Une étude pilotée par l’École de santé publique de l’université Columbia s’est penchée sur l’impact du cannabis sur la consommation d’opioïdes dans les États ayant légalisé l’herbe, pour conclure que ce dernier peut être utile dans la lutte contre l’addiction aux opioïdes, mais uniquement chez les consommateurs réguliers de marijuana. Explications
Publiée dans l’International Journal of Drug Policy, l’étude révèle une diminution de l’usage problématique des opioïdes chez les consommateurs de cannabis après l’introduction des lois sur le cannabis médical. En revanche, ces baisses ne se vérifient pas lorsque des lois combinant usage médical et récréatif sont adoptées.
Fin 2019, 32 États avaient légalisé l’accès au cannabis médical. Tous ceux qui ont ensuite légiféré sur l’usage récréatif avaient d’abord réglementé l’usage médical. En s’appuyant sur les données de l’Enquête nationale sur l’usage des drogues et la santé (NSDUH) de 2015 à 2019, les chercheurs ont évalué les liens entre ces législations et la consommation problématique d’opioïdes (usage détourné d’ordonnances ou consommation d’héroïne).
Une nuance pour les utilisateurs réguliers
Sur près de 283 000 participants, 4 % rapportaient un usage détourné des opioïdes au cours de l’année écoulée, tandis que 1,3 % évoquaient une consommation dans le mois précédent. Trois pour cent répondaient aux critères d’un trouble lié à l’usage des opioïdes, selon le DSM-IV. Ces chiffres grimpaient toutefois chez les consommateurs de cannabis : 15 % d’entre eux signalaient un usage détourné d’opioïdes ou un trouble associé.
« Notre étude est la première à explorer l’impact des lois sur le cannabis sur les résultats liés aux opioïdes chez les consommateurs réguliers de cannabis, particulièrement ceux ayant commencé avant l’adoption des lois dans leur État », explique Silvia Martins, professeure d’épidémiologie à Columbia.
Dans les États ayant légalisé uniquement l’usage médical, l’étude observe une baisse modeste de certains indicateurs liés aux opioïdes parmi les consommateurs de cannabis. Cependant, cette tendance ne se confirme pas dans les États ayant également légalisé l’usage récréatif. « Les lois sur le cannabis médical semblent associées à une diminution de l’usage des opioïdes chez les consommateurs de cannabis, mais davantage de recherches sont nécessaires pour confirmer ces résultats », ajoute Martins.
Une vigilance toujours requise
Globalement, l’adoption de lois médicales ou récréatives n’a pas entraîné de changements significatifs dans la population générale concernant l’usage ou l’abus d’opioïdes. Toutefois, chez les consommateurs réguliers de cannabis, des réductions dans certains indicateurs ont été constatées, mais uniquement dans les États ayant légalisé l’usage médical.
Pour Martins, ces résultats soulignent la nécessité d’un suivi constant. « Le faible nombre d’États ayant adopté des lois combinant usage médical et récréatif, ainsi que leur mise en place récente, limitent nos analyses. Avec davantage de données et de recul, l’impact pourrait devenir plus clair », conclut-elle. Elle appelle également à explorer de près la consommation d’opioïdes chez ceux qui obtiennent du cannabis via des dispensaires médicaux ou récréatifs.
Si les promesses de réduction de la crise des opioïdes semblent encore timides, l’étude appelle à poursuivre les recherches pour démêler les liens entre politiques publiques, cannabis et santé publique.