The gentlemen : élegance et violence, sauce Ritchie

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Un aristocrate désargenté se retrouve à la tête d’une immense plantation de weed dans la campagne britannique. Tel est le pitch de la nouvelle série signée Guy Ritchie. Zoom sur un monde de gangsters à la main verte.

Avant The Gentlemen (la série Netflix), il y avait… The Gentlemen (le film), réalisé en 2019 par le Britannique Guy Ritchie. En 1998, Guy (mari de Madonna, de 2000 à 2008) devient réalisateur de longs-métrages avec la comédie policière Arnaques, Crimes Et Botanique : sa première rencontre avec l’ex-footballeur Vinnie Jones dont c’était le premier rôle au cinéma après quinze ans de carrière sur le gazon, notamment dans les clubs de Leeds, Sheffield, Chelsea et Wimbledon. Le style Ritchie est là, avec la confirmation internationale deux ans plus tard quand sort Snatch, au casting 5 étoiles (Brad Pitt, Jason Statham, Benicio Del Toro, Stephen Graham et, once again, Vinnie Jones). Budget anglais : 10 millions de livres sterling. Recettes mondiales : 84 millions de dollars, et une série télé à la clé – deux saisons pour une vingtaine d’épisodes.

Extension du domaine des spin-off

Ritchie poursuit dès lors une carrière fructueuse, réalise deux films de Sherlock Holmes avec Robert Downey Jr. et Jude Law, se plante avec son adaptation cinématographique du feuilleton The Man From U.N.C.L.E. et tourne deux films en 2019 : Aladdin pour Disney (un milliard de recettes malgré une presse négative) et The Gentlemen, donc. L’ambiance Arnaques/Snatch est de retour et la distribution est impeccable : Matthew McConnaughey est Mickey Pearson, le baron de la weed qui envisage de prendre sa retraite avec son épouse Rosalind (Michelle Dockery, Lady Mary Crawley dans Downton Abbey). Il est entouré de quelques pointures : Colin Farrell est un coach de boxe, Hugh Grant joue Fletcher, le maîitre chanteur, et Charlie Hunnam (vu dans la série Sons Of Anarchy) incarne un truand débonnaire à lunettes.

En bonus, Bugzy Malone, rappeur grime originaire de Manchester, fait une apparition en bad boy à l’accent cockney. Une heure et cinquante-trois minutes d’herbe hydroponique, de rebondissements improbables et de twists imprévus (dont le chantage du patron d’un tabloïd filmé lors de ses ébats avec un cochon) et un final (Attention, spoiler) durant lequel Fletcher va vendre à Miramax (qui produit le film !) cette aventure aussi jouissive qu’abracadabrantesque. Une astuce scénaristique en forme de pied de nez qui pourrait laisser croire que, dès 2019, l’idée d’un spin-off avait déjà germé dans le cerveau de Guy Ritchie. Vu le précédent de Snatch, c’est d’ailleurs sûrement le cas. Le développement de la série débute avec Miramax et Moonage Pictures, en octobre 2020. Le casting est annoncé avant même le début du tournage : Theodore Peter James Kinnaird Taptiklis (Theo James, pour faire simple) est le héros Eddie Horniman ; le fils cadet qui hérite du titre de noblesse et du domaine, au grand dam de son aîné Freddie (formidable Daniel Ings) – l’aristo décadent spécialiste des coups foireux.

Noblesse désoblige

Eddie résume la situation dès le premier épisode avec ce pitch parfait : « Je n’ai jamais demandé tout ça. Le titre de noblesse n’a aucune valeur marchande. Le business est dans le rouge. Il y a des trous dans la toiture, le staff est abominable et toi, mon frère, tu es une tête de con sniffeur de coke. » Viendront se greffer sur ce duo fraternel, une myriade de personnages secondaires dont un domestique fidèle et rusé (Geoffrey, joué par Vinnie Jones), une boss du weed game (Susie Glass, jouée par Kaya Scodelario) et son père Bobby Glass (Ray Winstone), incarcéré mais qui dirige sa petite entreprise de pigeons voyageurs depuis le toit de sa prison de luxe (on aura compris que le but de la série n’est pas le néoréalisme à l’italienne). Une distribution à laquelle on ajoutera la guest star Giancarlo Esposito, inoubliable « Gus » Fring de Breaking Bad, qui apporte sa touche pince-sans-rire au rôle de Stanley Johnston (« With a T ! »), postulant au trône de King of Cannabis.
Mais notre second rôle préféré, c’est bien sûr Michael Vu, l’acteur britannique incarnant Jimmy Chang, le « jardinier » de la plantation du domaine Horniman. Entre ravi de la crèche et philosophe du THC, son personnage est un des atouts de la série : une sorte de Gaston Lagaffe de la marijuana, romantique et naïf à la fois. Finalement, le plus gentleman de tous, c’est peut-être bien Jimmy ! Vu en 2023 dans Sumotherhood, une comédie d’action hélas inédite en France avec Jennifer Saunders, Ed Sheeran et quelques rappeurs british, Michael Vu devrait voir son apparition dans The Gentlemen lui ouvrir les portes de la gloire, ou en tout cas d’un solide second (ou premier) rôle dans une prochaine production anglaise.

Crime, aristocratie et weed hydroponique

Si l’herbe n’est pas le ressort unique des multiples intrigues qui parsèment les huit épisodes de cette mini-série, elle reste le point de départ des hostilités qui vont opposer les divers clans en faction, le but étant pour les protagonistes de prendre la tête de l’empire végétal, comprenant le domaine du dDuc Eddie Horniman, ainsi qu’une douzaine d’autres fermes souterraines, dans les sous-sols d’autres aristos désargentés.
C’est la rencontre entre cette noblesse à bout de souffle et les barons de la weed culture qui fournit le carburant pour ces 6 h 45 six heures et quarante-cinq minutes de violence, de défonce et d’humour noir, comme l’explique très bien le show runner Guy Ritchie : « Des aristocrates qui rencontrent d’autres aristocrates dans un monde de gangsters : La série télé est inspirée du film, c’est le même monde. C’est intéressant du point de vue du spectateur : lLes cultures sont si éloignées qu’elles s’entrechoquent et finissent par se mélanger et se trouvent un alibi pour collaborer ensemble ; c’est ça qui rend le truc fun. S’il fallait résumer l’ambition de la série, ça serait de piquer la curiosité des téléspectateurs afin de mieux voir encore les personnalités divergentes qui sont en chacun de nous. Et je suis tellement content de bosser à nouveau avec Vinnie Jones. Si vous appréciez mon univers, alors The Gentlemen devrait vous plaire. »

Couille gauche d’Hitler et beuveries à la Audiard

Sans trop spoiler, on peut annoncer parmi les scènes culte, la dégustation du « Poitin drink » : un alcool surpuissant qui fournit le prétexte à une beuverie entre bonshommes qui rappellera aux fans de Michel Audiard, la fameuse saoulerie des Tontons fFlingueurs – avec Lino Ventura, Francis Blanche, Jean Lefebvre, Robert Dalban et Bernard Blier (« On a dû arrêter la fabrication, y’a des clients qui devenaient aveugles. »). On croise aussi la couille gauche d’Adolph Hitler (on est chez Guy Ritchie, pas chez Ingmar Bergman), une bonne collection de patates de forain au ralenti, ainsi qu’un combat de boxe épique entre Jack (le frère de Susie Glass) et un terrifiant cogneur ouzbekèke.

Certes, le rythme faiblit un peu sur les derniers épisodes dans lesquels on regrette l’absence de Freddy, le frère destroy – dont la prestation dans le premier épisode où il endosse un costume de poulet est un des grands moments de la saga. D’ailleurs, les scénaristes ont souvent recours à un grand classique des séries ; à savoir, faire changer de camp la plupart des protagonistes : lL’ennemi devient l’allié, l’allié trahit ses amis, pirouette cacahouète et tant pis pour la crédibilité des personnages. Tout cela n’est pas très grave, et la conclusion du huitième épisode laisse à penser que si les téléspectateurs de Netflix valident par l’audience cette saison 1, alors on peut espérer une seconde saison de weed surpuissante, d’aristos dégénérés, de gangsters sanguinaires, de fumeurs mondains… Et de Gentlemen. Évidemment.

Par Olivier Cachin

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Journaliste, peintre et musicien, Kira Moon est un homme curieux de toutes choses. Un penchant pour la découverte qui l'a emmené à travailler à Los Angeles et Londres. Revenu en France, l'oiseau à plumes bien trempées s'est posé sur la branche Zeweed en 2018. Il en est aujourd'hui le rédacteur en chef.

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