60's

Kif et nostalgie dans les cafés de Tanger.

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Parti au Maroc au mois de juin pour faire un dry january, notre journaliste globe-trotteur s’est retrouvé à la Mecque de la culture haschich : Tanger. Il nous emmène dans les hauts-lieux et recoins de ce temple de la culture hippie.

Tanger la blanche, ville mythique qui a vu défiler les écrivains de la beat generation, en encore Paul Bowles ou Jean Genet, est devenue dans les années 60 une destination prisée de la Jetset, notamment grâce à la socialite américaine Barbara Hutton.

Orlovsky, Bowles, Burroughs, Ginsberg, Alan Ansen, Gregory Corso et Ian Sommerville à Tanger.

L’héritière des magasins Woolworth donnait alors de délirantes fêtes costumées dans sa maison située au coeur de la médina.
Les hippies du monde entier y débarquent, la vie est très bon marché, l’atmosphère aussi cosmopolite que tolérante et le kif… toujours abondant

Les Rolling Stones aussi découvrent Tanger en 1967 grâce à leurs égéries Marianne Faithfull et Anita Pallenberg, et fréquentent assidûment les cafés de Tanger dont certains sont encore là aujourd’hui. Brian Jones, dont ce sera le dernier voyage découvre à l’occasion de son séjour les musiciens de Joujouka dans la vallée du Rif, avec qui il enregistre l’album « Pipes of Pan at Joujouka ».

Stone(s) à Tanger

C’est donc avec tous ces fantômes qui hantent encore la ville que je pars à la découverte des cafés de Tanger.
Au Maroc le cannabis sous toutes ses formes reste illégal, mais à Tanger si l’on évite les cafés-terrasse très en vue dans le centre, il est généralement toléré de fumer du kif.

Mick Jagger, médina de tanger, 1968

Pour retrouver un peu de l’ambiance du Tanger de la grande époque, il faut commencer par la terrasse de l’hôtel Continental, hôtel historique qui a vu passer Winston Churchill et beaucoup d’autres célébrités après lui. On raconte aussi à Tanger que Mick Jagger, qui était un visiteur assidu des fêtes de Tanger dans les années 70 a voulu acheter l’hôtel, mais la vente n’a finalement pas abouti.

L’hôtel garde encore tout son charme, et même s’il faut monter beaucoup de marches pour y accéder depuis le port, la terrasse est magnifique et on peut en toute tranquilité y fumer un spliff.

L’étape suivante est le quartier de la Casbah, dans les hauteurs de Tanger, on s’y perd facilement dans un dédale de rues mais ce n’est pas immense donc on retrouve son chemin.

Point de passage obligé de tous les hippies dans les années 60-70, le café Baba n’a pas changé depuis cette époque. Les chaises sont lézardées, les vitres embrumées. On y vient toujours pour boire un thé à la menthe et fumer du kif, en regardant au mur les photos de Keith Richards et de la reine de Suède entre autres.

Juste à côté se trouve le café Cherifa, c’est un café culturel où on peut lire des livres mis à disposition et admirer les oeuvres d’artistes locaux, et fumer du kif tranquillement, avec toujours un thé à la menthe.

Autre lieu incontournable, avec une vue magnifique, le café Hafa s’étale sur plusieurs niveaux de terrasse. C’est un lieu très fréquenté le weekend, avec beaucoup de familles, mais les fumeurs de kif y sont toujours les bienvenus, la maison fournit même des feuilles à ceux qui en ont besoin. Etant totalement en plein air et suffisamment spacieux, la coexistence avec les non-fumeurs au café Hafa est cordiale.

Un autre café agréable avec une belle vue est le café Azur, toujours dans le quartier de la Casbah, également kif friendly.

On pourrait aussi mentionner le restaurant de poissons Chez Abdou sur la plage à 20 Km de Tanger, qui a vu passer toute la jet set et qui reste une excellente adresse pour la qualité des poissons, l’accueil et l’emplacement de rêve.
Même si les grandes heures de Tanger sont passées, cette ville continue d’exercer sa fascination et les diverses grandes constructions en cours montrent que sa période d’endormissement n’est plus. Tanger n’a pas dit son dernier mot. Quant à moi, j’ai loupé mon avion, sans doutes trop plongé dans les volutes de la ville. Revenu 5 jours plus tard à Paris, je regrettais de ne pas avoir raté de nouveau mon vol.

Ze track du mois: “La drogue” (Richard de Bordeaux et Daniel Beretta)

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Le tube iconique de cet été indien, c’est “La drogue”, planante composition signée Richard de Bordeaux et Daniel Beretta. Le kitchissime duo nous offre ici un titre psychédélique à souhait, fleurant bon le patchouli et les enveloppes de ganja de grand-papa.

Paris, 1968. Richard de Bordeaux et Daniel Beretta, deux jeunes musiciens en devenir, se rencontrent au Petit Conservatoire de Mireille. Pour ceux qui ne sont pas à la retraite, le Petit Conservatoire de Mireille est une émission durant laquelle des cours de musiques étaient dispensés en direct à la radio puis à la télévision.

Ensemble, les deux lurons y composeront entre autre La Drogue, hymne aux paradis artificiels qui devait accompagner une séquence du film Un été sauvage.
Si Beretta et Bordeaux figureront au casting du long-métrage de Marcel Camus, la chanson ne sera finalement pas retenue.

Le titre sera mixée par Christian Gaubert, grand complice du compositeur de musique de films Francis Lai. Au saxophone, l’américain Marion Brown excelle sur des arrangements cuivre signés Nino Ferrer (qui joue aussi dans Un été sauvage). Le morceau sortira chez Barclay en maxi et sera le seul succès de Bordeaux et Beretta. Ce dernier se fera encore entendre puisque depuis 1978, Daniel Beretta assure la doublure voix d’Arnold Schwarzenegger.

Les paroles sont sans équivoques à une époque où le mot d’ordre était “d’interdire d’interdire“.
Un demi-siècle plus tard, rien n’a changé puisqu’on ne peut toujours pas pécho légalement alors qu’avouons-le, la fumette, c’est sacrément épatant!

“Où est ma drogue, mon haschich?
Où est mon opium, mon kif?
Il m’en faut, je me débine
Viens vite ma Proserpine
Quand je te prends,
Je suis dans une bulle blanche
Quand je te prends,
Je suis comme un singe dans les branches
(…)
Il m’en faut, je me débine
Viens vite ma Proserpine
Quand je te prends,
Je suis un sous-marin vert
Quand je te prends,
Je te téléphone à l’envers”