Russie

Chez les hippies Soviétiques

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Alors que nous nous apprêtons à fêter le nouvel an Russe, ZEWEED revient sur un étonnant mouvement made in USSR : les hippies de l’ère soviet. Une belle invitation à faire l’amour et pas la guerre dont l’actuel locataire du Kremlin ferait bien de s’inspirer.

C’est une époque dont on sait peu de choses tant les visites des étrangers en URSS étaient soigneusement encadrées par un système qui maintenait un contrôle absolu sur ses citoyens.
Bien avant la révolution d’octobre 1917, la culture du chanvre à des fins industrielles était largement répandue dans tout le pays, faisant de la Russie le 1er producteur de chanvre mondial. Cette culture était déjà très ancienne: la Russie fournissant le chanvre pour les cordages de la marine britannique depuis 1715,  à l’époque du Tsar Pierre Le Grand.

A la fin du 19e siècle, avec la concurrence du coton américain et de la toile de jute, la production de chanvre déclina rapidement. Ce n’est que dans les années 1930, à l’époque de Staline qu’elle reprit, fortement encouragée par des aides aux producteurs, des médailles et des privilèges (le stakhanovisme à l’oeuvre).

Aux grand ganja-growers, la Patrie reconnaissante.

Au début du 20ème siècle, l’usage récréatif du cannabis était encore essentiellement limité aux régions d’Asie Centrale. Les populations locales avaient l’habitude de fumer du haschich depuis au moins 6 siècles, et les colons russes l’apprirent à leur contact.

En 1934, le code pénal de l’URSS bannit la culture non autorisée du cannabis et de l’opium.
Le chanvre indien fut définitivement interdit en 1960 tandis que la production du chanvre restait prédominante.

Soviet Hippies

Dans cette période de forte répression se développa pourtant un mouvement hippie, largement documenté dans l’excellent « Soviet Hippies » (2017) de la réalisatrice estonienne Terje Toomistu.
Pendant les années 60-70 l’existence même des hippies en Union Soviétique était constamment niée par le discours officiel et les médias. De fait,  pour l’immense majorité des russes qui vivaient à cette époque il n’y avait pas de hippies en URSS.

Le seul domaine artistique où l’on pouvait voir une très forte influence psychédélique était les films d’animation (destinés aux enfants), sans doute le seul espace de création où la censure n’intervenait pas (ou très peu).
A l’époque on ne trouvait quasiment pas de LSD mais beaucoup de cannabis circulait, ce qui ne manquait pas d’attirer l’attention du KGB, plus pour l’aspect trafic que pour la substance elle-même. On raconte aussi que lors des fouilles régulières opérées chez les hippies, les agents du KGB étaient plus à la recherche de livres interdits que d’herbe à fumer.

Hippie-pipe Oural!

Manifestation contre la guerre du Vietnam sur la place Rouge

Le 1er juin 1971, pour la 1ère fois,  des milliers de hippies se réunirent à Moscou pour protester contre la guerre du Vietnam. Le KGB en profita pour arrêter 3000 d’entre eux qui furent aussitôt jetés en prison.
A partir de ce moment le mouvement hippie rentra dans l’underground et les participants créèrent un réseau appelé « Sistema » (système), leur donnant ainsi accès à de la weed et à des produits importés clandestinement (livres, disques, jeans) et surtout à la possibilité de voyager et se loger dans d’autres villes de l’URSS lorsque tout déplacement était contrôlé par le pouvoir.

Les survivants de cette époque commémorent encore aujourd’hui chaque année à Moscou la date du 1er juin.
L’histoire des hippies en URSS reste encore stigmatisée comme le montre la décision récente du théâtre de Vladivostok d’annuler la lecture de la pièce de Mikhail Durnenkov « Comment les hippies d’Estonie ont détruit l’Union Soviétique », ceci à la veille de la visite de Vladimir Poutine dans la ville le 2 septembre dernier.
Vladimir Poutine avait d’ailleurs exprimé à plusieurs reprises ses regrets sur l’effondrement de l’Union Soviétique, le qualifiant de « plus grande catastrophe géopolitique du 20ème siècle”.

L’herbe de la Vallée Magique

Dans la république soviétique du Kirghizistan,  la vallée du Chu était connue depuis toujours comme la source de la meilleure weed, que les russes appelaient « dichka » (sauvage).
Cette herbe était réputée d’un bout à l’autre du pays si bien que  la vallée du Chu devint un lieu de pèlerinage pour les hippies d’URSS.

La vallée du Chu, équivalent russe de la vallée du Riff.

Les autorités soviétiques firent tout ce qu’elles pouvaient pour éradiquer cette culture ; en brûlant les champs et en utilisant toutes sortes d’herbicides et de pesticides mais rien ne pût en finir avec cette herbe qui repoussait toujours plus vigoureuse.
Depuis la fin de l’Union Soviétique en 1991, la dichka de Chu continue d’être très demandée, c’est le « caviar de la weed ».

Le “Caviar de la Weed” de la vallée du Chu: récolté à même le corps, nu sur un cheval

La méthode de récolte la plus populaire (et toujours utilisée aujourd’hui ) consiste en une personne ayant juste pris une douche, qui monte un cheval fraîchement lavé et galope pendant plusieurs heures à travers une forêt de weed (dont les plants atteignent facilement 3m de hauteur), jusqu’à être recouverte d’une couche collante de résine de cannabis, qui est ensuite grattée et pressée pour en faire des blocs.

Le bon Karma: être réincarné en cheval dans la vallée du Chu.

Il y a certes des moyens plus simples et plus discrets de récolter la résine mais avouons que celui-ci a du style.
Voilà en tout cas une destination de vacances originale pour l’été prochain, et comme la récolte a lieu au mois d’août,  cela nous laisse un peu de temps pour pratiquer l’équitation.

Brittney Free! Happy ending pour la star US du basket, détenue depuis 9 mois en Russie

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La star américaine du basket Brittney Griner, détenue en Russie depuis plus de neuf mois, a été libérée jeudi 8 décembre dans le cadre d’un échange de prisonniers avec le marchand d’armes russe Viktor Bout, condamné en 2012 aux Etats-Unis.

L’échange s’est déroulé non pas sur un pont la nuit comme le veux le cliché mais en plein jour à l’aéroport d’Abou Dhabi, a annoncé le ministère des affaires étrangères russe sur Telegram.
Brittney Griner a immédiatement pris place à bord d’un avion à destination des Etats-Unis, où elle est attendue dans les prochaines 24h.

« Il y a quelques instants, j’ai parlé avec Brittney Griner. Elle est en sécurité. Elle est à bord d’un avion. Elle est en route vers les Etats-Unis » s’est félicité Joe Biden lors d’une brève allocution à la Maison Blanche.
« Je veux aussi remercier les Emirats arabes unis d’avoir facilité la libération de Brittney », a-t-il poursuivi, en précisant que la sportive avait « bon moral » malgré « le traumatisme » enduré.

Les négociations entre la Russie et les Etats-Unis en vue de l’échange ont été qualifiées d’« intenses et laborieuses » par Joe Biden , alors que le conflit en Ukraine a creusé plus encore le fossé entre les deux nations.
Outre la libération  de Brittney Griner, les Américains souhaitaient obtenir celle de l’ancien marine Paul Whelan, détenu depuis fin 2018 en Russie pour espionnage.

Le revers de la médaillée

Double médaillée d’or olympique,  Brittney Griner avait été arrêtée à l’aéroport Moscou-Cheremetievo le 17 février (soit une semaine avant le début de l’offensive russe en Ukraine) alors qu’elle entrait sur le territoire russe. Lors d’une fouille alors qu’elle passait les contrôles à la sortie de son vol, les douaniers avaient trouvé  des cartouches  de e-liquide pour cigarette électroniques contenant de l’huile de cannabis concentrée en THC.

L’athlète, qui dispose d’une prescription autorisant l’usage thérapeutique du cannabis aux Etats-Unis,  avait été condamnée en août à neuf ans de prison par la justice russe pour possession et trafic de drogue. Après le rejet de son appel, elle avait été transférée en novembre dans une colonie pénitentiaire de Mordovie, à l’ouest de la Sibérie.

A l’annonce de la libération de Britney, son épouse, Cherelle Griner, s’est déclarée « submergée par les émotions » .
« Ma famille est au complet », a-t-elle ajouté en exprimant sa « gratitude » à l’administration démocrate.

Avec AFP et Reuters

Edito : Free Brittney !

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Alors que la basketteuse américaine Brittney Griner encourt neuf ans de prison après avoir été arrêtée à l’aéroport de Moscou en possession de cartouches de THC, le débat sur la légalisation du cannabis et son utilisation chez les sportifs est relancé. Si la Russie assume sa politique rétrograde, du coté américain, de nombreux efforts restent à faire. A commencer par Joe Biden qui, malgré ses promesses de campagne, continu à voir rouge dès qu’il s’agit de dépénaliser la verte.

Jeudi 4 août, la star américaine du basket Brittney Griner a été condamnée à neuf ans de prison pour possession et trafic de drogue.
En février la  célèbre “pivot”  des Phoenix Mercury avait été arrêtée à l’aéroport Cheremetievo de Moscou, en possession de quelques cartouches de e-liquide au THC.
Démentant toute intention de traffic, Brittney Griner avait alors reconnu que cette faible quantité était pour sa consommation thérapeutique personnelle et à des fins analgésiques.
Comme beaucoup d’athlètes de haut niveau, Griner a choisi de se soigner au cannabis pour soulager certaines douleurs chroniques.

Depuis son arrestation, plusieurs grandes figures du monde sportif américain ont pris la parole pour défendre l’athlète. Parmi les sportifs de renom à voler au secours de Brittney, Shawn Kemp, l’un des meilleurs dunkeurs de la NBA (National Basketball Association) des années 90. Dans une interview accordée au New-York Times, l’allier des Supersonics de Seattles confesse que le cannabis l’a toujours accompagné dans sa carrière :  « J’avais l’opportunité de pouvoir consommer du cannabis en rentrant le soir, ce qui permettait à mon corps de se reposer ».
Shawn Kemp explique que les vertus analgésiques du cannabis lui convenaient parfaitement pour traiter les douleurs articulaires dont il souffrait, sans les effets secondaires de traitements conventionnels.
Aujourd’hui, Shawn Kemp est co-propriétaire à Seattle d’un dispensaire de cannabis.

Autre légende du sport américain à apporter son soutient à Griner, la star du football américain Eugene Monroe, premier joueur de la NFL (National Football League ) à militer pour la reconnaissance du cannabis comme médicament.
Durant des années, l’attaquant des Jaguars de Jacksonville se faisait prescrire des opiacés et anti-inflammatoires pour juguler ces douleurs, avant qu’il ne découvre le cannabis sur les conseils d’un co-équipier.

“85% des joueurs de la NBA consomment de la marijuana sous une forme ou une autre” Al Harrington

Grâce au travail de Shawn Kemp et quelques autres stars du sport US, la NBA a suspendu en 2020 les tests de dépistage de cannabis. La fin de  l’hypocrisie dans le milieu du basket : selon Al Harrington « 85% des joueurs de la NBA consomment de la marijuana sous une forme ou une autre ». Le célèbre défenseur des New-York Knicks avait lui aussi fait du cannabis son unique médicament antalgique, anti-inflammatoire et de récupération.
Mais si la NBA a assoupli ses règles, long reste le chemin a parcourir avant une réhabilitation de l’herbe comme médicament et sa légalisation  (ou en tous cas l’assurance qu’en consommer ne vous envoie pas en prison).

« Personne ne devrait aller en prison pour avoir consommé du cannabis » Joe Biden

« C’est inacceptable et je demande à la Russie de la libérer immédiatement afin qu’elle puisse retrouver sa femme, ses proches et ses coéquipières»  a réagit le président américain à l’issu du verdict.
Ce même Joe Biden qui clamait il y a encore deux mois que « personne ne devrait aller en prison pour avoir consommé du cannabis » en faisant libérer en fanfare 72 détenus américains incarcérés pour des infractions sur le cannabis.
72 détenus sur des dizaines de milliers d’américains emprisonnés pour avoir consommé ou acheté de l’herbe dans le mauvais Etat.
Rien qu’au Texas, plus de 16.000 personnes sont incarcérées pour simple consommation et détention de cannabis.

Pourtant, Joe Biden avait fait de la grâce des détenus inculpés pour consommation et détention de cannabis un des arguments de campagne. Le future 46ème président américain avait aussi promis de dépénaliser la consommation d’herbe au niveau fédéral en début de mandat.
Las! Le naturel semble être revenu au galop pour celui à qui l’ont doit en grande partie la crime law de 1994, responsable de centaines de milliers d’incarcération pour des infractions à la législation sur le cannabis.
Le match de la dépénalisation de la weed aux Etats-Unis est donc loin d’être gagné, malgré les efforts des démocrates et de certains républicains pour faire bouger les lignes.
Si Brittney Griner devrait bientôt retrouver la liberté à la faveur d’un échange de prisonnier, des milliers d’américains resteront à l’ombre en espérant que Joe Biden tienne un jour ses promesses.

Le champagne est-il russe ?

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Glou-Glou, c’est votre rendez-vous avec des vins nature venant de toute l’Europe, des cépages oubliés et d’ancestrales méthodes de vinification remises au goût du jour.
Chaque semaine, Zeweed vous propose de bonnes bouteilles à partager entre amis et à boire avec ou sans modération, mais toujours dans l’esprit Glou-Glou.
Aujourd’hui, nous partons à la découverte des champagnes russe, des “vins pétillants” qui sont plus que jamais d’actualité.

Vous l’avez probablement vu cette semaine, la loi signée le 2 juillet dernier par Vladimir Poutine stipule que seuls les vins effervescents produits sur le territoire russe peuvent porter l’appellation Champagne, le champagne français devant désormais prendre l’appellation de vin pétillant.

La branche spiritueux de LVMH, Moët-Hennessy, qui avait dans un 1er temps suspendu ses exportations vers la Russie a récemment annoncé qu’elle reprendrait après un changement d’étiquette. Pas question de s’opposer à la volonté du maître du Kremlin.

Nous avons demandé à Anton, sommelier, blogger/influenceur russe (instagram: @winepetersburg)
son opinion de spécialiste du marché russe du vin.
Anton :  “Toute la communauté des professionnels du vin en Russie était choquée à l’annonce de cette nouvelle. En réalité nous n’avons rien qui puisse remplacer le champagne.”

Anton, docteur ès champagnes Russe

Il y a bien le Franciacorta, le Prosecco, le Cava espagnol, le Sekt allemand et le Crémant.
Mais ce n’est pas suffisant, car il y a une demande grandissante pour le Champagne en Russie.
Le fait d’attribuer l’appellation champagne seulement aux vins effervescents russes appelle deux remarques :

  • Champagne est le nom d’une appellation mais pour le consommateur russe c’est surtout un style de vin.
  • L’appellation Champagne en Russie remonte à l’époque tsariste lorsque le prince Lev Golitsyn (1845-1915) a présenté au Tsar un vin pétillant de haut niveau et a reçu l’autorisation de l’appeler champagne.
Le prince Lev Golitsyn, d’humeur sérieusement pétillante.

Plus tard est venu le champagne soviétique, avec une production de dizaines de millions de bouteille, et une forte propagande.
Lancée en 1937, sous Staline, la marque Sovetskoïe champanskoïe devait désacraliser une boisson bourgeoise en la rendant accessible à tous les prolétaires de l’Union soviétique.
Pendant les années 90 la qualité de ce « champagne » qui n’était jamais très haute, a encore décliné jusqu’à ce qu’à partir de 2017 apparaissent des vins pétillants russes de qualité.

En réalité pour les consommateurs russes aisés, les vins pétillants russes n’ont jamais été un concurrent sérieux pour le champagne français.
Pour un russe moyen qui va chez un caviste et demande une bouteille de champagne, la réponse du vendeur est généralement : « Champagne champagne ou vin pétillant ? »
Le client appelle donc champagne un style de vin, mais Anton ajoute que dans un pays démocratique on ne peut pas changer l’appellation d’un produit d’origine protégée juste pour satisfaire les producteurs locaux.

La substitution n’est pas une option de développement pour les producteurs de vins russes,  au contraire, car seulement  une concurrence saine peut contribuer à une hausse de la qualité et de la quantité de production.
Pour conclure, Anton prédit que les producteurs locaux vont à court terme profiter de cette nouvelle législation mais lorsque le nouvel étiquetage sera mis en place les ventes de champagne vont reprendre à leur niveau antérieur.

Et pour les curieux, à l’occasion d’un prochain voyage en Russie, Anton nous livre ses trois recommandations de « champagne russe » :

Temelion 60, 48 ou 36 Brut (Lefkadia)

 

Impérial d’Or, Blanc de Blancs (Abrau-Durso)

Paradisio (Noviy Svet)

За ваше здоровье! (A votre santé !) et à la semaine prochaine.