Uruguay : malgré la légalisation, le cannabis médicinal tarde à s’imposer

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Ely est notre correspondant en Uruguay. Là-bas, il décortique pour nous les différents aspects cannabiques  du premier pays à avoir autorisé la vente du cannabis récréatif sur son territoire.

 

Montevideo, Uruguay –

Dans un café du quartier de Pocitos, je bois un jus de légume avec une amie, en me plaignant de la migraine que j’ai eu la veille. Confiante, elle me dit qu’elle a la solution : il faut que j’aille voir une guérisseuse du nom de Graciela, qui concocte de super potions à base de CBD. Aussitôt, j’appelle Graciela en lui expliquant mon problème. Elle me dit d’aller la voir, pour venir chercher le remède. Le lendemain, je me rends dans sa maison coloniale délabrée. Graciela est ridé, elle a des cheveux noirs emmêlés, un nez anguleux et des chats qui ronronnent à ses chevilles. La sorcière me tend un petit flacon, sur lequel il y a marqué dans une écriture peu lisible « Migraña ». Elle m’explique que c’est un traitement préventif à base de lavande, de menthe et d’huile de CBD. Il faut que je prenne 5 gouttes tous les matins. Je paye l’équivalent de 15$ et remercie Graciela. Sur le chemin du retour, je me demande pourquoi je ne peux pas acheter ce genre de traitement à base de CBD en pharmacie.

En effet, en 2013 l’Uruguay est devenu le premier pays a avoir légalisé le cannabis. La vente libre en pharmacie est en place depuis 2017 et les autres alternatives légales sont la culture maison et les clubs de cannabis. La législation est structurée et la vente comme la production sont très encadrées. La légalisation n’a pas été faite dans un but économique, les objectifs étant l’amélioration de la santé publique, la valorisation des libertés individuelles et surtout, la baisse de la criminalité, en reprenant le marché aux narcotrafiquants. D’ailleurs, l’État uruguayen affirme avoir fait perdre 22 millions de dollars aux marchés parallèles. Les conclusions de la légalisation restent difficiles à tirer, car même si la légalisation date de 2013, la vente en pharmacie a moins de 2 ans. De ce que l’on sait, la croissance de la consommation n’a pas augmenté et les chiffres de la criminalité n’ont pas été impactés par la légalisation. De plus, près de la moitié des Uruguayens se procurent encore de la weed illégalement : bon nombre de gens cultivent sans s’être enregistrés et en font profité leurs amis, tandis que d’autres ne veulent pas s’inscrire sur le registre d’acheteur. Pour l’instant, la véritable amélioration permise par la légalisation est la qualité des fleurs consommées. (voir article : Un portrait de la weed en Uruguay). Un autre point positif est le changement de la perception du cannabis au sein de l’opinion publique, qui est désormais favorable. Globalement, l’opinion médiatique pencherait pour dire que la légalisation est un succès.

Cependant, le cannabis médicinal est encore difficile d’accès en Uruguay. Pourtant, 90 % de la population se dit en faveur du cannabis à usage thérapeutique et 24 % de la population se dit intéressés par la consommation de cannabis médicale (Monitor Cannabis). La population est consciente que cette plante contient des propriétés pouvant soulager, voir guérir. Il est intéressant de savoir que parmi les 24 % d’intéressés, ce ne sont pas forcément des fumeurs habituels, mais des gens qui cherchent des alternatives pour se soigner. Cette volonté d’utiliser de la marijuana médicale serait motivée pour 30 % d’entre eux par l’échec des traitements traditionnels et pour 24 % l’objectif serait de remplacer des médicaments qu’ils prennent actuellement. Parmi, ces intéressés par le cannabis médical, seulement 10% utilisent actuellement un traitement. La weed a beau être légal, mais l’offre médicale n’est pas encore effective.

Aujourd’hui, il est possible d’acheter seulement deux produits à base de CBD en pharmacie et ces traitements sont particulièrement coûteux. Ainsi, beaucoup d’Uruguayens se tournent vers des produits artisanaux comme la potion magique de ma très chère Graciela. La demande est bien présente et il en va de soi qu’une économie parallèle de cannabis médicinal s’est développé. Aujourd’hui deux tiers des Uruguayens se procurent du cannabis médicinal illégalement. Ainsi, l’offre se compose de traitements faits maison, comme l’huile de CBD de Graciela. Les prescriptions peuvent y sembler hasardeuses et des doutes peuvent subsister quant à la qualité du produit. Pour mes petites migraines ce n’est pas bien grave certes, mais pour des gens avec des conditions sérieuses pouvant être guéries par le chanvre, cela semble dommage qu’il soit légal, mais qu’il n’y ait pas de véritable offre médicinale. Par exemple, la limitation demeure à 18 ans pour l’usage médical. Alors que de plus en plus de recherches démontrent que la marijuana médicale peut aider les enfants dans des conditions graves, telles que l’épilepsie, les nausées des chimiothérapies, les problèmes liés à l’appétit, etc.

Ainsi, il est intéressant de voir que la tendance mondiale est à la législation du cannabis pharmaceutique, mais que le premier pays à l’avoir légalisé à des fins récréatives peine à répondre à la demande grandissante de sa population pour le cannabis médicinal. En tous les cas de mon côté, je n’ai plus de migraine depuis que je prends cinq gouttes du remède de Graciela tous les matins.

Ely

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