Cop 26

Good Cop 26 ou bad Cop 26?

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Alors que le 26ème sommet climatique vient de s’achever et que je quitte Glasgow avec les quelques 250 autres journalistes accrédités, une question demande réponse: Au fait, c’est bon pour le climat, la COP ?

Peut-on évaluer l’efficacité climatique de la COP ? Pas simple. Mais on peut. Le résultat sera fonction de ce que l’on regarde. Si l’on se focalise sur l’empreinte carbone de la COP proprement dite, le gouvernement britannique — organisateur du sommet — a une réponse toute prête : la conférence sera … neutre en carbone.

Pour ce faire, l’administration de Boris Johnson a quantifié les émissions imputables aux voyages des 30 000 personnes accréditées, à leur nourriture pendant la quinzaine, aux déplacements qu’ils ont fait durant leur séjour. Au total, ce grand déplacement aurait généré 102 500 tonnes de gaz à effet de serre (Ges). Soit 10 000 fois votre bilan carbone perso annuel. Inévitables, ces rejets vont être « compensés » par l’achat de crédits carbone.

250 journalistes accrédités, dont votre serviteur.

Promesses en stock

D’accord. Et le reste ? La quinzaine a été ponctuée de très nombreux engagements. Des Etats ont promis de réduire d’un tiers leurs émissions de méthane (un gaz à effet de serre 28 fois plus puissant que le CO2), de protéger les forêts (qui absorbent et stockent le gaz carbonique), de baisser la consommation d’énergies fossiles, de développer la voiture électrique, etc. Toutes ces promesses contribuent-elles vraiment à notre bonheur climatique ?

Là encore, tout dépend de votre interlocuteur. Quelques jours avant l’ouverture du grand barnum de Glasgow, l’ONU avait évalué l’impact des politiques climatiques des Etats à 2030. Verdict : elles devraient contribuer à accroître de 13,7 % les émissions mondiales de Ges entre 2010 et 2030. Or, si nous voulons atteindre la neutralité carbone à la mitan du siècle (l’un des objectifs de l’accord de Paris), nous devons les réduire de 45 % durant la même période. De quoi nous emmener vers un réchauffement de +2,7°C à la fin du siècle.

De belles promesses faites durant cette 26ème Cop. Reste à espérer que les nations engagées ne s’en laveront pas les mains.

Evaluations à la chaîne

Durant la première semaine, l’Agence internationale de l’énergie a évalué les effets des nouveaux engagements, sensés compléter les politiques nationales. Les nouvelles sont meilleures. Si tous les engagements sont tenus dans la durée, le réchauffement pourrait être stabilisé à +1,8°C. C’est dans la fourchette fixée par les rédacteurs de l’Accord de Paris : entre +1,5°C et +2°C.

A la fin des deux semaines écossaises, le verdict est tombé. Climate Action Tracker (CAT) a sorti ses calculettes. Après quelques soirées de phosphoration intense, le réseau international de climatologues estime que, conjuguées aux politiques nationales les nouvelles promesses sont susceptibles de faire baisser nos émissions annoncées de 24 à 25 % par rapport au scénario d’octobre de l’ONU. C’est bien, mais très insuffisant. Selon CAT, il faudrait faire deux fois mieux pour nous placer sur une trajectoire nous permettant de stabiliser le réchauffement à +1,5°C. Rendez-vous, l’an prochain, à Sharm-El-Cheikh pour la prochaine COP et de nouvelles promesses.

COP 26 : ce que nous dit la composition des délégations

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La composition d’une délégation envoyée à une conférence des Nations unies pour le changement climatique (COP) est un impitoyable indicateur. Quatre jours après le démarrage de la session écossaise, l’ONU a publié la composition des équipes des parties présente. De quoi en déduire quelques priorités gouvernementales.

De notre envoyé spécial à Glasgow.

Pas moins de 198 chancelleries ont voulu envoyer des négociateurs. Toutes n’y sont pas parvenues. Faute de vaccins anti-Covid et de visa, les sièges de la Birmanie et de Kiribati restent vides. De même que ceux alloués à l’Afghanistan. Il sera dit que les membres du gouvernement taliban se soucient du climat comme de leur premier turban.

De l’autre côté du spectre, on ne peut qu’être étonné par l’importance des délégations brésilienne (479, record de cette COP !), de la République démocratique du Congo (373) et de la Russie (312). Par comparaison, les hôtes britanniques de la réunion n’alignent que 230 diplomates et experts, contre 197 pour la France et 165 pour les Etats-Unis.

Un sujet majeur de la COP lie particulièrement Brésil, Congo et Russie : les forêts. En protégeant leurs massifs des éleveurs et des tronçonneurs, ces trois pays entendent générer des crédits carbone qu’ils pourront revendre par la suite. Voici comment.

Le Congo, la  Russie et le Brésil au premier plan

Signé en 2015, l’accord de Paris (dont les règles d’application sont en cours de finalisation à Glasgow) ouvre la possibilité pour les pays riches en forêts de monétiser leurs capacités à stocker du carbone. En préservant ces puits de carbone, les gouvernements contribuent à réduire le stock de carbone présent dans l’atmosphère : une bonne chose pour le climat.
Ce bienfait se concrétise par l’émission de crédits internationaux (une tonne de CO2 stockée dans les arbres génère un crédit) qui peuvent être vendus à des Etats peinant à réduire leurs émissions. Une forme de compensation carbone en quelque sorte. A eux trois, Congo, Russie et Brésil abritent 35 % des surfaces forestières répertoriées. C’est dire si la discussion écossaise les intéresse au premier plan.

Autre enseignement : la parité homme-femme n’est toujours pas de mise dans les négociations internationales. Mais elle progresse ! Sur les 23 665 délégués nationaux accrédités 40 % sont des femmes. C’est beaucoup mieux que lors de la première COP (88 % d’homme) et légèrement mieux que le chiffre moyen sur 26 ans : 38 % de femmes à chaque conférence.
A noter qu’il reste encore quelques délégations uniquement masculines : le Yemen, la Corée du nord et le … Saint Siège. Trois pays dont la voix climatique porte peu.

 

Manuel de suivi de la COP 26

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Le sommet climatique annuel s’est ouvert le 31 octobre. Depuis Glasgow, je vous en dit un peu plus sur les enjeux de cette 26ème Cop.

Des hordes de policiers tout de jaune fluo vêtus. Des pèlerins qui chantent contre la fin du monde. Des cortèges de Jaguar électriques officielles. Des milliers de diplomates, experts, chefs d’Etats et de gouvernements, journalistes, associatifs, encadrés par la police de l’ONU. Bienvenue à la COP 26, le 26e sommet annuel sur le climat de l’ONU, qui tient ses quartiers sur les anciens docks de Glasgow. Deux semaines durant, tout ce petit monde va tenter de faire avancer la cause climatique. Laquelle en a bien besoin.

Objectif neutralité carbone: de quoi mettre de l’électricité dans l’air.

Décrets d’application

Au menu de cette édition écossaise : l’achèvement des règles d’application de l’accord de Paris. Comme une loi a besoin de décrets d’application, l’accord conclu à l’issue de la COP 21 doit être complété par un livret d’utilisation, en quelque sorte. La plupart de ses chapitres ont été rédigés.

Il manque les paragraphes qui encadreront la comptabilité des émissions nationales de gaz à effet de serre (Ges), le commerce desdits quotas et la possibilité laissée aux Etats les plus riches d’investir dans des projets « bas-carbone » dans les pays du sud. En contre-partie de … crédits carbone.

A la Cop 26, il y a ceux qui se dirigent vers les endroits désignés…

Loin de la neutralité carbone

Durant cette quinzaine, les 195 Etats ayant ratifié l’accord de Paris devront réviser à la hausse leur contribution climatique nationale (NDC, en jargon). Il s’agit de montrer que la communauté internationale entend agir fortement d’ici à 2030. Pour le moment, ce n’est pas le Pérou. Les dernières évaluations de ces « NDC 2e génération » ne sont pas folichonnes. L’ONU estime qu’elles permettront de limiter à 16 % la hausse des émissions mondiales de Ges d’ici à 2030.

Ce qui devrait nous conduire sur le chemin d’un réchauffement de 1,5°C à la même date et de 2,5 °C d’ici la fin du siècle. Pour nous placer sur la voie de la neutralité carbone, les émissions mondiales devraient baisser d’environ 5 % par an. Nous en sommes loin.
A Glasgow, les négociateurs devront aussi s’accorder sur un objectif global d’adaptation aux effets du réchauffement. Sujet difficile car il existe pratiquement autant de définition de l’adaptation que de chancelleries. Nul ne propose non plus de moyen consensuel d’en mesurer l’évolution, la gouvernance, etc.

…Et ceux qui désignent les dirigeants qui marchent à l’envers.

“Progrès collectifs”

D’autres débats passionnés s’intéressent aux questions de genre, aux populations indigènes, aux pouvoir de réchauffement global des Ges à prendre en compte, à l’intégration (ou non) de l’aviation et du transport maritime, etc.
Puisque nous sommes dans les problèmes complexes, il est aussi temps d’aborder le grand bilan mondial. Devant être publié en 2023, ce Global Stocktake doit évaluer les « progrès collectifs » accomplis dans la mise en œuvre de l’accord de Paris. Mais comment procéder à cette évaluation, sur quelles bases ? Les experts se chamaillent, par exemple, sur la prise en compte de l’agriculture dans l’atténuation (la réduction des émissions) et l’adaptation.

Toutes ces négociations pourraient toutefois trébucher sur un sujet majeur : les financements nord-sud. En 2009, les gouvernements des pays les plus riches (ceux de l’OCDE, en résumé) avaient annoncé vouloir octroyer une aide collective de 100 milliards de dollars par an, aux pays les plus vulnérables aux conséquences du réchauffement, à partir de 2020. La promesse n’a pas été tenue. Et ne le sera probablement pas avant 2023. Les pays du G77 (qui compte plus de 130 nations) devraient en profiter pour obtenir des compensations sur d’autres dossiers.

Viens, je t’emmène à la … COP 26

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La planète climat se réunit à Glasgow (Écosse) durant la première quinzaine de novembre. L’occasion de relancer la lutte contre le réchauffement ? Ce n’est pas gagné.

Dernière semaine de tranquillité. Dès le 31 octobre, de climat tu seras abreuvé. Et la cure deux semaines durera. Pas de rapport du Giec, à l’horizon. Cette fois, c’est l’ONU qui convie le monde à Glasgow. Objectif du sommet écossais : relancer la cogestion mondiale de ce bien commun qu’est notre climat. Habituellement, l’ONU convoque une COP* climatique chaque année à pareille époque. La Covid en a décidé autrement en 2020. Voilà deux ans que nos gouvernants ne s’étaient retrouvés pour parler CO2, coopération nord-sud, adaptation, etc.

La Scottish Session est particulière. Durant cette quinzaine dans la cité des Celtic, les 195 Etats ayant ratifié l’accord de Paris de 2015 devront présenter de nouveaux engagements à moyen terme. En jargon : les contributions nationales volontaires (NDC). Au dernier recensement, 140 pays ont déjà rendu leur copie. Manquent encore notamment les NDC chinoise et indienne. Embêtant, car les deux puissances asiatiques émettent, ensemble, le tiers des émissions anthropiques de gaz à effet de serre.

Décevantes promesses

Ces promesses sont décevantes. Si elles sont tenues dans la durée, elles nous permettront, au mieux, de limiter à 53 milliards de tonnes de Ges par an nos émissions à l’horizon de 2030. Pour stabiliser le réchauffement à +1,5 °C à la fin du siècle, il faudrait en rejeter deux fois moins à cette échéance. La COP sera l’occasion de trouver de nouveaux moyens de réduire notre contribution au changement climatique.

Il sera aussi question d’argent. En 2009, les pays les plus riches s’étaient engagés à verser 100 milliards de dollars par an aux nations les plus vulnérables, à partir de 2020. Le deal n’a pas été tenu. Il faudra en conclure un autre et dissiper le sentiment de défiance qu’éprouvent certaines chancelleries du Sud à l’égard des capitales du Nord.

Vous avez dit adaptation ?

Ce sera nécessaire pour boucler la suite du programme. La COP 26 doit achever la rédaction des règles d’application de l’accord de Paris. Et notamment celles encadrant la comptabilité des émissions des pays et les échanges de crédits nationaux d’émission. Sujets éminemment politiques et terriblement complexes.
Dans la même veine, la communauté internationale doit aussi s’accorder sur un objectif global d’adaptation aux conséquences du réchauffement. Problème : à chaque pays sa conception des efforts à accomplir en ce sens. Menacés par la montée du niveau de la mer, les États iles du Pacifique seront plus sensibles à cette thématique qu’à la fonte des glaciers, sujet qui inquiète bon nombre de pays andins et alpins.

Les moyens de se disputer sont innombrables dans une COP. Au cours de cette 26e édition, les Etats devront aussi composer le menu du Global Stocktake, le grand bilan de l’action climatique mondiale, qui devra être présenté lors de la COP 28, en 2023.
Est-ce à dire que la stabilisation du réchauffement est un projet d’avenir et qu’il le restera ?

 

* La lutte contre le réchauffement est encadrée par une convention de l’ONU (CCNUCC), signée en 1992. Chaque année, les pays ayant ratifié ladite convention — les parties — se retrouvent pour une conférence des … parties ou COP. Ce parlement mondial élabore et vote les décisions entrant dans le cadre de la CCNUCC. En 2015, les parties ont adopté l’accord de Paris (Cop 21)qui vise à stabiliser le réchauffement entre 1,5 et 2 °C d’ici la fin du siècle.

Les usines à gaz carbonique de Boris Johnson

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En amont de la conférence sur le climat de Glasgow (Cop 26), le gouvernement britannique investit massivement dans des technologies anti-réchauffement. Certaines sont inquiétantes.

Depuis quelques mois, les engagements en faveur du climat font la une. Pas un jour sans qu’une multinationale, un pays ou une ville n’affiche ses ambitions décarbonisatrices. La neutralité carbone est tendance. Ce que l’on sait moins, c’est que les forces finançant la lutte contre le réchauffement n’ont aucune idée de la façon dont il faut s’y prendre pour atteindre le zéro carbone. À la grande joie des scientifiques de sa Majesté qui ne manquent ni de moyens, ni d’imagination, ni d’audace.

Absorber le carbone

Dans les universités, les chercheurs esquissent des technologies plus ou moins dingues pour assurer notre avenir à faible réchauffement. Six mois avant l’ouverture du sommet mondial sur le climat de Glasgow, le gouvernement de Boris Johnson vient de débloquer 166 millions de livres (193 M€) de crédits en faveur des technos absorbeuses de CO2.

Vous aimez la mer ? Les scientifiques de l’université d’Exeter aussi. Ces derniers veulent aiguiser l’appétit de l’océan pour le gaz carbonique. Une fois les bulles de CO2 formées dans l’eau de mer, les promoteurs du projet Sea Cure assurent pouvoir les capter, comme « les bulles dans une coupe de Champagne ».
Inconvénient : trop de carbone acidifie l’eau marine. De quoi dégouter les organismes accro au calcaire pour construire leur squelette (oursins, coraux) ou leurs carapaces (coquillages, homards, crabes). On ne peut gagner à tous les coups.

L’appétit de l’océan

Parce qu’ils absorbent le quart de notre gaz carbonique, les océans font l’objet de toutes les attentions des labos. Planetary Hydrogen imagine balancer à la baille des millions de tonnes d’olivine (aussi appelé sable vert ) pour faciliter l’absorption du carbone par l’océan et sa transformation accélérée en carbonates. Ces minéraux devront ensuite finir leur vie au fond des mers. Les habitants des abysses pourraient ne pas apprécier de voir leur environnement transformer en carrière de craie.

Sous les pavés, la plage. Sous l’océan, le sable vert?

Revenons sur la terre ferme. Les cuistots nettoient souvent leur four électrique en appuyant sur la touche… pyrolyse. La société PyroCore propose de construire un très très gros four dans lequel des déchets de bois, portés à 500 °C, produiraient (en plus de l’énergie thermique) du charbon.
Epandus en forêts ou sur des pâturages, ces pyrolysats riches en carbone devraient être absorbés par le sol.

Valorisation polluante

En Suisse, des étudiants de l’école polytechnique de Zurich ont conçu un aspirateur de CO2 atmosphérique. Problème : le chauffage du solvant de ce système d’aspiration direct (DAC) requiert beaucoup d’énergie. Qu’à cela ne tienne, jugent les scientifiques de l’université de Nottingham, il suffit de disposer de beaucoup d’énergie décarbonée.
Ils envisagent très sérieusement d’équiper la centrale nucléaire de Sizewell C d’un DAC pour décarboner l’air ambiant. L’utilisation de 10% de l’énergie produite par un réacteur EPR permettrait de capter 1,5 Mt de dioxyde de carbone par an, estiment-ils. Petit détail : EDF n’a pas encore posé la première pierre de la centrale de Sizewell C. Rolls Royce s’intéresse aussi à cette technologie.
Tout comme Carbon Neutral Petrol. La start-up envisage même de transformer le carbone ainsi récupéré en … plastique. Des fois qu’on en manquerait.