Colombie

La Colombie autorise la vente de fleurs de cannabis thérapeutique en pharmacie

La Colombie a autorisé lundi 27 octobre  la vente en pharmacie de fleurs de cannabis médical, répondant à une demande de longue date des patients du pays.

La Colombie vient de combler le paradoxe qui agaçait patients, médecins et producteurs : depuis 2021, le pays pouvait exporter des fleurs de cannabis thérapeutique, mais ses propres malades ne pouvaient pas en acheter. Avec un décret publié le 27 octobre 2025, Bogotá autorise désormais la vente de fleurs de cannabis médicinal en pharmacie, sur ordonnance. C’est une petite ligne dans le Journal officiel, mais un grand basculement pour un pays qui veut passer de la guerre à la drogue à l’économie du soin.

Vide juridique depuis 2016

Tout part de la loi de 2016 qui a légalisé le cannabis médical en Colombie. Le texte permettait la culture, la transformation, l’exportation d’extraits, mais il laissait un angle mort : la plante elle-même. Quand le gouvernement a ouvert en 2021 les exportations de fleurs séchées vers les pays qui les autorisaient, les Colombiens ont découvert qu’on pouvait envoyer de la weed médicale à Berlin mais pas en prescrire à Medellín. Ce blocage tenait moins à l’idéologie qu’à l’absence de catégorie claire pour la fleur comme “produit fini”. Résultat : des patients restaient sur des huiles plus chères ou moins efficaces pour leurs douleurs, pendant que le pays se présentait à l’international comme nouvel Eldorado vert.

La fleur arrive enfin en pharmacie

Le décret de 2025 change la logique : la fleur entre officiellement dans la liste des produits médicaux autorisés, au même titre que les extraits, à condition d’obtenir le feu vert de l’agence sanitaire (Invima) et de passer par une prescription. Les pharmacies – et même les vétérinaires – pourront en vendre, y compris des variétés contenant du THC, dès lors que c’est justifié médicalement. Pour les patients souffrant de douleurs neuropathiques, de troubles du sommeil ou d’effets secondaires de chimio, c’est la forme la plus rapide d’action, souvent mieux tolérée en vaporisation. Pour l’État, c’est aussi une manière de retirer de l’espace au marché informel, qui fournissait déjà ces fleurs sans contrôle de qualité, ni traçabilité, ni fiscalité.

Un marché en devenir

Reste la question sociale. Le gouvernement présente la mesure comme un outil d’inclusion des petits et moyens cultivateurs – certains devraient être prioritaires sur le marché intérieur dans les premiers mois. Mais les entreprises déjà installées dans le médical, qui ont payé licences et contrôles, redoutent une concurrence express. De leur côté, les associations de patients préviennent : si les prix ne sont pas pris en charge par le système de santé, les malades continueront à se fournir hors circuit. La Colombie a donc fait le geste politique – reconnaître la fleur comme médicament à part entière – mais elle doit encore faire le geste pratique : rendre cette fleur accessible, prescriptible sans soupçon, et moins chère qu’au marché noir. Sans quoi la révolution annoncée restera une réforme d’exportateur, pas une victoire de patients.

Le président colombien invite Donald Trump à légaliser le cannabis (et mettre fin à la guerre contre la drogue)

Gustavo Petro exhorte Donald Trump à mettre fin à la prohibition du cannabis et à en autoriser l’importation aux Etats-Unis, et ce pour mettre fin à une guerre contre la drogue qui, selon le président colombien, serait responsable de la mort d’ 1 millions de sud-américains

Un coup de semonce sur X

Tout est parti d’un message de Petro sur X la semaine dernière. Le chef de l’État colombien y revient sur le déséquilibre structurel de la guerre contre la drogue telle qu’elle est menée depuis Washington. « En réalité, la Colombie apporte l’argent et les morts dans cette lutte, tandis que les États-Unis fournissent la consommation », écrit-il. Et il enfonce le clou : « La consommation aux États-Unis, et la consommation croissante en Europe, sont responsables de 300 000 assassinats en Colombie et d’un million de morts en Amérique latine. » Pour Petro, le compte est vite fait : les pays andins paient la facture humaine, pendant que les marchés du Nord entretiennent la demande. Dans ce même message, il répond en creux aux attaques américaines, alors que l’administration Trump a ordonné des frappes contre des embarcations soupçonnées de transporter des stupéfiants vers les États-Unis. Le président colombien y voit moins une stratégie qu’un réflexe militaire de plus, sans remise en question du modèle prohibitionniste.

Légaliser, exporter, taxer

Ce que propose Petro à Donald Trump est frontal : « l’opposé » de ce que fait l’administration américaine. Il dit avoir suggéré de supprimer les tarifs sur les produits agricoles colombiens et de légaliser « l’exportation du cannabis », « comme n’importe quel bien ». Autrement dit : si les États-Unis veulent vraiment assécher le narcotrafic, qu’ils ouvrent un marché légal, traçable et régulé, y compris pour les pays producteurs. Petro estime que cette orientation est défendable juridiquement, car l’ONU a déjà revu le statut du cannabis dans les conventions internationales auxquelles la Colombie comme les États-Unis sont parties. Puisque la scène internationale assouplit, pourquoi Washington s’accroche-t-il à la prohibition ? Côté colombien, la réponse est claire : parce que le système actuel profite à la criminalité et à certains circuits financiers, pas aux pays qui meurent. Dans cette logique, Petro appelle aussi les États-Unis à « renforcer la politique de prévention de la consommation » sur leur territoire et à « étudier scientifiquement » si la prohibition est vraiment nécessaire, ou si « une consommation responsable et régulée par l’État » ne permettrait pas, au contraire, de bâtir un cadre plus efficace pour « la poursuite des capitaux et des actifs des narcos dans le monde ». On est là dans une ligne latino-américaine de plus en plus assumée : déplacer la lutte du champ pénal vers le champ économique.

Bras de fer avec Washington

Sauf que Donald Trump n’a pas apprécié. La semaine dernière, l’ex-président américain a traité Gustavo Petro de « chef de la drogue illégale ». Et le Département du Trésor, via l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), a sanctionné le président colombien, certains membres de sa famille et plusieurs de ses conseillers, les accusant d’être impliqués dans le trafic de drogue. Une mesure rare visant un chef d’État en exercice, qui acte le durcissement de Washington. Ce coup de pression américain tombe à un moment où la Colombie avance, elle, vers la légalisation interne : il y a quelques mois, des députés ont approuvé en commission une première étape d’une loi de légalisation nationale du cannabis. Ce n’est qu’un début, le processus est long, mais le signal est là. Petro, lui, ne lâche pas : il répète que les parlementaires qui, en 2023, ont fait capoter une précédente tentative de légalisation n’ont fait que « perpétuer le trafic illégal et la violence » qui va avec. Pour la présidence colombienne, il ne s’agit donc pas d’une lubie progressiste, mais d’une politique de sécurité nationale : tant que le marché reste clandestin, ce sont les groupes armés qui l’exploitent.

Une hypocrisie made in USA

Ce n’est pas la première fois que Gustavo Petro dénonce l’asymétrie nord-sud en matière de drogue. Après une visite aux États-Unis en 2023, il raconte avoir senti l’odeur de cannabis dans les rues de New York. Il y voit « une énorme hypocrisie » : le pays qui a imposé au monde la guerre à la drogue profite désormais d’un marché légal de cannabis, pendant que les producteurs historiques continuent de payer la note. Lors de la Conférence latino-américaine et caribéenne sur les drogues en 2023, il avait déjà rappelé que la Colombie et le Mexique sont « les plus grandes victimes de cette politique », allant jusqu’à comparer la guerre à la drogue à « un génocide ». Et ce discours n’est pas nouveau chez lui : en 2022, à la tribune de l’ONU, Petro avait exhorté les États membres à « changer fondamentalement d’approche » et à renoncer à la prohibition. Dans sa vision, la légalisation du cannabis en Colombie doit aussi s’accompagner de la libération des personnes emprisonnées pour cannabis, afin d’aligner le droit sur la nouvelle réalité du marché. Il voit même un argument supplémentaire du côté des organisations internationales : l’ONU a reclassé le cannabis, donc rien n’empêche des pays comme la Colombie d’en faire un produit agricole et d’en autoriser l’export.

Les feux sont au vert pour la Colombie

À noter aussi qu’un élément de contexte circule dans le même débat américain sur les drogues : certains travaux étatsuniens avancent que le cannabis médical montre une efficacité comparable aux opioïdes, avec moins d’effets indésirables. Le document que commente Petro signale d’ailleurs un intitulé de ce type : « Medical Marijuana Shows Comparable Efficacy to Opioids with Fewer Adverse Events ». Cela nourrit, côté Sud, l’idée que la poursuite aveugle de la prohibition n’est plus ni scientifique ni rationnelle.

Donald Trump, de son côté, n’a jamais vraiment embrassé l’idée d’une légalisation fédérale. Fin août toutefois, il a laissé entendre qu’une décision sur une proposition de reclassification du cannabis pourrait intervenir « dans les semaines qui viennent ». Mais, dans les faits, sa politique drogues reste dominée par la lutte contre les cartels, y compris par des moyens extrajudiciaires controversés : attaques contre des bateaux en eaux internationales, ciblage musclé de filières supposées se diriger vers les États-Unis, sans remise à plat du cœur du problème, à savoir la demande américaine. Petro, lui, prend ce contrepied : si les États-Unis ont un marché légal chez eux, qu’ils acceptent d’ouvrir le marché au Sud et d’en faire un levier de paix plutôt qu’un motif de sanctions. Pour l’instant, Washington a choisi l’inverse. Et la Colombie, elle, continue de compter ses morts.

 

La Colombie autorise l’exportation de cannabis thérapeutique

Vendredi 23 Juillet, la Colombie a autorisé la production et l’exportation de fleurs de cannabis à visée thérapeutique. La décision arrive alors que plusieurs pays d’Amérique du sud ont déjà largement assoupli leur législation afin de ne pas rater l’opportunité économique de la décennie.

C’est lors de la visite d’une entreprise de cannabis thérapeutique à Boyaca que le président Colombien Ivan Duque a annoncé la levée de l’interdiction d’exportation de fleurs de cannabis. Cette évolution de la réglementation, qui peu paraître anecdotique, est pourtant l’annonce de grandes évolutions à venir dans le pays.
La Colombie devient un acteur majeur sur le marché international” a alors estimé le président Duque, et non sans ironie  “Nous avons un environnement, des connaissances, du talent et désormais des règles” .

“Nous entrons par la grande porte sur le marché international” 

La Colombie a légalisé la production de cannabis à visée médicale en 2016, mais n’autorisait jusqu’à présent que l’exportation de teintures et extraits. Un manque à gagner certain puisque la vente de fleurs représente 53% du marché légal du cannabis thérapeutique dans le monde.

La nouvelle réglementation autorise également la culture de “dérivés non psychoactifs” à partir de la plante, comme le CBD.
Nous ne sommes plus uniquement focalisés sur le pharmaceutique. Nous commençons aujourd’hui et comptons faire beaucoup plus, que ce soit dans les cosmétiques, les aliments, les boissons ou d’autre produits qui connaissent un essor notable dans plusieurs pays”  expliquait le Président, laissant entendre que la loi pourrait encore évoluer vers un cadre plus permissif.

Le président colombien Ivan Duque (à gauche) lors de sa visite à l’entreprise de production de cannabis thérapeutique Clever Leaves à Boyaca, le 23 juillet 2021. (Crédit Présidence Colombienne/AFP)

Après l’Uruguay, la Colombie?

Fabian Currea, directeur des cultures, expliquait à l’AFP que ces nouvelles dispositions  “nous donnent la chance d’explorer de nouveaux marchés et de profiter des faibles coûts de production de la plante en Colombie. A l’heure où de nombreux Etats sont demandeurs et démontrent que la légalisation est bénéfique, il serait dommage de rater une telle opportunité. Cette disposition aidera également à contrôler le marché informel des produits frauduleux ” a-t-il conclu.

L’Argentine, l’Équateur et le Pérou ont également légalisé récemment la production de marijuana à des fins médicales.
Alors que l’Amérique du Nord est en passe d’être le premier continent à avoir complètement légalisé  le cannabis (Le Mexique à dépénalisé son usage, au Canada, l’herbe est légale depuis 2018 et aux Etats-Unis, pas moins de 17 Etats ont déjà enterré la prohibition) et que l’Uruguay s’apprête à fêter une décennie de légalisation, plusieurs pays d’Amérique du Sud sont en train de changer de politique sur le cannabis, ne serait-ce que pour des raisons commerciales..