Hier samedi 25 octobre, Beaubourg tirait le rideau sous l’égide du label Because, avec Pedro Winter en MC et Thomas Bangalter en guest star. Récit d’une nuit historique.
20h30, parvis du Centre Georges Pompidou. Sous une petite pluie et de belles rafales de vent, j’arrive à la Because Beaubourg Party  au coude à coude avec Foc Kan -qui mitraille déjà comme s’il fallait sauver la nuit- et flanqué de Guillaume Fédou, journaliste poli-vaillant à Zeweed. La sécurité passée,  le spectacle commence tout de suite:  Because a royalement  pimpé le Centre George Pompidou en un vaisseau amiral prêt au dernier voyage : escalators en rubans, jeux de lumières kaléidoscopique, néons et stromboscopes au milieu de jets de fumée,  et un courant alternatif qui annonce ces soirées magiques où l’on rajeuni de 10 ans en une nuit.

Au sixième, je retrouve Jaïs Elalouf qui patine alors que Breakbot entame son set et branche la machine à remonter le tempo dans les années 80 : basses en velours, claviers chrome, coups d’épaules à l’Italo et clin d’œil assumé à la Main Jaune : couples qui se refont un flirt en huit, cheveux laqués, genoux dociles, et ce groove qui transforme tout Paris en memory lane façon La Boum.
Sébastien Tellier, lui, choisit l’intime. Un îlot de lumière cerné par un public qui grimpe aux remparts pour voir mieux : voix de velours froissé, chansons comme des confidences sur coussins d’orgue. On dirait qu’il serre Paris dans ses bras — et Paris, pour une fois, ne se débat pas. Plus tard, au VIP lounge, je le retrouve, verre de rouge à la main, raccord avec ses yeux . On partage une cigarette, l’air s’épaissit et les idées se déplient. « Et si tu faisais la couverture de Zeweed #11 ? » Il sourit comme un chat qui a déjà volé la crème.  Au sous-sol Christine and the Queens assurent un remarquable showcase entre statue grecques face à un public conquis.  Les colonnes regardent, les muses acquiescent, et la voix se faufile entre les bustes comme un laser baroque. Il est 22h,  Beaubourg n’est pas prêt de fermer l’oeil.

A 1h Pedro Winter monte en passerelle, tout sourire depuis qu’il a fait  la couverture de Zeweed signée Pierre et Gilles . Un rêve d’enfant que Pedro nous rend bien en nous invitant à la dream night de l’année… La nef bascule, les basses de Busy P. font battre les murs de Beaubourg au rythme de la heavy disco, signature sonore d’Ed Banger. 
Alors que nous sommes déjà en full extase, le saint esprit electro nous sanctifie. Thomas Bangalter fait son entrée, sous les cris de 6000 happy few au bord de l’orgasme, pour nous gratifier d’un set d’une heure trente qui tord le temps et remet les pendules à la nuit.
Un set mythique et doublement historique, lorsque la voix de Jacques Chirac, alors premier ministre qui défend à l’époque le projet Beaubourg devant les députés envahit la salle: « Georges Pompidou savait qu’il est dangereux pour une société de feindre, d’ignorer l’art qu’elle engendre, même s’il la conteste. Car cela marquerait qu’elle refuse d’ouvrir les yeux sur ce qu’elle est ». Pendant que ces mots résonnent, Thomas Bangalter lance crescendo le beat de « Contact » , titre final du dernier album des Daft Punk (Random Access Memory).
Quand Pedro revient ferrer la marée, épaulé par Fred Again et Erol Alkan, c’est l’ultime traction. Les salles vibrent comme des caissons thoraciques, la façade Pompidou se transforme en boom blaster géant.
À 5 h, je ressors de cette soirée légendaire avec le sentiment d’avoir traversé un musée vivant, où l’art contemporain avait choisi son médium : la sueur, le son, la vitesse. Because a signé l’épitaphe la plus joyeuse de la saison. Si Beaubourg tire bel et bien son rideau, je me dis que certaines fermetures ont l’élégance de ressembler à des ouvertures.
 
  
  
  
 
                    
                

 
                 
             
             
             
             
             
             
            