Weedmaps s’est-elle perdue ?

////

L’application phare pour trouver un point de vente près de chez vous au Canada et aux US a annoncé il y a une semaine avoir dû supprimer  100 postes. Si Weedmaps plaide la restructuration, beaucoup y voient l’amorce du déclin de l’entreprise de géolocalisation de la ganja.

Weedmaps, c’est l’application la plus utilisée au Canada et aux États-Unis pour trouver un dispensaire ou dealer de weed. En trois cliques ou effleurement d’écrans de  smartphone, l’entreprise californienne vous propose une liste de distributeurs de weed, par qualité, variétés, prix, etc.

Pour résumer, et pour ceux qui étaient endormis, il y a dix ans, Weedmaps est à la ganja ce que Kijiji est aux ventes de voitures au Canada  : un incontournable.  Pourtant, le 14 octobre, l’entreprise américaine a annoncé avoir dû licencier près de 100 employés travaillant à leur siège situé Irwin, à 200 km de San Francisco.

Une décision de supprimer un quart de ses salariés que les observateurs imputent entre autres à une erreur d’appréciation des dirigeants, qui auraient très largement surestimé la rapidité avec laquelle l’ensemble des États US légaliseraient la consommation de cannabis. En cause aussi, des choix discutables en matière de transparence et respect de la législation américaine  : – en 2008, lorsque Weedmap  a été lancé,  la start-up proposait  aux utilisateurs de l’application des adresses de dispensaires ou points de vente de cannabis thérapeutique uniquement.

Un service proposé avant l’adoption de la Proposition 64 de la Californie (qui légalisa la consommation de cannabis le 1er janvier 2016) . Une grande partie des ventes de weed via Weedmaps étaient alors  réalisées en dehors du cadre médical, et donc du cadre légal. Législation répressive oblige, l’herbe thérapeutique venait souvent d’exploitations de producteurs qui étaient dans l’illégalité. Un paradoxe structurel que l’on retrouvera en Hollande jusqu’en 2018.

Une fois la proposition 64 adoptée, et alors qu’au Canada comme en Californie ou au Colorado l’offre de producteurs ayant pignon sur rue explose, Weedmaps continue à autoriser des vendeurs sans licence à fournir la plateforme en ganja. Pas une bonne idée alors que le marché est de plus en plus régulé et de plus en plus surveillé.

Sans surprises, début de 2018, le California Bureau of Cannabis Control envoie une lettre de cessation et de désistement à Weedmaps, déclarant que l’entreprise viole la loi en vigueur en faisant de la publicité (payante) pour des cultivateurs sans licence.. En juillet 2019, une nouvelle loi prévoyant des amendes pouvant aller jusqu’à 30 000 dollars par jour pour chaque infraction à la vente d’une weed cultivée par un producteur non autorisé est votée. Et rend du coup très concrets les risques encourus.

Sans surprises non plus,  Weedmaps a annoncé son intention de supprimer la publicité payée par et faite pour les fournisseurs du marché noir.

L’attraction fatale ?
Un  sévère revers auquel il faut ajouter les extravagances de  Weedmaps avec son «  Museum of Weed  », une attraction-musée de la ganja, une immense installation immersive et flashy pour les babas de la beuh, plantée  au milieu du  célèbre Hollywood boulevard.. Musique gros volume, lumières d’ambiance étudiée, mise en scène spectaculaire, on est loin du Musée des beaux arts de Montréal ou du Louvre.
Un investissement qui, contrairement à  l’attraction,  est des plus sérieux : sur Hollywood boulevard, quel que soit le créneau du produit, la place se paie toujours au même prix  exorbitant.

Un bon attrape stoner,oui, mais qui pèse pour l’instant lourdement sur les finances de Weedmaps. Un aperçu de la chose ici  : https://themuseumofweed.com/

Des licenciements qui tombent aussi assez mal en termes d’image, alors que certains  investisseurs qui étaient tentés de se lancer dans des startups liées au cannabis commencent à se faire plus frileux. Les chiffres américains concernant la distribution et la vente de cannabis n’étant pas à la hauteur de certaines espérances. Si ces chiffres ** ne  signifient pas pour autant que la filière soit en difficulté, ils auront freiné quelques élans.

Pour Weedmaps, cela signifie que le bassin de capital extérieur sur lequel ils comptaient depuis 2008 commence à s’épuiser, ce qui oblige l’entreprise à se concentrer davantage sur la rentabilité.

La fin des  années folles ?
Chris Beals, PDG de Weedmaps, a publié un communiqué dans lequel il tente de brosser un tableau optimiste des perspectives financières de la société et s’efforce de positionner Weedmaps en tant que «  société technologique qui exploite le cannabis  » plutôt qu’une «société productrice de cannabis».

Quel que soit son intitulé ou sa raison sociale, Weedmaps va devoir faire preuve  d’imagination et créativité dans les mois à venir.

Aussi bien pour combler le manque à gagner des recettes publicitaires perdues que pour  trouver d’autres sources d’approvisionnement que les dispensaires attitrés.

Avec la disparition de l’offre des producteurs indépendants sans licence, c’est une grande partie du choix qui était proposé par Weedmaps  qui part en fumée.

Et quoi qu’on dise sur les effets du THC sur la mémoire ou  la motivation, ce n’est pas le genre de détails que le commun des fumeurs négligeront.

Alexis

* https://www.lamag.com/citythinkblog/weedmaps-layoffs/

** https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/en-californie-la-legalisation-du-cannabis-est-un-echec-994342

Ne ratez rien de l’actualité du chanvre et du CBD, inscrivez-vous à la Zeweed Newsletter!

Journaliste, peintre et musicien, Kira Moon est un homme curieux de toutes choses. Un penchant pour la découverte qui l'a emmené à travailler à Los Angeles et Londres. Revenu en France, l'oiseau à plumes bien trempées s'est posé sur la branche Zeweed en 2018. Il en est aujourd'hui le rédacteur en chef.

Previous Story

La SQDC de Montréal.

Next Story

L’expérimentation du cannabis thérapeutique avalisée par l’Assemblée nationale française

Latest from Canada