La dépénalisation fédérale du cannabis était une des promesses de campagne de Donald Trump : arrivé au pouvoir, le locataire de la maison blanche souffle le chaud et le froid avec la nomination de Terrance Cole à la tête de la Drug Enforcement Administration (DEA). Décryptage.
Terrance Cole, figure historique de la DEA est en passe d’en devenir le nouveau patron. Malgré l’avancée de sa nomination par le comité judiciaire du Sénat, l’homme refuse de préciser clairement son soutien à la reclassification du cannabis, sujet brûlant de l’administration Biden. Sa prudence tranche avec le volontarisme affiché par son prédécesseur envisagé sous Trump.
Une nomination en demi-teinte
Le comité judiciaire du Sénat américain a validé, par un vote serré (12 voix contre 10, selon les lignes partisanes habituelles), la candidature de Terrance Cole pour diriger la DEA. Cette décision ouvre la voie à un vote de confirmation en séance plénière. Pourtant, le principal intéressé reste évasif concernant l’avenir de la reclassification du cannabis, actuellement à l’étude pour passer du statut très restrictif de l’annexe I à l’annexe III, ce qui en faciliterait l’accès médical et légal.
Cole, qui s’est déjà inquiété publiquement des dangers du cannabis et de ses liens supposés avec une hausse des suicides chez les jeunes, promet toutefois de se saisir du dossier comme « une priorité immédiate », sans préciser quel résultat il souhaite obtenir. « Je donnerai à la question une attention minutieuse après consultation du personnel compétent au sein de la DEA et après m’être familiarisé avec le statut actuel du processus réglementaire ainsi qu’en examinant toutes les informations pertinentes », a-t-il précisé.
Un comité pour apaiser les tensions
Lors de son audition devant le comité sénatorial le mois dernier, Cole a reconnu l’urgence de dépasser les blocages accumulés. « Je ne sais pas exactement où en est le processus, mais il est clair qu’il faut avancer », a-t-il affirmé. « J’ai besoin de mieux comprendre où en sont les agences, examiner les données scientifiques disponibles et écouter les experts pour réellement saisir l’état actuel du processus ». Il a annoncé vouloir constituer un groupe de travail dédié à mieux gérer la contradiction entre les lois fédérales et celles des États, en particulier ceux ayant déjà légalisé l’usage du cannabis.
Son parcours professionnel confirme son approche prudente : ancien de la DEA pendant 21 ans, il occupait récemment le poste de secrétaire à la Sécurité publique en Virginie, supervisant notamment l’autorité de contrôle du cannabis. Sa position personnelle ne fait aucun doute, comme il l’affichait clairement l’an dernier sur LinkedIn : « Tout le monde connaît mon avis sur la marijuana après plus de 30 ans dans la police, alors ne me posez même pas la question ! »
Un dossier coincé dans l’inertie administrative
Cette prudence contraste fortement avec la tentative de nomination précédente sous Trump : Chad Chronister, shérif de Floride favorable à la dépénalisation du cannabis, avait dû retirer sa candidature sous la pression de la frange conservatrice du Sénat, critique notamment de ses mesures liées à la sécurité publique durant la pandémie de COVID-19.
La procédure actuelle de reclassification du cannabis, initiée sous Biden, est au point mort depuis plusieurs mois à la DEA, sans calendrier clair pour sa reprise. Ce dossier était précédemment bloqué par Derek Maltz, administrateur intérimaire opposé au cannabis, qui considérait cette substance comme une « drogue d’entrée » responsable de psychoses.
Cette inertie suscite la colère de nombreux militants pro-cannabis, qui dénoncent une guerre sourde menée par certaines instances fédérales contre les consommateurs médicaux. Récemment, un procureur fédéral intérimaire a averti un dispensaire légal de Washington, D.C., au sujet de possibles infractions à la législation fédérale, précisant toutefois que fermer ces établissements n’était pas sa priorité première, tout en indiquant que « l’instinct est que cela ne devrait pas être dans la communauté ».
Par ailleurs, un comité d’action politique (PAC) financé par l’industrie du cannabis a intensifié ses attaques contre le bilan de Biden en la matière, poussant même à comparer défavorablement les États-Unis avec le Canada voisin. Ce contexte tendu place Cole devant un choix délicat : accélérer la réforme pour satisfaire un électorat de plus en plus favorable à la légalisation, ou maintenir une prudence qui pourrait s’avérer politiquement coûteuse.

