Protection de la nature

Christopher Stone, l’avocat des arbres

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Créateur de la personnalité juridique de la nature, le juriste californien a rejoint les terrains de chasse de ses ancêtres.

En 2017, la Nouvelle-Zélande et l’Inde ont fait avancer le droit de l’environnement comme jamais. Cette année-là, les juristes des deux pays ont accordé la personnalité juridique à trois fleuves : le Whanganui (Nouvelle-Zélande), le Gange et la Yamuna (Inde).

Cette révolution permet désormais à des citoyens ou des associations d’ester en justice au nom d’une de ces trois rivières sacrées (pour les Maoris et les Hindouistes) s’ils les estiment menacées. Rien n’interdit non plus de conclure un contrat entre une entité humaine et le fleuve. Utile si l’on veut, par exemple, préserver un débit minimum en période de sécheresse.

La protection juridique de la nature

Révolutionnaire, cette mesure doit beaucoup à un homme depuis longtemps tombé dans l’oubli et qui vient de succomber à la maladie d’Alzheimer. Indéboulonnable professeur de droit à l’université de Californie du sud, Christopher Stone a ouvert la voie à la protection juridique de la nature. En 1972, il publie un volumineux papier (50 pages) appelant à octroyer des « droits légaux aux forêts, océans, rivières et tout ce que l’on appelle les “objets naturels“ présents dans l’environnement », écrit-il en introduction de son papier.

Totalement étranger aux questions environnementales, Christopher Stone s’est intéressé à la question à la suite d’un retentissant procès ayant opposé, à la fin des années 1960, la Walt Disney Company au Sierra Club. L’ONG environnementaliste voulait empêcher le groupe de Mickey de raser une forêt californienne pour y construire une station de ski susceptible d’accueillir 2 millions de clients par an. Le différend sera finalement tranché par la cour suprême des états-Unis.

Les arbres doivent-ils plaider ?

Dans un arrêt célèbre, rendu le 19 avril 1972, la plus haute juridiction américaine déboute finalement les écologistes. Ces derniers, indiquent les magistrats, n’ont aucune raison valable d’intenter une action judiciaire, ne subissant aucun préjudice direct. Le juriste californien voit dans cette affaire hors normes un formidable sujet d’étude. Il en tire son article, développé plus tard dans un livre, traduit en français sous le titre : « Les arbres doivent-ils plaider ? ». Sans surprise, sa réponse est évidemment positive.

Charte constitutionnelle

Bien sûr, concède-t-il, les chênes ou les séquoias ne peuvent, directement, ester en justice. Mais c’est aussi le cas de certaines personnes humaines, telles les handicapés mentaux. L’obstacle peut être aisément contourné, poursuit-il, en confiant cette tâche à un tuteur, à l’instar de ce qui se pratique souvent avec les enfants. Cette proposition lui vaudra renommée et sarcasmes parmi ses pairs.

La personnalité juridique de la nature est-elle, pour autant, l’avenir du droit de l’environnement ? Tout dépend, sans doute, des pays et des thématiques. Certes, le principe n’est pas entré dans le code de l’environnement français. Pour autant, la Charte constitutionnelle de l’environnement, adoptée en 2004, rappelle que « l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel. » Cela ne classe pas encore les ormes au rang de justiciables. Mais ce principe devrait interdire de facto toute destruction du milieu naturel.

Dans les mers, des scientifiques ont publié, en 2010, la Déclaration des droits des cétacés. Encore peu connu, ce texte (qui n’est pas contraignant) stipule que baleines, dauphins et cachalots ont le droit de vivre libre dans leur environnement naturel. Des principes encore trop souvent bafoués. Mais que fait la justice ?

Should Trees have standing? L’ouvrage de référence de l’avocat vert.