A quelque trois semaines des élections législatives, la CDU et son alliée bavaroise, la CSU, ont annoncé dans leur programme électoral vouloir « abolir la loi sur le cannabis du précédent gouvernement ». Avec ces partis en tête des sondages, cette promesse électorale pourrait bien faire revenir l’Allemagne à l’âge de la prohibition.
La CDU/CSU caracole en tête avec 31 % des intentions de vote. Mais pour gouverner, elle devra s’allier à un autre parti, excluant d’office l’extrême droite de l’AfD, actuellement deuxième dans les sondages. Un casse-tête qui pourrait la forcer à composer avec une formation pro-cannabis.
Le principal argument contre la légalisation ? L’explosion des prescriptions de cannabis médical, soupçonné de masquer un usage récréatif déguisé. Une situation amplifiée par la lenteur extrême du processus d’octroi de licences aux associations de culture.
Dans son manifeste électoral, la CDU/CSU martèle que la loi actuelle « protège les dealers et expose nos enfants à la drogue et à la dépendance ». Une rhétorique choc, mais floue : l’annulation de la loi signifierait-elle aussi le retour du cannabis médical dans la liste des stupéfiants ?
Interrogé par Handelsblatt, Tino Sorge, porte-parole santé du parti, a dénoncé la légalisation comme « une grave erreur à corriger« , sans préciser si cela impliquerait un retour au statut de stupéfiant.
L’argument phare des opposants ? L’accès trop facile au cannabis médical, qui deviendrait un détour pour les consommateurs récréatifs. Des entreprises comme Dr Ansay sont dans le viseur, accusées de profiter des failles du système pour permettre des prescriptions sans réel contrôle médical.
Un reportage choc de la ZDF révèle que la plateforme facilite l’obtention d’ordonnances via de simples questionnaires en ligne, évitant les consultations physiques. Pire encore, certains médecins de l’UE prescriraient du cannabis sans respecter les règles éthiques. Une praticienne autrichienne aurait délivré des ordonnances sans jamais rencontrer ses patients, son adresse professionnelle étant introuvable.
Economie florissante sous pression
En parallèle, l’imbroglio autour des associations de culture bloque l’accès légal au cannabis récréatif. À ce jour, seulement 90 licences ont été accordées sur 442 demandes, freinant l’essor du marché légal et alimentant la consommation via le marché noir ou le cannabis médical.
Malgré ces vents contraires, l’industrie du cannabis médical ne s’est jamais aussi bien portée. Selon un rapport du Bloomwell Group, les pharmacies ont enregistré une hausse de 1000 % des prescriptions entre mars et décembre 2023, boostée par la loi entrée en vigueur le 1er avril.
Les variétés disponibles ont presque doublé et le prix moyen au gramme a chuté, passant de 9,27 € en janvier à 8,35 € en novembre. Les souches à forte teneur en THC (plus de 25 %) gagnent du terrain, représentant 29 % des prescriptions en fin d’année.
À l’approche du scrutin du 23 février, les professionnels du secteur montent au créneau pour défendre le CanG Act. L’Association allemande des entreprises du cannabis (BvCW) a publié un manifeste intitulé Le cannabis, moteur de croissance : Opportunités industrielles et options politiques. Son président, Dirk Heitepriem, souligne l’importance de ce marché pour l’investissement étranger et l’économie allemande en crise.
David Henn, de Semdor Pharma, alerte : « Si la loi était abrogée, ce serait un séisme pour l’industrie. Je suis convaincu que 70 % des entreprises du secteur disparaîtraient en un an. »
Mais tout le monde n’est pas contre un encadrement plus strict, notamment pour les téléconsultations. Le BvCW plaide pour une modernisation des règles afin de mieux réguler ces pratiques tout en préservant l’accès des patients en zones rurales.
Dans ce contexte explosif, l’Allemagne joue à partir du 23 février une partie décisive pour l’avenir du cannabis sur le Vieux Continent.