Antarctique

Antarctique : plaidoyer pour le continent blanc.

/

Vaste comme le Canada et l’Union européenne, l’Antarctique est un continent dédié à la recherche. Initiée par le réchauffement climatique, la déstabilisation de ses glaces aura des conséquences planétaires. 

Après plus d’un mois de voyage, ils sont arrivés à bon port. Le 13 novembre, les membres de la première équipe d’expéditionnaires de l’institut polaire français ont débarqué d’un Airbus australien sur la base antarctique Mario Zuchelli. Il ne leur reste plus qu’à franchir en chenillettes les 1 200 km qui les séparent de la station franco-italienne Concordia, au cœur du continent blanc, où ils effectueront leur campagne scientifique australe.
Dans l’extrême sud de l’océan indien, le brise-glace Astrolabe vogue vers la base française Dumont d’Urville. Il y débarquera une autre équipe ainsi que le ravitaillement. Pourquoi envoyer autant de chercheurs et de techniciens dans ce désert glacé ? Pour compter les manchots ? Pas seulement.

La terre de tous les extrêmes
S‘étendant sur 14 millions de km2, l’Antarctique est le quatrième plus important continent de la planète, derrière l’Asie, l’Afrique et l’Amérique. Territoire de tous les extrêmes, le « pôle sud » est la terre la plus froide, la plus sèche, la plus venteuse, la plus isolée et la plus glacée du monde. Et celle dont l’altitude moyenne (2 300 m) est la plus élevée. C’est aussi l’endroit du globe où l’on compte le moins d’humains.
Le traité de l’Antarctique et le protocole de Madrid l’ont consacré « réserve naturelle dédiée à la paix et à la science » où l’exploitation des ressources minérales (et de la glace !) est interdite et le tourisme très réglementé. Seule concession laissée aux bipèdes : la construction, ces 50 dernières années, de moins de 70 stations scientifiques, dont la moitié sont occupées en permanence.

Le paradis de la science
À peu près vierge, l’Antarctique est un paradis de la science. Le Britannique Joseph Farman y a découvert, en 1985, le trou dans la couche d’ozone stratosphérique. En étudiant (parfois dans le whisky !) les bulles d’air piégées dans la glace, les Français Claude Lorius et Jean Jouzel mettent en évidence, deux ans plus tard, les relations entre variations du climat et concentrations de gaz à effet de serre. Autre découverte majeure.
Si la vie est presque absente de la surface, elle fourmille dans les eaux côtières. Les conditions extrêmes ont forgé des écosystèmes endémiques nombreux et d’une très grande richesse : des micro-organismes inconnus, aux baleines, en passant par le krill, les pinnipèdes, des poissons insensés et une grande diversité d’oiseaux. Nul terrien ne pourrait soupçonner pareille biodiversité sur des côtes et des eaux si inhospitalières, en apparence.

Un environnement unique
Réservoir unique de vie, l’Antarctique abrite aussi le plus grand stock d’eau douce de la planète. Glacée, cette eau s’écoule dans l’océan à des flux toujours plus importants, en raison principalement du réchauffement de l’océan, plus rapide que prévu. Chaque année, 220 milliards de tonnes de glaces s’écroulent dans la mer. De quoi en élever le niveau de 0,3 mm/an. Mais le phénomène s’accélère. À ce rythme, le réchauffement pourrait non seulement perturber les écosystèmes marins de l’Antarctique mais aussi faire grimper, partout sur la planète, le niveau marin d’un mètre en un siècle. De quoi noyer bien des régions basses (Pays-Bas, Bangladesh), des métropoles côtières (New York, Marseille, Shanghai, Lagos). Notre avenir est inscrit dans les glaces et les neiges de l’Antarctique.
Raison de plus pour les protéger.