Tchéquie : le cannabis médical sort du cabinet des spécialistes

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C’est un petit pas pour la médecine tchèque, un grand pas pour les patients en souffrance chronique. Depuis le 1er avril, tous les médecins généralistes de Tchéquie sont désormais autorisés à prescrire du cannabis médical.

Une mesure qui met fin à un paradoxe de santé publique : jusqu’ici, seuls 250 spécialistes avaient le droit d’en prescrire, laissant des milliers de patients sur le bord du chemin, entre douleurs persistantes et rendez-vous inaccessibles.

La décision, saluée par le corps médical, marque un tournant dans l’approche tchèque du cannabis thérapeutique. Désormais, les prescriptions pourront couvrir jusqu’à trois mois de traitement — un soulagement pour les patients, notamment ceux atteints de douleurs neuropathiques, de sclérose en plaques ou de cancers en phase avancée. Le tout sans passer par un spécialiste, parfois situé à plusieurs heures de route.

8000 patients suivis par des médecins spécialisés

« C’est une question de bon sens », tranche Petr Šonka, président de l’Association des médecins généralistes. « On prescrit déjà des opioïdes forts comme la morphine. Pourquoi ne pourrait-on pas prescrire du cannabis, qui présente bien moins de risques d’addiction ou d’effets secondaires graves ? » Dans les faits, la mesure ne devrait pas entraîner une explosion des prescriptions : elle s’adresse avant tout aux patients qui souffrent, pas à ceux qui espèrent détourner le système à des fins récréatives.

Ce changement s’inscrit dans un contexte tchèque de plus en plus favorable à la régulation du cannabis. Depuis 2013, son usage médical est autorisé, mais son accès est resté longtemps marginal. En 2021, seules 100 kilos de cannabis médical étaient prescrites dans tout le pays. Deux ans plus tard, on atteint 320 kilos — et près de 8 000 patients officiellement suivis, un chiffre encore bien en deçà de la réalité selon les observateurs.

600 000 Tchèques feraient usage de cannabis pour se soigner

Car selon une étude du Centre national de surveillance des drogues, près de 600 000 Tchèques utiliseraient le cannabis pour se soigner, en dehors de tout cadre médical. Autrement dit : l’automédication règne, faute d’accès institutionnel. En ouvrant les vannes de la prescription, le gouvernement espère reprendre le contrôle, encadrer les usages et couper l’herbe sous le pied du marché gris.

Reste que cette réforme en cache une autre, plus vaste encore. Le gouvernement de Petr Fiala envisage une légalisation partielle du cannabis récréatif, dans la lignée du modèle allemand. Une régulation qui permettrait de sortir d’une hypocrisie tenace : dans les rues de Prague, les boutiques vendant des produits au THC allégé (ou pas) poussent comme des champignons. À cela s’ajoute la vente libre de kratom, substance euphorisante elle aussi dans le viseur du ministère de la Santé.

Entre prudence médicale et libéralisme pragmatique, la Tchéquie semble donc décidée à sortir le cannabis de la marge. À la clé, un meilleur accompagnement des patients, mais aussi un pas supplémentaire vers une normalisation de la plante, après des décennies de stigmatisation. Le chanvre, en Tchéquie, n’a peut-être pas fini de faire parler de lui.

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Journaliste, peintre et musicien, Kira Moon est un homme curieux de toutes choses. Un penchant pour la découverte qui l'a emmené à travailler à Los Angeles et Londres. Revenu en France, l'oiseau à plumes bien trempées s'est posé sur la branche Zeweed en 2018. Il en est aujourd'hui le rédacteur en chef.

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