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Interview : Antoine Léaument (LFI) « le prix de vente devrait tourner autour de sept euros, taxes comprises »

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C’est un rapport parlementaire peu commun qui a été envoyé en février  aux élus de l’Assemblée nationale.  Dans ce document de 322 pages sur la lutte contre le trafic de stupéfiants,  les députés Antoine Léaument (LFI) et Ludovic Mendes (Renaissance) préconisent la légalisation du cannabis et la dépénalisation de toutes les autres drogues. Une proposition qui a le mérite d’ouvrir une autre voie que le tout répressif. Député Léaument, au parloir !

ZEWEED : Antoine Léaument, comment naît l’idée d’un tel rapport ?
Antoine Léaument : Le Sénat avait lancé une commission d’enquête sur la lutte contre le narcotrafic qui a été rendu public il y a un an. Il y a eu la volonté d’une formule parallèle avec la Commission des lois de l’Assemblée nationale. Nous avons donc lancé la mission d’information en octobre 2023 pour qu’il y ait deux sources d’informations sur le sujet.

Comment s’organise-t-on pour écrire un tel rapport?
Il faut voir un maximum de monde qui se rapproche de notre sujet ; en l’occurrence, la lutte contre le trafic de stupéfiants : addictologues, personnes qui travaillent sur l’entrée dans la consommation, l’entrée dans la délinquance, auditions avec l’instance de l’ONU qui s’occupe de la lutte contre le trafic… En tout, nous avons réalisé 80 auditions et 6 déplacements. Nous sommes allés dans tous les angles morts de la commission d’enquête faite par le Sénat. Par exemple, nous sommes remontés à la source du problème en nous rendant en Guyane, où nous avons pu rencontrer un certain nombre d’acteurs qui nous ont montré les pirogues qui transportent la cocaïne sur le fleuve Maroni. En Guyane, on a pu auditionner les douaniers, le préfet, les gendarmes, la police, la police des frontières, pour avoir une idée très précise de la situation et comprendre comment un kilo de cocaïne vendu 3 000 euros sur place s’échange, après avoir été coupé cinq fois, 30 000 euros en France.

Dans ce rapport, vous préconisez la légalisation du cannabis et la dépénalisation de toutes les autres drogues en dessous d’une possession de trois grammes. Pourquoi trois grammes ?
Parce qu’il faut quand même conserver une frontière qui permette de différencier les gens détenant de la drogue pour leur usage personnel de ceux qui comptent en faire la vente. La limite est un peu arbitraire mais elle permet de dire qu’au-delà de trois grammes, on peut soupçonner la personne d’organiser ou de participer à un trafic.

Parlons des AFD (amendes forfaitaires délictuelles) qui sont actuellement une alternative aux poursuites judiciaires. Que préconisez-vous ?
Là-dessus, nous divergeons avec Ludovic Mendes. Lui propose de maintenir les AFD entre trois et six grammes et propose une voie judiciaire au-delà. Moi, je considère que, pour faire baisser la consommation de stupéfiants, il est plus utile de faire de la prévention que de mettre des AFD. Je propose donc, au-delà de trois grammes de possession, le passage par la voie judiciaire qui permet des compositions pénales et des parcours de soins.

« Ce que nous préconisons pour que ce soit efficace, c’est que le prix permette de rémunérer les producteurs, que nous souhaitons français,  et qu’il soit moins cher que celui du marché illégal »

Sachant que le prix serait un enjeu majeur pour lutter contre le trafic de cannabis, quel est celui que vous préconisez pour le gramme d’herbe et pour le gramme de shit vendus de manière légale?
On ne fait pas le distinguo entre l’herbe et le shit ; on parle de cannabis. Pour le prix, nous laissons le pouvoir public le déterminer. Mais ce que nous préconisons pour que ce soit efficace, c’est que le prix permette de rémunérer les producteurs, que nous souhaitons français,  et qu’il soit moins cher que celui du marché illégal. Partant de cela et sachant que le gramme de cannabis coûte un peu moins d’un euro à la production, nous estimons que le prix de vente devrait tourner autour de sept euros, taxes comprises. Enfin, je propose que l’ensemble de la chaîne soit placé sous le monopole de l’État pour qu’il n’y ait pas de discussion autour du profit.

Certains opposants avancent que les doses de THC ne seraient pas assez fortes et que les consommateurs iraient chercher des produits plus puissants du côté du marché illégal. Que leur répondez-vous ?
Je leur réponds que c’est effectivement un risque. Mais, justement, c’est l’un des éléments qu’on a pris en compte dans le modèle que nous proposons. Nous désirons que les taux de THC soient assez forts mais respectent des niveaux qui seront définis par des équipes médicales pour que ce ne soit pas dangereux pour les consommateurs. Notre certitude, c’est que nous devons être compétitifs vis-à-vis du marché illégal, parce que si l’on vend des produits qui ne correspondent pas aux attentes des consommateurs, ce sera un flop, tout en sachant qu’on ne fait jamais totalement disparaître un marché illégal. Si l’on prend l’exemple canadien, on s’aperçoit que la redirection vers le marché légal ne s’appuie pas seulement sur la question du prix ou les taux de THC, mais aussi sur la confiance qu’on peut avoir dans les institutions publiques pour avoir des produits sains.

« Le cannabis français doit être pensé comme une filière d’excellence. »

À ce propos, il y aura un système de formation pour les producteurs ?
Il y aurait un système de licence pour les producteurs avec un certain nombre de règles, notamment environnementales, sur l’usage des pesticides, par exemple. Le cannabis français doit être pensé comme une filière d’excellence. Mais c’est surtout dans la vente que nous souhaitons qu’il y ait de la formation, parce qu’il est hors de question que cela se fasse en mode open bar: il faut qu’une personne qui vende du cannabis soit formée aux risques associés à la consommation, notamment pour les plus jeunes, et qu’elle puisse, au moment où elle vend, suivre un certain nombre de règles.

Comme quoi ?
L’âge, par exemple. Sur ce sujet, nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec Ludovic Mendes. Lui souhaite interdire la vente aux moins de vingt et un ans ; moi, au moins de dix-huit ans parce que je sais très bien que si les plus jeunes n’ont pas la possibilité d’aller se fournir dans un magasin légal, soit ils se dirigeront vers le marché illégal, soit ils demanderont à des adultes d’acheter à leur place.

« En faisant cette mission d’information sur un an et demi, j’ai vraiment pris conscience que l’alcool est le produit le plus problématique en France »

À votre avis, pourquoi les Français se droguent-ils autant ?
Alors ça, c’est la bonne question. Il faudrait déjà qu’on commence par parler de l’alcool, parce que la vérité, c’est que c’est la principale drogue consommée en France et qu’elle est parfaitement légale. D’ailleurs, en faisant cette mission d’information sur un an et demi, j’ai vraiment pris conscience que l’alcool est le produit le plus problématique en France, en nombre de consommateurs, de comportements problématiques et de dépendance. Comme c’est culturel, on ne se rend pas bien compte de l’importance du phénomène mais, lorsque l’on regarde les choses de manière un peu honnête, wow, c’est chaud ! C’est chaud aussi sur certains médicaments qui créent une forme de dépendance et altèrent en partie certaines fonctions cognitives.

Comment ça se passe quand un Insoumis travaille avec un macroniste ?
Ça se passe plutôt bien sauf à certains moments, comme quand Ludovic a posé une question au gouvernement odieusement agressive contre les Insoumis – tout juste ne nous accusait-il pas d’être des complices du terrorisme. Là, ça a mis une sale ambiance entre nous [rires]. Mais Ludovic est un député Renaissance un peu particulier : il vient du PS et, sur le sujet de la légalisation, il est ouvert, pas du tout dans une logique répressive de gros bras. Et puis nous sommes, l’un comme l’autre, d’un naturel plutôt sympathique et la discussion a donc été assez facile.

Un député macroniste et un insoumis proposent la légalisation du cannabis.

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Ce lundi, Ludovic Mendes (Renaissance) et Antoine Léaument (LFI)  ont remis les conclusions de leur rapport parlementaire sur la lutte contre le trafic de stupéfiants. Une remise en question majeure des politiques répressives, qui ouvre enfin la porte à un débat sérieux sur la légalisation du cannabis en France.

Constat d’échec

Si le sujet divise toujours, une évidence s’impose : la prohibition ne fonctionne pas. Avec une consommation record en Europe (près de 5 millions d’usagers annuels) et un marché noir qui génère plusieurs milliards d’euros, le cannabis est devenu un pilier de l’économie parallèle. Pourtant, la réponse de l’État reste inlassablement la même : répression accrue, arsenal législatif renforcé, moyens policiers décuplés. Résultat ? Un échec patent.
Depuis l’instauration de l’amende forfaitaire délictuelle en 2020, censée sanctionner rapidement les consommateurs, la situation ne s’est pas améliorée. Pire, la politique du tout-répressif a engendré une saturation des tribunaux et un renforcement des réseaux criminels, qui n’ont jamais été aussi violents et prospères.
C’est dans ce contexte tendu que les députés Ludovic Mendes et Antoine Léaument ont mené une série d’auditions et de consultations pour explorer d’autres solutions.

Ouverture de débat?

Les conclusions de leur rapport, remises aujourd’hui à l’Assemblée nationale, esquissent une alternative crédible et documentée : la légalisation régulée du cannabis. S’appuyant sur les expériences du Canada, des États-Unis et plus récemment de l’Allemagne, les parlementaires démontrent que l’encadrement du marché permettrait de tarir les flux financiers des trafiquants, tout en générant des recettes fiscales substantielles.
Le modèle proposé ? Une production sous licence, une distribution contrôlée via un réseau de commerces agréés, et une taxation qui financerait la prévention et les soins liés aux addictions. Un cadre strict, loin du fantasme d’une libéralisation anarchique.

Antoine Léaument, fervent défenseur d’une approche pragmatique, insiste sur la nécessité d’un débat apaisé : « Il faut sortir du dogme prohibitionniste et regarder la réalité en face. La répression est un échec. Nous avons le devoir d’explorer d’autres voies. »Ludovic Mendes, déjà engagé sur la question lors du rapport d’information sur le cannabis en 2021, va plus loin : « L’objectif n’est pas d’encourager la consommation, mais de contrôler un marché aujourd’hui livré aux mafias. C’est une question de santé publique et de sécurité. »

Gouvernement vent debout contre la légalisation 

Reste à savoir si ce rapport pèsera dans l’agenda politique. Car si une partie de la gauche et des libéraux y sont favorables, la droite et le gouvernement restent frileux. Gérald Darmanin, fervent opposant à toute forme de légalisation, martèle que « la drogue, c’est de la merde », alors que Bruno Retailleau rejette en bloc l’idée d’un référendum sur la légalisation du cannabis, initiative portée depuis plusieurs années par le maire de Grenoble Eric Piolle
Mais les lignes bougent. Le rapport Mendes-Léaument pourrait bien être le premier pas vers une refonte profonde de la politique française en matière de cannabis. Une refonte attendue par une majorité de Français, qui, selon les derniers sondages, se déclarent désormais favorables à une légalisation encadrée.
L’Hexagone sera-t-il enfin prêt à rejoindre le club des pays ayant tourné la page de la prohibition ? La balle est désormais dans le camp du gouvernement.

Canada : quelle politique sur le cannabis après le départ de Justin Trudeau ?

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé la semaine dernière son intention de quitter la direction du Parti libéral, sous la pression croissante de son propre camp et face à une chute marquée de sa popularité. Après une décennie à la tête du pays, son parti est désormais nettement distancé dans les sondages à l’approche d’élections. Analyse.

Depuis quelques mois, le premier ministre canadien Justin Trudeau fait l’objet d’appels à la démission émanant de hauts responsables libéraux, et ce en raison de sa gestion de la crise commerciale qui se profile avec les États-Unis et de son incapacité à enrayer l’inflation. Au delà de la crise politique, Trudeau laisse derrière lui un héritage majeur : celui d’avoir fait du Canada le deuxième pays au monde à légaliser le cannabis à usage récréatif.

Promesse tenue, bilan contrasté

Lors de sa campagne pour les élections fédérales de 2015, Justin Trudeau avait fait de la légalisation du cannabis un pilier de son programme, insistant sur la nécessité d’une régulation encadrée et d’une réduction des risques. Promesse tenue : dès 2018, le cannabis était légalisé au Canada, marquant une étape historique.
Mais ce succès est nuancé. L’industrie canadienne du cannabis reste confrontée à des défis structurels majeurs. En décembre 2024, l’administration Trudeau a annoncé son intention de réviser le système de taxation des entreprises du secteur en 2025, dans le but de simplifier les démarches administratives.

Dans son Énoncé économique de l’automne 2024, le gouvernement fédéral a proposé de passer des timbres fiscaux spécifiques à chaque province à un système national unique, une mesure réclamée de longue date par les acteurs du secteur. Mais avec des élections anticipées et une probable victoire des conservateurs, ces réformes pourraient être reléguées au second plan, voire abandonnées.

Meilleur ennemi de la légalisation libérale

Historiquement, le Parti conservateur canadien a adopté une position prudente, voire restrictive, en matière de politique du cannabis. Opposés à la culture à domicile, les conservateurs ont, en 2013, tenté d’interdire aux patients de cultiver leur propre cannabis médical ou de désigner une personne pour le faire, invoquant des risques de détournement vers le marché noir.
Même après la légalisation, le parti a favorisé les grands producteurs agréés, au détriment des petits cultivateurs ou des particuliers. Bien que la Loi sur le cannabis ait permis d’élargir l’accès à la chaîne d’approvisionnement réglementée, notamment pour les petits producteurs, les conservateurs pourraient, dans une logique de réduction des coûts et de simplification administrative, privilégier les grandes entreprises au détriment des acteurs plus modestes.

Avenir incertain 

L’héritage de Justin Trudeau sur le cannabis pourrait donc se heurter à un revirement sous une administration conservatrice. Alors que le secteur représente 20 % du PIB lié à la production agricole, les petites entreprises pourraient pâtir d’un environnement réglementaire moins favorable.
« Une politique pragmatique et accessible, respectant des normes strictes de qualité », c’est ainsi que certains décrivent l’approche réglementaire du gouvernement Trudeau. Pourtant, cet équilibre pourrait être menacé si les conservateurs revenaient au pouvoir, avec des priorités centrées sur un contrôle accru et une moindre flexibilité pour les petits producteurs.
Si la légalisation du cannabis restera l’un des actes fondateurs de l’ère Trudeau, son impact à long terme dépendra en grande partie de la continuité ou du renversement des politiques actuelles dans un paysage politique en pleine mutation.

ZEWEED avec Business of Cannabis

Eric Coquerel : « La légalisation des usages va peser sur la prochaine présidentielle. »

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Alors que la légalisation du cannabis avance un peu partout dans le monde, la France intensifie sa répression tous azimuts. Est-ce la bonne solution ? « Pas du tout ! » s’exclame Éric Coquerel, député de La France insoumise, qui rêve d’un autre monde.

ZEWEED: Éric Coquerel, avec Bruno Retailleau comme ministre de l’Intérieur, peut-on dire adieu à la légalisation ?
Éric Coquerel : Avec lui, oui. Mais, comme je pense qu’il ne tiendra pas longtemps, c’est un adieu très provisoire et tout ça reviendra vite d’actualité. Et peut-être plus rapidement qu’on ne l’imagine parce qu’en réalité, c’est la seule solution pour que l’on commence à avancer à tous niveaux, en termes de politique sanitaire comme de sécurité.

Bruno Retailleau parle de « mexicanisation » de la France. La légalisation ne serait-elle pas un moyen de justement « démexicaniser » les quartiers ?
Attention au vocabulaire utilisé ; pour moi, c’est là n’envisager la question de la politique vis-à-vis des stupéfiants que d’un point de vue répressif. Et comme je pense que ce n’est pas la bonne voie, je n’ai pas très envie de reprendre le lexique très va-t-en-guerre du ministre de l’Intérieur.

Et donc ?
Je dirais qu’il faut amoindrir les effets des trafics en légalisant le cannabis, y compris dans la production et dans la diffusion, sous contrôle de l’État. Le Canada le montre : sa politique de légalisation a considérablement diminué les trafics et a permis de mettre en place une politique de santé publique plus efficace. Ça, c’est le premier point. Mais je pense qu’il faut également envisager une dépénalisation des usages de tous les stupéfiants, comme c’est le cas au Portugal. Ça ne réduira pas les addictions (ça, j’en suis sûr), mais on pourra au moins avoir une politique de santé publique digne de ce nom et une police qui sera utilisée contre les trafiquants et pas contre les usagers. Une solution tout-répressif ne réglera rien. La preuve : malgré tous ses efforts, la France est l’une des championnes du monde de la consommation de produits stupéfiants !

Vous parlez en votre nom propre ou en celui de La France insoumise (LFI) ?
Jusqu’à la légalisation, je parle au nom de LFI. Sur la dépénalisation, en mon nom propre.

« Au Canada, ils ont à peu près réduit de 60 % le trafic, c’est-à-dire que 60 % de la consommation du cannabis est passée dans le commerce légal. Ça donne un ordre d’idée de ce que ça pourrait rapporter »

Vous voyez un frémissement politique ?
Je le vois dans les débats qu’on a. Et, d’ici peu de temps, il va y avoir une proposition de loi transpartisane, initiée par plusieurs députés, dont moi-même, pour aller dans ce sens-là.

Une proposition qui réunira des députés de gauche et de droite, ou essentiellement à gauche ? 
J’espère qu’il y aura des députés de gauche, mais on peut imaginer aussi qu’il y ait des députés du centre, pourquoi pas ? J’ai fait deux propositions de loi lors des deux derniers mandats : une sur la légalisation du cannabis et une autre pour réduire le trafic de stupéfiants, qui reprenait exactement l’exemple portugais.

Eric Coquerel © Sachat Lintignat LFI (1)

Ça fume beaucoup de cannabis chez les députés ?
Je n’en sais rien et je n’essaye pas de savoir. Mais je ne vois pas pourquoi la proportion de consommation de cannabis que l’on constate dans la société ne serait pas la même à l’Assemblée nationale.

Il y a quand même un devoir d’exemplarité, de respect de la loi des représentants du peuple…
Oui, oui, oui. Il y a aussi un devoir d’exemplarité sur la consommation d’alcool. Ça n’empêche pas des gens de boire d’une manière importante à l’Assemblée.

Vous-même, vous fumez un peu ou pas du tout ?
Non, je ne fume plus de cigarette et je ne fume plus rien d’autre. Mais ce n’est pas par devoir d’exemplarité, mais plutôt par manque d’envie.

Y a-t-il des lobbies qui freinent la légalisation en France ?
Oui, il y en a de très puissants, au premier rang desquels les trafiquants. Il y a une telle masse d’argent en jeu que je ne vois pas pourquoi ce capitalisme-là (on va dire « délinquant ») ne s’organiserait pas comme le capitalisme officiel pour susciter des consommations.

« Je serais contre se contenter d’un modèle de type nord-américain où vous laissez au marché le soin de régler cette question parce qu’alors on ne réglera rien »

Les partis politiques ont-ils peur d’abattre un tel marché illégal qui leur assure une paix relative dans les quartiers ? 
Ça va peut-être vous paraître naïf, mais j’espère que personne ne va jusqu’à formuler cette question dans ces termes. Parce qu’au-delà de la paix relative, assainir tout ça, ça va être un boulot énorme. Ces trafics foutent la vie en l’air de beaucoup de gens, que ce soient les usagers ou ceux qui subissent les trafics, y compris les petites mains, d’ailleurs. À partir de là, je serais contre se contenter d’un modèle de type nord-américain où vous laissez au marché le soin de régler cette question parce qu’alors on ne réglera rien. Donc, pour aller vite, il faudrait que ce soit sous le contrôle de l’État avec une politique qui se préoccupe de la santé publique et non de faire du business. Le pays au monde où ils l’ont fait [le Portugal, NDLR] a eu des résultats exceptionnels, en transférant entre autres la politique de coordination des stupéfiants du ministère de l’Intérieur au ministère de la Santé.

Au moment où les caisses de l’État sonnent creux, légaliser ne serait-il pas un moyen de les remplir en partie ? Avez-vous pu chiffrer cet éventuel apport dans le PIB, par exemple ? 
De mémoire, le chiffre d’affaires annuel du trafic de stupéfiants s’élève, en France, à six milliards d’euros [Étienne Blanc, le rapporteur de la commission d’enquête du Sénat sur l’état du narcotrafic en France, l’a évalué dans une fourchette allant de trois milliards et demi à six milliards d’euros, NDLR]. C’est l’équivalent de la moitié du budget du conseil départemental de Seine-Saint-Denis ; ça pèse dans le PIB quand même. Au Canada, ils ont à peu près réduit de 60 % le trafic, c’est-à-dire que 60 % de la consommation du cannabis est passée dans le commerce légal. Ça donne un ordre d’idée de ce que ça pourrait rapporter. Chez nous, ça ferait un point de PIB, par exemple. Et je ne parle pas des effets induits sur la santé publique…

Il y a six millions de consommateurs de cannabis en France. Porter le débat sur la légalisation de manière forte serait un bon moyen d’intéresser les jeunes à la politique et, de manière plus cynique, de s’assurer un sacré réservoir de voix. Ce débat va-t-il peser dans la prochaine élection présidentielle ?
Au moins sur la légalisation, j’espère. Je ne sais pas si l’on ira jusqu’à assumer la question de la dépénalisation de tous les usages mais, sur la légalisation, oui, je pense qu’il pèsera à partir du moment où le sujet est devenu aussi massif nationalement.

Entretien Raphaël Turcat

Cet article est issu du dernier ZEWEED mag. Pour le trouver près de chez vous, cliquez sur ce lien

Cannabis thérapeutique : les patients français en sursis dans un contexte politique des plus flous

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Des milliers de patients français sous traitement de cannabis à visée médical ont obtenu un sursis temporaire, leur permettant de poursuivre leurs soins pour six mois supplémentaires… en vue de trouver d’autres alternatives.

Dans un contexte de chaos politique persistant, les participants à l’« expérimentation » française sur le cannabis médical – qui entre dans sa cinquième année – ont frôlé une interruption brutale de leurs traitements, souvent cruciaux, au 31 décembre 2024.
Malgré une nouvelle prolongation du programme, initialement prévu pour se terminer en 2023, l’incertitude plane toujours sur la « généralisation » du cannabis médical, comme promis par le gouvernement, et son intégration au système national de santé.
Cette prolongation intervient alors que le tout nouveau ministre de la Santé, Yannick Neuder, affirme que « la voie du cannabis thérapeutique » doit encore être « étudiée », en raison de son efficacité sur des douleurs « rebelles, souvent non soulagées par d’autres médicaments ».
Pourtant, face à l’inaction successive des gouvernements sur ce dossier et au retard de la généralisation prévue pour janvier 2024, patients et défenseurs du cannabis restent sceptiques. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), dans son annonce de la nouvelle extension, a précisé que celle-ci vise à donner aux patients le temps de se sevrer et d’envisager des alternatives.

Quatre ans d’expérimentation

En décembre, des associations de patients avaient alerté sur une interruption imminente des traitements, faute de cadre clair pour la suite de l’expérimentation. Lancée en 2021, celle-ci devait poser les bases d’un système complet de cannabis à visée médicale. Après de multiples prolongations, accusé de « repousser l’échéance », le gouvernement avait annoncé que la généralisation serait pour 2025.
Depuis 2024,  le programme était dans une « phase de transition » : aucun nouveau patient ne peut s’inscrire à l’essai, mais les participants inscrits continuaient de recevoir leurs traitements et à être remboursés, et ce jusqu’à ce qu’un système pérenne soit établi. Or, cette phase a pris fin le 31 décembre 2024, sans plan ni budget pour permettre aux milliers de patients de poursuivre leurs soins.

Espoir ou moratoire? 

Sous une pression croissante, l’ancienne ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, avait prolongé l’essai jusqu’au 30 juin 2025, une décision validée par son successeur, Yannick Neuder. Ce dernier a toutefois insisté sur la nécessité pour les patients de se sevrer et de consulter pour envisager d’autres solutions.
Neuder a déclaré que cette extension permettra aux patients de « continuer leur traitement en attendant de réorganiser et de consulter pour voir si nous pouvons créer une filière autour de cette nouvelle source de médicaments ». Il a ajouté : « Je pense que nous devons étudier cette voie du cannabis thérapeutique, car elle couvre une gamme de douleurs rebelles souvent non soulagées par d’autres médicaments : traitements contre le cancer, raideurs, douleurs faciales. »

Avenir incertain

L’avenir du cannabis médical en France reste flou. Les autorités médicales françaises expriment des doutes quant à son efficacité, malgré une étude de référence publiée en 2021 dans le British Medical Journal et les résultats positifs de l’expérimentation menée depuis quatre ans.
Selon des données publiées par l’ANSM en 2023, sur 2 204 patients inclus dans l’essai, 91 % se sont déclarés favorables à la légalisation du cannabis médical en France. Pourtant, l’expérimentation se concentrait davantage sur les aspects logistiques de mise en place d’un cadre légal que sur les données d’efficacité et de sécurité.

Dans un contexte d’ instabilité politique marquée et des priorités faites à l’immigration, l’insécurité, et la dette publique, le cannabis médical passe au second plan. Son avenir dépend désormais du budget 2025, au cœur du chaos politique.
Pour que le cannabis médical soit généralisé, les amendements  nécessaires devront être inclus dans le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale), qui sera débattu dans les semaines à venir. Le nouveau Premier ministre, François Bayrou, a par le passé défendu la généralisation du cannabis thérapeutique et a promis d’annoncer sa position « prochainement ».

 

Zeweed avec Prohibition Partners, Business of Cannabis et AFP

Joe Biden plus populaire que jamais grâce au cannabis

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Les grâces présidentielles massives accordées par Joe Biden en décembre 2023 sont les plus populaires de toute l’histoire des grâces présidentielles.

Le 22 décembre dernier, Joe Biden accordait une grâce au niveau fédéral à toutes les personnes condamnées pour simple possession, tentative de possession ou simple consommation de marijuana (excluant par ailleurs les personnes condamnées pour possession d’herbe dans l’intention de la vendre ou bien pour conduite sous son influence). Plus de six mois plus tard, une enquête YouGov, dont les résultats ont été rendus publics le 26 août dernier, a demandé aux sondés s’ils étaient d’accord ou non avec plus d’une douzaine de pardons historiques effectués par différentes administrations. Les pardons accordés par Biden aux personnes ayant commis des délits fédéraux de possession de marijuana se sont avérés les plus populaires, avec une large marge d’approbation de 69 % des sondés pour seulement 18 % d’opposants.

À noter que ce sondage révèle que seules deux autres grâces ont bénéficié d’un soutien majoritaire : la clémence de Joe Biden, encore lui, pour les anciens militaires ayant fait face à des condamnations pour des délits liés à leur orientation sexuelle ou à leur identité de genre (55 %), ainsi que la grâce massive accordée par l’ancien Président Jimmy Carter aux Américains ayant résisté à la conscription lors de la guerre du Vietnam (54 %). Mais, si la grâce liée au cannabis accordée par Joe Biden est si significative, c’est parce qu’elle est la seule à bénéficier d’une majorité bipartite. En effet, la mesure a été soutenue par 79 % des démocrates et 51 % des républicains.

Front popul’herbe

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Alors que le résultat des législatives redessine le paysage politique français en faveur du Front Populaire, la question de la légalisation du cannabis, chère aux partis composant la nouvelle majorité à l’Assemblée nationale, a de grandes chances de trouver une issue favorable.

Au surlendemain des résultats des élections législatives, plusieurs tenors de la gauche plurielle ont fait savoir leur volonté de voir nommer à Matignon un membre du Front Populaire, notamment par la voix de Mathilde Panot  (LFI) qui « (exige)  qu’Emmanuel Macron respecte le vote populaire en choisissant de nommer un Premier ministre ou une Première ministre qui serait issu du Nouveau Front populaire » ou encore celle de Manuel Bompard (LFI ) qui estime qu’« aujourd’hui, nous nous préparons à gouverner. Nous nous préparons à appliquer le programme qui est le nôtre ».
Un optimisme justement tempéré par l’élue écologiste Marine Tondelier « On ne peut pas faire croire aux gens que dans la situation politique inédite qui est la nôtre, d’un claquement de doigts, on va sortir avec un Premier ministre, un gouvernement, tous les postes à l’Assemblée répartis par magie. Ça ne marche pas comme ça »

Soigner sa gauche

En effet, s’il est peu probable que le président remercie Gabriel Attal pour nommer un premier ministre qui soit issue de la nouvelle majorité relative, l’actuel ou futur locataire de Matignon devra refondre le gouvernement pour y inclure des ministres frontpopulairiens. Au marocain de la santé et au travail, exit Catherine Vautrin, farouche opposante au cannabis récréatif et thérapeutique. Le nom de Dominique Voynet circule déjà, une bonne nouvelle pour les partisans d’une fin de prohibition. Une inclinaison au progressisme  qui se retrouve dans la majeure partie des membres de la nouvelle majorité.
Après avoir fait les yeux doux à l’électorat de droite, Emmanuel Macron va donc devoir soigner sa gauche et revoir (encore) sa position sur le statut légal de l’herbe : en 2017 il estimait que « La légalisation a une forme d’efficacité ».
Au delà des arguments de santé publique, une de ces formes d’efficacité est de remettre de l’argent dans les caisses de l’Etat alors que le budget de a explosé (5, 1% du PIB en lieu des 4,4% prévus par Bruno Le Maire) et que Bercy cherche plus de 10 milliards pour respecter ses engagement vis-à-vis de Bruxelles. Légaliser le cannabis, récréatif comme thérapeutique, pourrait rapporter entre 10 et 30 milliards à l’Etat, avec à la clef la création de 200.000 emplois.

Evidence économique

Une économie que l’on ne saurait refuser en  temps d’austérité et d’incertitude. Jouer au gaulois réfractaire nous place à contre-courant de la marche empruntée par nos voisins allemands et Luxembourgeois qui ont légalisé, tandis que la République tchèque et la Slovénie en prennent le chemin, que la Belgique annonce aussi sa volonté de changer de politique. Cette même politique répressive qui continue d’être appliquée en France à grand coups d’épée dans l’eau et d’opérations « Place nette XXL ». 
Pourtant, en 2020, plusieurs députés de la majorité dont Caroline Janvier et Jean-Baptiste Moreau  avaient laissé entendre que pour les élections présidentielles de 2022, qu’Emmanuel Macron serait le champion d’un changement de législation au profit d’une légalisation encadrée, à l’instar de celle pratiquée au Canada. Modèle vertueux récemment loué sur la chaîne du service publique France 2, dans le documentaire de Mathieu Kassovitz  « Cannabis ».
Les mêmes causes produisant les mêmes résultats, s’entêter a suivre une politique de répression vieille d’un demi-siècle relève de l’obscurantisme. Reste à espérer que ce nouveau gouvernement sortira la France de l’ornière pour lui redonner son titre de pays des lumières.

Gabriel Attal, Premier ministre de la légalisation du cannabis?

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Gabriel Attal vient d’être nommé à Matignon pour succéder à Elisabeth Borne. Le bon élève du gouvernement, désormais premier de la classe, a sur le cannabis des idées plus ouvertes que ses prédécesseurs. Un espoir pour la légalisation ? Éléments de réponse.

Le 15 janvier, au micro de BFMTV, Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, prenait position sur la légalisation de l’herbe qui fait rire. Interrogé par Jean-Jacques Bourdin alors qu’une mission interministérielle sur le cannabis venait de lancer ses travaux à l’initiative du député de la Creuse Jean-Baptiste Moreau, le plus jeune membre d’un gouvernement sous la Vème République a tenu un discours des plus progressistes.

« On ne peut pas simplement dire : oui, il faut légaliser, sans se poser la question de savoir comment on l’accompagne » G. Attal

Lorsque Jean-Jacques Bourdin lui demande s’il faut ouvrir un débat sur la légalisation du cannabis, le futur ex-ministre de l’éducation nationale se fait très libertaire, tout du moins au regard de l’opinion du ministre de l’intérieur Christophe Castaner et du reste du gouvernement Philippe.
« Le débat, il doit se faire sur l’ensemble du sujet. Il doit se faire aussi sur les questions de prévention, sur les questions de sanctions, sur les questions de contrôle. Il y a quelques mois j’étais en déplacement au Québec, dans le cadre de mes fonctions liées à la jeunesse, je préside l’Office franco-québécois de la jeunesse, et j’en ai profité pour aller rencontrer des acteurs, puisque le cannabis a été légalisé au Québec il y a maintenant quelques mois. J’ai vu la Cité québécoise du cannabis, j’ai vu des médecins de prévention, de santé publique, j’ai vu des personnes qui consomment. Ma conviction, la conviction que ça m’a donné, c’est que l’enjeu principal c’est celui de la prévention. On ne peut pas simplement dire : oui, il faut légaliser, sans se poser la question de savoir comment on l’accompagne » développait alors Gabriel Attal dans « Bourdin direct ».

La connaissance vient de l’expérience

Si l’ancien élève de l’école Alsacienne est aussi souple et renseigné, c’est parce qu’il parle en connaissance de cause. Lorsque Jean-Jacques Bourdin lui tance un « vous avez déjà fumé ? », le 1er ministre en devenir répondra d’un « oui » franc et massif… Pondérant ensuite d’un raisonnable et pudibond « je ne suis pas un consommateur, et j’ai vu aussi auprès de camarades, lorsque j’étais plus jeune, j’ai vu ce que ça a produit aussi pour des jeunes qui étaient complètement accros, parce que franchement il faut aussi le rappeler ça, on parle de cannabis récréatif, on parle de manière assez légère, pour des jeunes qui fument régulièrement, qui tombent là-dedans, ça ramolli les neurones, et moi j’ai vu des jeunes qui ont été totalement déscolarisés et qui sont sortis de tout circuit, et ça, ce n’est pas acceptable. Donc c’est pour ça que c’est un sujet qui est très important, très lourd et qui mérite qu’on regarde l’ensemble des facettes ».

Une pandémie et nombre de crises politiques plus tard, le discours de Gabriel Attal s’est fait plus ambigüe, notamment lorsqu’il était ministre délégué chargé des Comptes publics auprès de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. En février 2023, le futur locataire de Matignon s’était en effet félicité, en compagnie de son n+1 à Bercy, des saisies record de cannabis.

Reste à savoir comment, après avoir formé son gouvernement, il conjuguera la question cannabis sur le mode du « en même temps » cher au président.

 

 

Jean Baptiste Moreau creuse le sillon de la légalisation

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Jean Baptiste Moreau fait parti des élus LREM qui se sont ouvertement prononcés pour une fin d’interdiction de l’herbe, quitte à froisser la ligne prohibitionniste du gouvernement et du candidat Macron qui se dit « défavorable à la légalisation »  Dans un entretien accordé à Zeweed*, le député et rapporteur de la mission d’information sur le cannabis nous confiait pourtant que la légalisation du cannabis serait au programme du candidat à la présidentielle 2022. Faudra-t-il attendre les législatives pour que l’ex et futur locataire de l’Elysée (s’il est élu) tienne promesse? Il y a un an, le député de la Creuse y croyait en tout cas.

Jean-Baptiste Moreau doit aimer l’herbe. Quand il ne s’occupe pas de celle que vont brouter quotidiennement les 300 vaches de son exploitation agricole, c’est de celle que fument les français dont il se mêle, en soutenant la légalisation du cannabis. Membre de La République En Marche dont il est porte-parole depuis 2019, Jean Baptiste Moreau est député de la Creuse depuis 2017. A contre-courant de la politique du gouvernement, il recommande en mai dernier la fin de la prohibition sur la cannabis à l’occasion de la remise du rapport de la mission d’information sur le cannabis (MIC).
Sa pugnacité et celle d’autre rapporteurs LREM de la MIC comme la députée du Loiret Caroline Janvier aura payé, puisqu’un référendum sur la légalisation serait au programme électoral d’Emmanuel Macron  pour les élections présidentielles de 2022. L’élu creusois nous a accordé un entretien téléphonique depuis sa voiture, garé sur une aire d’autoroute de son département.

Quel regard porter sur 50 ans de prohibition?
Celui d’un échec total. Malgré la prohibition, la consommation n’a cessé d’augmenter en France. A tel point que nous sommes le plus gros consommateur de cannabis d’Europe, avec une des politiques les plus répressives. On voit bien que cette gestion, qui aboutit à un million de consommateurs réguliers dans l’hexagone, ne fonctionne pas. Ca me rappelle la prohibition de l’alcool aux USA de 1929 à 1933, à laquelle Roosevelt a judicieusement mis un terme.
La prohibition ne peut pas fonctionner pour des consommations de masse comme l’alcool ou le cannabis.

« La prohibition ne peut pas fonctionner pour des consommations de masse comme l’alcool ou le cannabis ».

La Mission d’Information Parlementaire sur le Cannabis (MIC), dont vous êtes rapporteur, a rendu son rapport qui recommande entre autre la légalisation du cannabis récréatif. Pourtant, le gouvernement continu de camper sur des positions prohibitionnistes : Tout ça pour ça?
Effectivement, c’est un peu frustrant. Après, nous verrons si le temps donne raison à nos recommandations. Pour moi, qui ai suivi une formation scientifique, je pars du principe que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Nous avons mené une politique de prohibition sans aucun succès durant 50 ans. Je ne vois pas pourquoi cette même politique fonctionnerait aujourd’hui ou dans les 20 prochaines années. Ce n’est pas en multipliant les effectifs de police que l’on va éradiquer le marché illégal. Un commissaire haut gradé de la brigade des stupéfiants me confiait récemment le coté illusoire et vain de cette lutte contre le deal: quand une opération est menée, avec tout ce que cela suppose en mobilisation d’effectifs et de moyens, trois autre points de vente apparaissent le lendemain. On sait le caractère inefficace de la prohibition, mais on continu à s’entêter dans cette voie.

« Nous avons mené une politique de prohibition
sans aucun succès durant 50 ans.
Je pars du principe que les mêmes causes
produisent les mêmes effets ».

Quel est le point de blocage qui empêche la France d’aborder le problème comme l’on fait le Canada, les USA et une grande partie des pays membres de la communauté Européenne qui ont assouplit leur législation ?
Je pense que nous sommes restés dans une position trop dogmatique sur le sujet, et que les ministres concernés par ce dossier ignorent tout bonnement la question pour des raisons personnelles. En exemple, le premier ministre, qui est en charge de la réécriture de l’arrêt de 1990 (qui encadre les dispositions entourant la vente de chanvre bien-être NDLR) n’a même pas lu notre rapport sur la question CBD, fruit de deux ans de travail. Autant dire que ce n’est pas très engageant pour ouvrir un dialogue.
Encore une fois, les à-priori et positions dogmatiques tuent dans l’oeuf toute discussion. Quand je constate que certains membres du gouvernement  font encore la confusion entre CBD et THC… je ne peux que regretter que les travaux de la MIC n’ai même pas été gratifiés d’une lecture. C’est dommage, ça aurait contribué à grandement clarifier le débat.

« Certains membres du gouvernement
  font encore la confusion entre CBD et THC »

De fait, nous sommes encore dans la caricature,  quand j’entend par exemple certains ministres opposer à la légalisation le danger de l’escalade vers des drogues dites dures. C’est tout le contraire! C’est justement parce qu’aujourd’hui, le dealer a tout intérêt à vendre autre chose que du cannabis qu’il propose des drogues addictives et dangereuses, son intérêt étant d’accrocher le client.
Or, une des idées force de la légalisation est de couper du marché noir les consommateurs de cannabis!

Jean-Baptiste Moreau, la légalisation, il y croit dur comme vert.

La député LREM Caroline Janvier nous confiait dans un récente interview qu’un référendum sur la légalisation serait très vraisemblablement au programme d’Emmanuel Macron pour les présidentielles de 2022. Vous y croyez?
Oui, j’y crois. A l’image de ce qu’a fait Justin Trudeau au Canada (qui a légalisé le cannabis récréatifs quelques semaines après son élection en 2018 NDLR).
J’y crois parce que les positions du président sur la question, sauf dernièrement, ont toujours été mesurées. Il n’a pas de certitudes sur le sujet, et à ce titre, je crois en la capacité du LREM à en faire un des axes de sa campagne présidentielle.
Dans ce cadre-là, un référendum sur la légalisation du cannabis me paraît très probable.
D’ailleurs, il en a parlé récemment, de cette volonté d’organiser un débat autour de cette question.

« Dans le cadre de la campagne présidentielle (…)
Un référendum sur la légalisation du cannabis me paraît très probable ».

Ce serait pour quand, ce référendum, si Emmanuel Macron venait à être réélu?
Pour le premier semestre suivant l’élection. Encore une fois , à l’image de ce qu’a fait le premier ministre canadien Justin Trudeau, ce genre de décision s’impose en tout début de mandat, sinon, ça n’a pas de sens.

Et cette légalisation, justement, vous la voyez comment? Entièrement régie par l’Etat, comme l’imagine François-Michel Lambert, ou plus ouverte comme la conçoivent Caroline Janvier ou Eric Coquerel?
Je suis pour que l’Etat joue un rôle de régulation et de contrôle. Le but n’est pas de suivre un modèle type Colorado où c’est du tout-business avec de la publicité pour encourager à consommer ce qui reste tout de même une drogue. L’idée est de faire baisser la consommation, pas de l’inciter. Il m’apparaît important que l’Etat contrôle la distribution et la qualité des produits mis en vente. Je suis pour un commerce du cannabis sous contrôle de l’Etat et non pas fait par l’Etat. On voit bien que quand la production, la transformation et la distribution sont entièrement régies par l’Etat, comme en Uruguay, les résultats ne suivent pas:  le marché noir subsiste.

« Au Canada on voit que ça marche,
la consommation de cannabis chez les mineurs
est en baisse dans tout le pays »

Un modèle à la canadienne, le Québec** mis à part?
Oui, au Canada on voit que ça marche;  la consommation de cannabis chez les mineurs est en baisse dans tout le pays ainsi que la consommation de bière, avec des profits substantiels enregistrés dans les caisses de l’Etat. Après, il faut que cet argent dégagé sur les ventes de cannabis serve à mener des campagnes d’information et de prévention dans les écoles et quartiers sensibles. Il s’agit de créer un cercle vertueux.

Sur le récréatif, vous croyez à une filière française?
Pas en intégralité: les filières d’approvisionnement qui existent, il va falloir les traiter d’une façon ou d’une autre en les intégrant légalement au marché.  Bien entendu en contrôlant la qualité et le mode de production des produits importés. Sur cet axe, je pense notamment au Maroc. Nous avons des atouts pour proposer des produits de qualité, mais ne compter que sur la filière française pour alimenter ce marché me paraît peu réaliste.

Et vous, vous l’avez expérimenté ce cannabis récréatif?
Ca fait quelques années maintenant, mais oui, j’ai essayé. Quand on est jeune, on essaye des choses..  et lors de fêtes, ça m’est arrivé d’en consommer. A titre personnel, je n’en garde pas un souvenir impérissable: ça me donnait mal à la tête (rires)

*Interview réalisée en juillet 2021
**Au Québec, c’est le gouvernement de la province qui assure la production et la vente de cannabis dans des dispensaires d’Etat gérés par la SQDC.

 

Les candidats à la présidentielle font-ils la différence entre CBD et THC? Pas vraiment.

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Alors que le gouvernement souhaite toujours interdire la vente de fleurs de CBD et que le candidat Macron vient d’annoncer ne pas être favorable à la légalisation du cannabis, Konbini a demandé à 8 candidats quel était la différence entre THC et CBD. Le résultat laisse franchement pantois puisque seul 2 postulants à la magistrature suprême ont (à peu près) su faire le distinguo entre les deux cannabinoïdes. Zeweed a relevé les copies.

Si tous les politiques ont un avis bien tranché sur la légalisation du cannabis et l’interdiction de commercialisation de fleurs de chanvre bien-être (CBD), leur connaissance de la plante laisse franchement à désirer. Sur 8 postulants à la présidence de la République française, un seul aura su correctement répondre à la question « quelle est la différence entre le CBD et le THC« ,  alors qu’un second s’en tirait tout juste à coup d’approximations. Un grand travail d’information s’imposant, la rédaction a fait parvenir aux intéressés une invitation à venir suivre un cours de rattrapage dans nos bureaux parisiens. En attendant leurs réponses à notre courrier, voici les leurs à la question posée par le média en ligne Konbini.

Nathalie Arthaud: 0/20
Créditée de moins de 2% d’intentions de vote, la chef de file de lutte Ouvrière appelle dorénavant à fumer ses idées.
« Non, je ne peux pas vous dire la différence, (…) mais j’appelle la jeunesse à se droguer aux idées révolutionnaires ».

Anne Hidalgo: 0/20
La maire de Paris aurait-elle été prise dans un embouteillage qui lui aura fait rater la précieuse information?
« Euhh..; je sais pas, Je ne saurais pas vous dire », concède la candidate socialiste.

Dupont Aignan: 0/20
Le chef de file de « Debout la France » peut aller se coucher au fond de la classe. L’outsider d’extrême droite ayant gratifié la question d’un très souverain: « Je sais qu’il y a une différence mais ça ne m’ intéresse pas ». 

Philippe Poutou: 0/20
« Là, vous me posez une colle ». Ca alors! Des bisous, Philou.

Eric Zemmour: 0/20
Le polémiste a eu le verbe moins haut que d’accoutumé. Si l’ancien journaliste a toujours réponse à tout, il n’aura pas fait sensation sur la verte question dont la réponse est restée bloquée aux frontières de ses connaissances.
« Le THC,  je crois que c’est le taux de …. de…  dans le dans le cannabis quoi. »

Valérie Pecresse: 2/20
La candidate de la droite modérée botte gauchement en touche  d’un « j’ai pas d’avis sur les substances qui sont considérés comme non toxiques par la science c’est à la médecine de dire ce qui est toxique et ce qui ne l’est pas ». Comprenne qui pourra…

Yannick Jadot: 12/20
Le candidat écologiste, pro-légalisation, déçoit par son imprécision sur un dossier qu’il dit pourtant maîtriser . Si le THC est bien le cannabinoïde psychotrope de l’herbe, ce n’est pas un taux…
« Le THC est le taux de psychotropes dans le cannabis »

Fabien Roussel : 19/20
Le communiste aux 1,4% d’intention de vote s’avère le plus compétant sur la question, bien plus loquace que lorsqu’il était attaché parlementaire.
« Le CBD est ce cannabis qui est en ventre libre, non toxique et que l’on peut fumer sans avoir les effets nocifs du cannabis » (illégal NDLR).