spécifiques?
On fait des tests sur différents types de plantes, indica ou sativa, et sur différentes variétés. Le premier objectif est d’avoir une palette d’actifs et de variétés qui soit relativement large pour avoir la capacité ensuite d’innover. On s’intéresse davantage aux formes acides des deux molécules les plus connues que sont le THC et le CBD ou sur de nouveaux actifs plus récemment découverts comme le CBG ou le CBN entre autres.

“le cannabis médical (…) doit apporter des preuves de sécurité, de tolérance et d’efficacité pour qu’il puisse s’inscrire dans un parcours de soin”

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans le cannabis thérapeutique?
Je me suis confronté à la réalité du système de santé à l’âge de 18 ans quand on m’a diagnostiqué une sclérose en plaques à la suite d’une crise neurologique. Face à l’incompréhension du professeur qui me suivait à l’époque et aux milliers de patients en échec thérapeutique qui se retrouvaient dans la même situation, j’ai eu envie d’innover sur la thématique du cannabis médical. Je suis donc allé à la rencontre des autorités publiques, des professionnels de santé parce que je me suis aperçu que pour faire avancer les choses, il fallait investir dans la recherche scientifique. Défendre le cannabis médical dans l’industrie pharmaceutique c’est rappeler qu’il s’agit d’un médicament qui doit apporter des preuves de sécurité, de tolérance et d’efficacité, pour qu’il puisse s’inscrire dans un parcours de soin. Ainsi, j’ai décidé de défendre le cannabis médical à travers les angles de la recherche, la formation et l’innovation. 

Vous soutenez aussi d’autres structures de la filière cannabis thérapeutique, pouvez-vous m’en dire plus ?
Je me suis notamment investi au sein de l’association de patient l’UFCM I Care (Union Francophone pour les Cannabinoïdes en Médecine) qui organise depuis 2014 des colloques scientifiques à Strasbourg et Paris pour favoriser le partage des avancées mondiales sur le cannabis médical et j’ai fondé le laboratoire pharmaceutique LaFLeur spécialisé dans le cannabis médical. Aujourd’hui nous avons un ancrage historique en région parisienne et sommes implanté à Angers, la capitale du végétal spécialisé au cœur du campus du végétal.

Propos recueillis par Julio Rémila en juin 2022

* Pour que le remboursement du cannabis thérapeutique soit inscrit au PLFSS 2024, les 300 000 patients en souffrance ont besoin de vous afin que le médicament vert ait une chance d’être pris en charge par la sécurité sociale et donc prescrit. 

Agissez pour que le cannabis à visée médicale soit enfin accessible en France en cliquant sur ce lien.

Samuel Botton, le gourou de la green communication.

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Samuel Botton, 30 ans, spécialiste en relations publiques et communication de crise affiche dix ans d’expérience dans le milieu des médias et du conseil. Après avoir fait ses armes dans de grandes agences et institutions, il aspire à devenir « le communicant préféré de la matière communicante préférée ».

Julio Rémila : Depuis combien de temps as-tu ouvert cette agence ? Quelle est ta clientèle ?
Samuel Botton : STEP Conseil existe depuis un peu plus d’un an. On accompagne différentes typologies de clients. Ça peut aller des fonds d’investissements à des artistes, des sportifs et bien entendu Phytocann, l’un des plus gros producteurs de CBD en Europe.

Tu travailles avec beaucoup d’acteurs de la filière chanvre bien-être, un hasard ou un choix ?
Un heureux hasard je dirais. Je voyais monter la tendance du CBD depuis quelques années déjà. J’avais été démarché par plusieurs marques avant Phytocann, mais j’ai systématiquement décliné dans la mesure où on me demandait de faire de la « communication produit ». J’avais besoin d’une mission avec du sens et des axes de pédagogie à mettre en place. Puis Alexandre Lacarré, le PDG de Phytocann, m’appelle par le biais d’une connaissance commune et me met au défi.

“Là, j’ai 10 000m2 de plantations et un boss aussi fou que moi pour m’amuser”

Depuis, on ne s’est plus lâché. Encore aujourd’hui, beaucoup d’acteurs me contactent mais je fonctionne à la loyauté et à l’affect. Et puis soyons honnêtes, aucune structure ne peut s’aligner sur Phytocann en termes de champs des possibles. Quand en quelques semaines seulement, tu sors du BFM Business, l’AFP, L’Express, Quotidien, Le Figaro, des couvertures de magazines… C’est qu’il y a un truc. Et faire du conseil pour des boutiques, ça ne me fait pas vibrer. Là, j’ai 10 000m2 de plantations et un boss aussi fou que moi pour m’amuser. La campagne RP de Phytocann, on m’en parle plusieurs fois par semaine depuis plus de six mois (rires).

Penses-tu être un militant ? 
Je ne sais pas… Disons que je m’acquitte de ma mission avec le plus grand sérieux et la détermination qui me caractérise. Je monte au créneau quand c’est nécessaire et que l’industrie du CBD vit des moments troubles. Est-ce que je suis pour les légalisations des fleurs de CBD et de THC ? Evidemment. Nous sommes sur une vraie problématique économique et de santé publique. J’essaye de contribuer à ma modeste mesure. Pas toujours avec finesse, il est vrai, mais au moins on rigole bien, on choque et on éveille les consciences.

Est-ce des personnalités compliquées à gérer ?  
C’est beaucoup plus facile aujourd’hui que quand j’avais 23 ans. Maintenant, j’ai beaucoup plus d’assurance, d’expérience et de maîtrise. Et puis surtout je peux me permettre de dire non à qui je veux et quand je veux. Sans état d’âme. Forcément il y a des personnalités plus complexes à gérer que d’autres, mais tous et toutes savent qu’il y a une limite à ne pas franchir. Je n’ai pas monté STEP Conseil pour ressembler aux autres agences de com’ qui disent oui à tout et n’importe quoi juste pour sécuriser un budget. Il en va également de ma réputation et de celle de STEP Conseil. J’accorde énormément d’importance au bouche à oreille et à la parole que je donne à mes partenaires et clients.

Ton meilleur et ton pire souvenir avec ces clients ? 
Le meilleur souvenir avec Phytocann et Alex Lacarré c’est la couverture de Technikart. Je pensais pas qu’il jouerait autant le jeu sur le shooting photo.

Alexandre Lacarré lors du shooting photo pour la couverture du magazine Technikart

Pour les mauvais souvenirs, il n’y en a pas. Certaines journées sont plus difficiles que d’autres. Il y a parfois des situations à gérer en urgence, sous pression, mais en définitive, c’est aussi pour cela que je fais ce job.

« au moins on rigole bien, on choque et on éveille les consciences »

Qui rêves-tu d’avoir dans ton escarcelle ?
En toute franchise, j’estime avoir fait le tour de la question sur le CBD et le cannabis, je suis très bien avec Alexandre Lacarré et Phytocann. Quand tu joues au Real Madrid, que tu es une référence dans ton secteur, tu n’as pas envie de te retrouver dans un club de seconde zone comme le PSG. Et bien c’est pareil pour l’industrie du CBD. Après, dans d’autres secteurs, j’aimerais bien retrouver le milieu du sport ou travailler de nouveau avec une belle licorne française. Pour le reste je suis ouvert aux belles rencontres. Tant qu’il y a du sens, il y aura un sujet.

Tes conseils pour un débutant ?  
Du travail tout simplement. Même après 10 ans dans le milieu, je continue d’apprendre chaque jour. Ne pas avoir peur de se prendre des portes. C’est l’essence même de nos métiers. Nous exerçons une discipline, dans la com’ j’entends, qui demande une gymnastique quotidienne de l’esprit et une capacité de synthèse. À saupoudrer de bon sens et d’esprit logique évidemment.

Ton actualité ? 
En dehors du CBD, STEP Conseil est engagé sur différentes causes en faveur de l’intégration des personnes autistes en milieu professionnel ainsi que l’accès aux soins pour des personnes handicapées. C’est un combat complexe, long et difficile avec lequel je vis depuis bientôt 4 ans. J’essaye d’y apporter une modeste contribution car c’est une cause qui me touche. Pour le reste, j’accompagne actuellement plus d’une dizaine de clients de manière récurrente chaque mois et j’ai toujours 4 ou 5 missions ponctuelles en roulement sur du one-shot. Artistes, fonds d’investissements, syndicats professionnels, société à impact, entreprises d’avenir … les sujets ne manquent pas !

“Ça me fait rire de voir que certains, à des postes de dir’com’, pensent que l’argent résout tous les problèmes et qu’il suffit de payer pour qu’on parle de toi.”

Et demain ? 
On prépare plein de surprises pour les mois à venir avec Phytocann. Nous avons déjà annoncé une collab avec l’artiste Vincent Faudemer sur la marque Ivory. L’alliance du CBD, de l’art et du WEB.3. Et nous travaillons sur une nouvelle collab avec l’un des plus gros noms de la scène française … Mais je laisserai le soin à Alexandre-Henri Lacarré de vous en parler le moment venu.

Une anecdote à partager avec Zeweed ? 
Une anecdote… La semaine dernière, je faisais la tournée des rédactions par téléphone sur le sujet CBD. Sur les 9 journalistes que j’ai eu au téléphone, 3 d’entre eux m’ont dit avoir été contactés par mes concurrents pour obtenir « le même sujet que Phytocann » en avançant le fait qu’ils étaient « prêts à payer ce qu’il fallait ». Ça me fait rire de voir que certains, à des postes de dir’com’, pensent que l’argent résout tous les problèmes et qu’il suffit de payer pour qu’on parle de toi. C’est bien une logique de responsable marketing ça (rires). Je le vois aussi comme une belle reconnaissance du travail accompli. Tout le monde nous voit, veut être à notre place, mais personne ne sait comment faire. Je trouve ça rigolo

Propos recueillis par Julio Rémila.

French Touch CBD, une affaire de famille

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 Dans la région de Béziers, une famille travaille la vigne depuis le XVIème siècle… et le chanvre bien-être depuis l’année dernière. Reportage et entretien chez Viranel, où ces passionnés cultivent les produits du bonheur en toute simplicité.

D’où est venue l’idée de vous diversifier ?

Arnaud : On y pensait depuis quelque temps. J’ai eu un accident, ma belle-sœur Carine est atteinte d’une maladie auto-immune et la maman de Léa, ma femme, a eu un cancer, on a essayé de la soulager avec du CBD. On cherchait des solutions. En 2021, on a eu un gros gel tardif sur l’ensemble du vignoble, qui nous a flingué 80 % de la récolte à venir. On avait déjà en tête de lancer cette culture de chanvre bien-être et quand j’en ai parlé avec mon frère Nicolas, il a validé. Léa et Carine ont creusé le sujet plus sérieusement et on a lancé la production.
Léa : Ça s’est fait assez précipitamment.

Quand avez- vous débuté l’aventure CBD ?
Arnaud : On a commencé la production l’année dernière, en avril/mai. Pour les marques French Touch CBD et Les Artisanes de Marie-Jeanne, c’était en décembre dernier.

Quand vous parlez de CBD ici, vous avez dû avoir des réactions…
Léa : Au départ, on avait mis en vente une huile d’olive au chanvre, un produit fini consommable partout. La première réaction d’une personne très « terroir » de l’arrière-pays, c’était « ah non merci, ce genre de truc j’en veux pas » alors qu’on était juste là pour faire déguster une huile d’olive, pas de quoi s’inquiéter. Non naviguons à tâton entre le rejet d’une mode et la diabolisation du cannabis.

Carine. On passe beaucoup de temps avec les gens pour leur expliquer. Sur les marchés, on arrive à vendre plus de produits parce qu’on a le temps d’engager la discussion. Mais dans les magasins, où il n’y a pas de discours derrière la vente, c’est plus compliqué. On a toujours des questions comme : « je peux conduire après avoir consommé cette tisane ? ».

Jimmy, mordu du chanvre, est un expert en CBD qui prête main forte à l’équipe

Et les explications portent leurs fruits ou ça ne sert à rien ?
Lea : On a de très bons retours. Des gens sont en recherche de bien-être, mais on est obligé de faire cette petite éducation sur la plante.
Arnaud : Par exemple, on préfère parler de chanvre et des plantes qui l’accompagnent pour les tisanes, plutôt que de parler de CBD car ce terme peut encore bloquer certaines personnes.
Carine : Notre force aussi, c’est que les garçons sont viticulteurs tandis Léa et moi sommes issues du monde médical, elle est diététicienne et moi infirmière. On est sur du bien-être, c’est clair, mais on apporte notre expertise aux consommateurs. On a tous nos domaines de compétences, autant les garçons que nous. Pour les tisanes, Léa a composé des mélanges en fonction de la synergie des plantes entre elles.

Une saisonnière qui pose à coté d’une autre belle tête.

Avec le domaine viticole séculaire, une expertise médicale, vous êtes loin des clichés du « stoner “.
Arnaud : On est vite sorti de ça, oui.
Carine : C’est pour notre image de « produits bien-être » aussi.
Arnaud : On a encore quelques rares cas. La semaine dernière, un proche à qui j’ai conseillé des huiles m’a répondu « non merci, je suis pas dans la défonce ». Deux jours après, il est revenu et m’a demandé une huile. Entre temps il avait dû se renseigner… Mais on ne parle pas de fleurs là. C’est un marché qu’on a pas trop attaqué parce que c’est du commerce pur, il y a moins de sens.

Le bonheur est dans le champ.

Comment développez- vous votre activité ?
Arnaud : On est parti sur quelque chose de simple, sans promo, mais basé sur le bouche-à-oreille. On n’a pas fait de pub, on fait du petit réseautage et du viral court :  une personne qui a un avis positif va le partager avec son entourage.
Mais on est quand même sur les réseaux sociaux, c’est incontournable aujourd’hui. On pourrait aller beaucoup plus vite avec une grosse com’, mais le but n’est pas d’exploser pour se retrouver avec des dizaines d’employés…

Pourquoi pas ?
Arnaud : Parce que ce n’est pas gérable. On veut garder notre savoir-faire et rester dans cette bulle familiale.
Léa : On est sur tous les postes, packaging, production, création, commercial… C’est très polyvalent.

Concernant la répartition des tâches ?
Arnaud : Mon frère et moi gérons la partie production et les filles la distribution. On était bien entouré au départ, avec deux amis :  Jimmy et Loïc pour la partie agricole.

A vue de nez, la récolte est proche.

Pas trop dur de travailler en famille ?
Léa : Non au contraire, on a une bonne entente et on se complète sur les tâches, au boulot comme à la maison. Pour Nicolas et Arnaud, c’est une charge de travail considérable. Entre ça et le vignoble, ils sont en permanence sur le pont.
Carine : On a commencé une année noire pour la production de raisin, donc ils étaient plus disponibles au départ, mais ce n’est pas acquis.
Au début, Léa et moi étions très enthousiastes, on ne savait pas vraiment ce qui nous attendait. On s’est retrouvée dans le noir avec des lampes frontales à faire de la manucure pendant plusieurs semaines ! On a tout appris en même temps. La manucure, ce qu’est un terpène, les trichomes… Et sans parler des enfants, j’ai un ado à la maison, quand il a su ce qu’on faisait « alors maman, tu fais de la drogue ? ». Et là tu dois tout expliquer… L’autre de 6 ans, lui, voulait en ramener à l’école pour parler de l’activité de ses parents.
Arnaud : Même pour les anciens, au début ils avaient peur car ils assimilaient ça à la drogue mais au fur et à mesure ils ont compris et se sont ouverts.

Léa, fleur au chapeau pour la plus belle des plantes.

Sur la production, vous êtes bio ?
Arnaud : On travaille sur une parcelle qui a été en jachère depuis plus de 10 ans, la production se fait sans produit phytosanitaire mais on l’a lancé trop précipitamment. Pour le label bio, on va voir ça dans les mois à venir. Concernant le vignoble, on a choisi d’avoir autant de vigne que de garrigue. Donc on a un écosystème qui est naturellement très riche, avec beaucoup d’insectes, d’oiseaux, de serpents et toute la faune locale. Ça permet de limiter l’impact de certains ravageurs, qui vont rester cloisonnés à la parcelle en question. Il y a un équilibre qui se fait naturellement. Sur la production de chanvre, on a eu des chenilles mais sans plus. À part de la flotte et un amendement organique, il n’y a besoin de rien ajouter.

Avez-vous établi des stratégies de développement ?
Arnaud : Oui, bien sûr, mais c’était avant que le marché s’écroule. On pensait faire de la fleur au départ mais on s’est aperçu qu’il y a plus de possibilités avec les produits dérivés comme les tisanes, les huiles, etc…
Carine : Pour éviter la confusion chez nos consommateurs, on a choisi de scinder la marque en deux. Les fleurs, c’est French Touch CBD et tous les produits dérivés c’est Les Artisanes de Marie-Jeanne.

Chez Viranel, le chanvre est surtout une histoire d’amour et d’eau fraîche.

 

Le site de French Touch CBD est accessible vie ce lien

Alexandre Lacarré “on me surnomme le baron de la drogue légale”

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Alexandre Lacarré est sans conteste le plus médiatisé des acteurs de la filière CBD Suisse. Cette couverture média hors norme, il ne la doit pas qu’à ses punchlines fatales et au talent du son chargé de RP Samuel Botton, mais à un succès commercial qui force le respect. En 2020, sa société Phytocann affichait un colossal chiffre d’affaire de dix millions d’euros. Pour y parvenir, l’entreprise helvétique récolte chaque année cinq tonnes de cannabis légal et s’appuie sur un réseau de plusieurs milliers de points de vente, en Suisse comme en France.

Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, peux-tu te présenter ?
Alexandre Lacarré. Je suis Alexandre-Henri Lacarré, 33 ans, l’âge du Christ. Je suis le PDG de Phytocann, l’un des plus gros producteur de CBD d’Europe, fournisseur de 70% des français et surnommé “le baron de la drogue légale”.

Quelques mots sur ta société, Phytocann ?
Phytocann c’est 6 marques bien-être avec Ivory & Easy Weed (fleurs), Kanolia & Harvest Laboratoire (cosmétiques et huiles), Buddies & Herboristerie Alexandra (food & beverage) et Qanabox (distributeur de CBD).

“j’ai toujours été un amoureux de la plante et des fleurs de cannabis”

Pourquoi le cannabis-business ?
Et pourquoi pas ? Blague à part, j’ai toujours été un amoureux de la plante et des fleurs de cannabis, même si cela va faire 10 ans que je n’y ai pas touché. Un jour, en 2016, je me trouve en vacances avec femme et enfant puis mon avocat m’appelle :
“-Alex, tu connais le cannabis légal ?
-Qu’est ce que tu me racontes comme conneries ?
-C’est du CBD, une fleur de cannabis dépourvue de THC…”.
Il a même pas eu le temps de finir sa phrase que j’étais déjà dans l’avion pour me lancer en pionnier dans ce secteur avec Phytocann. Et de mon point de vue, c’était tout ou rien. Faire 2 pieds de cannabis dans un placard ça ne m’intéressait pas, je voulais être numéro 1 !

Alexandre Lacarré et Vincent Faudemer.

Tu as fait une collaboration avec Vincent Faudemer ?
Alors si tu me le permets, on va faire un peu de pédagogie. La collab’ avec Vincent (Faudemer) porte sur la marque Ivory. Pour ce partenariat, on a investi l’univers Alien X de Vincent pour le décliner sur une série de pochons collectors. Au travers d’une société commune, nous sommes en train de développer le projet « Ghosty Buds ». Pour faire simple c’est de la weed et des aliens déclinés dans un univers inédit et singulier. On travaille sur d’autres activations plus axées web.3 et metavers.

“Faire 2 pieds de cannabis dans un placard ça ne m’intéressait pas, je voulais être numéro 1”

Et celle que tu as fait avec Booba ?
Pour Booba, il s’agit du développement d’une génétique unique, spécialement créée pour lui, qui sera disponible sur le marché sous forme de graines, la B-45. Et là, on parle de Silent Seeds, une banque de graines de collection.

Comment ça ?
Quand tu veux bosser avec le numéro 1, il te faut une équipe de cracks pour assurer. Silent Seeds, c’est le retour en force de Dinafem (la célèbre banque de graines espagnole qui a fermé ses portes en septembre 2020). Le Phénix qui renaît de ses cendres et qui revient pour tout niquer. C’est eux qui sont notamment les créateurs de la Moby Dick, la Critical + 2.0 et l’Original Amnesia.

Comment est née cette collab’ avec B2O?
Grâce à mon associé Pierre Vannineuse, un homme d’affaires de génie, et notre ami Abdoulaye Fadiga, l’un des plus beaux palmarès de la Boxe Thaï en France, reconverti en entrepreneur à succès. Avec Booba, les choses se sont faites assez simplement et nous nous sommes rapidement entendus. Les équipes ont fourni un travail incroyable pour arriver à la dernière version de la B-45. Ça représente des mois de tests et de recherches. Nous comptons la présenter aux différentes Cannabis Cup 2023, avec la Spannabis comme première étape.

Qui est le prochain ?
Si je te le dis c’est plus une surprise. Beaucoup de monde s’est pris d’affection pour Phytocann. On est en train de bâtir un écosystème assez sympathique. D’autres noms vont suivre. On va sans doute compléter cela avec des big events. Pour le reste, on continue de bosser, on a du shit sur la râpe.

“le marché US nous intéresse (…) sur certaines typologies de produits qui suscitent un vif intérêt là-bas”

C’est quoi le plan avec Halo Collective ?
Nous visons clairement une entrée en bourse sur le marché Nord-Américain à échéance Juin 2023. Voyons cela comme un rapprochement bénéfique pour l’ensemble des parties. Du point de vue de Phytocann, rien ne change. Nous gardons notre autonomie et notre pouvoir de décision. Je demeure le PDG du groupe, bien entendu.

Pourquoi ce rapprochement avec Halo ?
Halo Collective bénéficie d’un développement exponentiel Outre-Atlantique. Ils ont notamment accéléré sur leur stratégie retail et ils avaient l’ambition de s’implanter sur le marché européen. Mais les codes, les us et coutumes ne sont pas les mêmes chez nous. C’est là que Phytocann entre en jeu. De la même manière, le marché US nous intéresse comme bon nombre de nos concurrents, notamment sur certaines typologies de produits qui suscitent un vif intérêt là-bas. Chacun se nourrit de l’expertise de l’autre.

“A la différence de la France, nos autorités disposent d’un matériel simple et peu onéreux pour différencier CBD et THC”

Comment ça se passe pour le THC en Suisse ?
Mieux qu’en France… (rires). Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? L’Office fédéral de la santé vient de lancer un essai sur la consommation de cannabis récréatif à Bâle. La dépénalisation est là, la légalisation est en cours. Il y a aussi de grandes avancées dans le domaine médical. A la différence de la France, nos autorités disposent d’un matériel simple et peu onéreux pour différencier CBD et THC. Bref, tous les feux sont au vert de notre côté et les choses avancent bien… Dommage qu’il n’en soit pas de même en France.

Quelle est l’actualité de Phytocann ?
On continue de mener notre petit bonhomme de chemin. Certains projets sont plus complexes que d’autres et prennent un peu plus de temps mais le cap est fixé et maintenu. Nous visons toujours une entrée en bourse dans les prochains mois sur le marché européen, à horizon fin 2023. Une IPO (offre publique d’achat NDLR) c’est généralement un dossier complexe qui prend du temps, où tous les cas de figures doivent être envisagés. Nous ne laissons rien au hasard. Nous discutons également avec l’un des tops réseaux de pharmacies en Europe pour une distribution de certaines de nos gammes en magasins.

“On embauche à tour de bras (…) On lève une armée”

J’ai vu que tu étais en plein recrutement…
On embauche à tour de bras. C’est la guerre et on recrute des guerriers (rires). On cherche des vendeurs et des commerciaux, de préférence avec une expérience dans le CBD. On lève une armée ! Diplôme ou pas, noir ou blanc, casier judiciaire ou pas, on cherche des gens qui en veulent ! Ce qui importe, c’est qui tu es aujourd’hui. Les seuls critères à cocher pour venir chez Phytocann, c’est volonté, respect de nos valeurs et efficacité.

 

Propos recueillis par Julio Rémila

La Fédération Interprofessionnelle de la Vape (FIVAPE) aspire à faire fumer sainement du CBD aux Français

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Bousculer les règles est pour Jean Moiroud une seconde nature. En témoigne la cause qu’il défend ;  faire reconnaître la vape comme un outil de santé par les pouvoirs publiques. Zeweed a rencontré le président de la Fédération Interprofessionnelle de la vape (FIVAPE) pour faire le point sur la plus saine des façons de fumer, que ce soit du tabac ou du CBD.

Bonjour, qui êtes-vous et que faites-vous?
Je suis Jean Moiroud et je préside la Fédération Interprofessionnelle de la vape (Fivape) depuis 2016. Je suis également fabricant d’e-liquide depuis 2012.

Quel est le rôle de la FIVAPE et depuis quand existe-t-elle?
Nous unissons et représentons l’ensemble de la filière française des produits du vapotage, des fabricants aux distributeurs, avec la particularité d’être totalement indépendants de l’industrie du tabac. Nous nous adressons aux responsables publics, politiques et médiatiques. Notre mission est de faire en sorte que la vape ait sa place qu’elle mérite dans les politiques de santé publique.
Quant à sa création, cela fait maintenant 8 ans que la FIVAPE existe. Elle a été fondée en 2014 à la suite de l’adoption, au niveau européen, de la Directive sur les Produits du Tabac, qui encadre encore aujourd’hui les produits du vapotage.

“le vapotage est depuis plusieurs années l’outil préféré des français pour quitter le tabac”

Quels sont les moyens d’action de la FIVAPE ?
Nos actions sont financées uniquement par les cotisations de nos adhérents, qui souhaitent défendre leurs produits et leur secteur d’activité. En France, nous avons la chance de pouvoir compter sur une filière unie et engagée avec plus de 700 entités commerciales, le syndicat le plus représentatif d’Europe sur les métiers de la vape.
Nous sommes toutefois contraints d’agir dans un cadre limité : la publicité et la propagande pour les produits du vapotage est prohibée. Nos actions sont moins ostensibles : convaincre les responsables publics et politiques de l’utilité du vapotage, être l’interlocuteur de référence auprès des médias sur ce sujet, produire du contenu prospectif et scientifique à destination des autorités de santé, etc…

Comment abordez-vous la vape de CBD ?
Les produits de vapotage au CBD ont fait leur apparition très tôt. Au-delà des aspects économiques, au niveau de la filière (celui de la Fivape), la question centrale autour du CBD a été de se demander si cette molécule avait un intérêt pour aider nos clients à arrêter de fumer. C’est ainsi que de nombreux produits du vapotage au CBD ont trouvé assez naturellement leur place dans les boutiques spécialisées.
Certaines entreprises de la vape sont d’ailleurs aujourd’hui très actives dans la filière CBD et produisent des cosmétiques aux produits comestibles. Notre principale retenue concerne les fleurs. C’est une présentation qui est destinée à être consommée fumée, et ça, c’est clairement contraire à notre engagement en réduction des risques.

La vape de CBD peut-elle représenter un enjeu économique de taille?
Pour les professionnels de la vape, toute molécule qui présente potentiellement ou de façon avérée un intérêt quant à l’arrêt du tabac ou de la combustion au sens large, doit être appréhendée. D’abord d’un point de vue sanitaire, ensuite si le potentiel économique est là, c’est encore mieux.
La construction de notre identité de filière et de notre respectabilité s’est faite progressivement et au prix d’efforts considérables. Nous devons rester prudents face aux innovations, tout en conservant l’ouverture d’esprit et le pragmatisme qui caractérise les professionnels de la réduction de risques.

“l’objectif sanitaire doit être d’arrêter la combustion”

Au même titre que pour la cigarette, la vape de CBD peut-elle être une alternative pour les fumeurs de cannabis ?
Oui, très clairement. Mais nous préférons parler de solution d’aide à l’arrêt de la combustion. Le cannabis est historiquement consommé avec du tabac en France. C’est une spécificité européenne qui a des conséquences dramatiques en termes de santé publique. L’addiction supplémentaire du tabac crée une toute autre catégorie de fumeurs – les fumeurs de joints – qui s’ignore bien souvent en tant que telle et échappe aux circuits de prévention et de prise en charge des addictions au tabac.
Je profite de cet espace pour le redire : les fumeurs de joints sont des fumeurs.

Pour nous professionnels de la vape, c’est un vrai sujet  à traiter “au comptoir”, face à des clients qui veulent adopter une cigarette électronique pour arrêter le tabac mais pas les “joints du soir”.  Nous nous devons de les reconnaître et de leur proposer des solutions. La réduction du risque la plus intéressante vient de l’arrêt total de la combustion. Pour un fumeur de cigarette comme pour un fumeur exclusif de joints avec du tabac ou un poly-consommateur, l’objectif sanitaire doit être d’arrêter la combustion.
A ce titre, les produits au CBD apparaissent comme très complémentaires de nos solutions de délivrance de la nicotine. L’apport du CBD et plus encore celui d’un spectre large de cannabinoïdes permet de conduire les fumeurs de joints vers un arrêt total de la combustion tout en satisfaisant une large partie de leurs besoins.

Quels sont les avantages de la vape de CBD ?
Ils sont identiques à ceux d’un arrêt du tabac avec la vape : une réduction du risque à plus de 95%. Pour le corps, arrêter la combustion et passer à la vape c’est comme arrêter totalement… et avec les effets que cela entraîne ! Retrouver l’odorat, le goût et le souffle et se sentir mieux au quotidien sont les bénéfices “classiques” de l’arrêt, mais ça ne fait jamais de mal de les rappeler.
Le succès des fleurs de CBD est un marqueur générationnel important : il répond à un besoin de changement chez beaucoup de fumeurs. Je suis né dans les années 80 et j’ai de nombreux amis qui y ont vu une façon de se distancier de leur consommation historique de cannabis. Le besoin d’arrêt est là, il faut juste l’accompagner. Pour nous le CBD peut parfaitement y répondre… mais pas sous toutes ses formes !

“Il reste plus de 15 millions de fumeurs dans notre pays (…) ce sont autant de clients à convaincre”

Après un départ fulgurant, le marché est-il toujours aussi dynamique?
Oui, les boutiques de vape font partie du paysage urbain et le marché reste dynamique. Les boutiques de vape ont été reconnues comme essentielles pendant les confinements, ce qui est une reconnaissance de leur utilité sociale. On en compte aujourd’hui plus de 3000 et les ouvertures continuent, mais plus lentement. Il reste plus de 15 millions de fumeurs dans notre pays. C’est considérable par rapport à nos voisins européens, mais pour la vape ce sont autant de clients à convaincre. C’est un business sérieux, exercé par plus de 15 000 personnes en France, et je peux vous dire que les témoignages d’ex-fumeurs libérés du tabac grâce à la vape, il n’y a pas mieux pour avoir envie de se lever le matin !

 

“Je n’ai pas honte de dire qu’en 2022, fumer de l’herbe est ringard”

 

“Je trouverais dommage de rater le virage d’une légalisation intelligente, qui coche à la fois les cases du progrès sociétal et sanitaire”

La vape et le chanvre bien-être, même combat ?
Il existe énormément de convergences entre les combats pour le CBD et ceux de la vape. Nos crédos sont très similaires : acceptation sociale des produits que nous défendons, ancrage fort avec l’univers de la réduction des risques, correction des fausses perceptions auprès du grand public et des pouvoirs publics, progrès sociétal, etc… Mais selon moi, l’intersection sur laquelle nos deux univers devront se retrouver à un moment, c’est celle de la santé et de l’arrêt de la combustion.
Il faut être à l’avant-garde de son combat. Je n’ai pas honte de dire qu’en 2022, fumer de l’herbe est ringard et cancérigène.
Par contre, pouvoir librement acheter un vape-pen qui produira les mêmes effets en 2 bouffées, tout en ayant un impact insignifiant sur la santé, ça c’est un vrai progrès.  A ce titre, je trouverais dommage de rater le virage d’une légalisation intelligente, qui coche à la fois les cases du progrès sociétal et sanitaire.

Un scoop pour Zeweed?
Pour faire entendre les demandes de notre filière, nous sommes en train de finaliser un livre blanc qui récapitule nos 10 principales propositions. Produire des contenus utiles, faire avancer la réflexion sur la réduction des risques : une mission qui continue !

Jo & Flo, association de bienfaiteurs

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Aux pieds du Mont Caroux, qui selon la légende hébergerait la Déesse Cebena, Zeweed a rencontré un cultivateur à la main déjà bien verte :  Florian Taret. Portrait d’un aventurier du chanvre made in France.

Bonjour, Qui êtes-vous ?
Florian Taret :  J’ai monté la  société SCEA Jo & Flo Associés, avec la marque Roq’CBD. On produit des fleurs de cannabis légales.

Quand avez-vous monté votre entreprise ?
En mai 2021, ça fait un an. Les prix ont beaucoup changé en quelques mois. Au départ, on ne nous conseillait de rien vendre à moins de deux euros le gramme, mais c’est loin de la réalité des prix du marché actuel.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer ?
Le cannabis ! Cultiver de l’herbe dans un cadre légal. Vivre d’une culture qui nous plait, qu’on connait. La plante en elle-même, avec ou sans matière psychoactive, c’est le plaisir de la culture et d’être indépendant.

Avant vous faisiez quoi ?
Je travaille encore à la vigne. J’ai une famille, si la société ne marche pas, je peux pas me permettre de prendre des risques. L’idée de base c’est d’être indépendant, mais on se laisse deux ou trois piges pour y parvenir et se sortir des salaires convenables.

Le bon tuyau pour réussir une récolte de Panakeïa et de Serinity : de l’eau et la belle chaleur du midi. (Crédits Photos Julio Rémila)

Vous disiez que les prix ont beaucoup évolué en un an ?
Aujourd’hui, c’est pas possible de vendre à 2 euros le gramme, surtout avec la concurrence italienne et suisse qui la vend entre 40 et 60 cents. Avec un écart de prix comme ça. Si on nous avait aiguillé correctement, donné les bons prix de vente… Bref. Les CBD-shops français sont pas contre nous.
Les produits suisses et italiens ont des taux plus élevés que chez nous en France, où le THC est limité à 0,3 %. Ils travaillent avec plus de plantes, ça développe plus de goût, de parfum. Ils ont le droit de faire des variétés lavées, rincées et re-terpénisées.

Comment considerez-vous cette pratique de lavage ?
C’est de la merde. Dans tous les cas, j’ai pas besoin de laver ma production, on dépasse pas les taux en THC, la « Serenity », la plus forte, est à 0,2 %, et pour la « Panakeïa » on est à 0 %, THC non détectable. Sur les taux de CBG, on est au-dessus des moyennes de production, françaises et étrangères, avec 14,8 % pour notre Panakeïa quand les autres plafonnent à 9 %.

Des têtes bien faites et bien pleines : ni plus ni moins que le résultat d’un travail rigoureux. (Crédits Photos Julio Rémila)

Et c’est votre première année ? C’est prometteur!
Oui, on n’avait jamais fait pousser de CBG ou de CBD avant. J’ai fait du récréatif avant, je connaissais déjà la plante. On est capable de faire de belles fleurs sans lavage ni ajout de terpènes. L’objectif est de s’aligner sur les prix à l’avenir, en conservant nos atouts. Ici, on a un climat très chaud, limite Maroc avec 47° parfois. C’est l’Eldorado du cannabis en vrai ! En extérieur tu peux arriver à de belles choses. On a des sols schisteux, ça donne un truc très minéral, avec du goût. Et l’été le sol ne craque pas avec la chaleur, les sols sont stables. Ça pousse bien, tant que tu arroses.

Vous étiez satisfaits de votre première récolte ?
On a bien travaillé. Sur une parcelle de 30 ares, on aurait pu sortir 200 kilos. On s’est fait bouffer par les pyrales du buis, des agrumes, du chêne vert… C’est des papillons de nuit qui pondent sur les apex principaux. On a vu jusqu’à 15 chenilles sur une seule fleur. C’est impressionnant et ça nous a fait perdre les ¾ de la récolte.

Ça vient d’où ces pyrales ?
Elles aiment le sucre, donc quand tu traites pas forcément, ton exploitation devient l’épicentre du phénomène. C’est le seul problème de production qu’on a eu. Sur la Panakeïa, on a eu quelques hermaphrodites mais c’était négligeable. Au final, on a récolté environ cinquante kilos sur 30 ares, ce qui n’est pas mauvais au regard de ce qui se fait chez nos confrères.

Comment expliquez-vous ces performances ?
On a cultivé du récréatif pendant des années. Avec mon associé, on a notre façon de faire, on se connait depuis très longtemps. Qu’il s’agisse d’un plant de récréatif ou de 1 000 plants de CBG, je m’en occuperai toujours de la même façon. On a regardé comment les autres travaillent, on a une méthode et un état d’esprit totalement différent.

Entre producteurs, comment sont les relations ? Il y a de l’échange ou c’est plutôt tendu ?
Un peu des deux. On cherche tous à sortir du lot, mais on n’est pas fermé à donner un coup de main, trois conseils. Au contraire, je trouve que c’est bien d’échanger. C’est comme ça qu’on a appris aussi, avec le savoir que les anciens nous ont transmis.

Sur la production ça a l’air d’aller, sur la distribution, l’aspect commercial ça va aussi ?
C’est plus compliqué. Comme je te disais, je bosse à la vigne aussi, c’est huit heures par jour en moins pour m’occuper de ça. C’est dur. On a fait le tour des shops mais on a annoncé des prix beaucoup trop élevés, on s’est tiré une balle dans le pied.

Jo en plein arrosage, la saison 2022 sera-t-elle meilleure que la précédente? (Crédits Photos Julio Rémila)

Vous allez pouvoir vous aligner ?
On a déjà bien baissé nos prix pour ce qu’il nous reste oui. L’année prochaine, on espère s’aligner à 60/65 cents le gramme. Les shops ne sont pas contre travailler avec les produits français, au contraire, ils ne demandent que ça. Mais il faut une fleur de qualité, avec du goût. Après, une plante naturelle sera toujours moins parfumée qu’une plante avec des ajouts. Il faut pas se voiler la face. Tous ces parfums, c’est des arômes ajoutés. Ça sent bon mais en vrai c’est de la merde. Il faudrait interdire le lavage et les ajouts, c’est un scandale.

Quelle serait la solution ?
Je vais pas attendre que la solution tombe du ciel. Idéalement, il faudrait une législation pour ça, pour tous ces produits trafiqués et lavés. Au final, c’est pas terrible pour le consommateur, il doit être mieux informé sur ce qu’il achète. Je pense que les shops devraient avoir un quota minimum de produits français en vente. Après on est toujours en retard pour tout, on peut pas en vouloir aux autres d’avancer…

Etes-vous inquiet pour l’aspect législatif en France ?
Non, je m’inquiète pas pour ça. C’est Darmanin qui faisait du zèle. Pour lui le CBD devrait pas être légal. Mais c’est pas lui qui décide, c’est l’Europe. Ça me fait pas peur, au contraire, j’ai encore plus envie de continuer. L’UE pourrait homogénéiser le taux de THC pour l’ensemble du territoire. L’Italie est à 0,6 %, nous à 0,3… J’étais au salon à Marseille en mars, c’était pas un salon français, mais un salon en France.

Comment ça ?
C’est simple, 95 % des gens qui étaient là, c’était des Suisses et des Italiens. C’est à l’image de ce qui se passe dans les shops en France. C’est eux qui ont le monopole.

Une belle tête sur une belle plante : le coup de foudre est garanti! (Crédits Photos Julio Rémila)

Est-ce que vous pensez qu’un syndicat pourrait contribuer à établir un cadre ?
Ça pourrait servir, mais il faudrait des interlocuteurs calés sur le sujet, je doute que ce soit le cas aujourd’hui. Quand tu les écoutes, ils sont complètement à côté de leurs pompes, concernant le mode de culture, les taux de cannabinoïdes… J’ai l’impression que chacun veut tirer la couverture à soi, au lieu de se fédérer pour faire avancer la cause. Un décret devrait être pris en juin, on va voir ce qu’il en sort. Déjà, pour produire cette année, il faut avoir un contrat de distribution. Comment tu fais pour vendre tes fleurs avant même de les produire ? Si t’as une saison de merde et pas de récolte tu fais comment ? C’est n’importe quoi.

Qu’est-ce que vous pensez du marché français ?
La France a tout a gagné avec le CBD, sans parler du récréatif. Après la crise du Covid, l’État pourrait récupérer un bon billet déjà. On est taxé à 20 % sur la fleur, c’est un produit de luxe. Il y a des gros sous à faire.

Avec le deuxième mandat de Macron qui commence, vous pensez que la législation peut évoluer ?
Macron, c’est un joueur de flûte. Pourtant, quand tu vois le nombre de morts liés au trafic de drogue chaque année, le manque à gagner dans les caisses de l’état.

Est-ce que vous vous  considérez comme pionnier dans le chanvre-business en France ?
Je dirais pas que je suis un pionnier, il y a des gens qui sont en place depuis longtemps, qui faisaient déjà des huiles, des produits dérivés bien avant nous.

Vous vendez quoi d’ailleurs, uniquement des fleurs ?
Non, on fait de l’huile d’olive, un produit 100 % local et naturel. J’entretien des oliviers sur la commune depuis des longtemps. Avec la récolte, je vais au moulin et fais une huile pressée comme il faut dans un vrai moulin. C’est pas celle que tu trouves au magasin. On fait un macéra avec des fleurs. C’est très parfumé.

De l’huile d’olive, de la fleur… c’est quoi la suite ?
On prépare un rosé avec un AOC du coin (Saint-Chinian). Ça va être un vin de fête. Pourquoi pas un vin blanc par la suite. Je cherche un brasseur aussi. L’avantage pour l’alimentaire, c’est que je fournis une fleur testée à 0 % de THC. Il n’y a pas de mauvaise surprise. Et surtout pas de lavage !

Propos recueillis par Julio Rémila

L’AFPC donne de la voix au cannabiculteurs.

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L’union fait la force, l’AFPC l’a bien compris. Avec pour mission de défendre et fédérer  les cannabiculteurs auprès des institutions, l’AFPC serait-elle en passe de devenir le premier syndicat “cannagricole” français ? Éléments de réponse avec son président, François-Guillaume Piotrowski.

Bonjour, Qui êtes-vous et que faites-vous?
Je suis François-Guillaume Piotrowski, technicien agronome, j’ai fait ma première production à échelle « industrielle », plus de 5000 plants, c’était en 2015-2016. J’ai eu une expérience aux États-Unis par le passé, puis en Suisse dans des grosses entreprises de cannabis où j’étais chef de production.. Je suis revenu en France en 2019. À mon retour, je connaissais déjà Jouany Chatoux, je l’avais rencontré plusieurs fois, je savais qu’il militait beaucoup pour la régulation du chanvre français. On en a beaucoup beaucoup parlé. C’était mon quotidien, faire pousser du cannabis. Le CBD, à l’époque je ne comprenais pas trop pourquoi c’était interdit ici.

“On ne se sentait pas représenté en tant que professionnel ou futur professionnel du cannabis en France.”

Avec la ferme de Pigerolles, il avait l’idée au début avec Yohan et Fabien de créer l’AFPC. Je les ai rejoints il y a deux ans. On a commencé en off, à s’organiser pour créer une dynamique et fédérer les acteurs du chanvre. La réalité, c’est qu’on ne se sentait pas représenté en tant que professionnel ou futur professionnel du cannabis en France. En tous cas, on n’y voyait pas vraiment d’avenir pour les producteurs dans le schéma d’organisation en place, pour les productions à visée cannabinoïdes. Et puis ont émergé les premières réunions de l’association, il y a un an et demi à Pigerolles.

François-Guillaume Piotrowski

Donc l’AFPC c’est une association…
Oui, l’Association française des producteurs de cannabinoïdes. Elle a deux ans, et est vraiment active depuis un an et demi…
Son objectif premier est de représenter, défendre et fédérer les producteurs, qui doivent produire du chanvre à visée de production de cannabinoïdes. Et d’obtenir un cadre cohérent et ambitieux pour ce secteur en France,  afin de s’inscrire parmi les pays leader en Europe.

Les producteurs qui sont portés sur la fleur ?
Que ce soit la fleur ou l’extraction d’actifs, en tous cas, ce sont des itinéraires qui n’ont juste rien à voir avec la production industrielle, comme le chanvre textile ou fibre. C’est la même plante, mais ça n’est pas du tout la même utilité, la même destination, ni la même façon de produire. Les variétés sont différentes, celles au catalogue, pour 95% ou 98% d’entre elles, ne sont pas du tout adaptées pour faire de la production de cannabinoïdes à fort rendement. Elles ne sont pas exemptes de cannabinoïdes, mais le rendement est médiocre.

« La réalité, c’est qu’on ne se sentait pas représenté en tant que professionnel ou futur professionnel du cannabis en France »

95 % ?
Oui, 95% du catalogue qu’on nous propose c’est du catalogue monoïque, donc pas du tout adapté pour faire de la fleur, la dioïque peut faire de la fleur, ce n’est pas du féminisé, ce n’est pas de la bouture, dans les graines que vous recevez, que vous allez planter, il y a 60% de mâles, 40% de femelles, donc à la fin il reste 40% des pieds du champs après sexage des plants.

Et par rapport à ça, c’est deux process de fabrications, deux agricultures différentes ?
Oui, c’est deux agricultures relativement différentes, l’une avec de très grandes surfaces, qui est hyper mécanisée, avec une visée industrielle. Ça, c’est pour le textile, on va chercher de la fibre. Effectivement, il faut un outil industriel qui soit adapté. Et nous, on est plus sur un modèle de moyennes et de petites surfaces, avec encore beaucoup de recours à de la main d’œuvre, parce que tout n’est pas automatisable, mécanisable. La fleur est beaucoup plus sensible que le reste du plant, il faut être relativement précautionneux avec le produit.

Ça reviendrait à comparer le monde agricole d’après-guerre, et le développement du monde agricole d’aujourd’hui autour du bio, autour de valeurs comme la permaculture, la biodynamie… on peut les comparer à ça ?
C’est un modèle de diversification d’agriculteurs qui sont déjà installés ou en cours d’installation avec une diversification (d’avoir plusieurs cultures). La monoculture, ça ne marche plus, c’est plus un modèle économique qui ne fonctionne pas à l’heure actuelle, et qui n’a pas d’intérêt écologique, c’est nul, le renouvellement cultural est complément limité.

Un agriculteur qui voudrait se lancer dans la fabrication de fleur et le développement des cannabinoïdes, vous ne lui conseillez pas de ne faire que cette activité ?
C’est mettre tous ses œufs dans le même panier, pour un agriculteur c’est dangereux. C’est super de se spécialiser sur quelque chose, mais ç’a toujours une part de risque, et quand on voit le marché du CBD, comment ça évolue, on est sur un marché hyper volatile, et puis même au niveau de la rotation cultural, et faire que de la spécialisation ce n’est pas forcément bien. Il faut quand même avoir un modèle où il y a une certaine rotation des cultures, même s’il y a une spécialisation sur deux ou trois cultures, c’est intéressant d’avoir de la diversité.

“Pourquoi on s’est réuni ? Une absence totale de volonté des syndicats et des interprofessions en place de développer le secteur des cannabinoïdes en France”

En tant qu’association, comment vous-êtes vous réunis et comment intervenez- vous ? 
Pourquoi on s’est réuni ? Une absence totale de volonté des syndicats et des interprofessions en place de développer le secteur des cannabinoïdes en France. Il y a un peu plus d’un an, on avait l’arrêt “kanavape” qui avait dit que c’était pas illégale de commercer des phytocannabinoïdes (des cannabinoïdes issues des plantes de cannabis NDLR). On est en train d’accepter que ça se produise partout en Europe, et à nous, on explique que la fleur est un déchet et qu’il faudrait la jeter… On nous explique aussi que les agriculteurs ne s’en sortent pas. Mais j’ai l’impression qu’on n’essaye pas de leur trouver des solutions, en tous cas on ne les aide pas à avancer, et à se diversifier vers des productions à valeur ajoutée. Donc nous notre tâche, c’est de reprendre la jurisprudence qui était en place et d’ouvrir un cadre juridique, législatif favorable à la culture du chanvre actif en France.

D’accord, et aujourd’hui en deux ans d’existence, vous sentez qu’il y a une évolution ? vous avez des partenaires ? Vous dialoguez avec des institutions et des législateurs ?
Oui, on a été reçu à l’Assemblée nationale. On ne va pas dire que non tout est pourri, ça serait mentir, mais c’est très difficile d’avoir des interlocuteurs, d’être auditionné sur ce sujet-là. L’interprofession récupère tous les sujets, alors qu’Interchanvre, à la base, est accès sur le chanvre fibre. Interchanvre disait que les cannabinoïdes n’avaient pas d’intérêts. Revirement de position aujourd’hui : ils nous expliquent que l’industrie du cannabinoïde doit se développer en France, alors que jusqu’ici, ils ont tout fait pour la ralentir. Interchanvre est aujourd’hui un des interlocuteurs privilégiés du régulateur, de la MILDECA (Mission Interministerielle De Lutte contre les Conduites Addictives NDLR), du ministère de l’agriculture, de l’intérieur sur ce sujet.

“Interchanvre est aujourd’hui un des interlocuteurs privilégiés du régulateur, de la MILDECA”

On a proposé plusieurs fois d’être auditionnés, on se positionne en tant qu’expert de la question, puisqu’on a quand même une bonne base d’expertise au sein de l’association, on a plusieurs personnes qui sont des consultants européens ou internationaux. On peut apporter une vision du secteur des cannabinoïdes en France, on a quand même des opportunités, mais on nous explique fréquemment que on n’a pas assez d’expertises pour développer ça.

On peut dire que c’est un peu un dialogue de sourd, c’est mitigé, on espère que le Ministère de l’agriculture va plus se pencher sur la question sous ce nouveau quinquennat. Jusqu’ici, on est plus auditionné par le ministère de l’intérieur ou par la MILDECA que notre ministère de tutelle, qui est celui de l’agriculture.

Comment ça se fait ?
Parce que jusqu’ici on considère que le cannabis est un stupéfiant mais c’est n’importe quoi, on parle de rien là ! C’est méconnaitre complètement l’ensemble des usages qui sont fait de cette plante à travers le monde, ainsi que l’ensemble des parutions scientifiques de ces dernières décennies.

“Jusqu’ici, on est plus auditionné par le ministère de l’intérieur ou par la MILDECA que notre ministère de tutelle, qui est celui de l’agriculture”

Pour le moment vous luttez à mettre en place un dialogue, c’est ça ?
Ce qu’on a fait, c’est ouvrir un espace de dialogue, et défendre une ligne de propositions claires, on a déposé plusieurs QPC (question prioritaire de constitutionnalité, NDLR), plusieurs recours, on s’est opposé à toutes les décisions qui étaient forfaitaires, qui n’avaient pas vraiment de ressort. On a une vraie volonté d’être force de proposition et d’échange avec les institutions, on n’est pas là pour faire n’importe quoi. On demande un cadre qui soit cohérent, tant au niveau idéologique, technique que scientifique, qui permettrait d’avoir une filière d’excellence en France.

Aujourd’hui vous regroupez combien d’adhérents au sein de l’AFPC?
On était même pas une trentaine au départ. À l’heure actuelle, on est quasiment 300 adhérents, uniquement des producteurs de cannabinoïdes et notre avocat Maître Scanvic.

Vous sentez qu’il y a une évolution depuis la création de l’AFPC ?
Avec le renouvellement parlementaire et politique, j’ai du mal à me prononcer sur la volonté, la direction que va prendre ce quinquennat sur notre secteur. Au niveau parlementaire sur les derniers mois, il y a eu une vraie prise de conscience du retard accumulé, et du potentiel que la France a sur ce secteur. De manière générale, les députés, les élus locaux sont en soutien, donc j’espère que ça va perdurer et qu’on va arriver à concrétiser quelque chose de durable.

“On peut dire que c’est un peu un dialogue de sourds”

Il y a aussi cette expérimentation sur le cannabis thérapeutique, ça peut aboutir selon vous ?
Il faut bien différencier le free market, le CBD du médical. Il y a plusieurs leviers, plusieurs verrous, le principal était idéologique, je pense qu’il est en train de s’ouvrir, ça ne choque plus personne de parler de cannabis librement. J’ai pas l’impression que l’on soit au même stade qu’il y a 5 ans. Aussi, ce n’est plus un tabou comme avant de parler, de légiférer sur le cannabis, que ce soit cbd, médical, ou récréatif peut être demain. Il y a une vraie prise de conscience de tout le monde, et des différents usages de la plante, il y pas que drogue et défonce. C’est moins clivant qu’avant…

Vous pensez que cette plante est moins diabolisée ?
Moins diabolisée, soyons un peu plus ambitieux… Qu’elle puisse être reconnue et qu’il y ait une réelle ambition autour du secteur, de la reconnaissance, du développement. La réalité, c’est que les pouvoirs publics ont non seulement le pouvoir de légiférer, mais aussi le pouvoir d’axer le développement d’un secteur par l’investissement, il y a plusieurs leviers qu’ils peuvent activer. A l’heure actuelle, on est soumis à deux freins : celui du manque d’investissements, parce qu’on investit tout de notre poche, il y a peu d’investisseurs privés, et absolument aucun investissement public, C’est regrettable, quand on voit que nos voisins européens peuvent accéder à des subventions européennes et développer leurs projets…

Vous pensez que la situation que nous traversons aujourd’hui va perdurer ou s’améliorer?
J’espère qu’on va avoir une amélioration, on peut voir que le meilleur, à nous de jouer notre rôle, d’être source d’informations et de propositions. C’est ce que je rappelle à chaque fois qu’on a l’occasion d’être auditionné, on est pas là pour faire n’importe quoi, on est des entrepreneurs, des agriculteurs. On est là pour produire, pour répondre à un marché qui a besoin de matière première et au delà de ça, pour montrer aussi le savoir faire français en terme de qualité, bio, traçabilité, une vraie chaîne de valeurs, et que le consommateur ait une visibilité sur ce qu’il consomme. À l’heure actuelle, ce n’est pas le cas dans le secteur du CBD.

Comment vous projetez-vous en tant qu’association ?
Notre but, c’est d’accompagner cette évolution, par des discussions avec d’autres syndicats. On est là en tant que “syndicat” pour apporter du soutien aux producteurs, continuer de défendre le milieu de la production, et aussi être force de relation avec les autres syndicats, discuter de l’avenir de la filière et de son développement, on est là pour structurer, je pense que c’est le principale rôle des syndicats à l’heure actuelle.

L’AFPC est un outil d’accompagnement pour ses adhérents, c’est ça ?
Oui, c’est tout un nombre de services qu’on propose, notamment avoir accès à des fournisseurs avec des partenariats pour payer moins cher, de l’accompagnement juridique et technique. C’est de la transmission, du partage, de l’échange, un rôle structurant qu’on essaye d’apporter à nos adhérents.

“Actuellement, on est sur une logique unique : celle du prix, c’est le maître mot”

Dans les bureaux de tabac, ou chez les distributeurs de fleurs, on voit très rarement des produits français, comment pensez-vous agir sur ce problème ?
Il faut poser la question aux distributeurs. Pourquoi ne pensent-ils que par le prix et non par le produit ? Je ne sais pas, c’est compliqué. On a signé des accords avec les deux autres syndicats, le Syndicat du Chanvre et UPCBD, pour infléchir sur le secteur et faire prendre conscience aussi à ces acteurs, qu’importer des produits de “Petahouchnok” sans savoir d’où ça vient, pas cher, c’est d’accord, mais il y a une autre réalité, celle de la production française et qu’on peut se fournir à coté de chez soi, faire travailler en local. Au niveau des distributeurs actuellement en place, ils ne voient pour la plupart que la marge. On est tout le temps en train de discuter du prix.

Quand on voit les produits qu’ils proposent, bon je vais pas me faire des amis en disant ça, c’est de la merde à 90%. On en a déjà discuté avec plusieurs distributeurs pour comprendre dans quelle logique ils s’inscrivent et essayer peut-être de rationaliser tout ça et travailler de manière cohérente ensemble. Actuellement, on est sur une logique unique : celle du prix, c’est le maître mot. Les coûts de production chez nous ne sont pas les mêmes que dans le sud de l’Italie, en Pologne, ou en Uruguay. On ne peut pas rivaliser. Aussi, il faut savoir que les Suisses et les Italiens, ça fait 5 ans qu’ils sont sur le secteur, ils ont déjà rentabilisé leurs investissements, donc ils peuvent faire tomber les prix, même si c’est à leurs défaveurs.

“Les coûts de production chez nous ne sont pas les mêmes que dans le sud de l’Italie(…) On ne peut pas rivaliser.”

Nos coûts de production sont bien plus élevés que chez eux pour l’instant car tous les investissements sont réalisés de notre poche, c’est compliqué. Mais on propose un produit qui est aussi différent, un produit bio, et dont on peut assurer la traçabilité, de la graine au produit fini. Quand j’entends qu’il y a des distributeurs qui téléphonent à des adhérents pour acheter des kilos à 80 balles, c’est n’importe quoi.

Il y aussi les rinçages, des ajouts d’isolats, de distillats, de terpènes…
On l’a dénoncé plusieurs fois parce que ça commence à être problématique, le modèle est simple : on achète de la fleur à 1 % de THC aux États-Unis ou en Uruguay, on la wash (méthode consistant à “laver” le chanvre d’une certaine quantité de cannabinoïdes NDLR) pour faire tomber le taux à 0,2 ou 0,3 %. Derrière, comme la fleur n’a plus rien dedans, ils ajoutent du distillat ou de l’isolat, et ils remettent un peu de “sent bon”, car quand on la passe au CO2 il n’y a plus de terpène, donc il faut en remettre.

“Nous, on veut proposer des produits naturels et bios, sans aucune manipulation.”

On obtient la saveur qu’on veut, le taux qu’on veut, mais c’est un produit qui n’a rien à voir avec ce dont on parle. Nous, on veut proposer des produits naturels et bios, sans aucune manipulation. C’est là-dessus qu’on va se positionner.
On est bio, traçable, transparent, on est pas là pour faire et dire n’importe quoi, mais pour produire quelque chose et le vendre. Il n’y a pas cette industrie du “washage” ou du “terpeniquage” chez nous.

C’est carrément du grand n’importe quoi, moi j’ai vu ça quand j’étais en Suisse, ça m’a fait mal au cœur. Tu as passé 4 mois à les faire pousser, à bichonner tes cultures, tu as fait un super boulot et à la fin on te le démolit au wash et on te dit que c’est bon, on peut vendre ça en FRANCE. On invite tous les professionnels du CBD à penser à la question de la production française et de vendre des produits locaux bio et tracés. On voit qu’il y a de plus en plus de boutiques qui ouvrent, c’est un commerce florissant.

“On invite tous les professionnels du CBD à penser à la question de la production française et de vendre des produits locaux bio et tracés.”

Les surfaces en France vont être multipliées par deux cette année pour la culture des cannabinoïdes. On a doublé le nombre de producteurs qui vont partir en culture cette année. Il y a un vrai potentiel au niveau de l’approvisionnement français et des fleurs françaises pour la saison qui arrive. On est dans une démarche saine et on travaille au développement d’une belle filière française.