French Farmer

French Touch CBD, une affaire de famille

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 Dans la région de Béziers, une famille travaille la vigne depuis le XVIème siècle… et le chanvre bien-être depuis l’année dernière. Reportage et entretien chez Viranel, où ces passionnés cultivent les produits du bonheur en toute simplicité.

D’où est venue l’idée de vous diversifier ?

Arnaud : On y pensait depuis quelque temps. J’ai eu un accident, ma belle-sœur Carine est atteinte d’une maladie auto-immune et la maman de Léa, ma femme, a eu un cancer, on a essayé de la soulager avec du CBD. On cherchait des solutions. En 2021, on a eu un gros gel tardif sur l’ensemble du vignoble, qui nous a flingué 80 % de la récolte à venir. On avait déjà en tête de lancer cette culture de chanvre bien-être et quand j’en ai parlé avec mon frère Nicolas, il a validé. Léa et Carine ont creusé le sujet plus sérieusement et on a lancé la production.
Léa : Ça s’est fait assez précipitamment.

Quand avez- vous débuté l’aventure CBD ?
Arnaud : On a commencé la production l’année dernière, en avril/mai. Pour les marques French Touch CBD et Les Artisanes de Marie-Jeanne, c’était en décembre dernier.

Quand vous parlez de CBD ici, vous avez dû avoir des réactions…
Léa : Au départ, on avait mis en vente une huile d’olive au chanvre, un produit fini consommable partout. La première réaction d’une personne très « terroir » de l’arrière-pays, c’était « ah non merci, ce genre de truc j’en veux pas » alors qu’on était juste là pour faire déguster une huile d’olive, pas de quoi s’inquiéter. Non naviguons à tâton entre le rejet d’une mode et la diabolisation du cannabis.

Carine. On passe beaucoup de temps avec les gens pour leur expliquer. Sur les marchés, on arrive à vendre plus de produits parce qu’on a le temps d’engager la discussion. Mais dans les magasins, où il n’y a pas de discours derrière la vente, c’est plus compliqué. On a toujours des questions comme : « je peux conduire après avoir consommé cette tisane ? ».

Jimmy, mordu du chanvre, est un expert en CBD qui prête main forte à l’équipe

Et les explications portent leurs fruits ou ça ne sert à rien ?
Lea : On a de très bons retours. Des gens sont en recherche de bien-être, mais on est obligé de faire cette petite éducation sur la plante.
Arnaud : Par exemple, on préfère parler de chanvre et des plantes qui l’accompagnent pour les tisanes, plutôt que de parler de CBD car ce terme peut encore bloquer certaines personnes.
Carine : Notre force aussi, c’est que les garçons sont viticulteurs tandis Léa et moi sommes issues du monde médical, elle est diététicienne et moi infirmière. On est sur du bien-être, c’est clair, mais on apporte notre expertise aux consommateurs. On a tous nos domaines de compétences, autant les garçons que nous. Pour les tisanes, Léa a composé des mélanges en fonction de la synergie des plantes entre elles.

Une saisonnière qui pose à coté d’une autre belle tête.

Avec le domaine viticole séculaire, une expertise médicale, vous êtes loin des clichés du « stoner “.
Arnaud : On est vite sorti de ça, oui.
Carine : C’est pour notre image de « produits bien-être » aussi.
Arnaud : On a encore quelques rares cas. La semaine dernière, un proche à qui j’ai conseillé des huiles m’a répondu « non merci, je suis pas dans la défonce ». Deux jours après, il est revenu et m’a demandé une huile. Entre temps il avait dû se renseigner… Mais on ne parle pas de fleurs là. C’est un marché qu’on a pas trop attaqué parce que c’est du commerce pur, il y a moins de sens.

Le bonheur est dans le champ.

Comment développez- vous votre activité ?
Arnaud : On est parti sur quelque chose de simple, sans promo, mais basé sur le bouche-à-oreille. On n’a pas fait de pub, on fait du petit réseautage et du viral court :  une personne qui a un avis positif va le partager avec son entourage.
Mais on est quand même sur les réseaux sociaux, c’est incontournable aujourd’hui. On pourrait aller beaucoup plus vite avec une grosse com’, mais le but n’est pas d’exploser pour se retrouver avec des dizaines d’employés…

Pourquoi pas ?
Arnaud : Parce que ce n’est pas gérable. On veut garder notre savoir-faire et rester dans cette bulle familiale.
Léa : On est sur tous les postes, packaging, production, création, commercial… C’est très polyvalent.

Concernant la répartition des tâches ?
Arnaud : Mon frère et moi gérons la partie production et les filles la distribution. On était bien entouré au départ, avec deux amis :  Jimmy et Loïc pour la partie agricole.

A vue de nez, la récolte est proche.

Pas trop dur de travailler en famille ?
Léa : Non au contraire, on a une bonne entente et on se complète sur les tâches, au boulot comme à la maison. Pour Nicolas et Arnaud, c’est une charge de travail considérable. Entre ça et le vignoble, ils sont en permanence sur le pont.
Carine : On a commencé une année noire pour la production de raisin, donc ils étaient plus disponibles au départ, mais ce n’est pas acquis.
Au début, Léa et moi étions très enthousiastes, on ne savait pas vraiment ce qui nous attendait. On s’est retrouvée dans le noir avec des lampes frontales à faire de la manucure pendant plusieurs semaines ! On a tout appris en même temps. La manucure, ce qu’est un terpène, les trichomes… Et sans parler des enfants, j’ai un ado à la maison, quand il a su ce qu’on faisait « alors maman, tu fais de la drogue ? ». Et là tu dois tout expliquer… L’autre de 6 ans, lui, voulait en ramener à l’école pour parler de l’activité de ses parents.
Arnaud : Même pour les anciens, au début ils avaient peur car ils assimilaient ça à la drogue mais au fur et à mesure ils ont compris et se sont ouverts.

Léa, fleur au chapeau pour la plus belle des plantes.

Sur la production, vous êtes bio ?
Arnaud : On travaille sur une parcelle qui a été en jachère depuis plus de 10 ans, la production se fait sans produit phytosanitaire mais on l’a lancé trop précipitamment. Pour le label bio, on va voir ça dans les mois à venir. Concernant le vignoble, on a choisi d’avoir autant de vigne que de garrigue. Donc on a un écosystème qui est naturellement très riche, avec beaucoup d’insectes, d’oiseaux, de serpents et toute la faune locale. Ça permet de limiter l’impact de certains ravageurs, qui vont rester cloisonnés à la parcelle en question. Il y a un équilibre qui se fait naturellement. Sur la production de chanvre, on a eu des chenilles mais sans plus. À part de la flotte et un amendement organique, il n’y a besoin de rien ajouter.

Avez-vous établi des stratégies de développement ?
Arnaud : Oui, bien sûr, mais c’était avant que le marché s’écroule. On pensait faire de la fleur au départ mais on s’est aperçu qu’il y a plus de possibilités avec les produits dérivés comme les tisanes, les huiles, etc…
Carine : Pour éviter la confusion chez nos consommateurs, on a choisi de scinder la marque en deux. Les fleurs, c’est French Touch CBD et tous les produits dérivés c’est Les Artisanes de Marie-Jeanne.

Chez Viranel, le chanvre est surtout une histoire d’amour et d’eau fraîche.

 

Le site de French Touch CBD est accessible vie ce lien