Prohibition

Le roman de Dr Cannabis

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Au milieu des années 1980, la F1, première herbe locale de qualité, embaume l’air d’un département qui se prend alors pour la Californie. Elle est produite et récoltée par celui que la presse de l’époque surnommera alors le « Dr Cannabis » – pour son savoir-faire, des aventures judiciaires rocambolesques et un diplôme de médecine obtenu en prison. Rencontre avec le Franco-Allemand qui aura converti l’Hérault à la « cannabiculture ».

Par Jean-Christophe Servant

La chute de Peter Kiszka remonte à 2003. Et quand on dit chute, ce fut littéral : son ULM tombe en rade de moteur alors qu’il s’élance au-dessus de La Cavalerie, sur le plateau du Larzac. La dégringolade. Et voilà le corps du quinquagénaire franco-allemand éparpillé, façon puzzle. « Il n’a jamais cherché à être sympathique, souligne Vincent*, l’un de ses vieux amis, qui continue à venir aider Peter quand il a des problèmes d’ordinateur. Et il est plutôt docte et cassant. Mais il avait jusqu’alors ce qu’il fallait pour être bien entouré : son cannabis… Sauf qu’à partir de cet accident, poursuit Vincent, Peter s’est retrouvé dans l’impossibilité physique d’en planter, et il a commencé à se retrouver tout seul. » Vingt ans après, le corps est toujours brisé. « Niqué de partout » selon son expression. Sa condition l’oblige à se traiter à la morphine alors qu’il reste de longues journées, seul, dans son domicile du centre de l’Hérault, à lire tous les spams qui s’accumulent sur son vieux PC.

Peter se rappelle très bien notre première rencontre organisée par Vincent. C’était juste avant la Covid et la discussion fut à sens unique, face à ses digressions qui nous entraînaient vers des culs-de-sac. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Peter est un client compliqué pour un journaliste. Quatre ans d’attente plus tard, le revoilà, à domicile, rasé de frais. Il avait d’abord été entendu avec Vincent que l’entretien se ferait avec Peter dans sa baignoire où il peut plus facilement contrôler ses idées et calmer son corps dans un bain à 35 degrés. Finalement, il s’assoit devant son ordinateur, dont le désordre de l’écran d’ouverture est à l’image de sa demeure meublée d’un bordel de caisses, de livres et de magazines épars. « J’ai besoin de quelqu’un pour ranger mes dossiers, mais je n’arrive à trouver personne », constate Peter…

Le Dr Kiszka, quelques années de prison et turbulences plus tard...

« Le bon docteur Kiszka »

Peter aura bientôt quatre-vingts ans. Vincent, notre interface conviviale, s’approche des 70 balais. C’est l’âge moyen de tous ceux qui ont collaboré avec celui que Libération surnommait, en 1984, le « bon docteur Kiszka », en référence à son diplôme de médecine finalement obtenu derrière les barreaux, alors qu’il purgeait sa deuxième peine de prison pour infraction à la législation sur les stupéfiants. En tout, le « bon docteur Kiszka » aura passé douze ans d’incarcération à la fin du siècle dernier, avec Vincent, qui patiente dans la pièce à côté pendant notre entretien. Notre échange s’avérera moins décousu, mais toujours aussi en rhizome. Nous sommes en effet ici dans un petit club très fermé de retraités : celui des seniors de la cannabiculture languedocienne. Du milieu des années 1980 au milieu des années 1990, Peter, Vincent et un petit groupe de jeunes trentenaires actifs, réunis autour du premier, vont compléter leurs revenus en agrémentant les fumeurs de l’Hérault avec la première production locale de weed de qualité : la F1 – bien avant que tout ce petit collectif ne se dissolve, et taille son propre chemin dans la production locale, après que Peter, l’aîné, est devenu par trop imprévisible.

 Ferme de la drogue et prison ferme

Peter Kiszka est né en 1945 sous les bombes, dans les Sudètes (zones à majorité germanophone de l’ex-Tchécoslovaquie) et a grandi dans le nord de la France, avant de rentrer à l’École des mousses de Toulon, puis de mener son service militaire dans l’armée de l’air, à bord d’un Breguet Atlantic. Il commence ensuite à étudier le droit, puis la médecine dans le Montpellier baba cool du début des années 1970, où il finira par se retrouver interne dans son CHU. La première fois où Vincent a fumé l’herbe de Peter, avant même de le connaître, c’était en 1986. Sa copine de l’époque avait ramené sa production dans un paquet de Tampax. « C’était impressionnant et du vrai circuit court ! », souligne Vincent. Les fleurs, qui avaient été préalablement séchées sur des fils de linge tirés dans un appartement du centre de Montpellier, faisaient partie d’une production de 40 kg poussée sur un terrain vague à la sortie de la métropole, en direction de Palavas. « À partir de cet instant, poursuit Vincent, nous avons commencé à maronner dans l’Hérault à la recherche d’endroits où planter, puis nous avons ouvert notre premier laboratoire. » Vincent va tout apprendre aux côtés de Peter, véritable maître artisan en cannabis : les périodes de floraison, bien sûr, mais aussi comment différencier les plantes, les entretenir, faire des boutures, se débarrasser des araignées… À l’époque de leur rencontre, Peter est déjà une figure culte de l’underground du cannabis français, au point d’avoir fait l’autre actualité du 11 mai 1981. Sur la une du Midi Libre de ce jour, au-dessus de la photo de François Mitterrand qui vient d’être élu président de la République, un bandeau annonce la saisie de 10 000 plants de cannabis en Lozère, dans le hameau de Poulassargues. « Plus importante “ferme de la drogue” jamais découverte en France », titre le quotidien.

Les RG informés… par Dr Cannabis

Cette gargantuesque production, Peter Kiszka ne s’en est jamais caché, au contraire. Un an plus tôt, il avait en effet averti l’inspecteur des RG le plus proche de son projet : « Étudier le comportement du cannabis lorsqu’il est transplanté dans la région méditerranéenne et son éventuelle utilisation pour la désintoxication des drogués. »

Pendant des mois, Peter Kiszka va ainsi récolter, faire sécher et analyser son herbe… jusqu’à l’intervention des gendarmes… stupéfaits. 1981 sera une bonne année pour notre Maréchaussée : cette année-là, les stups arracheront 18 913 pieds de cannabis en métropole, dont la majorité chez Peter ; qui va se montrer inflexible devant le juge d’instruction de Mende. Celui-ci argumente que ce n’est pas du chanvre indien, alors seul prohibé par l’article R5166 du code de la santé publique, mais une variété locale qui ne peut en aucun cas être qualifiée d’indienne puisque les graines sont européennes et ont poussé en Lozère… « Des arguties et des manœuvres dilatoires ou destinées à compliquer la recherche de la vérité », soulignera le 9 février 1984 le tribunal de Mende, qui le condamnera à cinq ans d’emprisonnement. Non sans que Peter n’ait entretemps fait appel et soit allé jusqu’à se pourvoir en cassation, retoquée au prix d’un tour de passe-passe juridique : sa condamnation finale ramenée à trois ans de prison, s’appuiera sur la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, qui, contrairement à l’article R5166, ne distingue ni la variété, ni le sexe du cannabis.

Piges dans Le Quotidien du Médecin

Peter Kiszka a découvert l’herbe au début des années Giscard. Durant sa présidence, la dépénalisation du cannabis devient un sujet politique, dans le sillage de « L’Appel du 18 joint », en 1976, lancé par le quotidien Libération. En 1979, Peter organise au centre culturel Rabelais de Montpellier, une conférence autour du livre programme de Michka Seeliger-Chatelain, Le Dossier vert d’une drogue douce (1978), best-seller parmi les fumeurs de l’époque. « Et c’est là que les emmerdes ont commencé, poursuit Peter, jusqu’à me retrouver balancé, en 1981, sur fond de règlement de comptes entre Giscardiens », estime-t-il. Notre interlocuteur martèle pourtant « n’avoir cultivé que pour étudier l’usage thérapeutique du cannabis, jamais dans un autre but. D’ailleurs, je n’ai que très peu fumé, et plutôt surtout fait semblant d’inhaler. J’ai toujours en effet eu des problèmes avec les fumeurs ». Peter ira d’ailleurs jusqu’à tenir dans les pages du Quotidien du Médecin (à l’époque vendu sous le titre Le Généraliste) une rubrique, signée du « Dr Cannabis » où il invitera « les médecins intéressés par la légalisation médicale du cannabis » à le contacter, adresse montpelliéraine à l’appui… Dans le genre discret… « Peter est un intellectuel mais aussi un manuel, tout comme incontestablement un des meilleurs spécialistes français du cannabis, rétorque Benoît*, un autre ancien de la F1. Mais il oublie de rappeler qu’à un moment, l’herbe nous a aussi offert une vie confortable à Montpellier, à lui comme à nous. »

Quand le Dr Cannabis pige pour le Quotidien du Médecin

« Une autre herbe française est possible »

À la fin des années 1980, la préfecture de l’Hérault, dynamisée par l’arrivée aux affaires municipales du socialiste Georges Frêche, rayonne sur une terre aux airs de Californie française. Les nouveaux quartiers poussent. Les babas à shilom ont laissé place aux punks des Sheriff et d’OTH. L’hédonisme s’empare des rives du golfe du Lion, porté par le parfum de liberté post-1981 et la présence d’une communauté LGBT+ festive grandissante. Mais, hors des « poppers » et de la résine de cannabis marocaine, toujours point d’alternative en matière de drogues douces : l’herbe locale, quand on arrive à en trouver, continue à avoir toujours un goût de foin. La F1, adaptée d’une semence ouest-africaine, va convertir les plus sceptiques. Oui, « une autre herbe française est possible » ! À travers les réseaux cloisonnés qu’ils vont discrètement développer, Peter et sa bande de trentenaires commencent à écouler de plus en plus de récoltes remontées de leurs plantations clandestines, planquées sur des friches de terrain vague éparpillées dans le centre de l’Hérault, le littoral étant devenu trop risqué. « On devait beaucoup crapahuter et c’était très physique, surtout lorsqu’il fallait ramasser l’herbe couchée par la pluie », se souvient Benoît.

F1 et décapotables

Mais le jeu en vaut la chandelle. Le gramme de F1 qui s’écoule 8 francs en 1987, monte très vite à 12 sous la demande, avant de grimper à 15 avec les années 1990. La F1 se vend jusqu’à Lyon. Et les commandes groupées se multiplient « jusqu’à produire des paquets de 250 grammes avec des machines à faire des briques en papier ». Alors que les ventes et recettes explosent, Peter, qui « est saisi par une fièvre dépensière chaque fois qu’il sort de prison » et aime rouler en décapotable. Ça sort danser au Rimmel, un club du centre de Montpellier, plutôt qu’au Reganeous, trop voyant et surveillé. Pas question d’ailleurs de vendre la F1 aux entrées de boîtes de nuit et de concerts, alors que notre groupe commence à se marier et faire des enfants. « Ce qui nous poussait encore plus à faire profil bas pour ne pas trop se faire remarquer », se souvient Vincent. Sauf Peter, qui va ne pas s’assagir. C’est désormais une icône depuis que ses faits d’armes ont été relayés par la bible cannabique des années 1990 : le livre Fumée clandestine : Le livre du cannabis (1991) de Jean-Pierre Galland, futur fondateur du Collectif d’information et de recherche cannabique (Circ) que Peter croisera aussi à Montpellier. On parle même de lui lors d’une émission de Christophe Dechavanne. « Cette exposition médiatique aurait pu l’inciter à la prudence, poursuit Vincent. Or, sans nous avertir, il va ouvrir un nouveau laboratoire à Aix-en-Provence… qui va, bien sûr, être découvert. Avec la documentation qu’ils ont retrouvée sur place, ça a failli me griller. C’est à partir de ce moment qu’on a commencé à s’éloigner de lui et de ses projets de plus en plus compliqués pour mener les nôtres et nous lancer également dans la cannabiculture. Jusqu’à ce que l’on apprenne son accident en ULM… »

Dernière moisson

Au moment où Peter Kiszka se crashait en 2003 sur les contreforts du Larzac Nord, le commerce des anciens qui l’avaient côtoyé s’était envolé. Produisant dans les 100 kg par récolte et par producteur, il ne s’agissait plus de F1, mais d’une nouvelle variété développée à partir de semences achetées sur les premiers catalogues de la Sensi Seeds Bank hollandaise. « Nous étions de vrais commerciaux, contrairement à Peter, qui ne l’a jamais été », résume Vincent. Mais si la demande était toujours là, « l’ambiance avait commencé à se tendre alors que la concurrence se faisait de plus en plus vive ». Des braqueurs armés et cagoulés viendront même casser une des plantations sur le point d’être récoltée. Signe qu’il était temps de se ranger, pour les anciens du groupe de Peter. Vincent arrêtera la production après la saison 2005, le restant du groupe à l’orée des années 2010. « Quand il s’agit de fumer, notre groupe sait toujours se débrouiller pour en trouver. Mais c’est de l’histoire ancienne. » Vincent n’en a jusqu’alors jamais parlé à ses enfants.

C’est le moment de laisser le « bon docteur Kiszka » dans la pénombre et le chaos de son appartement. Dans quelques jours, Vincent repassera le voir, comme toujours. Jusqu’au moment où Peter décidera d’en finir définitivement avec ses douleurs. Leurs conversations tournent de plus en plus souvent autour de cette échéance. Vincent dit comprendre, tout en s’opposant évidemment fermement aux humeurs noires de Peter : « Il est fatigant. Mais, en attendant, je serai toujours là. Je n’oublie rien : grâce à Peter, nous avons connu et profité d’une période royale. Au bon moment, au bon endroit. Et quelle beuh c’était… »

* Les prénoms ont été changés.

Ganja in India: entre illégalité et sacré.

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Si en Inde, le cannabis est considéré comme une plante divine dans les textes anciens, son commerce et son usage sont officiellement interdits depuis 1985 . Une très relative prohibition, puisque le haschich et la Ganja y sont toujours largement produits et consommés. A quand la (re)légalisation du sacré ?

C’est sur les contreforts de l’Himalaya que pousse un cannabis Indica qui produit un des haschich les plus prisé au monde : le Charas.
Longtemps vénéré avant d’être produit illégalement, ce cannabis made in India y est cultivé en abondance et trouve des consommateurs de tout âge et caste dans une société pourtant considérée comme peu souple.
Selon une étude menée par ABCD, pour Seedo, New Delhi, la capitale, se hisserait  -en nombre d’enthousiastes de la fumette-  au deuxième rang des villes les plus consommatrices de ganja du globe. Mumbai, la capitale financière, ne fait pas exception à la conso’ d’herbe puisqu’elle se place à la 6ème position des 120 villes les plus amateur de marijuana de la planète.

Plante bénite

Un penchant cannabique qui n’a rien de surprenant tant la large consommation de weed dans l’ancienne colonie britannique ne peut être isolée de la longue histoire du pays au 330 millions de divinités, avec une consommation de la belle plante qui remonte au moins  à 2000 avant JC.
Soit bien avant les élucubrations fumantes des communautés 60’s de Goa.
Le quatrième Veda de l’hindouisme appelé Atharva Veda parle ainsi du cannabis comme «l’une des cinq plantes les plus sacrées».
Quand au dieu porte-bonheur  Shiva, il aurait abonnement consommé l’herbe magique.

Shiva et Parvati préparant un Bhang

Le même  Shiva qui est souvent représenté avec un chillum (pipe indienne traditionnelle en argile).

Homme fumant le shilom

Le Bhang, boisson planante composée de feuilles de cannabis et de lait est aussi mentionné nombre de fois dans les textes religieux indiens. Inattendue intervention divine ou tolérance pragmatique? Toujours est-il qu’en vertu de la Convention unique sur les stupéfiants et de la loi sur les substances psychotropes 1985, le Bhang n’est pas classé comme stupéfiant dans le pays. Il est donc possible, légal et culturellement très correct de s’envoyer un space-cake liquide en Inde.

Outre le contexte religieux, le système de médecine indien, l’Ayurveda, est également connu pour largement avoir recours au cannabis comme ingrédient actif dans les préparations. Pas moins de 191 formulations et plus de 15 formes posologiques ont inclus la weed comme ingrédient premier pour traiter des problèmes allant de la constipation  à l’hypertension artérielle.
Médicalement, la consommation de cannabis est aussi recommandée par la médecine moderne pour traiter d’autre pathologies/conditions telles que les nausées et vomissements provoqués par les traitements chimiothérapiques, améliorer l’appétit des patients atteints du VIH / SIDA et réduire les  douleurs chroniques. La marijuana agit aussi en thymo-régulateur, son fonctionnement neurologique s’apparentant à celui d’un anxiolytique, sans addiction à la clef.

Herbe interdite

En vertu de la loi de 1985 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (NDPS), le commerce et la consommation de résine de cannabis (charas) et de bourgeon (ganja) sont désormais illégaux et toute personne trouvée en possession de hasch ou d’herbe encoure  jusqu’à 20 ans d’emprisonnement. Cependant, l’illégalité du cannabis en Inde est des plus théoriques, comme le souligne le Rapport mondial sur les drogues 2019 publié par l’ONUDC, la section « stupéfiant » de L’ONU, qui nous apprend que plus de 3% de la population indienne âgée de 18 ans et plus et un peu moins de 1% de les adolescents âgés de 10 à 17 ans avaient consommé de la weed ou du hasch en 2018.
Bien qu’une certaine latitude en matière de tolérance  ait été accordée aux gouvernements régionaux pour fournir des licences permettant de cultiver du cannabis à des fins de recherche et à des fins médicales, seules quelques régions comme  l’Uttar Pradesh et l’Uttarakhand ont réellement reçus une licence de culture du chanvre.

Le marché indien du cannabis, entre ses débouchés et un terreau des plus favorables, attire les convoitises de multinationales autant qu’il anime la volonté de légalisation de plusieurs collectifs et ONG, organismes qui ont déposé des requêtes en justice demandant sa légalisation pure et simple. Les entrepreneurs et pétitionnaires en question affirmant non sans fondement que les bienfaits médicinaux du cannabis ont été reconnus dans le monde entier, et que l’Inde offre des conditions climatiques idéales pour que la plante y prolifère largement.
Selon un rapport de Grand View Research Inc., le marché mondial de la marijuana légale devrait atteindre 146,4 milliards de dollars d’ici la fin de 2025. Un marché sur lequel le second pays le plus peuplé au monde, qui fait face à un défi économique et sociale de taille, a tout intérêt à miser.

Chez les hippies Soviétiques

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Alors que Vladimir Poutine a annoncé vouloir faire la paix avec l’Ukraine et que nous nous apprêtons à commémorer le triste anniversaire de l’invasion russe le 22 février 2022,  ZEWEED revient sur une étonnante séquence de l’ère soviète : le mouvement Peace and Love in USSR. Une belle invitation à faire l’amour et pas la guerre dont l’actuel locataire du Kremlin aurait bien fait de s’inspirer il y a trois ans.

C’est une époque dont on sait peu de choses tant les visites des étrangers en URSS étaient soigneusement encadrées par un système qui maintenait un contrôle absolu sur ses citoyens.
Bien avant la révolution d’octobre 1917, la culture du chanvre à des fins industrielles était largement répandue dans tout le pays, faisant de la Russie le 1er producteur de chanvre mondial. Cette culture était déjà très ancienne: la Russie fournissant le chanvre pour les cordages de la marine britannique depuis 1715,  à l’époque du Tsar Pierre Le Grand.

A la fin du 19e siècle, avec la concurrence du coton américain et de la toile de jute, la production de chanvre déclina rapidement. Ce n’est que dans les années 1930, à l’époque de Staline qu’elle reprit, fortement encouragée par des aides aux producteurs, des médailles et des privilèges (le stakhanovisme à l’oeuvre).

Aux grand ganja-growers, la Patrie reconnaissante.

Au début du 20ème siècle, l’usage récréatif du cannabis était encore essentiellement limité aux régions d’Asie Centrale. Les populations locales avaient l’habitude de fumer du haschich depuis au moins 6 siècles, et les colons russes l’apprirent à leur contact.

En 1934, le code pénal de l’URSS bannit la culture non autorisée du cannabis et de l’opium.
Le chanvre indien fut définitivement interdit en 1960 tandis que la production du chanvre restait prédominante.

Soviet Hippies

Dans cette période de forte répression se développa pourtant un mouvement hippie, largement documenté dans l’excellent « Soviet Hippies » (2017) de la réalisatrice estonienne Terje Toomistu.
Pendant les années 60-70 l’existence même des hippies en Union Soviétique était constamment niée par le discours officiel et les médias. De fait,  pour l’immense majorité des russes qui vivaient à cette époque il n’y avait pas de hippies en URSS.

Le seul domaine artistique où l’on pouvait voir une très forte influence psychédélique était les films d’animation (destinés aux enfants), sans doute le seul espace de création où la censure n’intervenait pas (ou très peu).
A l’époque on ne trouvait quasiment pas de LSD mais beaucoup de cannabis circulait, ce qui ne manquait pas d’attirer l’attention du KGB, plus pour l’aspect trafic que pour la substance elle-même. On raconte aussi que lors des fouilles régulières opérées chez les hippies, les agents du KGB étaient plus à la recherche de livres interdits que d’herbe à fumer.

Hippie-pipe Oural!

Manifestation contre la guerre du Vietnam sur la place Rouge

Le 1er juin 1971, pour la 1ère fois,  des milliers de hippies se réunirent à Moscou pour protester contre la guerre du Vietnam. Le KGB en profita pour arrêter 3000 d’entre eux qui furent aussitôt jetés en prison.
A partir de ce moment le mouvement hippie rentra dans l’underground et les participants créèrent un réseau appelé « Sistema » (système), leur donnant ainsi accès à de la weed et à des produits importés clandestinement (livres, disques, jeans) et surtout à la possibilité de voyager et se loger dans d’autres villes de l’URSS lorsque tout déplacement était contrôlé par le pouvoir.

Les survivants de cette époque commémorent encore aujourd’hui chaque année à Moscou la date du 1er juin.
L’histoire des hippies en URSS reste encore stigmatisée comme le montre la décision récente du théâtre de Vladivostok d’annuler la lecture de la pièce de Mikhail Durnenkov « Comment les hippies d’Estonie ont détruit l’Union Soviétique », ceci à la veille de la visite de Vladimir Poutine dans la ville le 2 septembre dernier.
Vladimir Poutine avait d’ailleurs exprimé à plusieurs reprises ses regrets sur l’effondrement de l’Union Soviétique, le qualifiant de « plus grande catastrophe géopolitique du 20ème siècle ».

L’herbe de la Vallée Magique

Dans la république soviétique du Kirghizistan,  la vallée du Chu était connue depuis toujours comme la source de la meilleure weed, que les russes appelaient « dichka » (sauvage).
Cette herbe était réputée d’un bout à l’autre du pays si bien que  la vallée du Chu devint un lieu de pèlerinage pour les hippies d’URSS.

La vallée du Chu, équivalent russe de la vallée du Riff.

Les autorités soviétiques firent tout ce qu’elles pouvaient pour éradiquer cette culture ; en brûlant les champs et en utilisant toutes sortes d’herbicides et de pesticides mais rien ne pût en finir avec cette herbe qui repoussait toujours plus vigoureuse.
Depuis la fin de l’Union Soviétique en 1991, la dichka de Chu continue d’être très demandée, c’est le « caviar de la weed ».

Le « Caviar de la Weed » de la vallée du Chu: récolté à même le corps, nu sur un cheval

La méthode de récolte la plus populaire (et toujours utilisée aujourd’hui ) consiste en une personne ayant juste pris une douche, qui monte un cheval fraîchement lavé et galope pendant plusieurs heures à travers une forêt de weed (dont les plants atteignent facilement 3m de hauteur), jusqu’à être recouverte d’une couche collante de résine de cannabis, qui est ensuite grattée et pressée pour en faire des blocs.

Le bon Karma: être réincarné en cheval dans la vallée du Chu.

Il y a certes des moyens plus simples et plus discrets de récolter la résine mais avouons que celui-ci a du style.
Voilà en tout cas une destination de vacances originale pour l’été prochain, et comme la récolte a lieu au mois d’août,  cela nous laisse un peu de temps pour pratiquer l’équitation.

La France Insoumise et le Parti Socialiste proposent la légalisation du cannabis

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Pour endiguer la criminalité liée au narco-business, Insoumis et Socialistes ont avancé plusieurs pistes, dont la légalisation du cannabis. Une approche qui contraste avec la politique zéro-tolérance des ministres Bruno Retailleau et Didier Migaud.

Le groupe LFI et les  socialistes ont chacun mis sur la table un certain nombre de propositions pour lutter contre la criminalité organisée et le trafic de drogue, alors que Bruno Retailleau a annoncé une série de mesures coercitives qui puniraient dealers et consommateurs.
Dans le cadre d’une approche sanitaire de la question cannabis, LFI a avancé 14 propositions, dans un plan aux antipodes de  « l’escalade répressive » prônée selon les insoumis par le gouvernement.
Faire « de la lutte contre le ‘narcotrafic’ le seul sujet de préoccupation revient à méconnaître l’architecture globale de la criminalité organisée », estime le groupe parlementaire de gauche, qui plaide  pour « une réponse globale de l’État ».

Taper au portefeuille les trafiquants« 

En tête de gondole des propositions du LFI: la légalisation du cannabis aurait pour effet de  « couper l’herbe sous le pied des trafiquants », en fixant à 18 ans l’âge minimal des clients et des consommateurs d’herbe légalement vendue.
Afin de « taper au portefeuille les trafiquants », les Insoumis entendent renforcer les moyens de l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), chargée de gérer les biens confisqués aux criminels. Et proposent une « réaffectation sociale » des biens mal acquis, en faveur du développement local.

« Étendre et renforcer » le statut repenti

 Contre la délinquance économique, ils souhaitent assujettir les plateformes d’échange de crypto-monnaies au dispositif de lutte contre le blanchiment. Et veulent « étendre et renforcer » le statut de repenti, notamment en termes de réduction de peine.
Ils plaident aussi pour des moyens largement supérieurs pour la police et la justice, en maintenant par exemple les « 5.000 postes de police judiciaire prévus pour être redéployés en 2025 », ou en renforçant les moyens des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).
Le groupe de Jean-Luc Mélanchon demande également le retour d’une « police de proximité », placée notamment sous la direction politique des communes.

« Réarmer la police judiciaire« 

 Les partisans LFI d’une légalisation millésimée  2024 souhaitent une   « approche sanitaire » sous le signe de la prévention. Au menu de l’initiative supprimant par exemple les amendes forfaitaires délictuelles pour les consommateurs, ou en améliorant le déploiement des « salles de consommation à moindre risque ».
Six parlementaires socialistes, dont le premier secrétaire du PS Olivier Faure et les présidents des groupes socialistes au Sénat et à l’Assemblée, réclament de leur côté dans un tribune publiée par Le HuffPost « de réarmer la police judiciaire en termes de moyens et d’organisation administrative »; de créer un Parquet national anti-stupéfiants; et de soutenir « à la hauteur des immenses besoins, la Protection judiciaire de la jeunesse ».
Sans vouloir « encourager la consommation de quelque stupéfiant que ce soit », ils jugent « inutile (…) de verser dans la culpabilisation outrancière comme le fait le Ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau ».

Avec AFP

 

 

Legalize it : le cannabis vendu à Paris contient (entre autre) des traces d’excréments, de cocaïne et de pesticides

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Si vous achetez du shit à Paris, il y a de grandes chances que vous fumiez de la merde. Littéralement. Ou à défaut, des pesticides, de la cocaïne ou encore de la laque pour cheveux. C’est en tous cas ce que révèle une vaste étude menée par le groupe Sanity dans plusieurs grandes villes européennes. 

L’enquête, financée par l’entreprise allemande de recherche et développement sur les cannabinoïdes Sanity, et conduite dans plusieurs grandes villes d’Europe par près de 200 volontaires, a permis de réunir plusieurs centaines d’échantillons afin qu’ils soient ensuite analysés en laboratoire. Les bénévoles, préalablement recrutés via Reddit, avaient l’obligation après l’achat de filmer l’ouverture du pochon de cannabis en utilisant un système d’horodatage et suivre un protocole strict d’isolation pour garantir l’intégrité du produit. 

Après huit mois d’analyses, les résultats sont sans appel : sur plus de 253 échantillons testés, seuls 74 n’étaient pas souillés ou toxiques. Les 179  échantillons restants contenaient soit des excréments humains et/ou d’animaux, des pesticides, des souches de Covid-19, de salmonelle ou encore d’e.coli.
Des traces de cocaïne, kétamine, méthamphétamine et MDMA ont aussi été isolées, signe d’une contamination croisée lors du conditionnement.

En ce qui concerne la ville de Paris, sur 10 échantillons de cannabis achetés dans la rue …  aucun n’était propre à la consommation.
Dans le détail, les chercheurs ont trouvé de la Pymetrozin, de la Paclobutrazol, de la Chlorfenapyr, de la Trifloxystrobin, (tous des insecticides hautement toxiques et interdits en Europe), de la laque, de la cocaïne, des traces d’excréments d’animaux ainsi que des souches d’e.coli.

Cette étude souligne, si besoin était, le besoin urgent de légaliser le cannabis afin que sa production et sa distribution soient soumises aux mêmes règles que celles entourant l’agro- alimentaire, l’alcool ou le tabac. 

L’enquête avec les résultats détaillés est disponible via ce lien

90 ans de prohibition en 11 affiches.

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Les concepteurs-rédacteurs n’auront jamais manqué de créativité pour trouver des accroches mémorables, y compris lors de campagnes contre le cannabis. Zeweed a retrouvé pour vous quelques perles de la propagande anti-ganja.

Front popul’herbe

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Alors que le résultat des législatives redessine le paysage politique français en faveur du Front Populaire, la question de la légalisation du cannabis, chère aux partis composant la nouvelle majorité à l’Assemblée nationale, a de grandes chances de trouver une issue favorable.

Au surlendemain des résultats des élections législatives, plusieurs tenors de la gauche plurielle ont fait savoir leur volonté de voir nommer à Matignon un membre du Front Populaire, notamment par la voix de Mathilde Panot  (LFI) qui « (exige)  qu’Emmanuel Macron respecte le vote populaire en choisissant de nommer un Premier ministre ou une Première ministre qui serait issu du Nouveau Front populaire » ou encore celle de Manuel Bompard (LFI ) qui estime qu’« aujourd’hui, nous nous préparons à gouverner. Nous nous préparons à appliquer le programme qui est le nôtre ».
Un optimisme justement tempéré par l’élue écologiste Marine Tondelier « On ne peut pas faire croire aux gens que dans la situation politique inédite qui est la nôtre, d’un claquement de doigts, on va sortir avec un Premier ministre, un gouvernement, tous les postes à l’Assemblée répartis par magie. Ça ne marche pas comme ça »

Soigner sa gauche

En effet, s’il est peu probable que le président remercie Gabriel Attal pour nommer un premier ministre qui soit issue de la nouvelle majorité relative, l’actuel ou futur locataire de Matignon devra refondre le gouvernement pour y inclure des ministres frontpopulairiens. Au marocain de la santé et au travail, exit Catherine Vautrin, farouche opposante au cannabis récréatif et thérapeutique. Le nom de Dominique Voynet circule déjà, une bonne nouvelle pour les partisans d’une fin de prohibition. Une inclinaison au progressisme  qui se retrouve dans la majeure partie des membres de la nouvelle majorité.
Après avoir fait les yeux doux à l’électorat de droite, Emmanuel Macron va donc devoir soigner sa gauche et revoir (encore) sa position sur le statut légal de l’herbe : en 2017 il estimait que « La légalisation a une forme d’efficacité ».
Au delà des arguments de santé publique, une de ces formes d’efficacité est de remettre de l’argent dans les caisses de l’Etat alors que le budget de a explosé (5, 1% du PIB en lieu des 4,4% prévus par Bruno Le Maire) et que Bercy cherche plus de 10 milliards pour respecter ses engagement vis-à-vis de Bruxelles. Légaliser le cannabis, récréatif comme thérapeutique, pourrait rapporter entre 10 et 30 milliards à l’Etat, avec à la clef la création de 200.000 emplois.

Evidence économique

Une économie que l’on ne saurait refuser en  temps d’austérité et d’incertitude. Jouer au gaulois réfractaire nous place à contre-courant de la marche empruntée par nos voisins allemands et Luxembourgeois qui ont légalisé, tandis que la République tchèque et la Slovénie en prennent le chemin, que la Belgique annonce aussi sa volonté de changer de politique. Cette même politique répressive qui continue d’être appliquée en France à grand coups d’épée dans l’eau et d’opérations « Place nette XXL ». 
Pourtant, en 2020, plusieurs députés de la majorité dont Caroline Janvier et Jean-Baptiste Moreau  avaient laissé entendre que pour les élections présidentielles de 2022, qu’Emmanuel Macron serait le champion d’un changement de législation au profit d’une légalisation encadrée, à l’instar de celle pratiquée au Canada. Modèle vertueux récemment loué sur la chaîne du service publique France 2, dans le documentaire de Mathieu Kassovitz  « Cannabis ».
Les mêmes causes produisant les mêmes résultats, s’entêter a suivre une politique de répression vieille d’un demi-siècle relève de l’obscurantisme. Reste à espérer que ce nouveau gouvernement sortira la France de l’ornière pour lui redonner son titre de pays des lumières.

L’appel du 18 joint

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L’appel des 18 juin et 18 joint ont cela de commun qu’ils sont tous deux une invitation à la liberté. Si le voeu du grand Charles a été exhaussé un 8 mai 1945 avec la signature de l’Armistice, le combat en faveur de la libération de l’Herbe, toujours sous occupation de la loi du 31 décembre 1970, continue de faire des victimes. ZEWEED fait le point sur la fête pro-ganja la plus vieille de l’hexagone, dont nous pourrions bien fêter cette année la dernière édition, le débarquement des élections législatives le 30 juin et 7 juillet  ayant de forte chances de trancher pour les 3 prochaines années la question de la légalisation du cannabis en France.

Nous sommes en 1976. La France de Giscard, dont le septennat a commencé en 1974, se veut moderne et dynamique.
Alors que les cendres de Mai 68 crépitent encore dans l’inconscient collectif la nation s’agite autour de sujets brûlants comme l’avortement, le divorce et l’âge de la majorité.
Cette même année, les Pays-bas font passer une loi pour dépénaliser l’usage du Cannabis, jugeant un encadrement favorable à une prohibition.
C’est du jamais vu en Europe et c’est un déclencheur pour cette pétition qui dénonce une justice à deux vitesses. Un système tronqué qui autorise les descentes de policiers pour une simple odeur d’herbe chez les plus défavorisés mais laisse “les gros bonnets de l’héroïne tranquille”.

Armée (du gros) rouge contre maquisards de la weed.

Un système d’autant plus absurde que la France se veut libérale dans ses valeurs et qu’elle est déjà marquée par un certain nombre d’addictions tout à fait légale comme le rappelle l’introduction du texte: « Cigarettes, pastis, aspirine, café, gros rouge, calmants font partie de notre vie quotidienne. En revanche, un simple joint de cannabis (sous ses différentes formes: marijuana, haschich, kif, huile) peut vous conduire en prison ou chez un psychiatre.”
Deux choix franchement pas très planants.

Roland Topor, Jean-François Bizot et Moebius entrent en résistance

Parmi les premiers signataires de cette lettre ouverte on retrouve des artistes de tous bords comme Roland Topor, Jean-François Bizot ou Moebius mais aussi des “grands esprits” comme André Glucksmann ou Bernard Kouchner. Un texte que vous pouvez retrouver dans son intégralité sur le site du magazine Libération ici

En 1993 le texte revient dans une version mise à jour sur le devant de la scène grâce au CIRC (le collectif d’information et de recherche cannabique) créé deux ans plus tôt.
Le collectif dénonce le ridicule de la théorie de l’escalade selon laquelle le Cannabis serait une porte vers des drogues bien plus dures rappelant que cela n’est vrai que pour 5% des consommateurs (et que c’est tout aussi vrai des antidépresseurs prescrits par les psychiatres).

C’est quoi, ce CIRC?

La logique est simple: les gens fument déjà autant s’assurer de la qualité de leur consommation et démanteler les trafics mafieux qui bénéficient de cette manne illégale. Des arguments très clairs et toujours d’actualité qu’on retrouve déjà dans un reportage de FR3 ressorti par l’Ina.
Cette nouvelle version qui inclut aussi la notion vitale de Cannabis médical sera signée par encore plus de grands noms comme Frédéric Beigbeder, Olivier Besancenot, Philippe Manoeuvre, Noël Mamère et Cécile Duflot.

Cette année sera la première sans un des grands rassemblements du 18 joint organisé par le CIRC, une tradition lancée en 1993 à Paris et à Lyon qui s’est répandue dans toute la France.
Malheureusement Pandémie (et surtout politique) oblige cette année pas de grand rassemblement  puisqu’il est interdit d’organiser des rassemblements de plus de 10 personnes dans un lieu public.

 

Faite votre 18 joint, et faites tourner!

Qu’à cela ne tienne, Zeweed vous propose d’organiser votre propre rassemblement pour l’année prochaine… en espérant qu’il n’ai pas à avoir lieu…. Le Circ propose -au cas où- un guide très accessible pour organiser votre propre rassemblement du 18 joint en six étapes.
Comme ils le rappellent sur leur site   »le cannabis n’est ni de droite, ni de gauche. C’est une plante utile pour l’humanité qui pousse sous toutes les latitudes ».
Un point qu’on ne saurait que valider puisque même en Corée du Nord, la plus stricte dictature mondiale, le cannabis pousse librement.
Fumeurs du monde entier, unissez-vous!

Quand la Police prône la légalisation du cannabis

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Entre saisies abusives, arrestations pour quelques grammes ou amendes pour détention de « stups », les relations entre fumeurs et forces de l’ordre ont toujours été mauvaises. Mais certains ont une vision à rebrousse-poil de leurs collègues et de la législation prohibitionniste en vigueur. ZEWEED a rencontré Bénédicte Desforges, ex-lieutenant de police et présidente du collectif Police Contre la Prohibition (PCP).

ZEWEED : Des forces de l’ordre en lutte contre la prohibition, ce n’est pas banal. Pouvez-vous vous présenter, vous et votre collectif ?
Bénédicte Desforges : Je suis une ex-flic qui a toujours travaillé en uniforme sur la voie publique, à Paris et en banlieue. J’ai été dans la police nationale pendant une quinzaine d’années, dans les Hauts-de-Seine et à Paris, dans le 18e arrondissement – des secteurs pour le moins criminogènes.
Pour ce qui est du PCP, c’est un collectif de policiers qui s’intéressent aux problèmes liés aux drogues. Après avoir échangé entre nous, l’idée est venue fin 2018, de monter ce collectif car nous avions les mêmes intérêts et les mêmes conclusions concernant les stupéfiants ; à savoir, légalisation du cannabis et dépénalisation des usages. Il s’agissait surtout de faire entendre la voix de ceux qui se trouvent en haut de la chaîne pénale. Avocats, magistrats et autres associations existaient depuis longtemps mais les policiers, eux, ne se faisaient pas entendre. Nous devions amener notre parole et apporter un point de vue utile qui manquait. Le collectif est constitué d’une douzaine de membres qui en forment le noyau dur. Autour gravitent plusieurs dizaines de policiers qui nous suivent, nous soutiennent.

ZW : On vous voit souvent sur Twitter parler de joint, répondre à des tweets sur le cannabis avec humour et détachement. Est-ce que vous fumez ou avez fumé par le passé ?
B.D. : Certains, oui et d’autres, non. En réalité, on ne pose même pas la question. Pour nous, c’est un sujet qui relève entièrement de la vie privée et on veut que ce le soit également aux yeux de la loi.
Demander si quelqu’un fume est aussi pertinent que demander à quand remonte sa dernière cuite. Ce qui regarde un policier, c’est de savoir si l’individu risque d’être un danger pour autrui. Un simple exemple sur ce sujet : on souhaite que les conducteurs soient soumis à des tests comportementaux plutôt que de drogue, qui peuvent vouloir tout et rien dire. Concernant le PCP, on a été régulièrement accusés par d’autres flics d’être des gauchos, des collabos ou des toxicos alors que notre approche dépasse largement ces questions. Mais, maintenant, nous n’avons plus droit à ces qualificatifs : de plus en plus de policiers nous soutiennent, reconnaissant la justesse de nos analyses. Et ça ne vient pas toujours des plus progressistes ; preuve s’il en fallait que nos idées peuvent parler à tout le monde, indépendamment des étiquettes politiques ou des idées préconçues.

ZW : Comment agissez-vous pour faire avancer ces idées ?
B.D. :On discute régulièrement entre nous pour savoir comment intervenir sur tel ou tel sujet, sur les réseaux sociaux. Concrètement, on incite nos collègues à ne plus faire de procédures contre les consommateurs. On ne les aborde pas en leur disant qu’il faut légaliser le cannabis. On leur dit surtout que, s’ils ne se posent pas la question, ils cautionnent la politique du chiffre qu’ils dénoncent à longueur de journée. Chacun dispose d’un libre arbitre et peut fixer une limite à ce qu’il va retenir ou non comme infraction.

ZW : Aujourd’hui, vous n’êtes plus dans la police. Comment cela se passait sur le terrain, lorsque vous étiez en service ?
B.D. : J’ai démissionné en 2012. Ma chance était de travailler dans un service insensible à la politique du chiffre. Si on ne voulait pas interpeller pour une barrette de shit, on ne le faisait pas. Il existe des criminalités bien plus gratifiantes dont il faut s’occuper. Avec mes collègues, on avait tous cette position consistant à dire : « Cette répression est inintéressante, inutile et ne sert qu’à alimenter la politique du chiffre. » C’est un peu comme pour les piétons : personne ne verbalise ceux qui traversent au-delà des passages cloutés. Pour nous, cette logique s’applique aussi au fumeur de joints.

ZW :Vous pouvez détailler cette politique du chiffre ?
B.D. :La répression du délit d’usage de stupéfiants est simple : c’est un délit sans victime et, dès qu’il est constaté, il est à 100 % élucidé. C’est la poule aux œufs d’or de ce système. Dans les faits, les cadres de la police touchent des primes qui sont subordonnées à l’activité des effectifs. Les chefs mettent la pression pour toucher plus d’argent. Donc certains mettent l’accent sur l’usage de drogues dans cet objectif. Mais ce qui est curieux, c’est que les collègues se plaignent de tout ça, sans jamais faire le lien avec le besoin d’une réforme globale.

ZW : En 2020 a été mise en place l’amende forfaitaire délictuelle (AFD), avec un objectif : simplifier le travail des policiers qui n’ont plus à emmener un fumeur de joint au commissariat. Qu’en pensez-vous ?
B.D. : Des remontées dont on dispose, il s’agit d’une usine à gaz. On sait très bien que beaucoup ne vont jamais les payer et, d’ailleurs, le taux de recouvrement est juste d’un tiers. Aujourd’hui, on n’observe pas d’efficacité à ce dispositif répressif. L’AFD n’a d’impact ni sur les taux de consommation, ni sur l’accessibilité aux drogues, ni sur le trafic. Elle mobilise un temps considérable des forces de l’ordre et alimente les bilans statistiques de Beauvau. Loin d’un souci de santé publique, cette amende répond au nouveau mantra du gouvernement : la responsabilité et la complicité des consommateurs.

ZW : Quelles seraient vos préconisations pour en finir avec la situation actuelle ?
B.D. : Pour commencer, il faudrait un système comme au Portugal. Du point de vue du PCP, c’est l’usage de toutes les drogues qu’il faudrait dépénaliser pour soulager le travail de la police en se passant d’une répression inefficace. Et, pour couper l’herbe sous le pied des dealers, il faut évidemment légaliser le cannabis. Cela passe par tous les fronts, de l’autoproduction aux initiatives, comme les social clubs en Espagne. Il est hors de question de tout laisser entre les mains du marché noir et de se priver de produits de qualité, ainsi que de campagnes de prévention plus fluides.
J’insiste sur ce point : légalisation et dépénalisation sont compatibles. Du point de vue de la police, uniquement légaliser en pensant que cela va soulager notre travail est un non-sens, car le marché noir persistera et on nous demandera toujours d’interpeller et de faire des saisies. De plus, comment distinguer un joint légal d’un joint illégal ? Il faut que la police puisse être réorientée sur des activités utiles et la répression des consommateurs n’en est pas une.

Bénédicte Desforges

ZW : Lors des élections de 2022, le sujet du cannabis, et plus largement les thématiques sociales, ont complètement disparu du débat public. Qu’est-ce que cela dit de nos politiques à ce sujet ?
B.D. : On observe toujours la même chose. À l’approche du scrutin, des promesses de loi très frileuses voient le jour pour ratisser les quelque cinq millions de fumeurs, mais cela ne va jamais plus loin. De toute façon, cela nous intéresse peu, au PCP. La dépénalisation de toutes les drogues n’est jamais présente. Rajoutons la volonté de contrôler le taux de THC, la manière de distribuer… Ils veulent tellement plaire à l’opinion que, dans les faits, leurs propositions ne sont pas convaincantes.

ZW : Le climat en France ne semble pas tendre vers des mouvements de gauche, c’est même l’inverse. Peut-on encore espérer des avancées dès lors que la droite semble remporter la bataille culturelle ?
B.D. : Pour le dire clairement, au PCP, on se fiche des discours prohibitionnistes de droite. Ils sont dans leur rôle et c’est prévisible de les trouver sur une ligne dogmatique. En revanche, que fait la gauche ? Pourquoi, lorsqu’il y a une fusillade sur fond de trafic de stupéfiants, on ne voit jamais débarquer un élu de gauche sur les plateaux ? Pourquoi ne pas profiter de ces faits divers pour insister sur le fait qu’ils sont le fruit de la guerre contre la drogue qui est inefficace et produit toujours les mêmes causes depuis cinquante ans ? Le problème, c’est que la gauche fuit les questions sécuritaires alors que ce sont bien des arguments sécuritaires qui pourraient faire pencher l’opinion.

ZW :C’est-à-dire ?
B.D. : Au PCP, nous avons toujours refusé de bâtir notre argumentaire sur la santé publique. Déjà car nous voyons surtout, en tant que policiers, le désastre sécuritaire, mais également car nous refusons d’avoir une posture morale et infantilisante. On n’estime pas qu’une personne qui se drogue est problématique par nature. La liberté individuelle, tant qu’elle n’empiète pas sur celle des autres et sur leur sécurité, est notre philosophie.
Maintenant, regardons ce que disent les pro-légalisation. Leur discours est démesurément porté sur la santé publique. Est-ce que cela fonctionne sur les consommateurs ? A-t-on déjà vu une personne ne pas goûter une drogue de peur de devenir addict ? Cela n’existe pas ! Même chose pour ceux qui n’ont jamais fumé et qui sont contre. Quel argument va les faire réfléchir ? La peur qu’un inconnu devienne accro à un produit ou un argumentaire chiffré sur le coût à la société de la répression ?
Nous sommes certains que le second sera bien plus efficace que le premier. J’en veux pour exemple que chaque discours, chaque tribune, chaque article évoque toujours le fait que la France est le « premier consommateur » ou qu’il faut agir face à une « catastrophe sanitaire », lorsque l’on parle du cannabis. Mais ce n’est pas vrai : il n’y a aucune catastrophe sanitaire liée à la consommation de cannabis en France. Nous sommes les premiers consommateurs, oui ; et alors ? Il faut surtout matraquer que nous dépensons énormément d’argent et d’énergie pour attraper des dealers, remplacés le soir même, et des gens bien insérés qui veulent se détendre le soir avec un joint, alors que cela pourrait être redirigé sur des enquêtes plus importantes pour la société.

Propos recueillis par Vincent Geny en mars 2024
Site de PCP :  www.stoplaprohibition.fr
Insta : @collectifPCP
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Howard Marks : portrait d’une rock-star du traffic de hasch

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Il y a sept ans, jour pour jour, Howard Marks nous quittait. Plus connu sous le pseudo « Mr Nice », il est l’anglais qui démocratisa l’usage du haschich dans les 70’s, en ouvrant les routes de son commerce vers l’Occident.
Au pic de sa carrière, il expédiait chaque mois 30 tonnes de résine planante en Europe et aux Etats-Unis, tout entretenant de cordiales relations avec la CIA, le MI6, la Mafia et les Yakusas. Portrait du plus cool (et déroutant) des trafiquants de taga.

C’est en 1967 qu’Howard Marks découvre le cannabis. Le jeune étudiant débarqué du Pays de Galles entame alors des études de physique au prestigieux Balliol College d’Oxford. Issu d’une famille modeste mais au caractère flamboyant et à la personnalité charismatique, Howard Marks devient rapidement la coqueluche du campus. Toujours affable, drôle, il jouit d’un incontestable succès auprès des filles… et des garçons. Mais pas pour les mêmes raisons : s’il séduit les premières, sa cote de popularité avec les petits gars d’Oxford est en grande partie due à ses connections cannabiques : Marks deal de l’herbe à droite à gauche, et toujours avec le sourire.

1968-1970: Sobre contre tous

Jusqu’à une arrestation en 1968, lorsque lors d’une soirée trop festive, un invité meurt après avoir avalé de l’opium. La police est dépêchée sur les lieux du drame, Howard est embarqué par les bobbies. Coup de chance: seul quelques résidus de marijuana seront trouvés sur les lieux. Le futur «  Mr Nice » ressortira après 48h00 de garde à vue, très refroidi par cette chaude nuit.
Entre 1968 et 1970, il poursuit à l’université du Sussex son cursus scientifique et deux ans durant, de 68 à 1970, Howard Marks fera montre d’une sobriété exemplaire. Alors que tout Londres swing et se pète joyeusement la tête, il est en liberté surveillée et doit régulièrement justifier d’une bonne conduite auprès des autorités.
Lorsque qu’il retouchera au chichon et son commerce, ce sera en 1970 et de façon quasi-confidentielle : profile bas et petites quantités uniquement. Il restreint ses activités à ses connaissances proches.

Fin  1970, il se laisse persuader par sa petite amie de l’époque de venir en aide à son pote Graham Plinston qui est emprisonné en Allemagne, soupçonné de trafic. Alors que Plinston est derrière les barreaux, une BMW remplie de hasch (que les policiers n’ont pas localisé) attend Marks à Berlin.
Le jeune Howard accepte de ramener la voiture fourrée en Angleterre; ce sera son premier passage de frontière avec 250 kilos d’Afghan noir cachés dans les portières et les banquettes arrière. Quelques semaines plus tard, après avoir fait grande sensation à Londres avec son hasch d’une qualité rare, Marks rencontre Mohammed Durrani, un trafiquant pakistanais qui lui propose de vendre un cannabis exceptionnel en grandes quantités dans le Royaume de sa Majesté.
En à peine trois ans, le trafic de Marks explose, à tel point qu’il en étend sa distribution à l’Europe du Nord.
La politique du profil bas n’est plus qu’un lointain souvenir pour un Howard Marks aux allures de rock-Star et à l’attitude flamboyante.
En février 1973, il se fait griller lors d’un contrôle par la police néerlandaise. Grâce à une improbable connexion (un ami et client travaillant au MI6) Marks ressort libre de son arrestation, en attente de son jugement.
Il choisira de ne pas se  rendre à sa convocation au tribunal, grillera son joker MI6 et passera les dix années suivantes en cavale.

1973: Naissance du Nice

C’est en 1973 qu’il devient « Mr Nice ». Si l’homme est réputé adorable, joviale et drôle, ce n’est pas pour autant la raison de son nouveau nom : cette année-là,  il parvient à se procurer l’identité d’un prisonnier décédé mais non enregistré en tant que tel … Un certain Ruppert Nice.
Après être retourné clandestinement au Royaume-Uni, Marks, qui fait de nombreux aller-retour en Inde sous l’identité de Ruppert Nice, importe en Europe un haschisch d’une qualité irréprochable : du Népalais noir.
Entre 1975 et 1978, avec l’aide des Yakuza et da la Mafia, il expédie quelque  55 000 livres d’une résine premium  à partir de l’aéroport John F. Kennedy. Il est aussi à l’époque officieusement couvert par la CIA qui l’utilise comme informateur pour ses liens avec l’IRA, avec laquelle il fait aussi du trafic.
La liste des autres groupes impliqués dans ces opérations  surprend autant qu’elle force le respect : outre la Mafia, les Yakuza, et la CIA, le Brotherhood of Eternal Love, l’armée thaïlandaise et l’Organisation de libération de la Palestine… et les Pink Floyd qui acceptent de cacher une partie de son hasch dans ses enceintes d’une gigantesque tournée américaine.

 

A la fin des années 70, Marks évite de justesse une accusation de trafic de drogue en plaidant « non coupable » .
Il sera en revanche condamné à deux ans derrière les barreaux pour usage…de faux passeport.
A sa sortie de prison, Marks renoue avec le trafic de drogue douce (il n’acceptera jamais de faire d’autre négoce illégal que celui du cannabis).
Après une dizaine d’années d’une vie des plus confortables sous le soleil espagnol, la Drug Enforcement Agency de l’oncle Sam mettra finalement la main sur l’homme qui aura démocratisé le cannabis marron sur la planète bleue, du vieux continent au nouveau monde.
Il est condamné à 25 ans de prison et à une amende de 50 000 $.
Il n’en fera que 7 : en avril 1995, Marks obtient une libération conditionnelle pour son comportement de  « prisonnier modèle ».

1995- 2019 : libre et à l’ombre de la justice

D’aucun racontent qu’à sa sortie il aurait repris sans la moindre hésitation ses stupéfiantes activités. Une rumeur seulement puisque Mr Nice ne sera plus jamais inquiété par la police jusqu’à sa disparition à 70 ans, des suites d’un cancer. De 95 à 2019, Marks a par ailleurs été des plus prolixe dans d’autre domaines : il écrira son autobiographie, participera au scénario de  Mr Nice, un  biopic sur sa vie, parcours le globe, donne des conférences, et est régulièrement invité dans des show télés quand il ne fait pas du stand-up.
Howard Marks nous quittera le 10 avril 2019, s’éteignant paisiblement dans sa belle demeure de Leeds, entouré par l’amour de sa femme et ses enfants. A very nice ending.

 

Bonus: un doc. assez génial (et barré) tourné lors d’un voyage en Jamaïque du Nice guy:

 

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