Reggae

Camille Bazbaz : Radical Feeling

/

Ça démarre fort pour Camille Bazbaz, qui a vingt-deux ans quand il fait ses débuts discographiques au sein du Cri de la mouche, groupe « punkoïde » signé sur le label de Michel Sardou. La suite ? Une dizaine d’albums entre Paris et Kingston avec des musiciens devenus des amis, comme Winston McAnuff, cinq B.O. pour son « poto » Pierre Salvadori et, aujourd’hui, l’aboutissement d’un projet de quinze ans : The Salmon, enregistré avec Tchiky, alias Jérôme Perez, et le chanteur Kiddus I – inoubliable interprète de « Graduation In Zion » dans le film de Theodoros Bafaloukos, Rockers (1978). C’est chez moi qu’il s’est livré et prêté au jeu de la divine interview.

Propos recueillis par Olivier Cachin

ZEWEED : Cinq mots pour te définir ?
Camille Bazbaz : Douceur, colère, amour, reggae, punk-rock.

Trois lieux qui te définissent ?
Paris, Brest, Kingston.

Cinq albums à emporter au Paradis
- J. J. Cale, Troubadour
- Gregory Isaacs, Cool Ruler
- Erik Satie, Gnossiennes
- John Barry, le générique de The Persuaders (Amicalement Vôtre)
- Serge Gainsbourg, Mauvaises Nouvelles des étoiles

Plutôt paradis céleste ou artificiel ?
Ni l’un ni l’autre. L’enfer est sur Terre, c’est ma certitude. Je ne suis pas obsédé par les défonces non plus, ni par l’idée d’un meilleur ailleurs. J’aime bien la vie sur Terre : même si c’est difficile, c’est ici que ça se règle. Je ne crois pas à l’au-delà.

Crédits : Sathy Ngouane

Une journée au paradis de Bazbaz, ça serait quoi?
C’est écrire une chanson, faire de la musique avec les gens que j’aime, boire un coup au comptoir avec mes potes ou me réveiller le matin avec ma chienne, quand j’en ai une, c’est ça mon paradis. Je n’ai pas de fantasme de groupe idéal comme Yarol, je n’ai jamais eu de poster de rock star chez moi, même si j’aime Gregory Isaacs, Jim Morrison, Sly Dunbar, John Bonham. La musique, c’est un peu comme faire l’amour sans se toucher : il y a une intimité partagée. Je m’en fous de Jimi Hendrix et des rock stars, je les aime et je les emmerde.

Ta source préférée de paradis artificiel ?
L’herbe et le whisky.

Quels souvenirs gardes-tu du Cri de la mouche ?
Ma première et plus grande histoire d’amour. J’étais un ado plein de boutons, si je n’avais pas rencontré cette bande de mecs au lycée, je ne suis pas sûr que j’aurais fait de la musique. Dans cette bande de mecs avec qui je traînais depuis la sixième, il y avait le génial Thomas Kuhn ; le chanteur qui, malheureusement, est mort à trente piges. Faire le Belmondo à seize ans, escalader les grues pour impressionner les meufs et les débiles dont je faisais partie, OK, mais avec dix ans de rock’n’roll et d’excès dans la gueule, et peut-être plus… Moi, derrière, qui essaie de le rattraper : « Non, tu ne sauteras pas du Pont-Neuf. Non, tu ne monteras pas sur cette moto bourré »… C’est un peu pour ça que je me suis barré du groupe ; moi, j’avais envie de vivre.

Ton premier album, Dubadelik, est influencé par le reggae…
Les Clash, les Pistols, tous les groupes anglais étaient copains avec les rastas londoniens. Ce sont eux qui m’ont amené au reggae. Mes parents écoutaient « Could You Be Loved » de Bob Marley ; pour moi, c’était un peu du disco débile. À quinze ans j’écoutais The Cure et les Clash, je n’aimais pas le funky à la Kool & The Gang. C’est « Police and Thieves », version Clash, qui a tout déclenché. Je tombe sur l’original de Junior Murvin et je me prends une baffe. Pas du tout le reggae de Marley ! J’ai découvert LKJ parce que j’avais vu une photo, dans Rock & Folk, de Sid Vicious avec un badge de LKJ. Je pensais que c’était un truc antifasciste. Il avait son tee-shirt avec la croix gammée cassée, super provoc’. Je finis donc par écouter Linton Kwesi Johnson et ça me retourne. Je me dis qu’il n’y a pas que la puissance de la guitare, il y a aussi la violence de la basse. Les Jamaïcains ont mis leur hargne dans la basse et le riddim minimal.

Tu as fait cinq B.O. pour les films de Pierre Salvadori.
Ça a commencé très pro avec un message du producteur sur mon répondeur : « Bonjour, M. Pierre Salvadori aimerait beaucoup vous rencontrer et pourquoi pas travailler sur la musique de son film. » En plus, je venais de voir Les Apprentis (1995) ; j’avais l’impression qu’il racontait ma vie ! On se rencontre et on devient potes instantanément. On a passé une après-m à parler de tout sauf du film. Sex Pistols, Tina Turner, Creedence, Jim Morrison… La musique, c’est un passeport, un langage. Et il m’a fait confiance. La musique de film, c’est hyper différent : tu as un cadre, un boss. J’adore me mettre au service des autres.

« Winston McAnuff est un gros smoker. Il ne boit pas, il ne prend pas de drogues dures, il a soixante-sept ans et il fume comme des petits-bourgeois prennent du Xanax »

Tu as aussi travaillé avec un musicien jamaïcain, Winston McAnuff, avec qui tu as notamement joué à la Bob Marley tribute party, organisé par ZEWEED au NoPi en mars dernier.
Bosser avec Winston m’a appris que le reggae est une musique punk, proche du rock’n’roll. Winston me disait : « Quand tu joues ta note, ta caisse claire, imagine que tu es à la chasse au canard. Tu prends ton fusil. » Moi, je voyais Elmer Fudd et Daffy Duck dans les dessins animés. « You want to shoot the bird, shoot BEFORE ! » C’est avant, parce que le temps que ton cerveau donne l’ordre à ton bras, c’est déjà trop tard. C’est génial. Des petites phrases Carambar dub mais, en vrai, ce sont des choses que j’applique toujours. Winston est  un gros smoker. Il ne boit pas, il ne prend pas de drogues dures, il a soixante-sept ans et il fume comme des petits-bourgeois prennent du Xanax. C’est pas un junkie psychopathe sous Fentanyl !

Crédits : Thomas Boujut

Raconte-nous ta rencontre avec Winston.
Le jour où il vient en studio, je prépare un reggae comme un con, parce qu’il est jamaïcain. Il écoute et il me dit que c’est de la merde. Je ne savais pas tuer l’oiseau, j’avais oublié mes années punk. Je le ramène à son hôtel, on se dit à peine au revoir, je me dis que c’est un gros con, je retourne chez « oim », je raconte ça à ma chérie et elle me dit : « Mais tu ne lui as pas fait écouter tes trucs à toi ? » À l’époque, je maquettais mon album Sur le bout de la langue (2004) qui a cartonné. Elle me dit que je suis un con, la nuit passe et je me réveille en me disant qu’elle a raison en fait. Je rappelle Winston, je lui propose de venir écouter d’autres trucs. Et là, il kiffe. Il me dit : « Enlève ta voix, j’ai une idée. » Ce qui aurait vexé des grands chanteurs de variétés, mais moi, connaissant le modus reggae où ,avec un instru’, on peut faire 100 chansons, direct j’enlève ma voix sur deux-trois titres, on commence l’album A Drop (2005) et notre amitié est née. Winston m’a rappelé ce que disait ma grand-mère bretonne : « C’est pas à une Bigoudène qu’on apprend à faire des crêpes. » J’ai revu la tête de ma grand-mère Yvonne mélangée à celle de Winston, il avait trop raison, ce con !

« Lee Perry me demande ce que je fous là, je lui réponds que je suis venu voir si je pouvais lui pomper tous ses plans, il me regarde méchamment… et se marre »

C’était comment, ton premier trip à Kingston ?
Je déboule avec mon ingé son ; à l’aéroport, on attend nos valises qui n’arrivent pas. On va au comptoir Air Jamaica où il y a trois pin-up genre SAS trop sexy qui nous regardent à peine. On sort de l’aéroport, on dit à Winston que nos bagages sont perdus, il va au guichet, tape sur le comptoir, dit aux trois nanas : « Hey man ! » et règle l’histoire. Je passe quinze jours là-bas et quand je repars, je regarde par le hublot et je m’attends à voir Ricardo Montalban et Hervé Villechaize – le nain de L’Île fantastique ! C’était vrai tout ce qu’on a vécu ? Aller acheter du poulet à minuit avec U-Roy qui faisait la queue, Kiddus que je rencontre en studio le troisième jour et qui me saute dans les bras en me disant qu’on va aller acheter des bières à la station-service… Et il y avait un mec dans le studio planqué au fond, Winston me fait : « Tu veux rencontrer Lee Perry ? » Lee Perry est en mode Roland-Garros, comme s’il s’était enduit d’huile et jeté dans un bain de terre battue : il est rouge, sur un trône. Lee Perry me demande ce que je fous là, je lui réponds que je suis venu voir si je pouvais lui pomper tous ses plans, il me regarde méchamment… et se marre. Et tout était comme ça. J’avais une « beuh de ouf », la kiki ; je dormais avec, sous mon oreiller. J’y suis retourné avec Yarol [Poupaud, NDLR] ; je n’y suis jamais allé en touriste, toujours pour la musique.

Comment démarre l’aventure de The Salmon ?
Kiddus, je l’ai rencontré dans un bar à Belleville, en 2008. À force de discuter avec Winston qui savait que j’avais vu Rockers, il a déboulé avec Kiddus : « Tiens, je te présente ton chanteur préféré ! » Je suis en train de boire un café calva, à 11 heures ; il me demande ce que je bois, je lui en commande un, il goûte et trouve ça génial. On s’en enfile 10, on rigole. Punky reggae party ! On s’entend bien ; au bout de deux heures, on trace à mon studio, on commence à bosser. Et ça nous a pris quinze ans. On a enregistré, au fur et à mesure, The Salmon, il y a dix ans ; « Wiggling » il y a un an ; « The Long Road » il y a quinze ans, avec mon pote guitariste Jérôme « Tchiky » Perez, qui a fini par réaliser l’album et le mixer avec moi. Kiddus, on ne savait jamais quand il venait… C’est un tigre blanc ! Un jour, on avait un flûtiste en studio, un autre jour un violoncelliste ; trois ans plus tard, Pam Hall, la choriste de Peter Tosh, un tromboniste, deux percussionnistes dont Fabrice Colombani, alias Cubain, le bassiste des Roots Radics, des batteries de Sly Dunbar, Style Scott et Raphaël Chassin, le bordel total ! On doit être 27 sur l’album.

Kiddus I est une personnalité à part…
C’est un prince mais il est en haillons. À force de ne pas vouloir louvoyer dans le monde de Babylone en l’attaquant frontalement, voilà ce qui se passe. Il vit dans les collines à Kingston. Il déboule à Paris fin octobre pour deux mois. Les paroles de Kiddus sont géniales, on comprend ce qu’il dit, pas comme les nouveaux mecs du dancehall, ils ont perdu de la poésie. C’est pas rigolo le monde dans lequel ils vivent et, en même temps, le Trenchtown de Bob Marley, ça n’était pas mieux, même pire, mais il y écrivait « Three Little Birds ». Maintenant, les mecs te gueulent dessus, tu ne comprends même pas l’insulte ! Je fais mon vieux con, mais j’ai du mal. D’ailleurs, ils n’écoutent plus que du R & B de merde, limite Céline Dion.

Propos recueillis par Olivier Cachin

Album The Salmon chez 22D Music Group

Insta : @bazbazcamille

 

Positive vibration, Ze vintage clip!

/

Gainsbourg, Reggae et Révolution

//

Enregistré en 1978, Aux Armes et Caetera sans soute aucun est l’album révolutionnaire de Gainsbourg. Révolutionnaire parce Reggae, LA musique émergente et contestataire de la fin des années 70. Révolution aussi pour Gainsbourg, qui s’essaie à un genre musical qu’il n’a jamais exploré et qui est peu connu de son public. Révolutionnaire enfin pour sa reprise de la Marseillaise, affront assumé au nationalisme, qui lui valu les foudres de la France réac’. Alors que Bob Marley est à l’honneur dans le biopic One Love, ZEWEED revient sur la légendaire collaboration de Gainsbourg avec les Wailers and friends, rebaptisés pour l’occasion… The Revolutionnaries.

Début 1978, Gainsbourg, qui a fini d’enregistrer  l’Homme à Tête de Chou, cherche un élan nouveau pour son prochaine album, qu’il veut « contestataire voir révolutionnaire« *.
Cette même année, le mouvement Punk explose avec des groupes comme les Ramones, Television, The Clash, Patti Smith ou encore les Sex Pistols. Cette fraîcheur séduit Serge Gainsbourg qui se voit bien enregistrer un album dans le style.
Il commence alors à élaborer un projet Punk-Rock, concevant en premier lieu la pochette de l’album (une photographie de Lord Snowdon où Gainsbourg pose sur une dune ).


Six mois plus tard, Aux armes et Caetera sera dans les bacs, mais dans un genre musical très différent.

Révélation à l’Elysée Montmartre

C’est en sortant d’un concert à l’Elysée Montmartre que son producteur Philippe Lerichomme a une révélation: le prochain album de Serge doit être Reggae!
Réponse de l’intéressé à l’inattendu proposition: «Banco!»*.
La réponse est tout aussi surprenante de la part de Gainsbourg, qui n’a jusque lors que timidement approché le genre (sur le titre Quand Marilou danse Reggae qui figure sur l’Homme à Tête de Chou) et ne se sent pas de composer seul  un album.

Serge en bonne compagnie et avec son producteur Philippe Lerichomme (en bas à gauche, casquette blanche)

Il faut donc trouver des musiciens. Ces musiciens, Lerichomme en fera le casting à distance en écumant les 33 tours du magasin  « Champs Disques »,  regrettée Mecque du vinyle importé, sis avenue des Champs-Elysées.
Une fois les musiciens trouvés Gainsbourg et Lerichomme s’envolent pour la Jamaïque.

Lost in Jamaica

Si le duo a une liste d’artistes qu’ils souhaiteraient intégrer au projet, aucun des musiciens en question n’a confirmé sa présence pour l’enregistrement de cet album dont seul la pochette son titre : Aux Armes et Caetera sont arrêtés.
Les deux compères arrivent à Kingston en parfaits inconnus, à tel point qu’à la signature du contrat, le bassiste Robbie Shakespaere était convaincu que Lerichomme était le chanteur et Gainsbourg son producteur*.

Quelques jours plus tard, Gainsbourg et Lerichomme entrent en studio et reçoivent un accueil glacial. Il faut dire que les deux parisiens n’ont pas la tête de l’emploi. Voyant qu’on le prend pour un clown à grandes oreilles, Serge Gainsbourg s’installe au piano et entame quelques accords, dont ceux de Je t’aime … moi non plus. Un des musiciens présent reconnait la chanson et lui demande qui l’a écrite. Lorsque Gainsbourg répond fièrement «C’est moi!*». L’ambiance se détend instantanément, Serge est dans la place. S’en suivra une semaine d’enregistrement continue et deux journées de prise de back-up vocals avec les I-Threes (Marcia Griffiths, Judy Mowatt et Rita Marley), les trois choristes de Bob Marley.

Serge est dans la place, avec les I-Threes, (Rita Marley sur la gauche, bandeau bleu)

En moins de deux semaines, la musique de l’album est enregistrée. De son coté, Gainsbourg peine à écrire les textes qu’il souhaite poser dessus. Est-ce la fatigue ou l’effet de l’herbe locale? Toujours est-il que Gainsbourg propose des paroles qui de l’aveu du producteur « partaient dans tous les sens« *.
Durant le vol qui les ramène en France avec les musiciens, Lerichomme retouche les paroles. Arrivé à Paris, Gainsbourg passera 48 heures en studio pour poser les textes sur les précieuses bandes enregistrées en Jamaïque.

Premier disque d’or

Aux Armes et Caetera sera le premier disque d’or de Serge Gainsbourg.
Parmi les meilleurs titres, la nonchalante revanche esthétique de Des Laids, des laids avec les langoureux coeurs des I-Threes, le joli bras d’honneur de La brigade des stups , qui sent le vécu (À la brigade des stups/Je suis tombé sur des cops/Ils ont cherché mon splif/Ils ont trouvé mon paf) et la belle charge contre l’organisation antisémite d’extrême droite fondée par des dissidents de l’action française : Relax Baby Be Cool (Le clan, le clan la cagoule/autour de nos le sang coule/A la morgue il y a foule/Relax baby be cool).
Présent aussi sur l’album, deux belles reprises reggae de titres composés par Gainsbourg  Vieille Canaille et  La Javanaise (remake).

Mais c’est une autre reprise, celle de la Marseillaise sur Aux armes et Caetera , qui fera rentrer l’album dans la postérité. Un détournement qui passa très mal à l’époque: Gainsbourg sera interdit de concert à Strasbourg, à la suite de pressions d’un groupe de militaires parachutistes para-facho retraités. Pas dégonflé, le grand Serge entonnera l’hymne national, point levé, devant des militaires désarmés par son audace.

Trois ans plus tard, Gainsbourg remettra le couvert en enregistrant un second album Reggae, toujours avec Sly Dunbar, Robbie Shakespeare et les coeurs des I-Threes pour nous offrir le sublime : Mauvaises Nouvelles des Etoiles.

*Anecdotes tirées du livre Gainsbarre, les secrets de toutes ses chansons 1971-1991, Ludovic Perrin, Hors Collection.

Lee Scratch Perry est parti faire la fête au paradis

//

Lee Scratch Perry nous a quitté à l’âge de 85 ans pour rejoindre ses amis Bunny Wailer et Bob Marley aux cieux des rastas. Alors que les trois grandes figures du reggae flottent sur un nuage vert de fumée céleste, Zeweed rend hommage à l’immortel Lee Perry et sa collaboration avec les Wailers.

Avant de devenir une légende du reggae et du dub, Rainford Hugh Perry  le futur producteur de Max Roméo, des Wailers, des Clash, des Beastie Boys ou de Moby a été conducteur de bulldozer, peintre en bâtiment, danseur professionnel et joueur de dominos, un loisir qui peut rapporter gros en Jamaïque.
Ce n’est qu’à 26 ans qu’il épouse la musique et se fait appeler « Lee Scratch Perry » avec l’ambition de devenir chanteur. Mais hélas sa voix ne convainc pas un certain Coxson, propriétaire du seul studio pour lequel il auditionne. Parce qu’il s’était noué d’amitié avec Coxson, ce dernier lui propose en compensation un job d’assistant-régisseur.

Prince Buster, The Wailers et la reconnaissance

Après quatre ans à faire la petite main dans plusieurs studios d’enregistrement de Kingston, il fonde son propre label: « Upsetter » et monte un studio pour y enregistrer artistes et compostions.
C’est le début d’une collaboration avec Prince Buster, pour qui il produira notamment « Judge Dread » ou  » Bitter and Sweet« .
A la fin de l’année 1969, les Wailers, qui n’arrivent pas à percer, s’adressent à Lee Perry qu’ils connaissaient déjà. Ce dernier n’accepte pas immédiatement : Perry préfère enregistrer que des instrumentaux.
Il les auditionne malgré tout. Conquis, il mettra en boîte pour les Wailers de grands morceaux comme « My Cup« , « Keep on moving« , « Soul Rebel » ainsi que d’autres compositions plus anciennes que les Wailers avaient répété dans les locaux de Studio One.

s

Sorcier du Reggae

A l’automne 1970, Perry estime que Bob Marley est en dessous de ses capacités et en conclut qu’il est « possédé » par un mauvais esprit (duppy en jamaïcain).
Quelques années plus tard il confessera avoir enfermé Bob Marley plusieurs jours dans une pièce de sa maison pour qu’il « puisse acquérir son génie » à l’instar d’Aladdin, une légende qui le fascine. Pour contribuer à chasser plus encore le mauvais oeil, il écrira alors la chanson « Duppy Conqueror« , morceau dont les paroles sont supposées venir à bout de l’esprit malveillant qui possédait Bob. Le titre fut un succès et la collaboration continuera jusqu’en 1971, date à laquelle ils se séparent.

Salvador Dali du Dub

De son côté, Scratch profite de cette collaboration pour aller plus loin dans ses expérimentations musicales, remixant en dub tous les morceaux des Wailers qu’il presse ensuite en 45 tours. C’est à ce moment que le surnom de « Salvador Dali du Dub » lui est donné, en référence à ses géniales et surréalistes créations sonores. La période est fondatrice dans l’histoire du reggae: c’est non seulement celle pendant laquelle Marley les Wailers composeront leurs meilleures chansons, mais aussi celle durant laquelle le son « reggae » s’affinera et se trouvera, ce son qui fera le succès de Marley, Peter et Bunny.


Pour Bob Marley, Lee Perry était un génie. Une admiration réciproque puisque Perry estimait de son coté que Marley était le « meilleur musicien qu’il ait jamais connu ». Les voilà réunis pour ce qui promet d’être une seconde et divine collaboration derrière les portes de Saint Pierre.

Bob Marley: naissance d’une mission

///

Cap sur la Jamaïque avec Michka Assayasn et son fantastique rendez-vous diffusé sur les bonnes ondes de « France Inter ». Dans cette série de série, Michka Assayasn revient sur la vie de Bob Marley, grand amateur de Ganja et pape du Reggae. Près de 40 ans après sa mort, le « kid de Trenchtown »  est toujours considéré comme l’un des plus grands auteur-compositeur du XXème.

Au début des années mille neuf cent soixante-dix, neuf Jamaïcains sur dix sont des descendants d’esclaves jadis arrachés par des négriers aux terres africaines du golfe de Guinée pour venir cultiver la canne à sucre. Ces habitants parlent ce qu’ils appellent eux-mêmes le patwa, un créole jamaïcain totalement incompréhensible en dehors de l’île.

Quand Bob Marley y grandit, il règne une forme d’apartheid qui ne dit pas son nom. Depuis 1962, année de l’indépendance, indépendance par rapport à la Couronne britannique, bien sûr, les Premiers Ministres jamaïcains sont Blancs ou bien font la politique des Blancs. Hugh Shearer, Premier Ministre de 1967 à 1972, est issu des classes moyennes noires. Celui-ci réprime avec fermeté ceux qui prônent l’autonomie et le séparatisme de la population noire, en premier lieu les leaders Rastas. Shearer est membre du JLP, le Jamaica Labour Party, un parti conservateur comme son nom ne l’indique pas.

 

En 1972, la politique jamaïcaine prendra un tournant spectaculaire lorsque Michael Manley, le leader du parti opposé, le People’s National Party, le PNP, un socialiste, arrive au pouvoir pour appliquer une tout autre politique. Manley est un Blanc, il est de plus le fils d’un gouverneur britannique de la période coloniale, c’est intéressant à souligner. J’y reviendrai, parce que l’histoire de Bob Marley et des Wailers est profondément imbriquée dans les conflits et rivalités politiques de l’île entre JLP et PNP et leurs hommes de main, aussi violents et corrompus d’un côté que de l’autre.

Bref, la Jamaïque est un pays dont les touristes apprécient les plages immaculées, plantées de cocotiers, les paysages luxuriants et les montagnes où l’on va trouver la fraîcheur. Mais pour beaucoup de ceux qui habitent en Jamaïque, cette île est une misère dont on cherche à s’enfuir. Pour ceux-là, les Etats-Unis représentent l’espoir d’une vie meilleure.

Retrouvez ici les épisodes l’intégralité des épisodes disponible sur France Inter

France: l’anniversaire 100% reggae du Président.

////

En visite en Côte d’Ivoire, Emanuel Macron a fêté ses 42 ans à Abidjan et en excellente compagnie, puisque c’est Alpha Blondy qui s’est chargé de l’animation musicale. L’opération coup de poing du brigadier de l’Élysée.

Après avoir visité les plantations ivoiriennes de cacao, Emanuel Macron serait-il en train de planter la graine, sur fond de reggae, d’un assouplissement de la ganja-législation française?

Toujours est-il qu’en invitant Alpha Blondy a poussé la chansonnette pour son anniversaire, c’est un message des plus « peace and unity » qu’envoie en musique le locataire de l’Élysée.

« Ce sera la bonne fête, ce sera la bonne ambiance. La Côte d’Ivoire accueille un homme d’État frère et ami. Nous lui déroulerons le tapis rouge et, comme on dit chez nous : ‘Akwaba’. Ça veut dire soyez le bienvenu ! Ce sera ça pour lui et sa délégation. La fête sera belle, et on va lui chanter Joyeux anniversaire’« , annonçait Alpha Blondy, la veille.

« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années! Merci pour votre visite en Côte d’Ivoire. Bon anniversaire et que Dieu vous bénisse… » aura conclu l’interprète de Jérusalem à l’issue de sa présidentielle prestation.

Quelques notes de douceur dans un monde de luttes.

Alexis