Morgane

Animée par la diversité des regards sur le monde que l’on peut adopter, produire et décliner, Morgane fait sa thèse en philosophie. La littérature et les expériences d'altération du psychisme (par le cannabis!) sont pour elle des moyens de révéler le réel dans ses limites les plus fascinantes. Elle prône la liberté des individus comme valeur fondamentale dans un monde déraisonnable.

Comment Rabelais décrivait la Weed

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Rabelais, dans son oeuvre : le Tiers Livre, aborde le sujet de notre plante d’une manière riche et originale. Son récit décrit un monde fantastique, dont les éléments paraissent de prime abord chimériques et sans rapport aucun avec le réel. Pourtant, le végétal qu’il décrit ne va pas sans rappeler par de multiples aspects le chanvre ou la Weed et certains de ses effets.

À la fin du Tiers Livre, paru en 1546, Pantagruel et son compagnon Panurge achèvent la longue série de rencontres initiatiques qui rythment l’ouvrage. La question qui anime Panurge : “doit-il se marier ?”, sert de prétexte à la consultation de différents interlocuteurs souvent d’apparence invraisemblable : un philosophe, un fou, une sorcière, etc.

Or, au chapitre 59 (XLIX), Rabelais fait état d’une herbe qu’il nomme Pantagruelion : « tant verte & crue, que confite & préparée ».   « L’herbe Pantagruelion a racine petite, durette, rondelette, finissant en pointe obtuse, blanche, à peu de filaments, & pas plus profonde en terre que d’une coudée. De la racine procède une tige unique, ronde, ferulacée, verte au dehors, blanchissant au dedans : concave, comme la tige de Smyrnium, Olus atrum, Fèves, & Gentiane : ligneuse, droite, friable, crénelée, quelque peu à forme de colonnes légèrement striées : pleine de fibres, en lesquelles consiste toute la dignité de l’herbe, aussi bien dans la partie dite Mesa, c’est-à-dire médiane, que dans celle qui est dite Mylasea ».  

S’ensuit une longue description de la plante selon sa forme et sa composition : il s’agit en vérité du chanvre. Aux chapitres suivants, Rabelais décrit ses multiples usages suivant les traditions, les appellations qu’on lui donne et les peuples qui l’emploient. Il lui prête quantité de vertus miraculeuses et explique son origine :   « Ce sont d’ailleurs ces vertus et ses singularités qui la font nommer Pantagruelion. Car de même que Pantagruel a été l’Idée et l’exemple [vocabulaire platonicien] de toute joyeuse perfection (je crois que personne parmi vous autres Buveurs [c’est ainsi que Rabelais nomme ses lecteurs] n’en doute), aussi au Pantagruelion je reconnais tant de vertus, tant d’énergie, tant de perfection, tant d’effets admirables, que si elle eut été en ses qualités reconnues lorsque les arbres (selon le récit du Prophète) firent élection d’un Roi des bois pour les régir & dominer, elle sans doute eut emporté la pluralité des voix & des suffrages. Vous en dirai-je plus ? »

Ainsi le chanvre sert, selon la façon dont il est utilisé, à fabriquer des textiles, des cordes, des décorations. Rabelais fait aussi état de propriétés relaxantes similaires aux effets de ce que nous appelons aujourd’hui le CBD :« La racine de celle-ci, cuite en eau, ramollit les nerfs étirés, les jointures contractées, les podagres sclirrhotiques, & les gouttes nouées ».

Ces longues descriptions, quoiqu’insérées dans un contexte fantastique, font pourtant état des différentes méthodes qui servaient à l’époque de Rabelais à préparer et à employer le chanvre. Car, les analyses et les interprétations modernes tendent à trouver dans ses écrits comiques des sens cachés, des informations à caractère rationnel, expérimental ou philosophique.  On regrette seulement qu’il ne soit fait aucune mention des effets psychoactifs du cannabis, que Rabelais, en sa qualité de médecin, décrit pourtant grassement. Mais on découvre ici avec amusement que déjà au XVIe siècle, une certaine communauté « scientifique » se penchait avec émerveillement sur notre chère plante.

Ce que Michel Foucault pensait de la weed.

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Quelles auraient été les opinions d’un des plus grands penseurs français du XX siècle sur la légalisation du cannabis ? D’après notre journaliste Morgane, d’un point de vue philosophique, Michel Foucault ne s’y serait pas opposer.

Michel Foucault est un philosophe du XXe siècle, réputé pour sa théorie politico-sociale et ses réflexions sur la folie. Il s’érige contre les systèmes d’enfermement tels que la prison et les hôpitaux psychiatriques, et tente au travers de sa propre analyse de l’histoire de penser les institutions, c’est à dire les dispositifs de vérité, de savoir et de pouvoir.

La connaissance biographique que l’on a de Foucault nous apprend qu’il n’était pas sans penchants pour l’alcool ni pour les drogues, et notamment le cannabis. M. Foucault était homosexuel (par ailleurs décédé par suite de la maladie du VIH), et si l’on peut associer ces pratiques à un état dépressif notoire, on peut encore se demander comment elles s’insèrent dans sa philosophie.

Il ne serait pas aventureux de dire que Foucault aurait été en faveur de la légalisation, puisqu’il critiquait avec virulence le progrès toujours croissant du caractère disciplinaire de notre société. Dans ses combats auprès de ses étudiants autant que par ses propos dans ses cours, ses conférences et ses écrits, Foucault s’affirme comme défenseur de la liberté et protecteur des marginaux (les fous, les criminels, les « déviants » sexuels, etc.).

Il explique que la mise à l’écart, l’exclusion d’une partie de la population qui ne répond pas à la norme sociale permet au reste de la société de faire corps, de se constituer comme ensemble. Ainsi les justifications qui amènent à enfermer, électrocuter, pénaliser les gens sont de faux prétextes qui dissimulent l’intention véritable des gouvernements : s’assurer le pouvoir.

Nous pouvons donc supposer que Foucault aurait été un fervent acteur sur la scène politique pour la libre circulation du cannabis et la défense de ses usagers. Foucault encourageait la résistance et la rébellion contre les systèmes de pouvoir : sa vie le prouve autant que sa pensée (il tricha notamment aux examens qui devaient décider de sa capacité à accomplir son service militaire grâce à ses connaissances en psychologie et en médecine). Il semble également qu’il ait été, à titre personnel, intéressé par les psychotropes comme le THC et la possibilité de modifier ses états de conscience, mais cela relève d’une autre question.

 

Les jus de légumes augmentés

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Astuce confinement et santé : épluchez, broyez, buvez. Mettre à profit le temps octroyé pour créer ses propres jus de légumes augmentés.

Que sait-on aujourd’hui des jus de légumes ?
L’extraction par machine des nutriments contenus dans les légumes, originellement enfermés dans leurs fibres, est plus efficace que la mastication, souvent expéditive et insuffisante. Autrement dit, on ne mâche pas suffisamment bien les légumes entiers que l’on consomme pour en extraire la totalité des nutriments, là où un jus pressé par extracteur ou centrifugeuse les offre concentrés et prêts à être intégrés. Plus encore, lorsque les légumes sont cuits, ils perdent une partie des nutriments essentiels à notre alimentation.
Il en va de même pour la Weed : l’extraction maximale des principes actifs se produit à une température bien inférieure à celle de la combustion. Ainsi, plusieurs solutions s’offrent à nous pour bénéficier de manière optimale des bienfaits des plantes que nous ingérons (ou fumons, ou faisons pénétrer dans notre organisme suivant nos prérogatives les plus personnelles).
Peu s’en fallait donc pour que l’idée nous vienne d’introduire dans nos extracteurs de jus fraichement acquis quelques buds de notre « légume » favori : le cannabis afin d’associer ses bienfaits à ceux des végétaux recommandés par l’OMS. Attention cependant : si l’extraction à froid permet de profiter des vertus thérapeutiques du cannabis, il n’y a pas la sensation psycho-active, de « high » que procure la combustion dans un joint classique. L’expérience est reconductible avec des fleurs de CBD.
Ici donc, quelques recettes pour égayer votre quotidien de confinement et raviver vos souvenirs d’enfance, quand le monde n’allait pas si vite et que vous aviez encore le temps de peler une carotte dans la cuisine de grand-mère. Les aliments ont été sélectionnés pour répondre au critère « de première nécessité ».

La madeleine anti-proustienne : le jus à base de carotte

En plus d’avoir des vertus reconnues pour la peau, la carotte contient des éléments bénéfiques pour les systèmes hépatique et intestinal. Elle permet de réguler de manière globale l’organisme et donne au jus un goût légèrement doux et sucré.
Pour un grand verre de jus :
– Trois carottes (pelées, équeutées)
– Un demi-citron (avec sa peau)
– Au choix : un demi concombre, une tranche de betterave crue (épluché)
– Une fleur de Weed ou de CBD (la moins séchée possible)
Bonus : Un bout de gingembre (environ 1cm / 1cm, pas plus, rapé).

Le remède contre les anglais : le jus à base de betterave

« Les anglais ont débarqué », peut être certaines connaissent encore cette expression. Parce que la betterave est réputée pour être extrêmement riche en fer, elle permet de ré-approvisionner l’organisme lorsque celui-ci vient à en manquer et favorise la production d’hémoglobine. A consommer avec modération pour ses effets désintoxiquants sur le foie.
Pour un grand verre de jus :
– Une tranche de betterave crue (pelée)
– Un demi-concombre (épluché)
– Un demi-citron (avec sa peau) ou une orange (pelée)
– Une fleur de Weed ou de CBD (la moins séchée possible)
Bonus : Un bout de gingembre (environ 1cm / 1cm, pas plus, rapé).

Le tropiques et beauté : le jus à base d’ananas

Parce que l’ananas est réputé pour son action favorisant l’élimination des graisses, et le concombre pour l’entretient de la peau, des cheveux et des ongles, ce jus est idéal pour s’embellir à l’extérieur comme à l’intérieur.
Pour un grand verre de jus :
– Un quart d’ananas (pelé)
– Un tiers de concombre (épluché)
– Une pomme (pelée)
– Une fleur de Weed ou CBD (la moins séchée possible)

Le Popeye : le jus à base d’épinards

L’épinard étant considéré comme l’aliment le plus positif pour l’appareil digestif, il est recommandé pour nettoyer l’organisme dans le cadre d’une cure revitalisante.
– Une poignée de pousses d’épinard
– Deux pommes (pelées)
– Un demi-pamplemousse (pressé séparément)
– Une fleur de Weed ou CBD (la moins séchée possible)
Pour l’intégralité de ces recettes, veillez à toujours rincer vos ingrédients, même après les avoir épluchés, pelés, rapés, etc. Cuisinez avec des mains lavées. A votre santé

Dimanche philo : Ce qu’Aristote aurait pu penser de la weed.

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Qu’aurait pu penser Aristote, le philosophe qui fonda les principes même de notre connaissance du monde, de l’intégration dans nos modes de vie d’une plante aux multiples effets ?

On distingue souvent la pensée aristotélicienne de celle de Platon – autre grand philosophie qui contribua à la gloire de la Grèce antique auquel Aristote succède – dans la mesure où celui-ci réorienta la curiosité philosophique, non plus en direction d’un « ciel des Idées » abstrait et virtuel, mais vers la nature et l’étude de son organisation.
Ce faisant, Aristote pose les bases de la science telle que nous la pratiquons encore aujourd’hui, notamment par la méthode de l’observation. À partir de lui, on ne cherche donc plus à comprendre les phénomènes sensibles à partir d’entités imperceptibles (ou de l’action des dieux), mais au moyen de ce qui est perceptible et susceptible d’être constaté dans le monde.
Ainsi Aristote se lance-t-il dans une vaste entreprise de classification du vivant, suivant un principe d’organisation hiérarchique. Selon lui, dans la nature, chaque chose a une place assignée et une fonction correspondante (cette étude se retrouve notamment dans les écrits que l’on a rangés sous le nom de Physique).
Le simple fait qu’il existe dans la nature une plante – le cannabis -, qui, consommée par l’homme, a sur lui des effets psychoactifs et thérapeutiques constitue donc pour Aristote un mystère qu’il convient d’élucider. Autrement dit, si la matière végétale s’est formée de telle sorte qu’elle puisse avoir des effets sur l’homme, il convient d’étudier cette interaction afin de comprendre la finalité de ce phénomène dans l’ordre général de l’univers (demander : « à quoi ça sert ? »).
« Toutes choses sont ordonnées ensemble d’une certaine façon, mais non de la même manière, poissons, volatiles, plantes ; et les choses ne sont pas arrangées de façon telle que l’une n’ait aucun rapport avec l’autre, mais elles sont en relations mutuelles » Aristote – Métaphysique.
En posant l’idée que l’univers est un Tout organisé dans lequel, en quelque sorte, rien n’advient sans cause, Aristote (à l’image de Prométhée) rend possible l’optimiste scientifique : la compréhension rationnelle du monde est désormais à notre portée. Le principe de l’explication est descendu sur terre, parmi les hommes. 
Nous ne pouvons, sans excessive présomption, deviner ce qu’Aristote aurait statué de la Marijuana. Cependant nous pouvons alléguer qu’il aurait certainement questionné sa raison d’être et sa place dans l’ordre général du vivant. Partant du principe que la nature tend de manière globale vers la vie, sa conservation et son épanouissement, on peut poser l’hypothèse suivante : le cannabis aurait d’une quelconque façon pour fonction de soutenir et améliorer l’existence (humaine et animale)…

Biodiversité : pourquoi il faut changer les choses

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L’altération du climat et la menace d’extinction des espèces représentent des enjeux majeurs pour notre siècle à un niveau planétaire. Quelques rappels des circonstances, conséquences et mesures élémentaires.

Nous sommes de plus en plus nombreux à nous inquiéter des effets de nos modes de vie et de nos industries sur notre environnement. Il est de notoriété commune que l’impact de l’activité humaine à un niveau mondial sur le climat et sur l’équilibre global de la planète est pour le moins inquiétant. De nombreuses et sérieuses prévisions scientifiques déclarent même notre situation urgente, si non déjà condamnée (notamment les communautés scientifiques GIEC et IPBES).
Or, ce dérèglement ne concerne pas seulement le climat, mais également la biodiversité, c’est-à-dire la survie des multiples espèces qui peuplent la terre.

Focus aujourd’hui sur les insectes : en première ligne affectée par ce déclin, ils sont pourtant essentiels à la reproduction de la flore dans les milieux naturels ! Autrement dit : s’il n’y a plus d’insectes, il est peu probable que nous puissions continuer à faire fleurir nos précieuses têtes de Marijuana sans passer par des procédés toujours plus artificiels. Du fait de la destruction de leur habitat naturel, de l’utilisation massive de pesticides et du dérèglement climatique, les insectes pollinisateurs pourraient entrer en voie d’extinction (les abeilles font l’objet d’une inquiétude majeure). Par leur biais, c’est toute la chaine végétale et alimentaire qui s’en trouverait menacée.

L’une des manifestations les plus apparentes de ce changement pour nous humains est l’absence d’insectes sur les parebrises de nos voitures lors de longs trajets, là où auparavant il fallait passer un certain temps à décrasser nos carrosseries après chaque voyage.

Comment agir alors à un niveau individuel pour endiguer ce phénomène et préserver à un niveau général la biodiversité ?

Tout d’abord, privilégier dans nos habitudes de consommation les produits cultivés en l’absence de pesticides, dans des conditions respectueuses de l’environnement ; favoriser les « petits commerces », les « jardins et cultures écologiques » par rapport aux grands producteurs tels que Monsanto et Bayer qui sont réputés pour leurs méthodes de production de masse déplorables. Favoriser les fruits et légumes de saison.

Ensuite, limiter l’usage de produits « phytosanitaires » tels que les pesticides, insecticides, désherbants, engrais, qui polluent et détruisent tant la faune que la flore et les nappes phréatiques.
Il est possible également à moindre coût de produire sa propre lessive, son propre dentifrice, etc. En tant que touristes dans les espaces naturels, ne pas chercher à toucher, à nourrir ou à acquérir les animaux rencontrés, ni à cueillir les fleurs ou les plantes dont il faut respecter le cycle et le fragile équilibre.

Limiter sa consommation d’eau, tant pour la douche, la vaisselle que pour son jardin.
Réduire ses déchets en produisant du compost avec les épluchures de légumes, restes de fruits, déchets verts, etc. – ce qui permet de cultiver son jardin avec un engrais non polluant. Pour ceux qui en ont la possibilité, consacrer son temps et son espace à l’apiculture en hébergeant quelques ruches qui permettront la sauvegarde des abeilles.

Cette liste de petits gestes pour la planète est bien entendu non exhaustive !

Dimanche Philo : Ce que Jankélévitch aurait pu penser de la weed.

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Que peut nous dire l’œuvre de Vladimir Jankélévitch, éminent penseur du XXe siècle, fervent commentateur de Bergson, sur la pratique qui consiste à consommer de la marijuana ?

Si l’on part de son ouvrage cardinal : l’aventure, l’ennui, le sérieux, qui consiste dans les grandes lignes en une massive dissertation de philosophie menée dans un style libre et virtuose, on peut aborder l’objet “weed” au travers du prisme de ces trois catégories que sont l’aventure, l’ennui (ou l’angoisse) et le sérieux (l’intermédiarité).

Commençons par l’aventure, qui selon Jankélévitch n’est pas, comme on pourrait le penser, une forme d’action (celle des péripéties). L’aventure est bien plutôt une disposition par rapport au temps orienté vers le futur : dans l’aventure, on attend l’avènement d’un instant encore à venir – instant qui passionne notre être intégralement. Dans cet instant vécu sur le mode de l’aventure, nous sommes toujours tenus d’improviser, c’est-à-dire d’agir, d’aviser en toute liberté et dans la plus grande incertitude. “Le cœur bat plus fort et plus vite pendant ces minutes qui nous séparent de l’instant en instance”.

On peut alléguer dans une certaine mesure que fumer de la Weed a le pouvoir de nous disposer par rapport au temps dans le sens de l’aventure : en effet, le relâchement ainsi induit permet d’accueillir les évènements avec ouverture, sans les anticipations toxiques qui peuvent parfois nous paralyser.

Mais encore, ajoute Jankélévitch, toute aventure contient sa part de danger : c’est la perspective d’une mort possible qui donne à l’aventure son caractère véritablement aventureux – perspective sans laquelle il ne s’agirait que d’une plaisanterie inconséquente. Ainsi l’aventure combine dans un même temps jeu et sérieux : elle nous fascine autant qu’elle nous effraie. “L’homme brûle de faire ce qu’il redoute le plus”. Qui ne se souvient pas du péril de son premier spliff adolescent, de l’exaltante première inhalation qui l’aventurait sans détour sur le chemin d’une interdite toxicomanie ?

L’aventure marijuanesque correspond donc bien à cette sensation de vertige qui coïncide avec l’exercice de notre liberté intime, avec la transgression relative en laquelle consiste la consommation d’une “drogue” que notre société condamne et prohibe.

Car enfin, “les évasions de l’aventure nous servent à pathétiser, à dramatiser, à passionner une existence trop bien réglée par les fatalités économiques et sociales et par les compartimentages de la vie urbaine. […] L’aventure fait exploser les catégories artificielles de la convention sociale”.

Penchons-nous désormais sur l’ennui, qui est une notion équivalente à celle de l’angoisse pour Jankélévitch : “l’angoisse est un souci de luxe à l’usage de ceux qui n’ont pas de soucis”.

Car avoir des soucis, suivant cette pensée, c’est avoir l’esprit encombré des désagréments de la vie quotidienne. C’est se préoccuper des feuilles d’impôts, des erreurs administratives, des devoirs et des responsabilités ; tandis qu’être angoissé, à plus forte raison, c’est voir l’intégralité de l’avenir et des possibles oppressés, empêchés par une fatalité irrémédiable.

Or, si la consommation de weed peut bien nous alléger, du moins momentanément, de nos soucis, que peut-elle contre l’angoisse ? Il est de notoriété commune que la weed peut suggérer une certaine forme de paranoïa ; c’est-à-dire initier ou entretenir notre état d’angoisse.

Cependant, si l’angoisse est une peur sans cause, peur de l’instant, l’ennui s’installe dans la monotonie, dans la répétition interminable des instants. Au sens de l’ennui, donc, fumer un spliff peut s’avérer d’un certain secours, puisque cette action nous dispose – nous l’avons vu – à l’aventure, puisqu’elle nous divertit du cours lent et redondant des choses et dilue leur caractère ennuyeux, angoissant dans une douce sensation de calme et de tranquillité.

Nous en venons enfin aux sérieux, qui apparaît d’abord comme simple neutralité. Le sérieux refuse la tentation, situé à mi-chemin entre comique et tragique.

“La réalisation est un événement soudain : “réaliser”, c’est prendre subitement au sérieux quelque chose dont nous ne mesurions pas exactement l’importance, et qui glissait sur nous sans retenir notre attention”. Être sérieux, en définitive, c’est avoir de l’expérience et savoir répondre aux aléas du quotidien  : c’est ainsi savoir choisir le moment opportun pour allumer son spliff et sagement se détacher des situations gênantes ou problématiques. Car peut-être la Marijuana peut nous enseigner un peu du sérieux que préconise Jankélévitch : “Telle est la vie que voilà, qui a la couleur de la cendre, de la mer grise, et des longs jours gris. Cette vie où presque rien n’est sérieux et qu’il faut pourtant prendre au sérieux ! La grisaille sérieuse n’est pas, comme l’ennuyeuse grisaille, la décomposition de la couleur et l’agonie des tonalités pittoresques : elle est plutôt la vérité de notre mitoyenneté. S’il faut décidément trouver quelque chose d’intermédiaire entre le “noir étendard de la mélancolie” et la bigarrure de la frivolité, nous dirons que ce quelque chose est le drapeau gris ; le drapeau gris du Sérieux.”

 

Morgane

Dimanche Philo : Ce que Hobbes aurait pu dire de la Weed

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Dimanche philo ! Aujourd’hui Morgane s’attaque à Hobbes, l’un des principaux fondateurs de la pensée politique moderne.

Hobbes est un penseur politique britannique réputé pour sa théorie du Léviathan : il imagine un ordre social proche de l’utopie au sein duquel le peuple cède volontairement sa liberté d’agir à son souverain – le Léviathan. Hobbes conçoit le monde, la société et l’homme de manière « mécaniste », c’est-à-dire en comparant leur fonctionnement à celui d’une machine.

Dans la mesure où, à l’état de nature, les hommes ont un droit égal sur toute chose, ils se trouvent en guerre permanente, dans l’instabilité, l’insécurité et la misère les plus totales. Ils sont réduits à assurer leur survie par eux-mêmes et ne peuvent se consacrer qu’à cette unique tâche. Il n’est donc pas envisageable, dans cet état de vigilance permanente, de se relaxer en fumant un spliff. C’est en s’organisant en société et en respectant les lois fixées par un gouvernement que les hommes accèdent aux diverses pratiques sociales et culturelles dont la consommation de marijuana fait partie.

Parce qu’il établit que « l’homme est un loup pour l’homme » à l’état de nature, il est justifié selon Hobbes que les peuples cèdent leur liberté au Léviathan, sans l’influence duquel règnerait une guerre généralisée.

La désobéissance civile n’est donc pas acceptable selon ce philosophe (sauf dans le cas où la vie du citoyen est menacée : il peut alors employer l’ensemble de ses forces pour la préserver). Si la Weed avait été prohibée à son époque ou si le Léviathan était venu à décider que sa consommation était contraire au bon fonctionnement de son état, son usage n’aurait pu être toléré par Hobbes.

Cependant, le philosophe écrit également : « la liberté réside dans le silence des lois ». Cela signifie que l’espace de la vie privée sur lequel la loi n’édicte aucun commandement est complètement laissé à la discrétion des citoyens. Puisque l’usage du cannabis n’était à l’époque pas légiféré, on peut donc inférer que, d’un point de vue politique, Hobbes était a minima indifférent à ce qu’en faisaient ou non les individus.

 

Morgane

Dimanche Philo : Ce que Platon aurait pu dire de la weed.

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Pour ce dimanche-Philo, notre journaliste Morgane s’attaque au tout puissant penseur grec : Platon. Figure incontestable de la philosophie occidental.

La théorie des simulacres chez Platon réduit l’intégralité de ce que nous pensons être « le réel » à une simple apparence. L’allégorie de la caverne (dans La République, livre VII) illustre ainsi l’idée selon laquelle, prisonniers de nos sens, nous n’avons accès qu’à des images dégradées de ce qu’il appelle les Idées, c’est-à-dire les choses véritablement réelles et invisibles.

Expliquons : les hommes de l’Antiquité comme nous-mêmes – résidents du XXIe siècle – sont comme prisonniers d’une caverne, enchainés dans une nuit que seule l’ouverture lointaine éclaire faiblement. L’espèce humaine est tournée en spectatrice vers le mur du fond, sur lequel sont projetées les ombres des choses. Le problème selon Platon est alors que ces hommes enchainés confondent ces ombres qu’ils perçoivent avec la réalité qui existe dans le monde extérieur. Cela vient du fait qu’ils n’ont jamais vu la véritable lumière du jour ni sa source, le soleil. Leur perception se cantonne au faible rayonnement qui traverse la caverne et accède jusqu’à eux, ou à celui d’un feu souterrain qui les éclaire artificiellement. Les sons qui leur parviennent ne sont que des échos.

Il incombe donc à l’homme de s’émanciper de ses chaines, et cela est rendu possible par l’acquisition de la connaissance et du savoir, c’est-à-dire par l’éducation de l’âme. Or, l’âme selon Platon procède notamment par la contemplation : c’est en se livrant à cette sorte de « non-activité », de méditation qu’elle accède aux choses véritables.

On peut imaginer alors que la consommation d’une plante aux vertus divinatoires et relaxantes (le cannabis) puisse disposer le disciple platonicien à cette contemplation, à cette libération qui l’achemine vers la connaissance réelle du monde.

Bien entendu, en voyant le jour pour la première fois, il est évident que l’homme sera ébloui par delà l’imaginable. Son esprit tentera d’opposer une première résistance contre cette révolution radicale dans l’ordre de ses conceptions. C’est là que l’effet relaxant de l’herbe mystique trouvera son intérêt. Dès lors, il ne voudra ni ne pourra revenir à son état antérieur, tout subjugué qu’il sera par sa découverte. Il aura rencontré « les merveilles du monde intelligible » et sera chargé de la mission de partager auprès de ses semblables son illumination.

Dimanche Philo : Ce que Nietzsche aurait pu dire de la weed.

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Quelles auraient été les opinions du célèbre penseur Prusse sur le cannabis ? Notre philo-journaliste Morgane réouvre ses livres pour tenter d’y répondre !

Le philosophe Nietzsche, dans son œuvre de jeunesse – la Naissance de la tragédie-, distingue deux principes complémentaires qu’il nomme en référence aux dieux grecs que sont Apollon et Dionysos. L’apollinien se définit par l’ordre, la mesure harmonieuse et la maîtrise de soi. Le dionysiaque par l’adhésion de l’individu à un tout qui le dépasse, l’abandon de soi dans une débauche et une orgie mystiques. Ce sont ces deux forces opposées qui, combinées, forment la grandeur inégalable de la tragédie grecque.

On peut aisément transposer ces principes dans notre vie quotidienne : chacun pris séparément ne constitue pas une éthique viable. Trop d’ordre, trop de mesure et de discipline conduit à un comportement rigide et sec, ferait de nous des robots dépourvus de sens de l’humour et de joie de vivre. Trop de laisser-aller, trop de débauche et de fête conduirait à une vie dissolue et décadente. En revanche, si l’on sait alterner avec justesse entre ces deux modes de vie, ces deux directions en sachant les pratiquer au bon moment, on parvient à un équilibre sain et satisfaisant sur le long terme.

La weed serait davantage associée à la détente du dionysiaque, dans la mesure où cette plante permet une forme d’ivresse, de relaxation et de relâchement des contraintes tout en assurant la connexion au tout de l’univers par une sensibilité accrue (et par ses effets psychotropes).

Ainsi, si l’on applique la logique nietzschéenne à la pratique du fumeur de spliff, il s’agit encore une fois de trouver le juste équilibre entre les temps de high et les temps de clarté d’esprit. En effet, si l’on passe l’intégralité de son temps défoncé, d’une part, on n’en retire plus de véritable plaisir puisque cela devient un état “normal” ; d’autre part, on risque de rencontrer des difficultés s’agissant de construire une carrière, une relation, d’entretenir une activité sportive régulière, etc. (étant tenu que ces éléments permettent une vie saine et épanouissante). A rebours, si l’on se prive complètement du plaisir de fumer un spliff de manière plus ou moins occasionnelle, on se condamne à une vie morne et contraignante.

En bref, nous avons tous besoin de nous amuser, de nous détendre après l’effort, sans pour autant ériger cet espace de liberté en mode de vie. Voilà ce que nous enseigne avec élégance le Nietzsche de 1872. Il faut cependant considérer que le reste de son œuvre a encore à nous apprendre sur la façon dont il aurait appréhendé notre très chère plante.

Morgane