Idées

Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ?

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Alors que la PMA a été adoptée et que le taux de natalité repart à la hausse, nombre de mouvements  militent pour une réduction de la fécondité afin d’alléger notre bilan environnemental. L’argument est implacable à la vue de  l’emprunte écologie de bébé puis de sa descendance. Sauf si les parents sont bien élevés.

La rentrée littéraire du printemps a résonné d’un cri oublié : « un enfant quand je veux, si je veux ». Lancé dans les premières heures du féminisme français, ce slogan est aujourd’hui repris par Chloé Chaudet. Avec J’ai décidé de ne pas être mère, la professeure de littérature dénonce la pression sociale qui s’exerce sur les femmes françaises ayant volontairement renoncé à la maternité. Le sujet n’a rien d’anecdotique.
En France, une étude de l’Inserm et de l’Ined (certes de 2010) estime à 5% le nombre de femmes qui, en âge de procréer, n’ont pas de désir d’enfant. Avec des  raisons pour cela : ne pas sacrifier sa carrière professionnelle, se soustraire aux canons de la bourgeoisie (dans les pas de Simone de Beauvoir), vivre sa vie sans entraves, manquer d’argent.

Humanité trop nombreuse ?

Pour d’autres, c’est un choix politique. L’Humanité serait déjà trop nombreuse pour la Planète, disent-elles. L’empreinte carbone du bébé serait désastreuse. Aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, des associations, comme Conceivable Future, Population Matters ou BirthStrike professent la grève de l’utérus pour alléger notre futur bilan environnemental. Un tiers des jeunes Américains (filles et garçons confondus) se sentiraient proches de ces mouvements de pensée, indiquent plusieurs études. On les appelle les Ginks : Green Incitation, No Kids — engagement écologiste, pas d’enfant.
Au fond, les Ginks ne manquent pas d’arguments. Une étude américaine a établi, en 2017, à 58 tonnes de CO2 par an les émissions d’un bébé de pays riche : soit 5 années d’émission d’un Français adulte !

Très chères « alloc » ?

Et puis, un bébé ça coûte cher. En France, les « soutiens à la famille » consomment l’équivalent de 3,7% du PIB, rappelle un rapport de la Cour des comptes française. Ce qui fait flirter l’addition avec les 100 milliards d’euros par an : le double du budget 2022 du ministère de la transition écologique.
Sans compter qu’on peut aussi s’interroger sur la capacité procréatrice des jeunes. Un sondage réalisé, dans 10 pays, auprès de 10.000 adolescents et jeunes adultes témoigne d’une effrayante éco-anxiété : 59% se disent très inquiets des effets du changement climatique, plus d’un sur deux avoue être en colère, triste, anxieux. Plus de 45% estiment que le réchauffement affectera leur vie. De là à en déduire que devenir maman et papa c’est trop de responsabilité écologique, il n’y a qu’un pas …
J’écris, j’écris et je me rends compte que je ne réponds pas à la question initiale : Bébé est-il une plaie environnementale ? Nous avons déjà injecté dans l’atmosphère suffisamment de gaz à effet de serre pour réchauffer le climat de plus de 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Collectivement, nous avons échoué à stabiliser le réchauffement à un niveau peu dangereux pour nos sociétés.

Les vertus du « nurse-in » ?

L’urgence n’est donc pas tant de s’interroger sur le nombre d’enfants que compteront les familles des pays du Nord mais de pousser nos gouvernements à décarboner nos sociétés.
Il y a deux ans, les activistes britanniques d’Extinction Rebellion ont mis en première ligne de leurs manifestations pro-climat des centaines de mères allaitantes avec leur bébé. Ce premier « nurse-in » a eu un grand retentissement médiatique, outre-Manche. Mais pas seulement.
Depuis, le gouvernement de Boris Johnson s’est engagé à réduire de 78% les émissions britanniques entre 1990 et 2035. Un record pour un pays industrialisé. Les bébés sont peut-être de gros émetteurs de CO2, ils ont aussi, sans le savoir, le pouvoir de modeler leur avenir.