Cannabis thérapeutique : les patients français en sursis dans un contexte politique des plus flous

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Des milliers de patients français sous traitement de cannabis à visée médical ont obtenu un sursis temporaire, leur permettant de poursuivre leurs soins pour six mois supplémentaires… en vue de trouver d’autres alternatives.

Dans un contexte de chaos politique persistant, les participants à l’« expérimentation » française sur le cannabis médical – qui entre dans sa cinquième année – ont frôlé une interruption brutale de leurs traitements, souvent cruciaux, au 31 décembre 2024.
Malgré une nouvelle prolongation du programme, initialement prévu pour se terminer en 2023, l’incertitude plane toujours sur la « généralisation » du cannabis médical, comme promis par le gouvernement, et son intégration au système national de santé.
Cette prolongation intervient alors que le tout nouveau ministre de la Santé, Yannick Neuder, affirme que « la voie du cannabis thérapeutique » doit encore être « étudiée », en raison de son efficacité sur des douleurs « rebelles, souvent non soulagées par d’autres médicaments ».
Pourtant, face à l’inaction successive des gouvernements sur ce dossier et au retard de la généralisation prévue pour janvier 2024, patients et défenseurs du cannabis restent sceptiques. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), dans son annonce de la nouvelle extension, a précisé que celle-ci vise à donner aux patients le temps de se sevrer et d’envisager des alternatives.

Quatre ans d’expérimentation

En décembre, des associations de patients avaient alerté sur une interruption imminente des traitements, faute de cadre clair pour la suite de l’expérimentation. Lancée en 2021, celle-ci devait poser les bases d’un système complet de cannabis à visée médicale. Après de multiples prolongations, accusé de « repousser l’échéance », le gouvernement avait annoncé que la généralisation serait pour 2025.
Depuis 2024,  le programme était dans une « phase de transition » : aucun nouveau patient ne peut s’inscrire à l’essai, mais les participants inscrits continuaient de recevoir leurs traitements et à être remboursés, et ce jusqu’à ce qu’un système pérenne soit établi. Or, cette phase a pris fin le 31 décembre 2024, sans plan ni budget pour permettre aux milliers de patients de poursuivre leurs soins.

Espoir ou moratoire? 

Sous une pression croissante, l’ancienne ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, avait prolongé l’essai jusqu’au 30 juin 2025, une décision validée par son successeur, Yannick Neuder. Ce dernier a toutefois insisté sur la nécessité pour les patients de se sevrer et de consulter pour envisager d’autres solutions.
Neuder a déclaré que cette extension permettra aux patients de « continuer leur traitement en attendant de réorganiser et de consulter pour voir si nous pouvons créer une filière autour de cette nouvelle source de médicaments ». Il a ajouté : « Je pense que nous devons étudier cette voie du cannabis thérapeutique, car elle couvre une gamme de douleurs rebelles souvent non soulagées par d’autres médicaments : traitements contre le cancer, raideurs, douleurs faciales. »

Avenir incertain

L’avenir du cannabis médical en France reste flou. Les autorités médicales françaises expriment des doutes quant à son efficacité, malgré une étude de référence publiée en 2021 dans le British Medical Journal et les résultats positifs de l’expérimentation menée depuis quatre ans.
Selon des données publiées par l’ANSM en 2023, sur 2 204 patients inclus dans l’essai, 91 % se sont déclarés favorables à la légalisation du cannabis médical en France. Pourtant, l’expérimentation se concentrait davantage sur les aspects logistiques de mise en place d’un cadre légal que sur les données d’efficacité et de sécurité.

Dans un contexte d’ instabilité politique marquée et des priorités faites à l’immigration, l’insécurité, et la dette publique, le cannabis médical passe au second plan. Son avenir dépend désormais du budget 2025, au cœur du chaos politique.
Pour que le cannabis médical soit généralisé, les amendements  nécessaires devront être inclus dans le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale), qui sera débattu dans les semaines à venir. Le nouveau Premier ministre, François Bayrou, a par le passé défendu la généralisation du cannabis thérapeutique et a promis d’annoncer sa position « prochainement ».

 

Zeweed avec Prohibition Partners, Business of Cannabis et AFP

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Journaliste, peintre et musicien, Kira Moon est un homme curieux de toutes choses. Un penchant pour la découverte qui l'a emmené à travailler à Los Angeles et Londres. Revenu en France, l'oiseau à plumes bien trempées s'est posé sur la branche Zeweed en 2018. Il en est aujourd'hui le rédacteur en chef.

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