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Alex Rogers : le business comme activisme

Militant dans l’âme depuis plus de 3 décennies, Alex Rogers est l’homme derrière l’International Cannabis Business Conference (ICBC), le plus influent évènement B2B du secteur. Alors que l’Allemagne légalise le cannabis, l’ICBC s’apprête à fêter les 16 et 17 avril prochain son 10ème anniversaire à Berlin, dans une édition qui s’annonce grandiose.

ZEWEED : Comment vous est venu l’idée de fonder l’ICBC ? 

Alex Rogers : Je dirigeais une grande clinique de cannabis médicale dans l’Oregon et me suis rendu compte que cette filière était en plein essor, mais sans réel point de convergence entre les acteurs. Fort de ce constat, j’ai montée en 2014 un colloque professionnel sur le cannabis thérapeutique : l’Oregon Marijuana Business Conference (OMBC). En septembre de la même année, nous avons lancée à Portland la toute première ICBC. A l’époque, tout le monde m’a pris pour un fou : s’il n’existait aucune conférence internationale sur le cannabis, il n’y avait pas non plus de commerce international de cannabis! Mais j’étais convaincu, comme poussé par un esprit supérieur.
L’ICBC de Portland a été un bel événement mais n’a pas été rentable. Ensuite, nous avons organisé l’ICBC de San Francisco et là, ce fut un vrai succès. Pendant longtemps, nous avons été le seul évènement B2B Californien ainsi que le plus important de l’ouest Canadien (à Vancouver NDLR).
Puis je suis parti à la conquête de l’Europe, tout simplement parce que c’est ce que j’ai toujours voulu faire : être la première conférence B2B du cannabis sur le vieux continent et y planter le drapeau ICBC.

ZW : Pensez-vous qu’en organisant ces conférences, vous faites bouger les lignes politiques ? 

AR : C’est une excellente question. En 1993, j’ai rencontré Jack Herer qui a été mon mentor. Jack m’avait embauché, entre autres choses, pour diriger sa campagne Signature en Californie du Nord. A l’époque, j’étais un activiste hardcore. Il y a environ 17 ans, j’ai été incarcéré en Allemagne pour du cannabis. En sortant de prison, je suis revenu en Oregon où j’ai été repris ma casquette de militant pendant quelques années. Ensuite, j’ai lancé ma clinique de cannabis médicale, qui a rencontré un certain succès.

“Tout ce que je fais avec l’ICBC vise à faire évoluer les politiques”

J’ai alors compris que c’est à la tête d’une entreprise dégageant de beaux profits que mon activisme aurait le plus de portée. Et c’est ainsi, en actionnant le levier commercial et financier, que j’ai commencé à faire avancer les politiques sur le cannabis.
Tout ce que je fais avec l’ICBC vise à faire évoluer les politiques. Et je le fais très simplement ; en rassemblant des professionnels. Parce que c’est comme l’œuf et la poule : l’industrie mène la politique et la politique conduit l’industrie. L’ICBC a été un moteur majeur du marché Européen et continu de l’être, en Allemagne particulièrement. Il ne fait aucun doute que nous avons contribué à faire avancer les choses en portant l’industrie du cannabis pour les raisons susmentionnées.

 ZW : Certains estiment que la légalisation en Allemagne est une légalisation en demi-teinte dans la mesure où les consommateurs ne pourront pas acheter de cannabis comme au Canada ou certains Etats américains… 

 AR : Pour moi qui a pu observer la légalisation et ses effets dans les Etats américains dans lesquels j’ai vécu, que ce soit la Californie et l’Oregon ou encore avec le modèle canadien, les dispositions prises en Allemagne en font à mon sens une légalisation idéale. Comme je le dis toujours, le plus important est de décriminaliser le cannabis. C’est ce que fait l’Allemagne, et c’est crucial. Il y a de nombreux exemples de légalisation basés sur un modèle où tout est très contrôlé, industrialisé. Or, on voit que cela ne fonctionne pas. Ce qui fonctionne, c’est lorsque le cannabis est véritablement libéré, sans laisser la possibilité aux grands groupes d’absorber le marché. Les idées forces à mon sens sont de laisser tout un chacun libre de faire pousser son cannabis à domicile, de réduire systématiquement les sanctions pénales et de retirer le cannabis de la liste des stupéfiants. Et là, nous avons un système de légalisation vertueux.

“Ce qui fonctionne, c’est lorsque le cannabis est véritablement libéré, sans laisser la possibilité aux grands groupes d’absorber le marché”

Quand on voit la facilitée avec laquelle on pouvait obtenir une ordonnance pour du cannabis médical en Californie, je me demande encore s’il était nécessaire de légaliser le récréatif en Californie, alors que le système entourant la délivrance de marijuana médicale était déjà très «  laisser faire  » (prononcée en français durant l’interview, NDLR).
D’ailleurs, je suis presque sûr que le cannabis n’a jamais été rayé de la liste des stupéfiants en Californie, et cela mérite réflexion.

ZW : C’est à dire?

AR : Si l’Allemagne avait suivi le modèle Californien, elle aurait maintenu les sanctions pénales appliquées, aurait laissé le cannabis inscrit sur la liste des stupéfiants et imposé une réglementation sur les licences de distribution. Si cela avait été le cas, la production et la distribution auraient rapidement été monopolisées par les grands groupes, parce que c’est ce que la grosse industrie fait, et c’est ce qu’elle fera un jour en Europe.
Le cadre juridique de la légalisation en Allemagne laisse à ce jour aux petits producteurs une chance d’exister et croître. J’entend souvent les gens dire : « c’est une mauvaise légalisation parce qu’il n’y a pas vraiment d’argent à se faire, parce que seuls sont autorisés les social clubs à but non lucratif et les associations de cultivation… ». Or, il existe toutes sortes de façons de gagner de l’argent différemment dans ce secteur. Dans le cas du modèle Allemand, c’est le petit gars du coin, le petit producteur qui prospérera, et c’est une très bonne nouvelle.
Grâce à cette loi et ses dispositions, en Europe, le marché du cannabis restera pendant de nombreuses années à l’abri d’une monopolisation par les géants de l’industrie.

“Dans le cas du modèle Allemand, c’est le petit gars du coin, le petit producteur qui prospérera, et c’est une très bonne nouvelle”

Pour illustrer mon propos, il y a une bonne comparaison à faire avec la bière artisanale:
Depuis quelques années, tout le monde peut acheter sa bière locale issue d’une petite production. J’habite en Slovénie et il y a plus de microbrasseries qu’il n’y en avait il y a un an et  cela doit représenter 20 % du marché Slovène. Mon point : il y aura toujours de la place pour le cannabis artisanal des petits producteurs. Et les grandes entreprises ne pourront jamais produire une excellente weed. C’est comme ça que ça marche. Le connaisseur, le consommateur, le client, le patient… c’est nous qui dirigeons le marché! Aux Etats-Unis, le marché du cannabis s’est consolidé autour de l’industrie lourde parce que les consommateurs n’étaient pas préparés et instruits. Il est donc important que vous soyez intelligent, que vous trouviez une marque, que vous trouviez une niche, que vous trouviez une valeur ajoutée. Ce sont des paramètres cruciaux que les acteurs de la filière doivent intégrer pour réussir et s’assurer une longévité dans l’espace européen et international du cannabis.

ZW : Après le Luxembourg, Malte et l’Allemagne. Quelle est à votre avis le prochain pays à légaliser en Europe? 

AR : Je sais que la République tchèque s’en rapproche, ainsi que la Slovénie. Je ne sais pas si nous sommes sur le point de légaliser le cannabis, mais nous sommes sur le point de procéder à de grands changements dans ce domaine là où je vis, en Slovénie. Il y a aussi l’Espagne qui pourrait évoluer.

ZW : L’Espagne, c’est beaucoup de va-et-viens, une sorte de tango prohibition-légalisation… 

AR : On peut dire ça, oui (rires). La politique là-bas est certes compliquée. Fondamentalement, en Espagne, il est toléré dans une certaine mesure de ne pas appliquer la législation au sens strict , dans un pays où 90% des lois sont vraiment observées.
Je pense que la Croatie a beaucoup de potentiel. Il semble aussi qu’il se passe beaucoup de choses en Grèce. Mais à mon avis, c’est la République tchèque qui sera le premier pays à suivre l’Allemagne. 

ZW : Et la Suisse? 

AR : La Suisse est également intéressante. J’ai vécu en Suisse il y a 25 ans, où c’était de facto légal selon certains critères. Vous saviez qu’il y a 25 ans, on pouvait fumer dans le train en Suisse?

ZW : Vraiment?

AR :  Absolument, notamment en Suisse alémanique. Ce n’est pas une blague. Le contrôleur passait et s’en foutait. Tu avais ton joint, tu lui donnais ton ticket, et c’était cool… c’étais l’âge d’or!
La Suisse est un étrange animal en matière de politique relative au cannabis. Ils ont leurs projets pilotes, mais ils disent qu’ils vont attendre cinq ans pour voir ce que donnent les projets pilotes avant de légaliser. Il y a un coté « Je le fais et je ne le fais pas ». C’est une donne difficile à prévoir en Suisse. Ils ont fait des choses merveilleuses et progressistes tout en étant un pays relativement conservateur. D’ailleurs, en Europe, certains états conservateurs ont fait beaucoup de choses progressistes en matière de cannabis (à l’instar des Pays bas, NDLR) contrairement aux pays dits libéraux (à l’instar de la France et l’Italie NDLR).
J’ai ma théorie là-dessus, et c’est parce que nous revenons à une société agraire. Et donc ces pays conservateurs, à l’instar de la Suisse, voient le cannabis d’un bon oeil « le cannabis, ça pousse vite et simplement, ça sent bon, tu peux utiliser sa fibre, ses graines et t’amuser en fumant ces jolies fleurs”. Pour moi, ç’est déjà dépénalisé en Suisse. En fait, ça l’a toujours été dans une certaine mesure…ils n’en ont tout simplement rien à foutre (rires).

Le lien vers le site de l’ICBC en cliquant ici

 

L’ICBC de Berlin se tiendra les 16 et 17 avril prochains:  tickets disponibles ici

L’ICBC en Slovénie se tiendra le 13 septembre 2024 : tickets disponibles ici 

Nick & Nate Diaz: cannabis et MMA

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Nous vous en parlions,weed et sport font bon ménage. Qu’il s’agisse de Bruce Lee ou de tournois de Jiu-Jitsus sous cannabis, les exemples invalidant le vieux cliché du fumeur scotché sur canapé sont légion. Dans cette grande famille des fighter-stoner, les frères Diaz. Portrait d’un duo de choc.

Cela fait près de 13 ans que les frères Diaz font parler d’eux en affichant publiquement leur passion pour le cannabis. Leur attitude aussi courageuse qu’insolente leur a valu à tous les deux beaucoup de publicités et de problèmes. Ils ont reçus de nombreuses amendes et autres pénalités pour leur engagement, mais aussi un classement dans le Top 3 des plus plus grands sportifs amateurs de Cannabis dans une liste établie par Rolling Stone magazine en 2017.

En 2009 Nick -l’aîné avec 39 ans au compteur- évoque déjà les paradoxes inhérents à sa profession de combattant dans l’UFC dans une interview pour le Los Angeles Times.
Une fédération qui est surement la plus impressionnante et la plus dangereuse au monde puisqu’elle accepte certains des artistes martiaux les plus expérimentés au monde, quel que soit leur style de combat. Le risque n’est donc pas seulement de recevoir un coup mal placé, mais de se retrouver avec une fracture, des déplacements articulaires et j’en passe.
Il démontre dans cette interview que des contrôles et des sanctions plus sévères lui sont tombés dessus qu’à des confrères pris pour Stéroïdes. Il a servi d’exemple en dépit de conséquences bien plus graves des anabolisants pour l’organisme.

Après avoir déclaré en interview: “ Les tests ne sont pas un problème: Je fume de manière presque quotidienne, mais je peux passer les tests antidrogues en 8 jours simplement en me gavant de détoxifiant à base de plante. Vu ce que je transpire par jour c’est évacué rapidement”, Nick paye le prix de son hubris.

En 2015, alors qu’il était sous haute surveillance, il est détecté comme positif et se retrouve suspendu pour 9 mois. Se faisant, il a totalement sacrifié sa carrière sur l’autel du Cannabis… et cela lui réussit puisqu’il a depuis monté une marque de supplément nutritionnel et de produits au CBD avec son frère Nate.

Celui-ci, qui est âgé de 36 ans, s’y connaît aussi très bien sur le sujet puisqu’il s’est lui-même surnommé “Le plus grand stoner de l’histoire du sport – hormis Michael Phelps”. Après ce qui a été qualifié par les journalistes sportifs comme le “combat de l’année” il s’est retrouvé dans de sacrés ennuis après une vidéo de lui en train de vaper en conférence de presse.

Si vous souhaitez voir la vidéo à l’origine du scandale, elle est ici:

 

Cette vidéo lui valut à lui aussi une suspension. Une pause qui ne prendra finalement pas fin, l’eldorado vert étant visiblement plus aguicheur que des combats dans l’octogone. Avec presque 15 ans de combats chacun et une cinquantaine de victoires à eux deux ils bénéficient décidément d’une retraite bien méritée. Un proche à eux témoigne et raconte qu’ils n’envisagent pas pour le moment de renfiler les gants à titre professionnel: “Leur marque est devenue énorme, ils profitent de leur notoriété”.

Les deux frères jouissent grâce à leur engagement d’une crédibilité importante dans la communauté des amateurs de Cannabis. Cela a aidé à faire de leur marque GameUp un vrai succès et leur a offert pas mal d’opportunités.

En 2017 ils se sont par exemple vu offrir un joint à 2000 dollars ayant la forme d’un gant standard de l’UFC:

Leur partenariat est très bien rodé, Nate s’occupe des affaires et d’établir les partenariats pendant que Nick s’occupe de la promotion. On a ainsi pu le retrouver en train de fumer avec Snoop Dogg pour faire la promotion de leurs produits. L’histoire ne dit pas lequel des deux a fini au tapis.

Mike

Nancy Whiteman, reine du cannabis sucré

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Nancy Whiteman est la preuve que le cannabis-business est ouvert à tous et à tout âge. A 52 ans, l’américaine a quitté le confortable monde des assurances pour monter “Wana”, sa marque de gummies, bonbons et sucettes au cannabis.
Petit portrait de celle qui a été couronnée  “Reine du Cannabis légal” par Inc Magazine.

Nancy Whiteman n’a franchement pas la tête de l’emploi.
Toujours tirée à quatre épingles, la femme d’affaire ne se déplace qu’en tailleur et escarpins de marque.
Dans un ganja-business qui comporte moins de 25 % d’entreprises dirigées par des femmes, Nancy s’est imposée comme directrice générale d’une entreprise au chiffre d’affaire de 25 millions de dollars en 2019. Cerise sur le space-cake, sa marque est devenue celle qui vend le plus de produits comestibles au cannabis aux États-Unis, d’après le cabinet BDS analytics.

Un parcours qui force le respect pour celle qui a commencé par des expérimentations dans sa petite cuisine.
Quand elle fonde Wana avec son ex-mari John en 2010, Nancy n’en est pas à son coup d’essai.
Diplômée de Cornell (le Harvard du sud) et d’un MBA, elle aura eu une première vie des plus nourrie dans le très compétitif monde des entreprises US.

La Martha Stewart du THC

C’est cette faculté d’adaptation, grande force de Nancy Whiteman, qui la poussera avec son ex-mari  à abandonner son aventure dans les sodas au cannabis pour se consacrer à leur produit best seller : les bonbons acidulés.
“Je vise les parents amateurs de Chardonnay (…) qui cherchent simplement un peu de relaxation” explique-t-elle à Inc Magazine lorsqu’on lui demande l’origine de son succès fulgurant.
L’innovation n’est cependant pas sans travers et autres obstacles: la liste des produits qu’elle propose à la vente via son entreprise ayant énormément changée au fil des évolutions de la loi et des retours consommateurs.
Son produit préféré : des amandes recouvertes d’épices et de poudre de cannabis est indisponible depuis 2013 car il était impossible de garantir un taux uniforme de THC pour toute la gamme.

“Je vise les parents amateurs de Chardonnay (…) qui cherchent simplement un peu de relaxation”

Coup de chance (ou d’instinct) elle a retiré le produit un an avant la normalisation des consommables en 2014.
C’est aussi cette aptitude au rebond qui est la clef du succès de “Wana”, dans une économie national qui n’autorise pas le commerce de cannabis au niveau fédéral.
Nancy Whiteman a  ainsi dû jongler avec des réglementations variant de mois en mois et d’états en états pour changer composition, emballages et  taux de THC de ses produits,  sans pour sacrifier leur qualité.

Si ses produits se vendent si bien c’est parce qu’ils sont particulièrement gourmands et que leurs effets sont très facile à gérer… à condition d’y aller en douceur.
La “Martha Stewart du cannabis” selon le magazine Entrepreneur, n’a aucune honte à admettre son propre Bad Trip quand elle a malencontreusement ingérée une dose de cheval de Chocolat chaud au THC.
J’ai cru que ça durait depuis des heures, cela faisait 10 minutes” s’en amuse-t-elle dans une interview accordée au magazine Medium.
Une expérience qui l’a poussée à améliorer les indications sur les emballages de ses produits afin d’ éviter à ses consommateurs de vivre une expérience similaire: “il vaut mieux y aller en douceur” conclue-t-elle sagement.

Les produits de Nancy sont disponibles ici

 

Les mille vies de Mila Jansen, “Reine du Hasch”

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Pour célébrer la journée internationale des droits de la femme, ZEWEED a choisi de rendre hommage à une détonnante représentante du beau sexe :  Mila Jansen, AKA  “la reine du hash”. Portrait d’une pionnière qui a révolutionné l’industrie du pilon.

Certaines personnes ont le voyage dans le sang. Elles se reconnaissent à une certaine lueur dans le regard, perdue à l’horizon, comme si elles y étaient encore appelées.
Dès son plus jeune âge, ça a été le cas de Mila.
Née à Liverpool en 1944,  Mila s’installe avec ses parents à Amsterdam à l’âge de 11 ans.
Quand elle fume son premier joint de Hash en 1964, le cannabis n’est pas encore autorisé dans le pays. Ce goût d’exotisme est son premier aperçu d’un monde qu’elle est pressée de découvrir, une inclinaison au voyage qui la poussera à parcourir l’Inde, le Tibet ou encore l’Afghanistan à la recherche de rencontres, de tissus… et de plantes.

Contre Culture

À 21 ans, Mila ouvre une boutique à Amsterdam avec un jeune designer branché qu’elle a rencontré en travaillant en tant que couturière. “Kink 22” devient un épicentre de la contre-culture hollandaise grâce à ses créations osées et à la foule alternative que la boutique attire.
En 1967, inspirée par les écrits de Timothy Leary, le penseur Hippie, elle transforme sa boutique en salon de thé branché.
Dans l’esprit des salons français du 19ème (mais surtout du club des haschichins dont on vous parlait ici) le lieu permet aux jeunes de se retrouver pour refaire le monde en partageant du Hash venu d’Orient et de la musique venue des États-Unis d’Amérique.
Une musique qu’on entendait nulle part ailleurs en Hollande, fournie par sa copine ; une journaliste musicale pour un magazine underground qui recevait les derniers disques avant leur sortie.

Ce lieu devenu culte, coffee shop avant la création des coffee shops, a évidemment eu des problèmes avec la justice. C’est ce qui a poussé Mila à partir en Inde avec ses quatres enfants.
Elle restera sur place pendant 14 ans, vendant les créations qu’elle chine dans les Himalayas et à Goa à de riches américains lors de déplacements à New-York.
Celle qui se décrit comme une “militante feignante” est en tous cas une humaniste convaincue, puisqu’elle monte même un atelier à New Delhi, qui emploie uniquement des mères célibataires.
Sur place, elle découvre les techniques utilisées par les Indiens pour fabriquer leur propre Hasch et elle affine son palais.
Puisque la plante pousse naturellement, elle est accessible à tous et chacun élabore sa propre version.
Quand les autorités Indiennes refusent de renouveler à nouveau son visa, elle décide de revenir à Amsterdam.

Culture Indoor

Le retour est difficile et elle survit de petits boulots dans le jardinage ou dans la vente. Le Cannabis étant dépénalisé à partir de 1976 aux Pays-Bas, elle en profite pour utiliser les connaissances apprises lors de ses voyages. Pour joindre les deux bouts, elle demande aux cultivateurs de cannabis leurs chutes, pour fabriquer son propre hasch qu’elle revend, avant de monter sa propre serre, pour améliorer les conditions de vie de sa famille.
De 18 lampes, elle passe progressivement à 24 jardins, grâce à des amis qui la laissent utiliser leur terrains. Tout semble s’arranger. Jusqu’en 1992, quand toutes ses plantes (y compris celles de la serre) meurent, 10 jours avant leur récolte.

Dévastée, Mila refuse d’abandonner. C’est là qu’elle va trouver sa grande idée. Nécessité est mère d’invention et de son propre aveu, sa priorité était de nourrir ses enfants. Une persistance incroyable qu’elle a apprise au fil des années passées avec les femmes dans les Himalayas.
En observant un sèche linge, elle réalise qu’il existe de grandes similarités entre le processus manuel pour l’extraction du Hasch appris en Inde et le mouvement de la machine.

La méthode traditionnelle, qui existe depuis des milliers d’années, est longue et fastidieuse. Elle demande plusieurs heures pour obtenir un résultat satisfaisant.
C’est la première à penser à automatiser le processus pour extraire les cristaux de THC. Elle retire la partie chauffante du sèche-linge, installe son matériel et teste le tout. En 5 minutes, elle obtient son premier Hash. C’est le prototype de sa plus grande invention : le “Pollinator” dont elle vendra des milliers d’exemplaires et qui donnera son nom à son entreprise : la Pollinator Company.

Figure Culte

Une invention qui lui vaudra une mention dans le top 100 des personnes les plus influentes du monde du Cannabis dans High Times et son surnom de “Queen of Hasch”.
À l’heure actuelle, les machines utilisées pour fabriquer du Hash en grande quantité sont toujours basées sur son invention et sur celles qui ont suivies (elle a aussi inventé le Ice-o-lator, qui utilise la glace pour extraire du Hasch et le Bubbleator, qui est une version simplifiée pour les particuliers).
Son succès et sa reconnaissance lui ont même permis de lancer le premier prix dédié aux extraits de Cannabis : le Dab-a-doo, qui a lieu dans le monde entier (sous l’œil attentif mais toujours bienveillant de la patronne).
Le récit passionnant de la vie de Mila est raconté dans une autobiographie publiée en 2018 aux éditions MAMA. Vous pouvez acheter une version signée pour 24 euros ici et le documentaire basé sur sa vie .

Rap & Weed : 50 ans d’amour

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Du blues au reggae, du rock à l’électro en passant par le jazz, le cannabis aura inspiré nombre d’artistes contemporains. De tous les styles qui ont marqué ces dernières décennies, le rap est sans nul doutes le genre le plus indissociable d’un usage enthousiaste de la belle plante. ZEWEED a demandé Olivier Cachin de nous rouler un quatre pages Web bien léchées sur le sujet. Bonne dégustation.

« Smoke weed every day » : Une des punchlines les plus connues et les plus appréciées des fumeurs est due à Nate Dogg, chanteur G-funk, sur le fameux titre de Dr. Dre & Snoop Dogg « The Next Episode ». Logique de la part d’un producteur/rappeur qui signa en 1992 The Chronic, un album révolutionnaire dont le visuel de couv’ et le thème majeur était cette herbe californienne devenue légendaire. Amusant quand on sait que sur le premier album de NWA, dont Dre fit partie avec Ice Cube et Eazy-E, le bon docteur rappait ceci dans le morceau « Respect Yourself » : « I don’t smoke weed or cess, cause it’s known to cause a brother brain damage, and brain damage on the mic don’t manage », soit en français « Je ne fume pas de beuh car on sait que ça cause des lésions cérébrales, et ça, quand on est au micro, ça ne le fait pas ».
Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis !

No smoking sur le Up in Smoke Tour de Dogg

Flash Forward : Juillet 2000, Worcester près de Boston, où la tournée Up In Smoke s’arrête pour deux soirs Dans les loges de Snoop Dogg, l’ambiance est électrique. Il y a là une quinzaine de personnes et un nuage de skunk flotte dans les airs. Lil’ Half Dead fait le DJ, Hittman joue sur une console Nintendo tandis que Kurupt, surexcité, mime des signes de gang au son du beat qui tourne à plein volume sur l’énorme sono. Nate Dogg, l’air absent et totalement défoncé, traverse la pièce en agitant une bouteille de Cognac. Snoop roule des joints qu’il fumera pendant le show. En face du couloir non-fumeur, la loge suinte la marijuana. C’est quand même le Up In Smoke Tour, même si le billet du concert indique « no smoking » juste en dessous de cet intitulé blunté. C’est l’Amérique qui veut ça.

« du tabac mélangé à ton herbe… Les Français sont dingues » Snoop Dogg

Snoop doit monter sur scène dans un peu plus d’une heure. Tandis qu’il finit de rouler ses blunts, il me fait savoir qu’il est prêt pour l’interview. Le magnéto est branché, dans la salle des milliers de fans hurlent déjà les noms de leurs idoles. Snoop aspire une énorme latte, penche la tête en arrière puis recrache la fumée sur le micro. « Let’s do it », lance-t-il. Dr. Dre intervient : « Hey Snoop tu sais ce que je vais faire ce soir ? Quand on joue “Gin & Juice”, je vais débarquer après le troisième couplet avec deux bouteilles de Tanqueray et des verres ! » Et là, Snoop, stick de skunk au bec, défoncé et ravi, prouve que la weed ne l’empêche pas d’avoir bonne mémoire. Il me dit : « Tu sais quoi ? T’es dans ma vidéo “Smoke Fest 96”, tu me posais tes questions à la con ! Mais c’était cool, t’avais du tabac mélangé à ton herbe…Les Français sont dingues, ah ah ! » Souvenir de ma première rencontre avec Snoop à Paris en 1993 pour la sortie de son album Doggystyle, quand il avait tiré sur un trois feuilles assaisonné au tabac (oui, c’est mal, mais on était jeune) et m’avait dévisagé comme un chef étoilé voyant un client ricain mettre du soda dans son verre de Château d’Yquem.

Une petite anecdote qui met en valeur deux artistes hip-hop parmi les plus fidèles défenseurs de la weed. Qui sont loin d’être seuls dans ce domaine, car la marijuana, popularisée dans la pop culture par les artistes reggae, est devenue un des thèmes fétiches de nombreux rappeurs. En tête Method Man (du Wu-Tang Clan) et Redman, deux New-Yorkais qui ont enregistré ensemble l’album Blackout ! sur lequel le morceau « How High » fut inspiré par un trip à Amsterdam. Method : « Arrivé à Amsterdam, j’ai foncé dans la zone rouge ! Quand je dis “Now I’m off to the Red Zone/ We don’t need your dirt weed/We got our fuckin’ own” (Je suis de sortie dans la zone rouge/ Garde ton herbe pourrie/ On a notre putain de stock, NDR), je parle d’Amsterdam ! Comme j’aime le vert, je suis fan de la Chronic ». Mais j’aime aussi le brun, alors n’oublions pas la Chocolate Thaï. C’est comme la côte ouest et la côte est qui se réunissent ! On appelle ce mix « E.T. » ! Extra-terrestre, ah ah ! »

La résilience de Redman

Redman, lui, est un fumeur invétéré, et il l’a prouvé dès son premier album solo en 1992 avec son fameux titre « How To Roll A Blunt », le blunt étant le style de joint préféré de l’époque, quand l’herbe était roulée dans le papier brun des « Phillies Blunts », des cigares bon marché vendus dans le ghetto. Lors d’une interview à New York dans les locaux du label Def Jam, cet échange inoubliable : On parle THC et je fais remarquer à Red, qui a déjà bien entamé sa journée de défonce hydroponique, que le haschich est une spécialité française quasi inconnue aux USA (on est dans les années 1990). Il me fixe avec un rictus goguenard, fouille dans sa poche et me tend un bout de shit premier choix. « Tu vois, nous aussi on connait ça, ah ah ! » L’apothéose vient quand je lui fais remarquer qu’il est difficile d’en consommer sans le mélanger à du tabac. Et là, Redman explose de rire : « Facile, je le mélange avec mon herbe ! » L’équivalent d’un cocktail absinthe/vodka, et une nouvelle preuve de la résilience de Redman face à la défonce du consommateur de weed.

L’herbe ne fascine pas que les rappeurs : Rihanna, grosse consommatrice, avait affirmé en 2015 au blog Marijuana Politics qu’elle allait se lancer dans la commercialisation de sa marque de weed, et la présenter en Jamaïque à la Cannabis Cup : « MaRihanna est vraiment la première marque de cannabis à grande échelle dans le monde et je suis fière d’être pionnière en la matière ». Joli nom mais vœu pieux, et en 2023, on attend toujours les sticks de MaRihanna.

Papier à rouler en or 24 carats

Wiz Khalifa est un autre activiste fumeur qui a créé sa propre variété de weed, la « Khalifa Kush ». Il n’est pas le seul : Kurupt, rappeur californien proche de Snoop, a sa « Moonrock » (grosse réputation, gros taux de THC), Master P a lancé sa ligne de produits cannabiques en 2016 tandis que The Game, (produit par Dre pour son premier album The Documentary) a sa marque, « Trees by Game ». Quant à 2 Chainz, il a choisi de fumer en mode luxe dans une vidéo YouTube, « 2 Chainz Gets High with $500k of Bongs and Dabs », où on le voit fumer dans du papier en or 24 carats et poser devant une table sur laquelle se trouve pour 500.000 dollars de produits cannabiques (C’est les USA hein, rien n’est too much chez l’oncle Sam). Sa dealeuse est Dr. Dina, surnommée « the real Nancy Botwin from Weeds », en référence au personnage principal du feuilleton Weeds.

 

Mais le plus grand fans du THC reste le groupe Cypress Hill, qui dès son premier album éponyme en 1991 rappait « Light Another », « Stoned Is The Way Of The Walk » et « Something For The Blunted ». En mars 1992, quelques mois avant la sortie de The Chronic de Dre, les trois membres de Cypress Hill B-Real (alias Dr. Greenthunb), Sen Dog et DJ Muggs posent en couverture du magazine cannabique High Times devant une pile de buds. Une posture pas si courante à l’époque, comme l’explique Muggs : « Plein de rappeurs n’en parlent pas mais ils fument tous, on le sait, on traine avec eux ». B-Real appuie son propos : « On l’a fait parce que personne d’autre ne le faisait ». Et illustre sa passion avec un tuto en six photos intitulé « How To Roll A Blunt ».

Recenser tous les raps vantant les mérites de la weed ? Impossible.

Depuis, la situation a changé, et de nombreux états américains autorisent le cannabis compassionnel et/ou médicalisé. Et The Chronic a ouvert les vannes, faisant de la marijuana un sujet de prédilection dans les textes du rap US. En 1995, ce sont les Luniz, un groupe venu d’Oakland, qui signent un tube cannabique avec « I Got 5 On It », dans lequel ils dédicacent Cypress Hill (« I’m the type that like to light another joint like Cypress Hill ») et rappent leur amour de l’Indo weed.

Et puis il faut rendre justice aux pionniers que furent EPMD : Ce duo new-yorkais, acronyme de « Erick & Parrish Making Dollars », a inclus sur son premier album le morceau « Jane », qui samplait le fameux classique hydroponique de Rick James « Mary Jane », une balade vantant sur une rythmique pneumatique les mérites multiples de sa petite amie Mary Jane. Si Rick James est clairement dans le double sens (« Elle me fait tourner la tête avec son amour/ Et elle m’emmène au paradis »), EPMD ne file pas la même métaphore, mais persistera avec le prénom « Jane » sur sept albums, avec « Jane 2 », « Jane 3 », jusqu’à « Jane 7 » 20 ans après le premier.

« Smoking ounces like it ain’t nothing »

Recenser tous les raps vantant les mérites de la weed ? Impossible, il faudrait un annuaire. On citera quand même quelques bornes importantes dans la saga du rap blunté, comme « Fried Day » de Bizzy Bone (du groupe Bone Thugs-N-Harmony) qui prône la légalisation (« Why don’t we legalize reefer leaves ? »), « Crumblin’ Erb » d’OutKast (« Smoking ounces like it ain’t nothing »), « Doobie Ashtray » de Devin The Dude (« Hey ! I found a bag of weed ! Smells pretty motherfuckin’ good ») ou encore « Pussy, Money, Weed » de Lil Wayne.

En 2010, sur son troisième album Man On The Moon II : The Legend Of Mr. Rager, Kid Cudi rappe « Marijuana », chanson dans laquelle il explique comment l’herbe l’a sauvé de l’alcoolisme. Et conclut avec un « Four Twenty » (4.20), le signe de ralliement des amateurs de beuh, en référence à l’heure idéale pour fumer son joint (4h20), le 20 avril devenant du coup le jour où de nombreux activistes se rassemblent afin de militer pour la légalisation de la weed.

“le hip-hop est passé de l’âge du crack à celui de la ganja”

Si la nouvelle génération se montre volontiers en train de fumer (Drake, Schoolboy Q, Action Bonzon, A$ap Rocky), c’est indéniablement The Chronic qui a été le détonateur de la génération rap & weed, comme l’a expliqué Chuck D en 2012 au magazine Rolling Stone : « Avec Public Enemy, on a fait des disques de l’ère du crack, quand tout le rap était chaud bouillant, hyperactif. Et puis Dre est arrivé avec “Nuthin’ But A G Thang” et son beat ralenti. D’un coup, le hip-hop est passé de l’âge du crack à celui de la ganja ».

Et derrière Dre, Snoop toujours, bien sûr, ultime parrain et avocat de la marijuana, qui a été jusqu’à changer de nom le temps d’un album pour devenir Snoop Lion à la suite d’un trip en Jamaïque en 2012 qui le vit embrasser la religion rastafariste. Sur ce disque étonnant au parfum de reggae intitulé Reincarnated, l’herbe est évidemment le thème de plusieurs chansons dont « Smoke The Weed » featuring Collie Buddz, mais le morceau-clé est « Lighters Up », hymne à la joie du spliff résumé en ces quelques rimes : « Get high with me, fly with me, ain’t no dividing us ».

Amen Snoop, « Smoke weed every day ».

 

Olivier Cachin
orlus@orlus.fr

Une chanson pour la légalisation du cannabis

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Puits de science cannabique, auteur d’ouvrages de référence*, Alexis Chanebau est un musicien aux multiples collaborations (Bernard Lavilliers, les Rita Mitsouko, Niagara…). Deux talents qu’il conjugue pour chanter la légalisation du cannabis, dans un clip aussi stupéfiant qu’instructif. Bonne écoute!

 

ZEWEED :Pourquoi une chanson pour la légalisation du cannabis?
Alexis Chanebau : Parce que sa prohibition est un non-sens culturel et écologique
En Europe, jusqu’en 1850, le chanvre représentait 90% des voiles et cordages de tous les navires. Il était responsable de 80% de la production de papier et de vêtements non créés à partir de fibres animales. La loi « Marijuana Tax » fut principalement organisée en 1937 par les lobbys U.S. de la pétrochimie (dont Dupont De Nemours). Le but de cette loi était pour Dupont de Nemours d’imposer des fibres issues du pétrole (nylon, polymères, etc.). Cette loi marque le début d’une ère de profit au mépris de la nature.

C’est sans compter que la culture du chanvre ne nécessite pas de pesticides ou insecticides et consomme deux fois moins d’eau que celle du coton. Qui plus est, le chanvre absorbe le CO2 mieux que n’importe quelle plante cultivée en cycle court. Cerise sur le gâteau : le chanvre assainit les sols de la plupart de produits chimiques nocifs en à peine une décennie. Quant à son entretient quotidien… il est proche de zéro contrairement au lin.
Le cannabis sativa, cultivé sans contrôle de THC, il y a encore 80 ans suscite l’espoir d’un avenir plus serein pour notre planète. Alors que le réchauffement climatique impacte toutes les zones, c’est un immense espoir!

*Le chanvre : du rêve aux mille utilités est disponible sur Amazon ici

Mémoires du chanvre français: Département par département, du Néolithique à la Prohibition est disponible via ce lien

Gainsbourg, Reggae et Révolution

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Enregistré en 1978, Aux Armes et Caetera sans soute aucun est l’album révolutionnaire de Gainsbourg. Révolutionnaire parce Reggae, LA musique émergente et contestataire de la fin des années 70. Révolution aussi pour Gainsbourg,  qui s’essaie à un genre musical qu’il n’a jamais exploré et qui est peu connu de son public. Révolutionnaire enfin pour sa reprise de la Marseillaise, affront assumé au nationalisme, qui lui valu les foudres de la France réac’. Alors que Bob Marley est à l’honneur dans le biopic One Love, ZEWEED revient sur la légendaire collaboration de Gainsbourg avec les Wailers and friends, rebaptisés pour l’occasion… The Revolutionnaries.

Début 1978, Gainsbourg, qui a fini d’enregistrer  l’Homme à Tête de Chou, cherche un élan nouveau pour son prochaine album, qu’il veut “contestataire voir révolutionnaire“*.
Cette même année, le mouvement Punk explose avec des groupes comme les Ramones, Television, The Clash, Patti Smith ou encore les Sex Pistols. Cette fraîcheur séduit Serge Gainsbourg qui se voit bien enregistrer un album dans le style.
Il commence alors à élaborer un projet Punk-Rock, concevant en premier lieu la pochette de l’album (une photographie de Lord Snowdon où Gainsbourg pose sur une dune ).


Six mois plus tard, Aux armes et Caetera sera dans les bacs, mais dans un genre musical très différent.

Révélation à l’Elysée Montmartre

C’est en sortant d’un concert à l’Elysée Montmartre que son producteur Philippe Lerichomme a une révélation: le prochain album de Serge doit être Reggae!
Réponse de l’intéressé à l’inattendu proposition: «Banco!»*.
La réponse est tout aussi surprenante de la part de Gainsbourg, qui n’a jusque lors que timidement approché le genre (sur le titre Quand Marilou danse Reggae qui figure sur l’Homme à Tête de Chou) et ne se sent pas de composer seul  un album.

Serge en bonne compagnie et avec son producteur Philippe Lerichomme (en bas à gauche, casquette blanche)

Il faut donc trouver des musiciens. Ces musiciens, Lerichomme en fera le casting à distance en écumant les 33 tours du magasin  “Champs Disques”,  regrettée Mecque du vinyle importé, sis avenue des Champs-Elysées.
Une fois les musiciens trouvés Gainsbourg et Lerichomme s’envolent pour la Jamaïque.

Lost in Jamaica

Si le duo a une liste d’artistes qu’ils souhaiteraient intégrer au projet, aucun des musiciens en question n’a confirmé sa présence pour l’enregistrement de cet album dont seul la pochette son titre : Aux Armes et Caetera sont arrêtés.
Les deux compères arrivent à Kingston en parfaits inconnus, à tel point qu’à la signature du contrat, le bassiste Robbie Shakespaere était convaincu que Lerichomme était le chanteur et Gainsbourg son producteur*.

Quelques jours plus tard, Gainsbourg et Lerichomme entrent en studio et reçoivent un accueil glacial. Il faut dire que les deux parisiens n’ont pas la tête de l’emploi. Voyant qu’on le prend pour un clown à grandes oreilles, Serge Gainsbourg s’installe au piano et entame quelques accords, dont ceux de Je t’aime … moi non plus. Un des musiciens présent reconnait la chanson et lui demande qui l’a écrite. Lorsque Gainsbourg répond fièrement «C’est moi!*». L’ambiance se détend instantanément, Serge est dans la place. S’en suivra une semaine d’enregistrement continue et deux journées de prise de back-up vocals avec les I-Threes (Marcia Griffiths, Judy Mowatt et Rita Marley), les trois choristes de Bob Marley.

Serge est dans la place, avec les I-Threes, (Rita Marley sur la gauche, bandeau bleu)

En moins de deux semaines, la musique de l’album est enregistrée. De son coté, Gainsbourg peine à écrire les textes qu’il souhaite poser dessus. Est-ce la fatigue ou l’effet de l’herbe locale? Toujours est-il que Gainsbourg propose des paroles qui de l’aveu du producteur “partaient dans tous les sens“*.
Durant le vol qui les ramène en France avec les musiciens, Lerichomme retouche les paroles. Arrivé à Paris, Gainsbourg passera 48 heures en studio pour poser les textes sur les précieuses bandes enregistrées en Jamaïque.

Premier disque d’or

Aux Armes et Caetera sera le premier disque d’or de Serge Gainsbourg.
Parmi les meilleurs titres, la nonchalante revanche esthétique de Des Laids, des laids avec les langoureux coeurs des I-Threes, le joli bras d’honneur de La brigade des stups , qui sent le vécu (À la brigade des stups/Je suis tombé sur des cops/Ils ont cherché mon splif/Ils ont trouvé mon paf) et la belle charge contre l’organisation antisémite d’extrême droite fondée par des dissidents de l’action française : Relax Baby Be Cool (Le clan, le clan la cagoule/autour de nos le sang coule/A la morgue il y a foule/Relax baby be cool).
Présent aussi sur l’album, deux belles reprises reggae de titres composés par Gainsbourg  Vieille Canaille et  La Javanaise (remake).

Mais c’est une autre reprise, celle de la Marseillaise sur Aux armes et Caetera , qui fera rentrer l’album dans la postérité. Un détournement qui passa très mal à l’époque: Gainsbourg sera interdit de concert à Strasbourg, à la suite de pressions d’un groupe de militaires parachutistes para-facho retraités. Pas dégonflé, le grand Serge entonnera l’hymne national, point levé, devant des militaires désarmés par son audace.

Trois ans plus tard, Gainsbourg remettra le couvert en enregistrant un second album Reggae, toujours avec Sly Dunbar, Robbie Shakespeare et les coeurs des I-Threes pour nous offrir le sublime : Mauvaises Nouvelles des Etoiles.

*Anecdotes tirées du livre Gainsbarre, les secrets de toutes ses chansons 1971-1991, Ludovic Perrin, Hors Collection.

Arnold Schwarzenegger, champion de la weed

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Des fumeuses frasques de sa jeunesse aux lois pro-cannabis votées sous son gouvernorat, Arnold Schwarzenegger n’aura jamais caché ni renié son penchant pour la ganja, au plus grand bonheur des Californiens. Petit portrait d’un géant vert.

C’est avec un titre de M. Univers Europe pour seul bagage et un corps aussi robuste qu’un bong en acier qu’Arnold Schwarzenegger arrive aux États-Unis en 1968. S’il est bien taillé, le jeune homme débarque du vieux continent franchement fauché. À 21 ans, il n’a qu’un objectif:  devenir le culturiste numéro un des States. Une profession qui outre-Atlantique rapporte gros.
Il y parviendra, en 1970 précisément, grâce à une discipline tout autrichienne et un régime des plus naturels. Élu M.Olympe à 23 ans  (faisant de lui le plus jeune mortel récompensé par la plus haute distinction des mecs qui ne se dégonflent pas), il  devient en quelques semaines mondialement célèbre. Incarnant dans la foulée et à juste titre un des athlètes les plus en forme(s) de la planète.  Une excellente nouvelle pour les défenseurs d’une consommation de cannabis intelligente et saine. Parce que si l’homme fort du culturisme a mérité ses médailles à la force entre autres du poignet, il n’a jamais eu les doigts patauds lorsqu’il s’agit de s’en pomper un gros. De joint.

Totale rigole

En effet, les séances dans les salles de muscu’ sont intenses. Comme nombre de ses haltères-égo, Arnold trouve dans la weed une manière saine de se détendre, de faire passer les douleurs dues aux lourds entrainements comme de se donner un appétit suffisant pour remplir ce grand corps en devenir.
Tommy Chong, un de ses collègue et partenaire de sudation, se souvient d’ailleurs bien de son Autrichien d’ami:«  Arnold, c’était le Golden Boy du bodybuilding, un des types les plus sains de la planète. D’une incroyable force mentale quand il travaillait.  Après il fumait de l’herbe. Il en fumait pas mal parce qu’il savait que c’est inoffensif » (propos confirmés par le Governator lui-même qui ajoutera : « c’est vrai, avec Tommy on passait de très bons moments, on savait s’amuser »)

Pour autant, si Arnold a toujours assumé ses folles et vertes années cannabiques (véhiculant par la même occasion une image aux antipodes du stoner sofa-surfer)  c’est surtout son engagement politique en faveur de la weed qui lui vaut aujourd’hui, la reconnaissance à laquelle il a droit.

Total légal (genesis)

En 2003, l’acteur et ex-bodybuilder devient le 38e Gouverneur de Californie. Élu républicain, cette étiquette conservatrice ne l’empêchera pas pour autant d’agir de concert avec Obama contre le changement climatique ou d’imposer dans son état une politique toute keynésienne de grands travaux publics.
Mais surtout de faire passer deux lois qui poseront les bases juridiques nécessaires à la future légalisation du cannabis en Californie.

Depuis 1996, il était déjà possible d’y obtenir du cannabis à usage médical : mais sous d’assez strictes conditions.
La prescription magique devait émaner d’un des rares médecins agréés, uniquement pour de lourdes pathologies et avec à l’époque très peu de points de vente.Qui plus est, la possession d’herbe était encore un crime.
Même en possession de l’ordonnance de toutes les convoitises, les patients devaient faire attention lors du transport de leur cargaison depuis le point de vente des dispensaires jusqu’à chez eux.
Les consommateurs même en situation légale restaient malgré tout dans une zone grise peu confortable. Une première solution législative en faveur des consommateurs de cannabis médical a été votée en janvier 2003 avec l’adoption du projet de loi 420 (oui-oui… 420, comme le fameux 4/20, ça ne s’invente pas ) du Sénat connu sous le nom de « loi sur le programme de marijuana à des fins médicales ».
Le projet de loi 420 du Sénat a mis en place un système de carte d’identité pour les patients sous cannabis médical et a permis la création de collectifs à but non lucratif pour la fourniture de cannabis aux patients.
La loi 420 a  aussi rendu l’accès au cannabis médical nettement plus aisé pour les patients,  couvrant beaucoup plus de pathologies (anxiété, dépression, anorexie…).

Le Cannabisator.

En  janvier 2010, la Cour suprême de Californie déclare que l’application de la loi  SB 420 ne limite plus la quantité de cannabis qu’un patient pouvait posséder. Toutes les limites de quantité autorisées ont donc été levées.
Puis,  le 30 septembre 2010 , grande date s’il en est,  est promulguée la loi 1449 qui stipule que  « la possession de cannabis n’est plus un crime » (en Californie).
Cela n’a l’air de rien, mais c’est une immense avancée pour la cause Ganja du Gloden State : tout simplement parce que c’est la loi 1449 qui, déjà amandée, ouvrira de facto la possibilité d’un vote en faveur d’une légalisation totale (en novembre 2016).

L’état le plus à l’ouest qui soit, fera appliquer ces très cools dispositions le 1er janvier 2018. En pleine campagne pour faire passer la loi 420 et 1449, le Governator se chargera par ailleurs de préciser son opinion  sur le sujet : « Le cannabis n’est pas une drogue, c’est une feuille » ou encore  « franchement, aujourd’hui tout le monde s’en fout de savoir si vous fumez de l’herbe ou pas ».
En normalisant la consommation de cannabis, en défendant sa non-dangerosité puis en réduisant les sanctions criminelles pour sa possession, Arnold Schwarzenegger aura mérité haut la main le balèze portrait que la rédaction ZeWeed dresse chaque mois.

 

Quand Gainsbourg chantait la Ganja

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Il y a 30 ans, Serge Gainsbourg nous quittait. Si l’homme à tête de choux n’était qu’un fumeur de Gitanes, il n’aura jamais été insensible aux charmes du cannabis. Un penchant pour la ganja-culture qui nous offrira le révolutionnaire Aux Armes et caetera ainsi que Cannabis, film dans lequel il donne la réplique à Jane Birkin et compose une sublime bande-originale écrite avec un certain Jean Claude Vannier.

Un an après leur rencontre sur le tournage de Slogan (1969) le couple naissant Gainsbourg/Birkin partage de nouveau l’affiche dans une romance policière réalisée par Pierre Koralnik, que Serge retrouve trois ans après leur collaboration sur le téléfilm Anna (1967).
Si le scénario comme le jeu d’acteur n’ont rien de stupéfiant dans cette production que même la splendide et systématiquement dévêtue Jane Birkin ne parvient à sauver, la musique originale signée Gainsbourg/Vannier vaut très largement de subir ce polar de série B.

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Après avoir composé la B.O. de  Mann 70 (1968), écrit le célèbre “Requiem Pour Un Con” pour Le Pacha (1968),  “L’Herbe Tendre”, entendu dans Ce Sacré Grand-Père (1968), et le titre”L’Alouette” pour La Horse (1970), Gainsbourg signe avec Cannabis(1970) une de ses meilleures musiques de film.
Mi-rock mi-planante, la B.O.  made in Gainsbarre donnera toutes ses lettres de noblesse à ce qui est sans doute le meilleur long-métrage de Pierre Koralnik. (Les deux autre films notables du réalisateur seront Nestor Burma et l’Instit’…).

Cannabis, c’est aussi la première collaboration de Serge Gainsbourg avec Jean-Claude Vannier, génial arrangeur-compositeur avec qui il écrira deux ans plus tard un chef d’oeuvre: “L’Histoire de Mélodie Nelson“.

Parmi les meilleurs titres joués dans le film, l’éponyme “Cannabis”  que l’on retrouvera en intro et outro (en version instrumentale pour le générique de fin).
Très rock, prologue à la texture électrique de l’album “Rock around the Bunker“, “Cannabis” donne d’emblée le ton de ce polar noir interdit aux moins de 18 ans “La mort a pour moi le visage d’une enfant/Quand soudain, je perds la raison / Est-ce un maléfice? / Ou l’effet subtil du cannabis?”.
Le très inspiré “I want to feel crazy” (chanté par Jane Birkin façon Maryline Monroe) est un délicieux prélude aux sublimes arrangement que Jean Claude Vanier nous offrira sur l’Histoire de Melody Nelson.

Serge Gainsbourg, Cannabis, Jane Birkin, Cinéma,
Chanvre Indien” tient ses promesses en nous transportant dans un planante ambiance orientale aux parfums de haschisch alors que le titre “Dernière blessure” nous rappelle autant les violons Initial BB qu’il annonce les enivrants arrangements de La Valse de Melody.
Boudé par les critiques et le publique à sa sortie, Cannabis jouit aujourd’hui d’un statut de cult-movie chez les grands Gainsbourg-aficionados.
Puisse cet article élargir le cercle des fans de Cannabis, le film.

la Bande-Originale intégrale de Cannabis avec tous les titres dont nous vous parlions, c’est ici:

Quand la Motown chantait la ganja

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Avant Dej Jam et le succès interplanétaire de la maison de disque de Bob Marley Tuff Gong, un label de Détroit se faisait déjà une sulfureuse réputation en produisant des titres louant sans équivoque des charmes de l’herbe. Zeweed vous emmène à la découverte de la Motown et de ses plus belles déclarations d’amour faites au cannabis.

Fondé par le compositeur et producteur Berry Gordy Jr en 1960, le label Motown tient son nom de la contraction entre motor (moteur) et town (ville). C’est un hommage à Détroit, qui a longtemps la grande ville de l’industrie automobile américaine.
Si le nombre de hits et d’artistes lancés par Motown est aussi gigantesque, c’est grâce au flair et à la volonté de son fondateur de rendre la soul accessible à la masse.

La plupart des artistes majeurs du label étaient amateurs de cannabis. C’était le cas de Diana Ross — qui a d’ailleurs initié Michael Jackson —, de Smokey Robinson ou encore de Marvin Gaye — qui a fumé toute sa vie en grande quantité pour calmer ses angoisses.

Le meilleur exemple reste tout de même la diva Esther Phillips. Sa reprise immortelle de “And I Love Him” des Beatles, que vous pouvez retrouver ci-dessous, fut immortalisée alors qu’elle était tellement enfumée qu’elle en avait des difficultés à marcher.

Pourtant, c’est seulement à la fin des années 60 que les premiers morceaux psychédéliques Motown sont sortis, grâce à l’impulsion des Temptations, avec “Cloud Nine”.
Un morceau enregistré en 1968, très clairement dédié à la plante, qui est sorti contre les recommandations de Gordy, suite à un vote des salariés.
Le pari est réussi: ce sera le premier Grammy du groupe et du label.

Après 10 ans de refus, Gordy, qui ne pensait pas le public américain capable d’accepter ce thème en pleine guerre contre les stupéfiants, lâche la bride.
La même année et seulement pour quelques mois, une division Weed est lancée, pour sortir l’album de Chris Clark. Un album orné d’un symbole peace, qui pastiche le rival Stax et du facétieux slogan “Tous vos artistes préférés sont dans la Weed”.

En 1971, Marvin Gaye sort un album qui parle de la guerre du Vietnam, du sexe et surtout de l’addiction.
Le chanvre sert dorénavant de paravent à la firme, ici pour parler des ravages de l’héroïne, sans braquer un auditoire bien pensant. C’est un prétexte pour s’adresser à un public large, tout en gardant sa suavitude légendaire, dans “Flyin’ high”.

Une stratégie qui sera aussi utilisée par Stevie Wonder deux ans plus tard. En dépit d’une variété qui lui a été dédiée, il n’a fumé qu’une seule fois dans la vie.
Son morceau “Too High” est un avertissement contre les stupéfiants sorti, seconde ironie, sur son album le plus psychédélique : “Innervisions”.

Bien entendu, ses avertissements ne visent pas notre plante préférée. L’album est d’ailleurs particulièrement calibré pour les sessions fumettes. Un fait loin d’être accidentel.

Le morceau le plus explicite jamais sorti par Motown est lâché par Rick James, le Superfreak, en 1978. Le transparent “Mary Jane” est un morceau fondateur de la Punk-Funk, qui a retourné les charts. Un must, quand on sait qu’il parle de la plante comme d’une délicieuse séductrice.

Rick James: “I’m stone I’m proud ” attitude.

Le chanteur s’est, de nombreuses fois, déclaré scandalisé qu’on puisse recevoir des peines de prison pour le cannabis et il fumait très régulièrement sur scène.

Ce hit, d’ailleurs, sera une influence majeure pour tout le mouvement Hip-Hop et en particulier pour le jeune Snoop Dogg, qui enregistrera même un morceau avec le maître.

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