Paris XIXème siècle, les dédales de la capitale sont décousues, les allées sombres voient le brouillard de la ville se déposer sur les balustrades des terrasses. La nuit observe les maisons closes débordées, les salons s’enivraient et un nouveau club très privé s’installa dans un hôtel particulier de l’île Saint-Louis : Le Club des Hashischins.
À la suite d’un voyage de plusieurs années en Orient, l’éminent médecin Moreau de Tours revient à Paris, et avec lui, une cargaison de haschich.
Alors que l’opium est à la mode, Moreau reste persuadé que le hashich possède des vertus psychotiques dans le traitement de certaines maladies mentales.
Il ouvre en 1843 avec le peintre Fernand Boissard une confrérie dédiée aux amateurs de cannabis. Mondains, bohèmes, artistes, sentimentales, tous s’y retrouvent pour explorer l’inconscient et avec ça c’est la fine fleur des écrivains qui relateront leurs experiences dans divers récits:
« La figure du docteur rayonnait d’enthousiasme ; ses yeux étincelaient, ses pommettes se pourpraient de rougeurs, les veines de ses tempes se dessinaient en saillie, ses narines dilatées aspiraient l’air avec force. » Ceci vous sera défalqué sur votre portion de paradis», me dit-il en me tendant la dose qui me revenait »
Théophile Gautier lors de sa première dégustation.
« J’ai entendu des voix célestes et j’ai vu des peintures divines. J’ai descendu pendant vingt ans l’escalier de Pimodan… Mais ce matin, depuis mon réveil, je dors toujours, et je suis sans volonté». Balzac
Ces séances de consommation appelées Fantasia par les membres étaient avant tout un lieu d’exploration et d’observation on l’on pouvait déguster exclusivement des drogues comme le haschich ou l’opium. Mais celle qui méritera le plus d’attention de la part des intellectuels sera le dawamesk: une confiture verdâtre faite à partir de résine de marijuana assaisonnée de miel, d’épices, de liqueur, de cannelle ou d’amande afin d’étudier les effets du haschich sur le corps et l’esprit.
Et comme il ne faut pas abuser des bonnes choses, Beaudelaire interviendra majoritairement en tant que spectateur pour décrire ce que n’importe quelle drogue possède: ses affres.
Il écrira la première partie des Paradis Artificiels en 1858 en définissant la drogue comme étant un moyen qui permet aux hommes de se transcender pour rejoindre l’idéal auquel ils aspirent.
Gautier quant à lui écrira: « Après une dizaine d’expériences, nous renonçâmes pour toujours à cette drogue enivrante, non qu’elle nous eut fait mal physiquement, mais le vrai littérateur n’a besoin que de ses rêves naturels, et il n’aime pas que sa pensée subisse l’influence d’un agent quelconque. »