Bilan Carbone

Le chanvre, ce formidable puits de carbone

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Les plantations de chanvre pourront capter plus de CO2 que les forêts les plus carbophiles. Sans compter les utilisations industrielles du matériau végétal. Revue de détails.

Vous ne le savez, peut-être, pas, mais nous avons un grand dessein. Signé en 2015, l’accord de Paris nous oblige à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. à la mitan du siècle, nous devrons, collectivement, équilibrer émissions et sources d’absorption de CO2.

Cela implique, bien sûr, de réduire drastiquement nos rejets de gaz à effet de serre (Ges), probablement d’un facteur six ou sept, en trente ans. Mais aussi de dégoter des moyens de capter et de stocker le carbone résiduel. Les forêts semblent les candidates idéales. Hélas, elles ont tendance à reculer devant les assauts des tronçonneuses. Et les changements de climat à venir font craindre pour la bonne santé des massifs que nous connaissons.

Eponge à carbone

Le cannabis fait figure d’éponge à carbone de compétition. Pourtant, avec sa fine tige et ses feuilles dentelées rien ne semblait désigner Cannabis sativa comme un champion de la neutralité carbone. Et pourtant. Dans les laboratoires du centre pour l’innovation des matériaux naturels (université de Cambridge, Royaume-Uni), on teste tous les biomatériaux (bambou, bois, fibres naturelles, chanvres) susceptibles d’alléger l’empreinte carbone de l’industrie ou du secteur de la construction. Cannabis compris.

En cours, les essais donnent déjà des résultats très prometteurs. Pour le spécialiste des matériaux Darshil Shah, le cannabis pourrait absorber 8 à 15 tonnes de gaz carbonique atmosphérique par hectare de culture. Impressionnant ! En moyenne, un hectare de forêt métropolitaine française stocke 5 tonnes de CO2 par an.

Plastiques et matériaux

Et le bilan décarbonique du cannabis pourrait être meilleur encore ! Car, notre plante favorite (ses fibres surtout) peut remplacer bien des matières dont la production est extrêmement carbonifère. On connaît tous (à défaut d’avoir les moyens d’en acheter !) les jeans en chanvre. Mais les fibres du cannabis peuvent se substituer à bien des plastiques d’origine gazière ou pétrolière, mais aussi à l’aluminium et à certains aciers. Autant de matériaux dont la production est extrêmement énergivore et donc génératrice de gaz à effet de serre.

Last but not least : le cannabis pousse très bien sans engrais. Or, la décomposition des engrais azotés est l’une des principales contributions au renforcement de l’effet de serre d’origine agricole. Qu’on se le dise !

 

Ecologie et cannabis: à quand l’herbe verte?

En chambre, en serre ou en champs, la culture de cannabis est rarement compatible avec des objectifs de développement durable. Heureusement, des solutions existent pour réconcilier la belle herbe avec la nature.

Ce n’est pas parce que la culture du cannabis se légalise petit à petit qu’il faut faire n’importe quoi.
Or, force est de constater que de nombreuses plantations, indoor ou outdoor sont de véritables insultes à l’environnement et au climat réunis.
Sous serre, en terre ou au fond d’un placard, les cultures intérieures sont d’abord énergivores. L’usage démesuré de lampes à incandescence à forte puissance engloutit des volumes astronomiques d’électrons : de 4 000 à 6 000 kWh par kilo d’herbe produite. A cela, s’ajoutent les ventilateurs, systèmes d’extraction d’air, pompes, automates, etc.

Du CO2 par millions de tonnes

Selon certaines estimations, la demande des plantations US de cannabis flirte avec le 1% de la production américaine d’électricité : autant que le réseau informatique mondial du Bitcoin. Rapporté à l’intensité carbone du secteur électrique américain, cela représente une trentaine de millions de tonnes de CO2 par an expédié dans l’atmosphère. Pas négligeable. Amatrice de chaleur, Marie Jeanne est aussi une grande buveuse devant l’éternel. Dans certaines plantations californiennes, il faut compter 1 800 litres d’eau pour passer de la graine au plant prêt à être récolté.

Plastique partout, recyclage nulle part

Bien évidemment, tous les cultivateurs n’ont pas encore découvert les joies de l’agriculture biologique. Or, la culture industrielle de weed peut se révéler gourmandes en pesticides. Plus ou moins toxiques, ces petites molécules se retrouvent dans la fumée inhalée par les consommateurs et dans les eaux d’écoulement des cultures. De quoi se fâcher tout vert avec les protecteurs de la biodiversité. Et avec les usagers. Ce n’est pas tout.

11e plaie d’Egypte

Pour éviter tout relâchement d’odeurs et toute utilisation malencontreuse par les enfants, les autorités nord-Américaines obligent les producteurs de weed à empaqueter leurs produits dans des emballages à usage unique, opaques et résistants au déchirement. Réalisés avec plusieurs couches de matériaux, ces emballages sont impossibles à recycler et ne se dégradent qu’en plusieurs siècles.

Circuit fermé ou hydroponie

Telle quelle, la production d’herbe apparaît comme la 11e plaie d’Egypte. Ce n’est pas une fatalité. Certains industriels ont conçu des serres équipées de systèmes de filtration d’air et de circuit fermé d’eau. L’eau en surplus est collectée, filtrée et stockée, en attendant d’être à nouveau pulvérisée sur les plants. On peut aussi opter pour des techniques hydroponiques, sans terre, et dont la consommation en eau est de 90% inférieure à celles des techniques culturales traditionnelles.

Halte aux lampes à décharge

Difficile de se passer de lumière et de chaleur. Mais l’ont peut remplacer les très efficaces lampes à vapeur de sodium haute pression par des diodes électroniques (Led), dont les performances énergétiques (et agronomiques) ne cessent de croitre. Avec de sérieuses économies d’électricité à la clé. Reste à régler la gestion des déchets électroniques inhérents à l’utilisation des Led.

L’avenir est au large

Quid de l’emballage ? Sujet difficile, tant il est tributaire des législations nationales, voire locales. Certaines entreprises, telle la Californienne Ocean Cannabis fait réaliser ses emballages en plastiques récupérés dans l’océan et recyclé. Les emballages proposés par Sana Packaging sont réalisés en chanvre ou en plastique recyclé. En France, Terracycle produit, elle aussi, des plastiques avec des déchets collectés sur les plages.

Le futur de la viande est dans le ver

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L’insecte est-il l’avenir de notre alimentation ? C’est en tous cas la conviction de la start-up française Ynsect, qui a annoncé en début d’année son intention de produire de la farine de ver à destination de l’homme. Cette initiative fait suite à l’avis favorable de l’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA) sur la consommation de spécialités à base d’asticots ultra-protéinés. Bientôt la blanquette d’asticot et le Cheese Mac Lombric ?

Cet avis émis le 8 janvier ne porte que sur l’insecte entier, ce qui inclue la farine séchée qui est en issue. Pour autant, Ynsect aimerait concentrer ses développements sur la production de farines d’insectes, ou scarabée Molitor, déshuilés pour lequel d’autres avis sont attendus. La start-up a pris les devants et commencé à développer YnMeal : un ingrédient à base de protéines d’insectes déshuilés pour l’alimentation humaine. Un dossier auprès de l’EFSA concernant ce produit a déjà été déposé, et un autre sera bientôt déposé auprès de la FDA, l’agence américaine en charge de ces dossiers.
Ces aliments pourraient être proposés dans les domaines du sport et de la nutrition santé à des fins de régénération musculaire et de performance. Deux secteurs qui semblent prometteurs. La pépite ajoute avoir déjà signé un contrat pluriannuel sur ces marchés. Ynsect attend aussi des avis  sur l’autorisation de l’utilisation des protéines d’insectes dans l’alimentation des volailles et les porcs.

Bilan carbone zéro: quand le ver est vert

“Si nous voulons nourrir la planète à horizon 2050, nous devons produire 70% de plus et cela avec seulement 5% de terres disponibles. Il est temps de valoriser des alternatives permettant de produire plus et mieux”, explique Antoine Hubert, CEO d’Ynsect, dans un communiqué. La start-up a donc développé un concept de ferme verticale lui permettant d’élever les insectes en grande quantité, à commencer par le Tenebrio Molitor ou vers de farine, qui est une espèce de scarabée riche en protéines.
La production d’insectes nécessite, pour 1kg de protéines, 100 fois moins de surface agricole qu’1kg de protéines animales et nettement moins d’eau, constate la start-up. La majorité de l’élevage est transformée afin de produire les aliments souhaités et certains scarabées sont conservés à des fins de reproduction.

Vous l’aurez compris, l’assiette de demain sera très différente de celle d’aujourd’hui. Une transition qui s’avère indispensable si nous voulons avoir à quelque chose à mettre dans la marmite après-demain.

 

Circuit court : quand le CO2 rejeté par les brasseries alimente les plantations de cannabis

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L’un des principaux producteurs de weed du Colorado nourrit ses plants avec du gaz carbonique produit par une brasserie voisine. Un partenariat bon pour les deux entreprises comme pour le climat.

Avouons-le : le CO2 n’a pas bonne presse. Même dans les colonnes virtuelles de ZeWeed. Il faut dire que ce composant essentiel de notre atmosphère a une fâcheuse tendance à l’embonpoint. Il fait l’important. Et cela produit quelques étincelles climatiques.
Pourtant, ce gaz carbonique est vital. Les plantes chlorophylliennes, comme le … cannabis, le consomment pour se nourrir. Celles et ceux qui agrémentent leur intérieur de jolies plantations clandestines connaissent bien le sujet : comment injecter suffisamment de CO2 dans le placard avant la floraison ? Le même problème se pose aux cultivateurs professionnels, mais en plus gros. Faute de solution, nombre d’entre eux engraissent des producteurs de gaz industriels pour sécuriser l’approvisionnement de leurs plants sous serre en dioxyde de carbone.

 Un deal bière-chanvre

Dit autrement, les serristes paient cher un gaz dont certaines entreprises cherchent à se débarrasser. Il y a là un terreau fertile pour la conclusion d’un deal ! C’est précisément ce qu’ont fait, cet été, les dirigeants du producteur de weed The Clinic et de Denver Beer Co, un brasseur de Denver (Colorado).
Pour bien comprendre les tenants et les aboutissants de cet accord, plongeons-nous dans les affres de la fabrication de la bière. L’une des principales étapes de sa production est la fermentation, opération durant laquelle des levures vont transformer le moût en liquide plus ou moins buvable. A cette occasion, les micro-organismes produisent de l’alcool, des arômes et du … CO2 (4 kg/hectolitre). Les brasseurs industriels captent et réutilisent dans leur procédé les trois quarts du dioxyde de carbone ainsi généré. Le surplus finit généralement dans l’atmosphère.

Allègement du bilan carbone

Après plusieurs mois d’expérimentation, les deux compagnies ont finalement trouvé un terrain d’entente. Denver Beer capte et stocke son gaz carbonique superflu dans un réservoir en inox. Il est ensuite transporté à 10 km de là pour être vaporisé dans les serres de The Clinic, qui réduit ainsi de 15 % ses coûts de production. Ce faisant, le brasseur allège d’une cinquantaine de tonnes par de CO2 son bilan carbone annuel. Il en profite pour faire un petit bénéfice en revendant, à petit prix, son coproduit carboné à son nouveau partenaire..
Soutenue par l’Etat du Colorado (qui entend réduire de moitié ses émissions carbonées entre 2005 et 2030), l’opération pourrait susciter bien des vocations. Amy George, la PDG d’Earthly Labs, la start-up texane qui a conçu le système de captage du carbone, estime que l’on pourrait ainsi valoriser un milliard de tonnes de CO2 par an : l’équivalent de 20 % des émissions US annuelles. Pas si mal, comme recyclage.

 

NFT : l’Art cochon pour la planète.

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Enflammant les enchères, le développement du crypto-art, aussi connu sous l’acronyme NFT,  menace surtout de fumer l’environnement.

Au mois de mai dernier, pour l’équivalent d’une dizaine de SMIC  (14 820 € ), était adjugé  Io Sono, sculpture monumentale de Salvotore Garau. Le hic, c’est qu’elle est invisible et littéralement inexistante. Son concepteur est depuis menacé de poursuites judiciaires, l’un de ses brillants confrères, le Floridien Max Miller, accusant le plasticien toscan de plagiat. On se surprend à regretter Piero Manzoni qui vendait dans les années 60 de vrais étrons dans ses fameuses boîtes de Merda d’Artiste.

Réjouissons-nous tout de même ! Car ce délire post-Duchamp période urinoir est loin d’être la pire des menaces que font planer sur nos têtes les artistes du premier millénaire après Jack Lang.

2,5 millions le tweet

Car si les créatifs du moment réinvestissent l’invisible, un siècle après Klee, ils tendent aussi à dématérialiser l’art et son commerce. L’Internet devient un medium artistique. Il y a quelques semaines, Jack Orsay, patron de Twitter, a cédé son premier « gazouillis » pour 2,5 millions de dollars.

Plus impressionnant : Mike Winkelmann, alias Beeper, a vendu chez Christie’s un collage numérique de 5 000 images pour 69 M$ ! Dans les deux cas, les acquéreurs n’ont pas ramené les « œuvres » chez eux. Et pour cause : les œuvres de crypto-art n’ont rien de réel. Elles sont numérisées dans la blockchain, sorte de vaste registre de comptabilité numérique.

Everydays : the first 5000 days. Suprême NFT

Jetons non fongibles 

Les heureux acheteurs se voient attribuer des jetons électroniques aux caractéristiques uniques. Cette numérisation d’une œuvre (ou d’un actif) et de son contrat d’achat est ce que l’on appelle, en jargon, la « tokénisation ». Reversés à l’acheteur, les « jetons non fongibles » (Non Fungible Token ou NTF) les mène directement au premier tweet de l’histoire et à Everydays : the first 5000 days, leur garantit l’unicité, la traçabilité, l’inviolabilité des œuvres. Les NTF font aussi office de certificat de propriété. Détail : n’importe quel internaute peut voir ou copier ces œuvres numériques. Leurs « propriétaires » disposent juste du droit de vendre, si le cœur lui en dit, les NTF.

Dans l’absolu, cette nouvelle déclinaison de l’art numérique devrait réjouir les partisans de la sobriété, de la réduction de la consommation de ressources naturelles, de la baisse de la demande en voyage. Une fois créées, les œuvres ne bougent pas et leur transfert de propriété virtuelle se fait exclusivement en ligne. Bref, les écolos devraient se féliciter de voir enfler l’art de l’Internet. Qu’ils n’en fassent rien.

Stockés sur la blockchain, NTF et œuvres de crypto-art ont les mêmes biais écologiques que les Bitcoin, Ethereum et autre Dogecoin : ils sont terriblement énergivores. La « tokenisation » d’une œuvre numérique simple, comme Fish Store, de Stijn Orlans, a consommé 323 kWh d’électricité, a calculé Memo Akten, animateur du site spécialisé cryptoart.wtf (aujourd’hui hors ligne). Autant qu’une famille moyenne européenne en un mois !

L’original de cette œuvre de l’artiste belge Stijn Orlans s’est vendu 2.900 euros.

L’art au KWh

C’est Joanie Lemercier qui, le premier, a tiré le signal d’alarme. Dans un long message sur son site, l’artiste français indique que la création de 6 NTF pour 6 de ses œuvres a englouti 8 754 kWh d’électricité. En 10 minutes, le crypto-art avait consommé autant d’électricité que tout son atelier en deux ans. Pour le climat, cela équivaut à l’émission de 5 tonnes de gaz carbonique, soit l’équivalent de la consommation d’un ménage américain moyen pendant deux mois.
Conséquence : Joanie Lemercier cesse désormais de « tokéniser » ses œuvres en attendant que les plateformes d’échanges de crypto-monnaies réduisent leur empreinte carbone. De leur côté, les galeristes de branchés et les commissaires-priseurs continuent de jouer à fond la carte des NTF . La planète attendra. Pas le marché.

Faut-il manger des vaches pour lutter contre le réchauffement climatique?

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Jamais où on l’attend, le truculent et génial Michel Gondry a encore frappé. Cette fois pour nous parler de gaz à effet de serre et des flatulences éco-friendly des vaches à steak Burger King. Alors faut-il manger plus de bovins BK pour qu’ils pètent moins de méthane? N’avaler que des Wooper pour refroidir la planète ?

Si la réponse est non, Burger King a demandé à Michel Gondry de nous prouver le contraire.
Il s’agira donc dans cette campagne de vendre les faltulences vertes des vaches BK et nous dire que malbouffer, maintenant, c’est écolo-OK.
Comme si les vents de vaches étaient la seule problématique liée à l’élevage et abattage intensif.
C’est donc sur un air des plus entraînant que le géant du fast-food US veux nous faire avaler une viande que l’on viendrait presque à prendre pour du tofu, tout attendris que nous sommes par l’univers bucolico-kitch de Michel Gondry.

Dans le spot, nous trouverons des vaches, des arbres, des nuages, un gamin déguisé en cow-bow blanc et la citronnelle.
Et c’est là le message : les vaches qui broutent de la citronnelle pètent nettement moins que celles qui consomment du gazon conventionnel.

La chansonnette est poussé par Mason Ramsey, 10 ans et baby-star du Country-Yodel aux États-Unis avant de finir sur un “Puisque nous faisons partie du problème, nous nous efforçons de faire partie de la solution”, pieusement livré en fin de spot.

Burger King annonce ainsi vouloir revoir en profondeur son impact environnemental. Cette révolution, BK  la voit passer par l’alimentation des ruminants qui finiront mâchés. Le prout qui cache la forêt de m…?

Second hic : les steaks servis dans les Burger King Canadiens et Européens ne proviendront pas de vaches nourries à la citronnelle. Seuls quelques hamburgers moins puants seront disponibles, à la carte, uniquement dans les BK de Los Angeles, Miami, Austin, New York et Portland.
Quant au réalisateur Michel Gondry, il est végétarien.

Good Cop 26 ou bad Cop 26?

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Alors que le 26ème sommet climatique vient de s’achever et que je quitte Glasgow avec les quelques 250 autres journalistes accrédités, une question demande réponse: Au fait, c’est bon pour le climat, la COP ?

Peut-on évaluer l’efficacité climatique de la COP ? Pas simple. Mais on peut. Le résultat sera fonction de ce que l’on regarde. Si l’on se focalise sur l’empreinte carbone de la COP proprement dite, le gouvernement britannique — organisateur du sommet — a une réponse toute prête : la conférence sera … neutre en carbone.

Pour ce faire, l’administration de Boris Johnson a quantifié les émissions imputables aux voyages des 30 000 personnes accréditées, à leur nourriture pendant la quinzaine, aux déplacements qu’ils ont fait durant leur séjour. Au total, ce grand déplacement aurait généré 102 500 tonnes de gaz à effet de serre (Ges). Soit 10 000 fois votre bilan carbone perso annuel. Inévitables, ces rejets vont être « compensés » par l’achat de crédits carbone.

250 journalistes accrédités, dont votre serviteur.

Promesses en stock

D’accord. Et le reste ? La quinzaine a été ponctuée de très nombreux engagements. Des Etats ont promis de réduire d’un tiers leurs émissions de méthane (un gaz à effet de serre 28 fois plus puissant que le CO2), de protéger les forêts (qui absorbent et stockent le gaz carbonique), de baisser la consommation d’énergies fossiles, de développer la voiture électrique, etc. Toutes ces promesses contribuent-elles vraiment à notre bonheur climatique ?

Là encore, tout dépend de votre interlocuteur. Quelques jours avant l’ouverture du grand barnum de Glasgow, l’ONU avait évalué l’impact des politiques climatiques des Etats à 2030. Verdict : elles devraient contribuer à accroître de 13,7 % les émissions mondiales de Ges entre 2010 et 2030. Or, si nous voulons atteindre la neutralité carbone à la mitan du siècle (l’un des objectifs de l’accord de Paris), nous devons les réduire de 45 % durant la même période. De quoi nous emmener vers un réchauffement de +2,7°C à la fin du siècle.

De belles promesses faites durant cette 26ème Cop. Reste à espérer que les nations engagées ne s’en laveront pas les mains.

Evaluations à la chaîne

Durant la première semaine, l’Agence internationale de l’énergie a évalué les effets des nouveaux engagements, sensés compléter les politiques nationales. Les nouvelles sont meilleures. Si tous les engagements sont tenus dans la durée, le réchauffement pourrait être stabilisé à +1,8°C. C’est dans la fourchette fixée par les rédacteurs de l’Accord de Paris : entre +1,5°C et +2°C.

A la fin des deux semaines écossaises, le verdict est tombé. Climate Action Tracker (CAT) a sorti ses calculettes. Après quelques soirées de phosphoration intense, le réseau international de climatologues estime que, conjuguées aux politiques nationales les nouvelles promesses sont susceptibles de faire baisser nos émissions annoncées de 24 à 25 % par rapport au scénario d’octobre de l’ONU. C’est bien, mais très insuffisant. Selon CAT, il faudrait faire deux fois mieux pour nous placer sur une trajectoire nous permettant de stabiliser le réchauffement à +1,5°C. Rendez-vous, l’an prochain, à Sharm-El-Cheikh pour la prochaine COP et de nouvelles promesses.

COP 26 : ce que nous dit la composition des délégations

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La composition d’une délégation envoyée à une conférence des Nations unies pour le changement climatique (COP) est un impitoyable indicateur. Quatre jours après le démarrage de la session écossaise, l’ONU a publié la composition des équipes des parties présente. De quoi en déduire quelques priorités gouvernementales.

De notre envoyé spécial à Glasgow.

Pas moins de 198 chancelleries ont voulu envoyer des négociateurs. Toutes n’y sont pas parvenues. Faute de vaccins anti-Covid et de visa, les sièges de la Birmanie et de Kiribati restent vides. De même que ceux alloués à l’Afghanistan. Il sera dit que les membres du gouvernement taliban se soucient du climat comme de leur premier turban.

De l’autre côté du spectre, on ne peut qu’être étonné par l’importance des délégations brésilienne (479, record de cette COP !), de la République démocratique du Congo (373) et de la Russie (312). Par comparaison, les hôtes britanniques de la réunion n’alignent que 230 diplomates et experts, contre 197 pour la France et 165 pour les Etats-Unis.

Un sujet majeur de la COP lie particulièrement Brésil, Congo et Russie : les forêts. En protégeant leurs massifs des éleveurs et des tronçonneurs, ces trois pays entendent générer des crédits carbone qu’ils pourront revendre par la suite. Voici comment.

Le Congo, la  Russie et le Brésil au premier plan

Signé en 2015, l’accord de Paris (dont les règles d’application sont en cours de finalisation à Glasgow) ouvre la possibilité pour les pays riches en forêts de monétiser leurs capacités à stocker du carbone. En préservant ces puits de carbone, les gouvernements contribuent à réduire le stock de carbone présent dans l’atmosphère : une bonne chose pour le climat.
Ce bienfait se concrétise par l’émission de crédits internationaux (une tonne de CO2 stockée dans les arbres génère un crédit) qui peuvent être vendus à des Etats peinant à réduire leurs émissions. Une forme de compensation carbone en quelque sorte. A eux trois, Congo, Russie et Brésil abritent 35 % des surfaces forestières répertoriées. C’est dire si la discussion écossaise les intéresse au premier plan.

Autre enseignement : la parité homme-femme n’est toujours pas de mise dans les négociations internationales. Mais elle progresse ! Sur les 23 665 délégués nationaux accrédités 40 % sont des femmes. C’est beaucoup mieux que lors de la première COP (88 % d’homme) et légèrement mieux que le chiffre moyen sur 26 ans : 38 % de femmes à chaque conférence.
A noter qu’il reste encore quelques délégations uniquement masculines : le Yemen, la Corée du nord et le … Saint Siège. Trois pays dont la voix climatique porte peu.

 

Manuel de suivi de la COP 26

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Le sommet climatique annuel s’est ouvert le 31 octobre. Depuis Glasgow, je vous en dit un peu plus sur les enjeux de cette 26ème Cop.

Des hordes de policiers tout de jaune fluo vêtus. Des pèlerins qui chantent contre la fin du monde. Des cortèges de Jaguar électriques officielles. Des milliers de diplomates, experts, chefs d’Etats et de gouvernements, journalistes, associatifs, encadrés par la police de l’ONU. Bienvenue à la COP 26, le 26e sommet annuel sur le climat de l’ONU, qui tient ses quartiers sur les anciens docks de Glasgow. Deux semaines durant, tout ce petit monde va tenter de faire avancer la cause climatique. Laquelle en a bien besoin.

Objectif neutralité carbone: de quoi mettre de l’électricité dans l’air.

Décrets d’application

Au menu de cette édition écossaise : l’achèvement des règles d’application de l’accord de Paris. Comme une loi a besoin de décrets d’application, l’accord conclu à l’issue de la COP 21 doit être complété par un livret d’utilisation, en quelque sorte. La plupart de ses chapitres ont été rédigés.

Il manque les paragraphes qui encadreront la comptabilité des émissions nationales de gaz à effet de serre (Ges), le commerce desdits quotas et la possibilité laissée aux Etats les plus riches d’investir dans des projets « bas-carbone » dans les pays du sud. En contre-partie de … crédits carbone.

A la Cop 26, il y a ceux qui se dirigent vers les endroits désignés…

Loin de la neutralité carbone

Durant cette quinzaine, les 195 Etats ayant ratifié l’accord de Paris devront réviser à la hausse leur contribution climatique nationale (NDC, en jargon). Il s’agit de montrer que la communauté internationale entend agir fortement d’ici à 2030. Pour le moment, ce n’est pas le Pérou. Les dernières évaluations de ces « NDC 2e génération » ne sont pas folichonnes. L’ONU estime qu’elles permettront de limiter à 16 % la hausse des émissions mondiales de Ges d’ici à 2030.

Ce qui devrait nous conduire sur le chemin d’un réchauffement de 1,5°C à la même date et de 2,5 °C d’ici la fin du siècle. Pour nous placer sur la voie de la neutralité carbone, les émissions mondiales devraient baisser d’environ 5 % par an. Nous en sommes loin.
A Glasgow, les négociateurs devront aussi s’accorder sur un objectif global d’adaptation aux effets du réchauffement. Sujet difficile car il existe pratiquement autant de définition de l’adaptation que de chancelleries. Nul ne propose non plus de moyen consensuel d’en mesurer l’évolution, la gouvernance, etc.

…Et ceux qui désignent les dirigeants qui marchent à l’envers.

“Progrès collectifs”

D’autres débats passionnés s’intéressent aux questions de genre, aux populations indigènes, aux pouvoir de réchauffement global des Ges à prendre en compte, à l’intégration (ou non) de l’aviation et du transport maritime, etc.
Puisque nous sommes dans les problèmes complexes, il est aussi temps d’aborder le grand bilan mondial. Devant être publié en 2023, ce Global Stocktake doit évaluer les « progrès collectifs » accomplis dans la mise en œuvre de l’accord de Paris. Mais comment procéder à cette évaluation, sur quelles bases ? Les experts se chamaillent, par exemple, sur la prise en compte de l’agriculture dans l’atténuation (la réduction des émissions) et l’adaptation.

Toutes ces négociations pourraient toutefois trébucher sur un sujet majeur : les financements nord-sud. En 2009, les gouvernements des pays les plus riches (ceux de l’OCDE, en résumé) avaient annoncé vouloir octroyer une aide collective de 100 milliards de dollars par an, aux pays les plus vulnérables aux conséquences du réchauffement, à partir de 2020. La promesse n’a pas été tenue. Et ne le sera probablement pas avant 2023. Les pays du G77 (qui compte plus de 130 nations) devraient en profiter pour obtenir des compensations sur d’autres dossiers.

Neutralité carbone : Les assurances Zurich renoncent aux transports aéronautiques

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Le groupe d’assurance suisse Zurich se lance à la conquête des émissions négatives en faisant un croix sur les courriers postaux et en imposant à ses cadres le transport ferroviaire.  Explications.

Que les banquiers se rassurent. La capitale financière de la Suisse dispose toujours d’un aéroport ouvert au trafic aérien. La véritable nouveauté est l’accélération de la politique anti carbone de Zurich Insurance Group. Le géant européen du secteur de l’assurance estime déjà avoir atteint la neutralité carbone en 2014. Ce n’est pas le Valhalla du bas carbone. Cela signifie simplement que ce groupe mondial émet autant de gaz à effet de serre (Ges) qu’il n’en fait absorber par des forêts, par exemple.

Retirer du carbone de l’air

Or, aujourd’hui, nous avons émis tellement de Ges qu’il nous faut non plus atteindre l’équilibre entre les émissions et les absorptions de CO2, mais retirer du carbone de l’atmosphère pour stabiliser rapidement le réchauffement. En jargon onusien, on appelle cela les « émissions négatives ».
C’est précisément ce que cherche à faire le groupe d’assurance suisse. Dans un premier temps, ses collaborateurs ne devront pratiquement plus prendre l’avion. « Dès 2022, nous baisserons de 70 % nos émissions imputables aux voyages aériens par rapport à la période pré-pandémique », indique le groupe dans un communiqué. De leur côté, les clients ne recevront plus de courrier Zurich par la poste. Toute communication passera par courriel, réputé moins carboné que le facteur.

Parce qu’il faut bien visiter les clients de temps en temps, Zurich électrifie tous ses véhicules de société. L’intégralité de la flotte sera renouvelée en 2025. Les bureaux seront petit à petit installés dans des immeubles à basse consommation et produisant eux-mêmes leur énergie renouvelable.
La lutte contre le réchauffement passe aussi par la nourriture : 20 % de nos émissions étant imputables à notre système alimentaire. Dans ses cantines, Zurich ne servira plus que des menus produits avec des fruits et légumes de saison et locaux. Des boîtes seront mises à la disposition des salariés pour qu’ils ramènent chez eux les portions inachevées. Autant de gaspillage alimentaire en moins.

Soutien à Salgado

Voilà pour l’interne. Car à l’extérieur de ses locaux, Zurich ne restera pas inactif. Le groupe entend notamment investir dans des entreprises développant des solutions dites « bas carbone ». Dès janvier prochain, ses clients se verront proposer des véhicules d’investissement dans les énergies renouvelables.
L’entreprise participe enfin à un programme de restauration de la forêt amazonienne dans l’Etat brésilien du Minas Gerais. Initié par le photographe Sebastião Salgado, ce projet permettra tout à la fois de ressourcer la biodiversité brésilienne et de stocker du carbone.

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