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L’avenir de l’édition est-il dans le papier de chanvre?

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Une société allemande a mis au point le premier papier de chanvre commercialement viable. Alternative à la fibre de bois, le papier de chanvre pourrait bien représenter l’avenir de l’édition en réduisant considérablement les coûts de production… et les dégâts affligés à la planète.

Réservé à quelques publications haut de gamme et supports promotionnels coûteux, le papier de chanvre est en passe de devenir une alternative écologiquement et commercialement viable au papier fabriqué à partir de fibres de bois.

Une révolution en devenir que l’on doit aux travaux de la photographe et militante écologiste Maren Krings. Aujourd’hui, la technique de fabrication mise au point par Maren Krings est exploitée par le fabricant et imprimeur allemand Hahnemühle, qui propose désormais ce révolutionnaire support aux impressions offset et à jet d’encre.

Moins couteux et plus solide

Moins couteux que le papier classique, le papier de chanvre se pose surtout comme une solution idéale contre la déforestation, drame écologique largement due à la demande mondiale en papier de pâte de bois.

Seul entrave (et pas de moindres) à son développement à grande échelle : la nécessité de changer les outils de  production utilisés par toute l’industrie de la papeterie.

Car si comparé au bois, le chanvre contient des fibres quatre à cinq fois plus longues et offre un papier beaucoup plus résistant, les particularités de sa fibre imposent la construction de nouveaux procédés. Les machines traditionnellement utilisées pour transformer la pâte de bois en papier ne fonctionnant pas bien avec la fibre de chanvre.

Pour cette raison, et parce que le chanvre a souffert depuis 60 ans de manques d’investissements dus à la prohibition, il reste aujourd’hui plus cher que celui à base de bois.

Si le procédé porté par Hahnemühle est commercialement compétitif pour l’entreprise, c’est tout simplement parce qu’elle a adapté son outil de production. Aux autres de lui emboîter le pas.

Champion écologique

Moins gourmand en eau que la plupart des cultures, le chanvre est aussi un glouton du CO2 : un hectare de chanvre dévore entre 9 et 15 tonnes de CO2. Soit la quantité de gaz carbonique absorbée par une jeune forêt de même taille. A la différence près que le chanvre pousse beaucoup plus vite qu’un arbre. En fait, le chanvre pousse aussi vite que le bambou, en faisant l’une des cultures à la croissance la plus rapide de la planète.

Ces dernières années, la culture du chanvre dans l’Union Européenne (UE) a considérablement augmenté. Entre 2015 et 2019, la superficie utilisée pour cultiver la plante est passée de 19 970 hectares à 34 960 hectares.
La France, premier fournisseur de l’UE, produit plus de 70 % du chanvre cultivé en Europe. Les Pays-Bas n’arrivent en deuxième position qu’avec 10 % alors que l’Autriche suit en troisième position avec un petit 4%.

Multiples applications

À mesure que les lois s’homogénéisent en Europe comme en Amérique du Nord, le chanvre s’invite dans tous les domaines de notre vie quotidienne. Du carburant aux vêtements, de l’alimentation aux médicaments, des bioplastiques aux cosmétiques en passant par la construction, le chanvre est partout. Et il faut s’en réjouir, ne serait-ce que pour la planète.

Mama : des canna-éditeurs qui vous veulent du bien

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Auteurs précurseurs et fondateurs de Mama Éditions, Tigrane Hadengue et Michka Seeliger-Chatelain ont été parmi les premiers en France à donner leurs lettres de noblesse au chanvre et au cannabis. Aujourd’hui, ils poursuivent leur œuvre novatrice, sans jamais perdre de vue la mission qui leur tient à cœur : éveiller les consciences et faire du bien.

 

ZEWEED : Mama Éditions fêtera bientôt son vingt-quatrième anniversaire. Qu’est-ce qui vous a conduits à vous lancer dans une aventure aussi audacieuse ?Tigrane : Cela a avant tout été une rencontre avec Michka, que j’ai connue très jeune parce qu’elle était une amie de ma mère et de mon beau-père. J’avais une vingtaine d’années quand elle m’a proposé de travailler pour elle comme attaché de presse dans une maison d’éditions suisse, où elle a publié plusieurs ouvrages de référence, notamment Le Cannabis est-il une drogue, sous-titré : Petite histoire du chanvre, et Le Chanvre, renaissance du cannabis qui, manière de joindre le fond à la forme, a été imprimé sur du papier de chanvre. Ce livre-là a fait date en ce qu’il traitait en particulier du chanvre textile agricole dont on parle tant aujourd’hui, presque trente ans après. Puis, chez ce même éditeur, nous avons conçu ensemble une anthologie du cannabis : une somme de mille pages qui rassemble des textes de plus d’une centaine d’auteurs, allant d’Hérodote à des scientifiques et prix Nobel contemporains. C’est désormais un ouvrage de référence ; certains le qualifient même de Lagarde et Michard du cannabis !
C’est à la suite de ce travail en commun que nous avons eu envie de mener à bien nos propres projets éditoriaux, selon une démarche artisanale à contre-courant de l’industrialisation du monde l’édition.

 

ZW : A-t-il été difficile de publier des livres sur le chanvre et le cannabis dans une société française encore très réticente vis-à-vis de ces sujets ?
Tigrane : C’est vrai que, pendant longtemps, notre démarche a été perçue de manière abusivement polémique. Pourtant, nous avons toujours fait un travail extrêmement soigné, respectueux des cadres légaux. Tous nos livres sont précédés d’avertissements de médecins, de psychiatres, et visés par des avocats. À la différence d’autres éditeurs, nous n’avons jamais donné dans la provocation. Par ailleurs, nous tenons à mettre en avant des avis opposés mais complémentaires, à dépasser les jugements réducteurs, à refuser tout manichéisme. Ces sujets sont bien plus complexes que ça, à l’image du cannabis, qui peut aller d’un chanvre non psychoactif à un cannabis qui l’est beaucoup.

« À la différence d’autres éditeurs, nous n’avons jamais donné dans la provocation » Tigrane

Michka : Je me souviens qu’en 2001, nous avons tenu un stand au Salon de l’agriculture, à Paris, afin de promouvoir la première édition d’un de nos ouvrages intitulé Pourquoi et comment cultiver du chanvre. Ce livre, déposé au ministère de l’Intérieur et parfaitement respectueux de la loi, était présenté entouré de plants de chanvre certifié « agriculture biologique » par le ministère de l’Agriculture. Or, il se trouve que des policiers en service sont passés par là. Ils ont considéré que nous incitions à la consommation de stupéfiants et que nos plants de chanvre étaient comparables à ceux que l’on trouverait dans une arrière-boutique d’Amsterdam. Du coup, j’ai été emmenée manu militari au quai des Orfèvres, tandis que nos stocks de livres et plants de chanvre étaient confisqués… Le bon côté de cette histoire, c’est que les policiers sont arrivés au même moment qu’un groupe de journalistes qui visitaient le salon. Cette coïncidence nous a fait une publicité inespérée. Le lendemain, on s’est retrouvé dans différents journaux télévisés dénonçant l’erreur de ces policiers. Je me souviens d’une journaliste télé relatant avec ironie cet incident en disant : « Chez Mama Éditions, la maréchaussée a eu des hallucinations ! »

« Ça bouge beaucoup aux États-Unis, alors que cette nation a peut-être été celle qui est allée le plus loin dans la répression. Cela leur a sans doute donné le loisir de se rendre compte, avant les autres, que c’était une fausse piste » Michka

ZW : Avez-vous le sentiment que les mentalités changent en France ?
Michka : La France demeure très méfiante vis-à-vis du cannabis en général. Toutefois, les mentalités évoluent, même si cela se fait un peu trop lentement. De nombreux pays autour de nous sont en train de légaliser le chanvre thérapeutique, mais la suspicion par rapport au THC demeure. Le chanvre, c’est le cousin honnête du cannabis qui continue à être perçu comme malhonnête. Cela dit, ça bouge beaucoup aux États-Unis, alors que cette nation a peut-être été celle qui est allée le plus loin dans la répression. Cela leur a sans doute donné le loisir de se rendre compte, avant les autres, que c’était une fausse piste. En tout cas, ceux qui là-bas ont été jetés en prison il n’y a pas si longtemps, doivent tomber des nues en voyant que leurs concitoyens d’aujourd’hui vendent du cannabis légalement et par dizaines de kilos en payant leurs impôts

ZW : Si vous deviez défendre les vertus du cannabis, quel serait votre argument principal ?
Tigrane : Le cannabis est un remède scientifiquement incontesté. Dans le domaine ophtalmologique, par exemple, on sait qu’il soigne le glaucome en faisant baisser la pression oculaire, qu’il soulage les personnes atteintes de sclérose en plaques. Il peut également s’appliquer dans le traitement des cancers en ce qu’il est un antiémétique de premier ordre. De fait, il a été cliniquement démontré que le THC prévient les nausées, les vomissements et la perte d’appétit causés par la chimiothérapie. L’ennui, c’est qu’en France, comme le cannabis est classé dans les tableaux recensant tout ce que l’on appelle les drogues dures, on se prive trop souvent d’informer sur ses possibles vertus thérapeutiques, par peur d’inciter à la consommation de stupéfiants. Ça pince le cœur qu’au pays des Lumières, on en soit arrivé à un stade où des personnes qui ont simplement besoin d’un médicament naturel, sans effets secondaires, ne puissent pas avoir accès à leur remède.

« Plusieurs de nos ouvrages, certains coûteux à produire en termes d’iconographie et de traduction, sont devenus des références et que les aides et les subventions que nous avons sollicitées ne nous ont jamais été accordées » Tigrane

ZW : Tout au long de votre travail dans le cadre de Mama Éditions, avez-vous été soutenus ?
Tigrane : Non, nous n’avons pas vraiment été soutenus. On a plutôt eu le sentiment d’être blacklistés. Et le fait que nos publications sur le chanvre et le cannabis ne représentent aujourd’hui qu’une minorité, n’a pas changé la donne. La vérité, c’est que plusieurs de nos ouvrages, certains coûteux à produire en termes d’iconographie et de traduction, sont devenus des références et que les aides et les subventions que nous avons sollicitées ne nous ont jamais été accordées. C’est là un point de vue économique mais qui semble répondre à votre question, s’agissant du soutien dont nous aurions pu bénéficier. On peut dire que, d’un point de vue institutionnel, ce n’est pas nous qui étions marginaux ; c’est plutôt les autres qui nous ont marginalisés. Ce qui ne nous a pas empêchés de rencontrer notre public, nos libraires, nos bibliothécaires, et de voir que, petit à petit, un certain nombre de médias ou de cercles institutionnels qui, il y a vingt ans, nous disaient : « Vous êtes gentils, mais ce n’est pas la Californie ici ; on est en France, alors arrêtez de nous envoyer vos dossiers de presse. On ne parlera jamais de Mama Éditions ! », nous demandent aujourd’hui des exclusivités, des interviews. Ils semblent avoir réalisé que nous avons été des pionniers, des précurseurs, sur des sujets devenus des phénomènes de société, comme le chanvre, le cannabis médical, le CBD, mais aussi les nouvelles spiritualités, le chamanisme, le jardinage biodynamique en milieu urbain…

ZW : À ce sujet, comment expliquez-vous ce retour en grâce, cet engouement pour des sujets longtemps dédaignés ?
Michka : Il y a beaucoup de choses qui se passent en même temps, dans la société. Nous vivons une époque où les pires horreurs peuvent se produire mais, d’un autre côté, il y a un segment de cette société qui vit une sorte d’élévation du niveau de conscience, une recherche spirituelle. L’important, c’est de choisir sur quoi tu te focalises ; c’est ça qui fait que tu feras partie de ce monde-ci ou de ce monde-là. Pour moi, c’est d’abord un choix et une démarche individuelle.

Tigrane : Il y a aussi le fait qu’après avoir été à ce point déconnecté de la nature au sens large, c’est-à-dire du règne animal, végétal, minéral, on commence à se rendre compte du prix à payer ; on prend conscience des effets secondaires de cette déconnexion, en termes de dépression, de déséquilibre énergétique, de sentiment de ne plus savoir quel est le sens de sa vie, le pourquoi de son travail. Ces conséquences sont beaucoup plus néfastes qu’on ne l’imaginait. C’est un signal d’alarme qui nous enseigne que nous avons besoin de choses simples qui nous font du bien. Cette reconnexion avec la nature, c’est quelque chose de fondamental, d’existentiel, parfois même de vital. On peut se faire tellement de bien très facilement, tout simplement en retournant vers les éléments.

ZW : Parallèlement à vos métiers d’auteurs et d’éditeurs, vous avez également créé, en 2001, le musée du Fumeur, à Paris. Pouvez-vous nous parler de cette initiative ?
Tigrane : Michka et moi avons tous les deux un esprit curieux et ouvert. Au-delà de notre intérêt pour le chanvre et le cannabis, nous avons éprouvé un immense plaisir à explorer l’univers du tabac. Pas le tabac de la cigarette, qui est artificiellement desséché et bourré de centaines d’additifs particulièrement nocifs ; mais plutôt le vrai tabac, dirais-je : celui des peuples premiers, le tabac cérémoniel, chamanique, ou le tabac brun de nos campagnes françaises. Nous avons découvert qu’à l’opposé de la cigarette, il y avait eu jadis, en Occident, un usage du tabac qui n’était pas synonyme de fléau, en termes de santé publique, mais, au contraire, synonyme de dégustation, d’art de vivre. Le monde du cigare ou de la pipe de tabac brun faisait écho à des traditions qui remontaient au calumet de la paix, aux cigares des Lacandons (une ethnie vivant en Amérique centrale), qui sont gigantesques par rapport à nos cigares et qui n’empêchent pas ce peuple de compter un nombre important de centenaires. C’est donc là un tout autre usage, aux antipodes de l’aspect compulsif de la cigarette. Avec elle, on n’arrive jamais à satiété parce qu’elle est calibrée pour nous rendre dépendant. Chez ces peuples premiers, le tabac offre au contraire une expérience de satiété, de contentement qui fait qu’une fois qu’on l’a consommé, on ne se demande pas quand est le prochain. Il procure une plénitude, une complétude, une satisfaction qui n’en demande pas plus. Et puis, nous avons découvert les trésors de richesses culturelles et littéraires associées à l’acte de fumer, dans son acception la plus noble. C’est cela que nous avons voulu partager avec public…

ZW : Vous qui avez été des précurseurs dans beaucoup de domaines, comment voyez-vous l’avenir ? Êtes-vous plutôt optimistes ou pessimistes ?
Tigrane : Fondamentalement optimiste. Par nature, et je dirais même par devoir.
Michka : Oui, c’est vraiment un devoir d’être optimiste. Nous n’avons plus le temps, aujourd’hui, de perdre de l’énergie en alimentant ce qu’on ne veut pas. Il faut au contraire placer son regard, toute son intention, sa direction, vers ce qu’on veut voir se manifester dans la réalité.

Site : www.mamaeditions.com
Insta : @mamaeditions 
FB : @mamaeditions

 

Me Myself & High : 15 personnalités françaises déclarent leur flamme pour le cannabis.

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Tiré du podcast culte « Banana Kush »,  Me Myself & High aborde le cannabis d’une façon aussi originale que cocasse. Au travers des témoignages de 15 personnalités qui parlent sans filtre de la belle plante, Me, Myself & High pose un regard inédit sur l’herbe magique … et ses illustres aficionados.

En 2018, Christophe Payet et Camille Diao créent le podcast « Banana Kush » avec une idée géniale : aller à la rencontre de people amateurs de Ganja et les interroger sur leur relation avec cette dernière.


De Frédéric Beigbeder à Lio, de Sébastien Tellier à Jan Kounen en passant par Manu Payet ou Benoît Hamon, ce ne sont pas moins de 15 VIP de la verte qui se livrent au micro de Banana Kush pour nous dire tout le bien (et parfois le mal) qu’ils pensent du gazon hilarant.

Parmi les innombrables bonnes feuilles du livre, trois tirades récoltées auprès de la première tête apparue dans le podcast : Mathieu Kassovitz.
« J’ai trouvé quelque chose qui m’allait bien, avec lequel je pouvais continuer à être productif et qui m’aide à accepter un peu mieux le monde qui m’entoure »/« Je vous garanti que tous les acteurs fument. Tout le monde fume »/« Mes dealers sont des connaisseurs qui sont aussi pointus qu’un bon oenologue ».

Pour la gourmande Lio « les space cake, c’est ce qu’il y a de mieux pour rigoler ». L’interprète du bien nommé Banana Split nous apprendra aussi que la cuisinière de Coluche préparait « les space cake les plus dingues ».

« Le cul de la vieille », (la fin du joint en argot) revient à la talentueuse et intemporelle Liliane Rouvère, qui du haut de ses 87 printemps nous rappelle avec sagesse « qu’il ne faut pas être goulu. Il faut toucher aux choses raisonnablement, dans la mesure où c’est adéquate. Adéquate, c’est un grand mot pour moi ».
Les 256 pages de « Me, Myself & High », elles, se consomment sans modération.

Tous les épisodes de Banana Kush sont disponibles sur le site Zeweed.

Me Mysel and High,
Par Camille Diao et Christophe Payet
Nique, les éditions,
256 pages
19.90€
Dans toutes les bonnes librairies et sur Amazon via ce lien: 

Bruno Laforestrie: « Hasch, la honte de la République »

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Fondateur de la radio culte Générations 88.2 , aux manette de « Mouv », la petite dernière de Radio France,  Bruno Laforestrie est l’homme du renouveau Rap et R’n B.
A l’occasion de la sortie de son livre « Hasch, la honte de la République »,  nous l’avons rencontré pour parler du fumant sujet qui fâche. 

Votre ouvrage a pour titre « Hasch, la honte de la République ». Pourquoi hasch plutôt que cannabis ?
Je tenais à parler particulièrement de hasch, et non d’herbe. Le hasch et son traffic sont des sujets encore très tabous en France,  même si depuis quelques mois certaines langues se délient.
« Honte de la République » car je témoigne en citoyen lucide sur les questions publiques, fort de mon expérience en tant que dirigeant de médias proches de la jeunesse.

Un de vos chapitres s’intitule « le cannabisme tue ». C’est à dire ?
Je pars du postulat que le cannabis est une drogue au même titre que d’autres, légales (tabac, alcool) ou pas (cocaïne, MDMA).
Or, quel est l’enjeu d’une politique de santé publique ? C’est de protéger les plus vulnérables. Et dans toute politique de santé publique, une distinction entre mineurs et majeurs s’impose.
Cette distinction est d’ailleurs appliquée en ce qui concerne le tabac et l’alcool, une distinction qui est pour moi essentielle dans le débat, une ligne infranchissable.
C’est ce refus de traiter le cannabis, et donc le hasch, comme un sujet de santé publique qui fait que les tenants et aboutissants de la problématique nous échappent complètement.
On a mis beaucoup de moyens pour expliquer sur chaque paquet de cigarette que le tabac est nocif, mais rien n’est fait pour la prévention en ce qui concerne les dangers sur la santé du duo tabac-haschich. Pas plus n’est fait pour prévenir les dangers et ravages psychologique que le THC peut entrainer sur des cerveaux encore en pleine croissance.

 » C’est un enjeu de santé publique au même titre que l’alcool frelaté durant la prohibition des années 30 aux Etats-Unis »

Y-a-t-il un vrai danger ?
Absolument. Sans être un grand connaisseur ou consommateur, on sait qu’il y a de la résine de cannabis nocive pour la santé. Tout simplement parce qu’elle est coupée avec n’importe quoi. Un problème qui ne se pose pas dans les pays qui ont légalisé, à l’instar du Canada. C’est un enjeu de santé publique au même titre que l’alcool frelaté durant la prohibition des années 30 aux Etats-Unis.

Vous parlez d’un glissement social et moral…
L’émancipation via le deal est un mirage: le mec qui pense qu’à 16 ans il va gagner sa vie en faisant du bizz… se plante magistralement. C’est en fait une vie à la petite semaine où le dealer revient quasiment à la condition ouvrière du XIXème siècle, lorsque les travailleurs étaient payés à la journée.
Et bien que nous soyons, au XXIème siècle, passés à une société du travail mensualisée, les petits acteurs du cannabis-business reviennent à une rémunération précaire et journalière : les chouff (guetteurs NDLR), les petits intermédiaires etc.
La prohibition a remis à l’ordre du jour cette précarité absolue. C’est une complète  faillite économique et sociale : on en revient aux pires heures du capitalisme.

« L’émancipation via le deal est un mirage »

Face à ce constat, quels horizons et perspectives pour une légalisation du cannabis en France ?
Du Canada aux États-Unis en passant par le Luxembourg, la Suisse ou Israël, la tendance est à l’ouverture. Pour l’Italie ou le Portugal, l’effet domino est inéluctable.
En France, je veux croire que nous méritons ce débat.

En suivant le modèle Canadien ?
Je ne pense pas que l’on puisse ou doive suivre un modèle existant. Mon analyse est que la politique de gestion du cannabis est le reflet du pays qui l’applique : le traitement de l’alcool n’est par exemple pas le même ici qu’en Suède, en Finlande au Canada ou bien évidemment dans les pays musulmans.
Je pense qu’il nous faut avoir un modèle propre qui pourrait effectivement s’inspirer en partie de schémas existants, avec des spécificités et en prenant compte de l’impact du cannabis dans l’économie des quartiers.
Je pense aux AOC par exemple. Il y a en France une capacité à produire, grâce aux coopératives, où l’État aurait son rôle dans l’analyse et la validation de la qualité du produit. Qu’il soit thérapeutique, bien-être comme le CBD, ou récréatif.
Ensuite, sur la distribution, deux axes importants: le marché noir dans les quartiers criminogènes qu’il est impératif de réduire et la piste de l’auto-culture qui est à mon sens partie de la solution.

« La piste de l’auto-culture (…) est à mon sens partie de la solution »

L’auto-culture pourrait contribuer à nourrir ce futur marché ?
Je trouve que c’est une piste à creuser et pense souvent à l’exemple des bouilleurs de cru. Un système de production locale qui pourrait facilement être appliqué au cannabis pour un marché niché de quelques centaines de milliers de consommateurs (sur 5 millions de consommateurs occasionnels en France, NDLR)
Pour les quartiers difficiles, une transition cannabistique s’impose, permettant à certains de travailler de manière prioritaire pour l’industrie à venir du CBD ou du cannabis si celui se légalise. Il faudra de toute façon mettre des moyens considérables dans la formation et l’accompagnement de chaque jeune sorti de l’école sans diplôme ni métier.
Je suis en tous cas persuadé que la transition passera par une réflexion sur la production locale et l’implication positive des quartiers, sous égide de l’État.
C’est tout le bien que je nous souhaite.

(interview réalisée en novembre 2020)

« Hasch. La Honte de la République »
JC Lattès, 23,99 $CA/14,90 €,

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