Oldies but goodies

Calmos, French macho manifeste

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Sorti en 1974, “Calmos”,  de Bertrand Blier est un monument du cinéma français que j’ai visionné dans les meilleurs conditions:  projeté sur un drap blanc. Car c’est bien d’une affaire de draps dont il s’agit. De draps froissés par les ébats charnels évidement -dans ce film du réalisateur “Des Valseuses”-, mais aussi des beaux draps dans lesquels se sont mis les hommes, pour avoir trop tiré la couverture à eux. Calmos, c’est le dernier rugissement du mâle franchouillard et misogyne, le chant du signe des machos moustachus en charentaises et l’avènement karmique du beau sexe décomplexé.

Le film raconte l’amitié de Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort, deux hommes qui auront passé leurs vies au service du sexe fin, dans leurs professions (respectivement gynécologue et maquereau) comme dans leurs vies intimes. À bout de forces comme de nerfs, ils s’échappent ensemble à la poursuite d’un idéal : une vie paisible entre hommes, faite de pinard, de tabac et de gourmandises.

Ils construisent ainsi leur Eden dans une jolie maison de campagne, et règlent leurs journée autour de leurs repas, tous plus gourmands et alcoolisés les uns que les autres.
Ils font vite la rencontre du Curé local (Bernard Blier) qui partage avec eux leur appétit gargantuesque, leur aversion des femmes et leur profonde nymphomanie.

Mais elles n’ont pas dit leur dernier mot, ces mangeuses d’hommes et les ramènent par la peau des fesses à Paris, impatientes de les asservir à leur plaisir. Une fois encore, nos deux amis tentent le tout pour le tout et s’évadent en une échappée belle dont les rangs seront vite grossis de tous les hommes qui auront entendu l’appel de la liberté. Mais la femme est un loup pour l’homme et méticuleuses, elles sont immédiatement organisées et efficaces, la révolte est écrasée avec une facilité déconcertante et les hommes mis en esclavage sexuel.

Marielle et Rochefort n’y échappent pas et sont chimiquement transformés en machine à bander au service de la sexualité des milliers de libidos féminines qui viennent s’asseoir sur leur virilité, à raison de trois minutes chacune.
Nous les retrouvons quelques décennies plus tard, dans la suite d’un film qui devient complètement surréaliste, évadés une fois encore, en cavale, jusqu’à ce qu’ils tombent dans une grotte humide et rose…

Je pose mon verre de calva gourmand, reprenant mon souffle, je viens d’achever un voyage onirique et réjouissant au cœur de nos appétits charnels et de leur diktat sur nos vies, je vais reprendre un peu de pâté.
Aujourd’hui tout le monde a son combat, tout le monde a quelque chose à dire, on s’insurge, on dénonce, on se résigne, mais on ne rit plus beaucoup. Un film comme Calmos ne pourrait probablement pas passer entre les filets de la morale de l’humour.
Nous sommes devenus trop sérieux et avons peut-être perdu, en voulant ne froisser personne, la capacité de rire de nous-mêmes. Pourtant, elles existent ces révolutions joyeuses, elles sont la fête, la danse, la musique, la peinture, le cinéma, le théâtre, tous les arts et plus encore, mais elles ne sont pas sans humour. Elles sont des révolutions intimes et profondes, qui sont des célébrations de la vie, ces quelques minutes où nous rions de nos propres petitesses.

Si le monde est au bord de la crise de nerfs, faisons l’humour pas la guerre et devant les crises à venir rappelons-nous les mots de Mel Brooks « La tragédie c’est lorsqu’on se coupe le doigt. La comédie c’est quand on tombe dans une bouche d’égout ouverte et que l’on meurt ».