Interview - Page 2

L’AFPC donne de la voix au cannabiculteurs.

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L’union fait la force, l’AFPC l’a bien compris. Avec pour mission de défendre et fédérer  les cannabiculteurs auprès des institutions, l’AFPC serait-elle en passe de devenir le premier syndicat “cannagricole” français ? Éléments de réponse avec son président, François-Guillaume Piotrowski.

Bonjour, Qui êtes-vous et que faites-vous?
Je suis François-Guillaume Piotrowski, technicien agronome, j’ai fait ma première production à échelle « industrielle », plus de 5000 plants, c’était en 2015-2016. J’ai eu une expérience aux États-Unis par le passé, puis en Suisse dans des grosses entreprises de cannabis où j’étais chef de production.. Je suis revenu en France en 2019. À mon retour, je connaissais déjà Jouany Chatoux, je l’avais rencontré plusieurs fois, je savais qu’il militait beaucoup pour la régulation du chanvre français. On en a beaucoup beaucoup parlé. C’était mon quotidien, faire pousser du cannabis. Le CBD, à l’époque je ne comprenais pas trop pourquoi c’était interdit ici.

“On ne se sentait pas représenté en tant que professionnel ou futur professionnel du cannabis en France.”

Avec la ferme de Pigerolles, il avait l’idée au début avec Yohan et Fabien de créer l’AFPC. Je les ai rejoints il y a deux ans. On a commencé en off, à s’organiser pour créer une dynamique et fédérer les acteurs du chanvre. La réalité, c’est qu’on ne se sentait pas représenté en tant que professionnel ou futur professionnel du cannabis en France. En tous cas, on n’y voyait pas vraiment d’avenir pour les producteurs dans le schéma d’organisation en place, pour les productions à visée cannabinoïdes. Et puis ont émergé les premières réunions de l’association, il y a un an et demi à Pigerolles.

François-Guillaume Piotrowski

Donc l’AFPC c’est une association…
Oui, l’Association française des producteurs de cannabinoïdes. Elle a deux ans, et est vraiment active depuis un an et demi…
Son objectif premier est de représenter, défendre et fédérer les producteurs, qui doivent produire du chanvre à visée de production de cannabinoïdes. Et d’obtenir un cadre cohérent et ambitieux pour ce secteur en France,  afin de s’inscrire parmi les pays leader en Europe.

Les producteurs qui sont portés sur la fleur ?
Que ce soit la fleur ou l’extraction d’actifs, en tous cas, ce sont des itinéraires qui n’ont juste rien à voir avec la production industrielle, comme le chanvre textile ou fibre. C’est la même plante, mais ça n’est pas du tout la même utilité, la même destination, ni la même façon de produire. Les variétés sont différentes, celles au catalogue, pour 95% ou 98% d’entre elles, ne sont pas du tout adaptées pour faire de la production de cannabinoïdes à fort rendement. Elles ne sont pas exemptes de cannabinoïdes, mais le rendement est médiocre.

« La réalité, c’est qu’on ne se sentait pas représenté en tant que professionnel ou futur professionnel du cannabis en France »

95 % ?
Oui, 95% du catalogue qu’on nous propose c’est du catalogue monoïque, donc pas du tout adapté pour faire de la fleur, la dioïque peut faire de la fleur, ce n’est pas du féminisé, ce n’est pas de la bouture, dans les graines que vous recevez, que vous allez planter, il y a 60% de mâles, 40% de femelles, donc à la fin il reste 40% des pieds du champs après sexage des plants.

Et par rapport à ça, c’est deux process de fabrications, deux agricultures différentes ?
Oui, c’est deux agricultures relativement différentes, l’une avec de très grandes surfaces, qui est hyper mécanisée, avec une visée industrielle. Ça, c’est pour le textile, on va chercher de la fibre. Effectivement, il faut un outil industriel qui soit adapté. Et nous, on est plus sur un modèle de moyennes et de petites surfaces, avec encore beaucoup de recours à de la main d’œuvre, parce que tout n’est pas automatisable, mécanisable. La fleur est beaucoup plus sensible que le reste du plant, il faut être relativement précautionneux avec le produit.

Ça reviendrait à comparer le monde agricole d’après-guerre, et le développement du monde agricole d’aujourd’hui autour du bio, autour de valeurs comme la permaculture, la biodynamie… on peut les comparer à ça ?
C’est un modèle de diversification d’agriculteurs qui sont déjà installés ou en cours d’installation avec une diversification (d’avoir plusieurs cultures). La monoculture, ça ne marche plus, c’est plus un modèle économique qui ne fonctionne pas à l’heure actuelle, et qui n’a pas d’intérêt écologique, c’est nul, le renouvellement cultural est complément limité.

Un agriculteur qui voudrait se lancer dans la fabrication de fleur et le développement des cannabinoïdes, vous ne lui conseillez pas de ne faire que cette activité ?
C’est mettre tous ses œufs dans le même panier, pour un agriculteur c’est dangereux. C’est super de se spécialiser sur quelque chose, mais ç’a toujours une part de risque, et quand on voit le marché du CBD, comment ça évolue, on est sur un marché hyper volatile, et puis même au niveau de la rotation cultural, et faire que de la spécialisation ce n’est pas forcément bien. Il faut quand même avoir un modèle où il y a une certaine rotation des cultures, même s’il y a une spécialisation sur deux ou trois cultures, c’est intéressant d’avoir de la diversité.

“Pourquoi on s’est réuni ? Une absence totale de volonté des syndicats et des interprofessions en place de développer le secteur des cannabinoïdes en France”

En tant qu’association, comment vous-êtes vous réunis et comment intervenez- vous ? 
Pourquoi on s’est réuni ? Une absence totale de volonté des syndicats et des interprofessions en place de développer le secteur des cannabinoïdes en France. Il y a un peu plus d’un an, on avait l’arrêt “kanavape” qui avait dit que c’était pas illégale de commercer des phytocannabinoïdes (des cannabinoïdes issues des plantes de cannabis NDLR). On est en train d’accepter que ça se produise partout en Europe, et à nous, on explique que la fleur est un déchet et qu’il faudrait la jeter… On nous explique aussi que les agriculteurs ne s’en sortent pas. Mais j’ai l’impression qu’on n’essaye pas de leur trouver des solutions, en tous cas on ne les aide pas à avancer, et à se diversifier vers des productions à valeur ajoutée. Donc nous notre tâche, c’est de reprendre la jurisprudence qui était en place et d’ouvrir un cadre juridique, législatif favorable à la culture du chanvre actif en France.

D’accord, et aujourd’hui en deux ans d’existence, vous sentez qu’il y a une évolution ? vous avez des partenaires ? Vous dialoguez avec des institutions et des législateurs ?
Oui, on a été reçu à l’Assemblée nationale. On ne va pas dire que non tout est pourri, ça serait mentir, mais c’est très difficile d’avoir des interlocuteurs, d’être auditionné sur ce sujet-là. L’interprofession récupère tous les sujets, alors qu’Interchanvre, à la base, est accès sur le chanvre fibre. Interchanvre disait que les cannabinoïdes n’avaient pas d’intérêts. Revirement de position aujourd’hui : ils nous expliquent que l’industrie du cannabinoïde doit se développer en France, alors que jusqu’ici, ils ont tout fait pour la ralentir. Interchanvre est aujourd’hui un des interlocuteurs privilégiés du régulateur, de la MILDECA (Mission Interministerielle De Lutte contre les Conduites Addictives NDLR), du ministère de l’agriculture, de l’intérieur sur ce sujet.

“Interchanvre est aujourd’hui un des interlocuteurs privilégiés du régulateur, de la MILDECA”

On a proposé plusieurs fois d’être auditionnés, on se positionne en tant qu’expert de la question, puisqu’on a quand même une bonne base d’expertise au sein de l’association, on a plusieurs personnes qui sont des consultants européens ou internationaux. On peut apporter une vision du secteur des cannabinoïdes en France, on a quand même des opportunités, mais on nous explique fréquemment que on n’a pas assez d’expertises pour développer ça.

On peut dire que c’est un peu un dialogue de sourd, c’est mitigé, on espère que le Ministère de l’agriculture va plus se pencher sur la question sous ce nouveau quinquennat. Jusqu’ici, on est plus auditionné par le ministère de l’intérieur ou par la MILDECA que notre ministère de tutelle, qui est celui de l’agriculture.

Comment ça se fait ?
Parce que jusqu’ici on considère que le cannabis est un stupéfiant mais c’est n’importe quoi, on parle de rien là ! C’est méconnaitre complètement l’ensemble des usages qui sont fait de cette plante à travers le monde, ainsi que l’ensemble des parutions scientifiques de ces dernières décennies.

“Jusqu’ici, on est plus auditionné par le ministère de l’intérieur ou par la MILDECA que notre ministère de tutelle, qui est celui de l’agriculture”

Pour le moment vous luttez à mettre en place un dialogue, c’est ça ?
Ce qu’on a fait, c’est ouvrir un espace de dialogue, et défendre une ligne de propositions claires, on a déposé plusieurs QPC (question prioritaire de constitutionnalité, NDLR), plusieurs recours, on s’est opposé à toutes les décisions qui étaient forfaitaires, qui n’avaient pas vraiment de ressort. On a une vraie volonté d’être force de proposition et d’échange avec les institutions, on n’est pas là pour faire n’importe quoi. On demande un cadre qui soit cohérent, tant au niveau idéologique, technique que scientifique, qui permettrait d’avoir une filière d’excellence en France.

Aujourd’hui vous regroupez combien d’adhérents au sein de l’AFPC?
On était même pas une trentaine au départ. À l’heure actuelle, on est quasiment 300 adhérents, uniquement des producteurs de cannabinoïdes et notre avocat Maître Scanvic.

Vous sentez qu’il y a une évolution depuis la création de l’AFPC ?
Avec le renouvellement parlementaire et politique, j’ai du mal à me prononcer sur la volonté, la direction que va prendre ce quinquennat sur notre secteur. Au niveau parlementaire sur les derniers mois, il y a eu une vraie prise de conscience du retard accumulé, et du potentiel que la France a sur ce secteur. De manière générale, les députés, les élus locaux sont en soutien, donc j’espère que ça va perdurer et qu’on va arriver à concrétiser quelque chose de durable.

“On peut dire que c’est un peu un dialogue de sourds”

Il y a aussi cette expérimentation sur le cannabis thérapeutique, ça peut aboutir selon vous ?
Il faut bien différencier le free market, le CBD du médical. Il y a plusieurs leviers, plusieurs verrous, le principal était idéologique, je pense qu’il est en train de s’ouvrir, ça ne choque plus personne de parler de cannabis librement. J’ai pas l’impression que l’on soit au même stade qu’il y a 5 ans. Aussi, ce n’est plus un tabou comme avant de parler, de légiférer sur le cannabis, que ce soit cbd, médical, ou récréatif peut être demain. Il y a une vraie prise de conscience de tout le monde, et des différents usages de la plante, il y pas que drogue et défonce. C’est moins clivant qu’avant…

Vous pensez que cette plante est moins diabolisée ?
Moins diabolisée, soyons un peu plus ambitieux… Qu’elle puisse être reconnue et qu’il y ait une réelle ambition autour du secteur, de la reconnaissance, du développement. La réalité, c’est que les pouvoirs publics ont non seulement le pouvoir de légiférer, mais aussi le pouvoir d’axer le développement d’un secteur par l’investissement, il y a plusieurs leviers qu’ils peuvent activer. A l’heure actuelle, on est soumis à deux freins : celui du manque d’investissements, parce qu’on investit tout de notre poche, il y a peu d’investisseurs privés, et absolument aucun investissement public, C’est regrettable, quand on voit que nos voisins européens peuvent accéder à des subventions européennes et développer leurs projets…

Vous pensez que la situation que nous traversons aujourd’hui va perdurer ou s’améliorer?
J’espère qu’on va avoir une amélioration, on peut voir que le meilleur, à nous de jouer notre rôle, d’être source d’informations et de propositions. C’est ce que je rappelle à chaque fois qu’on a l’occasion d’être auditionné, on est pas là pour faire n’importe quoi, on est des entrepreneurs, des agriculteurs. On est là pour produire, pour répondre à un marché qui a besoin de matière première et au delà de ça, pour montrer aussi le savoir faire français en terme de qualité, bio, traçabilité, une vraie chaîne de valeurs, et que le consommateur ait une visibilité sur ce qu’il consomme. À l’heure actuelle, ce n’est pas le cas dans le secteur du CBD.

Comment vous projetez-vous en tant qu’association ?
Notre but, c’est d’accompagner cette évolution, par des discussions avec d’autres syndicats. On est là en tant que “syndicat” pour apporter du soutien aux producteurs, continuer de défendre le milieu de la production, et aussi être force de relation avec les autres syndicats, discuter de l’avenir de la filière et de son développement, on est là pour structurer, je pense que c’est le principale rôle des syndicats à l’heure actuelle.

L’AFPC est un outil d’accompagnement pour ses adhérents, c’est ça ?
Oui, c’est tout un nombre de services qu’on propose, notamment avoir accès à des fournisseurs avec des partenariats pour payer moins cher, de l’accompagnement juridique et technique. C’est de la transmission, du partage, de l’échange, un rôle structurant qu’on essaye d’apporter à nos adhérents.

“Actuellement, on est sur une logique unique : celle du prix, c’est le maître mot”

Dans les bureaux de tabac, ou chez les distributeurs de fleurs, on voit très rarement des produits français, comment pensez-vous agir sur ce problème ?
Il faut poser la question aux distributeurs. Pourquoi ne pensent-ils que par le prix et non par le produit ? Je ne sais pas, c’est compliqué. On a signé des accords avec les deux autres syndicats, le Syndicat du Chanvre et UPCBD, pour infléchir sur le secteur et faire prendre conscience aussi à ces acteurs, qu’importer des produits de “Petahouchnok” sans savoir d’où ça vient, pas cher, c’est d’accord, mais il y a une autre réalité, celle de la production française et qu’on peut se fournir à coté de chez soi, faire travailler en local. Au niveau des distributeurs actuellement en place, ils ne voient pour la plupart que la marge. On est tout le temps en train de discuter du prix.

Quand on voit les produits qu’ils proposent, bon je vais pas me faire des amis en disant ça, c’est de la merde à 90%. On en a déjà discuté avec plusieurs distributeurs pour comprendre dans quelle logique ils s’inscrivent et essayer peut-être de rationaliser tout ça et travailler de manière cohérente ensemble. Actuellement, on est sur une logique unique : celle du prix, c’est le maître mot. Les coûts de production chez nous ne sont pas les mêmes que dans le sud de l’Italie, en Pologne, ou en Uruguay. On ne peut pas rivaliser. Aussi, il faut savoir que les Suisses et les Italiens, ça fait 5 ans qu’ils sont sur le secteur, ils ont déjà rentabilisé leurs investissements, donc ils peuvent faire tomber les prix, même si c’est à leurs défaveurs.

“Les coûts de production chez nous ne sont pas les mêmes que dans le sud de l’Italie(…) On ne peut pas rivaliser.”

Nos coûts de production sont bien plus élevés que chez eux pour l’instant car tous les investissements sont réalisés de notre poche, c’est compliqué. Mais on propose un produit qui est aussi différent, un produit bio, et dont on peut assurer la traçabilité, de la graine au produit fini. Quand j’entends qu’il y a des distributeurs qui téléphonent à des adhérents pour acheter des kilos à 80 balles, c’est n’importe quoi.

Il y aussi les rinçages, des ajouts d’isolats, de distillats, de terpènes…
On l’a dénoncé plusieurs fois parce que ça commence à être problématique, le modèle est simple : on achète de la fleur à 1 % de THC aux États-Unis ou en Uruguay, on la wash (méthode consistant à “laver” le chanvre d’une certaine quantité de cannabinoïdes NDLR) pour faire tomber le taux à 0,2 ou 0,3 %. Derrière, comme la fleur n’a plus rien dedans, ils ajoutent du distillat ou de l’isolat, et ils remettent un peu de “sent bon”, car quand on la passe au CO2 il n’y a plus de terpène, donc il faut en remettre.

“Nous, on veut proposer des produits naturels et bios, sans aucune manipulation.”

On obtient la saveur qu’on veut, le taux qu’on veut, mais c’est un produit qui n’a rien à voir avec ce dont on parle. Nous, on veut proposer des produits naturels et bios, sans aucune manipulation. C’est là-dessus qu’on va se positionner.
On est bio, traçable, transparent, on est pas là pour faire et dire n’importe quoi, mais pour produire quelque chose et le vendre. Il n’y a pas cette industrie du “washage” ou du “terpeniquage” chez nous.

C’est carrément du grand n’importe quoi, moi j’ai vu ça quand j’étais en Suisse, ça m’a fait mal au cœur. Tu as passé 4 mois à les faire pousser, à bichonner tes cultures, tu as fait un super boulot et à la fin on te le démolit au wash et on te dit que c’est bon, on peut vendre ça en FRANCE. On invite tous les professionnels du CBD à penser à la question de la production française et de vendre des produits locaux bio et tracés. On voit qu’il y a de plus en plus de boutiques qui ouvrent, c’est un commerce florissant.

“On invite tous les professionnels du CBD à penser à la question de la production française et de vendre des produits locaux bio et tracés.”

Les surfaces en France vont être multipliées par deux cette année pour la culture des cannabinoïdes. On a doublé le nombre de producteurs qui vont partir en culture cette année. Il y a un vrai potentiel au niveau de l’approvisionnement français et des fleurs françaises pour la saison qui arrive. On est dans une démarche saine et on travaille au développement d’une belle filière française.

Eric Coquerel : Liberté, Légalisation, Fraternité.

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A l’initiative d’Eric Coquerel (LFI), un projet de loi de légalisation du cannabis est débattu aujourd’hui jeudi 13 janvier à l’Assemblée nationale. En juin dernier, nous avions rencontré le député insoumis de la Seine Saint-Denis, alors qu’il venait de présenter sa proposition trans-partisane pour examen préliminaire. Entretien.

Vous avez présenté et soutenu un projet de loi trans-partisane visant à légaliser le cannabis. Il y a tant urgence?
Oui, car nous nous entêtons dans une politique de prohibition désastreuse, malgré les quelques avancées sur le cannabis thérapeutique et la tendance grandissante du CBD.
Cette politique axée seulement sur la répression est un indéniable échec qui fait preuve de pas mal de démagogie et de beaucoup d’hypocrisie. L’amende délictuelle, par
exemple, est à mon sens une manière d’admettre notre incapacité à empêcher la consommation en taxant les consommateurs.
Le cannabis représente 80 % du trafic de drogues et seulement 5% des marchandises importées sur le territoire passent entre les mains des douaniers. Même s’il resterait une part de marché noir à réprimer (deux ans après la légalisation au Canada, le marché noir ne représente plus que 40% du commerce de cannabis NDLR), on voit que cela libérerait beaucoup de temps et de ressources. Plus disponibles, les forces de police seraient en mesure de créer des unités spécialisées, de développer les réseaux de douanes et une vraie police de proximité.
Aujourd’hui, le coût exorbitant de la criminalisation de la consommation et son inefficacité avérée indiquent qu’un changement de politique est nécessaire, voire urgent.

“Poser la question de légalisation, c’est restituer le débat en allant aux causes de la problématique”

L’opinion publique est majoritairement favorable à la légalisation du cannabis. La droite et la majorité peuvent-elle faire l’économie de cet électorat?
C’est tout le paradoxe de la situation actuelle, l’opinion publique est de plus en plus favorable et curieuse de cette légalisation alors qu’une partie de la classe politique est de plus en plus frileuse à l’idée d’aborder le sujet. Pourtant des voix favorables et trans-partisanes se réunissent autour de notre projet de loi qui vise à lutter contre le commerce illégal des drogues en France, à l’instar de Caroline Janvier (LREM) qui l’a récemment signé.
Alors que le thème du débat électoral semble être arrêté sur la question de la sécurité, nous visons à le rediriger vers un débat qui tourne autour de solutions pratiques et réalistes pour lutter contre le trafic de drogues. Car c’est bien ce dont il s’agit quand on parle d’insécurité ; l’ennemi numéro un c’est le trafic.
Poser la question de légalisation c’est restituer le débat en allant aux causes de la problématique, au lieu de ne traiter que ses effets.

“Le cannabis pourrait devenir un élément d’intégration”

La légalisation peut-elle se faire en impliquant les quartiers? Croyez-vous en une légalisation qui soit un moteur social?
Si la légalisation du cannabis s’accompagne de la création de filières de formations, et permet à ceux qui ont acquis une forme d’expertise de passer dans un domaine légal dont ils peuvent être fiers, le cannabis pourrait devenir un élément d’intégration. Il ne faut pas oublier les 240 000 personnes qui vivent indirectement et par capillarité du marché illégal, et leur proposer d’autres moyens de subvenir à leurs besoins. Il serait aussi judicieux, de s’inspirer du Portugal : c’est à dire décriminaliser la consommation personnelle de cannabis et d’autres drogues et de passer le dossier du Ministère de l’Intérieur à celui de la Santé, assumant ainsi la prédominance de la santé publique sur la répression. Le succès de leur politique de lutte contre le trafic de drogues est indéniable et mérite qu’on s’en inspire.

“Il serait judicieux de s’inspirer du Portugal”

La légalisation en France, c’est pour quand?
La majorité grandissante de l’opinion politique favorable à la légalisation du cannabis rendra inévitable l’ouverture du débat et nous verrons probablement dans les années à venir de plus en plus de voix partisanes s’élever, à condition que le virage à droite du débat politique soit freiné. La légalisation du cannabis a le
potentiel de renverser la dialectique de répression et de mettre fin à la guerre contre la drogue au profit de la paix sociale. Il ne faut rien lâcher !

Eric Coquerel à l’Assemblée nationale le 13 janvier 2022, alors qu’il soutient son projet de loi sur la légalisation du cannabis.

Yann Bisiou, “le marché du cannabis se fera aux dépens de ceux de l’alcool, du tabac et des médicaments”

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Figure emblématique de la légalisation en France, Yann Bisiou est au cannabis ce que Greta Thundberg est à l’écologie : un obstiné de la cause verte. Nous l’avons rencontré pour une interview sans masque et sans filtre.

Quel bilan tirer de la politique française sur le cannabis?
Ces deux dernières années, la France a fait des progrès considérables en matière de légalisation du cannabis et de son usage. Hélas, depuis six mois, nous assistons à un saisissant retour de la guerre contre la drogue et de la prohibition dans ses aspects les plus néfastes. Rappelons que la Loi du 31 décembre 1970, qui pénalise l’usage du cannabis, fut défendue comme un moyen d’incitation aux soins (gratuits) répondant à des enjeux de santé publique.

Que pensez-vous de l’amende délictuelle à 200 euros pour les consommateurs de cannabis ?
C’est une catastrophe. Ou plutôt une catastrophe annoncée: nous savions dès le début que l’amande serait un échec dans la mesure ou elle ne permettrait pas de verbaliser plus de 300 000 contrevenants par an.
300.000 verbalisations en 9 mois sur 135 millions de consommations annuel et 900 000 usagers quotidiens… c’est dérisoire. Par ailleurs, l’amende délictuelle forfaitaire annihile toutes velléités de santé publique puisqu’elle ne permet plus de suivi médical gratuit pour les usagers. Un doux mélange entre idéologie et déni de réalité.

Yann Bisiou, France, cannabis, weed, légalisation,
“Avec la radicalisation du discours politique il faudra être particulièrement vigilant, attentif et aidant envers ceux qui auront le courage de continuer le combat avec un discours raisonnable” Yann Bisiou.

Qui sont les détracteurs de la légalisation en France et quels sont leurs arguments?
Depuis deux ans les efforts pour aborder intelligemment la question de la légalisation étaient trans-partisans et semblaient mettre la droite et la gauche d’accord. Mais le Ministre de l’Intérieur s’est approprié le sujet et en a fait le fer de lance d’un discours ultra-répressif et simpliste : “la drogue s’est mal donc je l’interdis, même si la politique de prohibition est un échec à tous les niveaux”. De fait, on creuse le sillon. On sent la volonté du gouvernement de se rapprocher d’un électorat de droite plus ou moins radicale à l’approche des élections, mais aussi de plaire au lobbies Big Pharma et alcools qui voient l’arrivée du cannabis d’un très mauvais œil. La filière du chanvre est désorganisée et ne porte pas de message unique. A ce titre elle n’est pas encore de taille face aux géants de l’alcool et du médicament.

“Le lobby Big Pharma voit d’un très mauvais oeil l’arrivé du cannabis”

L’argument économique ne peut-il pas séduire la droite ?
C’est un argument à double tranchant: même s’il est réel, le marché du cannabis se fera aux dépens de ceux de l’alcool, du tabac et des médicaments, qui rapportent énormément à l’État. C’est un calcul intéressé. Quant à l’aspect politique de la question, il faut savoir que le débat n’a pas lieu sur un terrain factuel mais sur celui d’ idées préconçues.

La dette croissante,  la crise économique et sociale à venir ne vont-elles pas nous amener à un référendum sur la légalisation?
Je crois qu’un référendum est très peu envisageable à un an des présidentielles alors que les grands thèmes du débat sont déjà figés, entre autres sur la sécurité. Le gouvernement ne changera pas de discours aussi près des présidentielles. Si la question du cannabis est abordée, elle le sera sous le prisme de la sécurité et de la répression.

Qui aurait dans le paysage politique actuel, le courage ou l’intérêt de défendre la légalisation du cannabis ?
Presque toute la gauche s’est exprimée sur le sujet. De manière générale les voix progressistes sont très favorables à la légalisation. A ces dernières, il faudra ajouter quelques voix de centre-droit et de droite. Mais à l’aube des présidentielles, les voix favorables se tairont quand le discours de prohibition sera martelé comme marqueur de la droite dure.

“Le CBD aurait du être le pain béni (…) mais tout est fait
depuis 2018 pour étouffer économiquement la filière”

Le CBD, qui n’a pas d’effets psycho-actifs,  peut-il représenter une alternative viable à ce nouveau marché ?
Le CBD aurait du être le pain béni de la France. Mais tout a été fait depuis 2018 pour étouffer économiquement la filière en limitant les réseaux de distribution et en dissuadant les acteurs du marché d’investir. La commercialisation de fleurs sera interdite au profit de produits dérivés du CBD (crème, huile, etc). Alors que nous sommes un des premiers producteurs de chanvre au monde, nous allons devoir importer notre CBD!

Que peut-on espérer du débat à venir sur la légalisation?
Nous pouvons espérer que la filière du chanvre s’organise autour d’un même discours et d’une même stratégie, au lieu de se diviser comme ils le font aujourd’hui. Avec la radicalisation du discours politique il faudra être particulièrement vigilant, attentif et aidant envers ceux qui auront le courage de continuer le combat avec un discours raisonnable. Il ne nous reste plus qu’à espérer que les forces du progrès ne lâchent pas l’affaire !

Interview réalisée en juin 2021

Légalisation: la lettre ouverte de François-Michel Lambert

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Alors que l’exécutif continue de traquer les consommateurs d’herbe à coup d’amendes délictuelles, il souffle comme un vent de ras-le-bol chez les politiques français quant à la position rigide et sécuritaire adoptée par le gouvernement sur la question cannabis. Au lendemain de la rentrée parlementaire, c’est le député écologique François-Michel Lambert qui ouvre le bal avec une lettre ouverte que Zeweed relaie ici.

Gardanne, le 19 août,

A Marseille, cette nuit, un adolescent de 14 ans a été tué dans ce qui semble être un règlement de compte dans la guerre que se livre les gangs tenant les réseaux mafieux de distribution de cannabis.
Depuis le début de l’année on ne compte plus les victimes des violences dues à la prohibition très dure de la consommation de cannabis.
Gérald Darmanin et le gouvernement sont entrés dans une logique d’affrontement et de durcissement, une politique de harcèlement et de chiffres. Avec aucun résultat probant, chaque point de deal démantelé est reconstitué dans les heures qui suivent. Les réseaux qui tombent sont repris par d’autres. Le nombre de consommateur est toujours aussi élevé, près de 1 Français sur 3 a consommé ou consommera du cannabis.

La prohibition du cannabis, c’est le laxisme et des morts. C’est un fait. Tous les pays qui ont légalisé ont obtenu des résultats probants en matière de sécurité publique. Aucun n’envisage de revenir sur ce choix. L’ensemble des pays européens qui entourent la France sont sur la voie de la légalisation, la Suisse et le Luxembourg compris. C’est en ce sens que j’ai mis au débat une proposition de loi pour la légalisation encadrée du cannabis, par un monopole d’Etat. La Mission d’Information sur le Cannabis, à laquelle j’appartiens, a validé un rapport recommandant cette légalisation encadrée. Chaque jour de retard ce sont des morts supplémentaires. Nous avons obligation à tarir les trafics par la légalisation, pour redonner la paix à ces quartiers, pour ne pas connaître d’autres drames comme celui de cette nuit.

François-Michel Lambert

 

La proposition de projet de loi sur la  légalisation du cannabis de François-Michel Lambert sur ce lien

CBD: L’arrêt de la Cour de cassation décrypté par Yann Bisiou

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Les 15 et 23 juin, la Cour de cassation rendait deux jugements d’importance sur le commerce du cannabidiol (CBD) en France. Entre l’arrêt de la Cour de Justice de L’Union Européenne légalisant le CBD en Europe en novembre 2020 , le gouvernement qui s’y oppose par décret fin mai, la Cour d’appel de Grenoble qui soutient la position du gouvernement puis la Cour de cassation qui retoque la décision de la Cour d’appel, difficile de s’y retrouver.
Zeweed a demandé à Yann Bisiou quelques explications sur ce dernier épisode de la legal-saga CBD.

Que faut-il retenir des arrêts du 15 et 23 juin rendus par la Cour de cassation?
L’arrêt du 23 juin est dans les textes un victoire totale pour le marché du CBD en France. Dans son jugement, la Cour de cassation affirme que si un produit contenant du CBD est légalement produit dans un des pays de l’Union Européenne (UE), sa commercialisation est légale en France.
L’arrêt du 15 juin est théoriquement une très bonne nouvelle pour les propriétaires de boutiques vendant du CBD puisqu’il stipule que ce ni au producteur ni au distributeur de fournir la preuve que son produit mis en vente est conforme, mais au procureur de prouver que le produit visé est illicite. Désormais, c’est la présomption d’innocence qui prévaut, et non l’accusation pour traffic de stupéfiants.

Cela veut-il dire que les propriétaires de boutiques de CBD peuvent enfin dormir tranquillement?
Je n’irais pas jusque là. Déjà, il faudrait que tous les services concernés par ce genre d’enquêtes soient informés de la portée de l’arrêt. La mise en application effective peut prendre plusieurs semaines ou plusieurs mois. D’ailleurs, le lendemain du jugement rendu par la Cour de cassation le 23 juin, une opération à l’encontre d’un commerce vendant du CBD avait lieu.

Sur les fleurs de chanvre CBD qui représentent un partie importante du marché et dont le commerce est menacé en France, qu’en est-il?
Le jugement rendu par la Cour de cassation est très ambigüe et classique des arrêts qu’elle peut rendre dans ce genre de situation. Concernant le commerce de fleurs de CBD, elle ne s’exprime pas directement: le principe qu’elle propose se déduit de sa décision, ce qui reste sujet à interprétations. A priori, le commerce de fleurs de CBD, s’il est légal dans les pays de la Communauté Européenne (CE) qui l’exportent, est légal en France.
En revanche, ce qui est clair, c’est que la production de fleurs de CBD reste interdite dans l’hexagone.

A quand une homogénéisation et un vrai libre commerce du CBD en Europe?
Le problème, c’est qu’il n’y a déjà pas de consensus sur le taux de THC admis dans le CBD entre les différents pays membres de la CE,  puisque cela va de 0.2% à 1%.
Or, c’est la définition que donne chaque pays de son taux légal appliqué nationalement qui va permettre de définir ce qui est autorisé à l’exportation dans l’UE et à fortiori la France.
On va donc aboutir à cette situation surréaliste ou 2 produits aux mêmes taux de CBD et THC venant de 2 pays différents pourront être considérés légaux ou illégaux non pas en vertu de leur caractéristiques, mais de leur provenance.

Une législation claire sur le CBD en France, ce n’est donc pas pour demain…
Pour que la situation avance, il faudrait qu’une majorité de pays progressistes sur la question du CBD, et je pense à l’Italie, le Luxembourg la Macédoine, ou  à Malte, servent de locomotive pour emmener dans un cercle vertueux d’autres pays plus réticents comme la France. Tant qu’il y aura des pays réfractaires ou ne souhaitant pas s’aligner, le commerce du chanvre bien-être en France restera fragile.

 

Docteur en droit privé et science criminelle, Yann Bisiou est maître de conférence à l’université Paul Valéry de Montpellier.
Auteur de nombreux ouvrages sur  l’évolution de la législation relative aux stupéfiants, il est depuis 2002 membre du Conseil Scientifique de l’Office Européen des Drogues et des Toxicomanie.

François Michel Lambert: Vert de vert

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Le député François-Michel Lambert n’a jamais fumé un joint de sa vie. Ca ne l’aura pas empêché d’en brandir un l’Assemblée Nationale pour soutenir la légalisation du cannabis. Nous l’avons croisé à la Cannaparade où il nous a donné son 06 et rendez-vous pour une interview.

Paris, samedi 29 Mai, place de la République. J’arrive en retard à l’édition 2021 de la Cannaparade qui a déjà bien entamé son chemin vers la place de la Bastille. J’avise la situation et prend mes jambes à mon cou pour me retrouver 500 mètres plus loin au milieu d’une foule dense et nombreuse. Sous le soleil d’une belle après-midi, des jolies filles, des jeunes aux visages souriants, des quadras bobos et une fanfare de 18 musiciens sont venus demander la libération de l’herbe.

François-Michel Lambert et Eric Coquerel: en tête, on se gondole.

Nous sommes bien loin des maigres 40 punks à chiens perdus évoqués dans l’article du Parisien. En tête de cortège, je repère une silhouette familière. Grand, regard droit, chemise blanche et veste bleu-marine déboutonnée, il s’agit du député écologiste des bouches du Rhône François Michel Lambert (Libertés et Territoires). A coté de lui, un autre fervent partisan de la légalisation du cannabis: le député LFI Eric Coquerel. Deux jours plus tôt, nous avions réalisé l’interview de l’insoumis vert. Je me dis que les deux feraient bien la paire. Arrivé devant l’Opéra Bastille, j’accoste l’élu Bucco-Rhodanien pour lui demander un selfie et son numéro de téléphone. Le courant passe directement, nous nous donnons rendez-vous une semaine plus tard pour une interview.

Quel regard portez-vous sur la politique menée depuis 1970 sur la question cannabis?
Lorsqu’en 2000, je manifestais pour la légalisation du Cannabis, avec Jean-Luc Bennahmias (qui était alors secrétaire général des
Verts NDLR), le débat était placé sur un terrain sociétal et l’avait été depuis 1970. Au même titre que la lutte pour le droit à l’avortement ou contre l’homophobie, il s’agissait alors de défendre des libertés individuelles. D’ailleurs, à l’instar des homosexuels, les consommateurs de cannabis ont longtemps été considérés comme des déviants, des marginaux. Après 2000, le marché a explosé, le trafic est passé aux mains de réseaux criminels beaucoup plus organisés et la jeunesse a commencé à être fortement impactée. En quelques années, nous sommes passé d’un débat libertaire et baba-cool à un problème sanitaire et mafieux.

Ce sont pour des motifs de santé publique que l’exécutif ne veut pas entendre parler de légalisation?
Pas seulement. Il y a à mon sens, et même si ce n’est pas explicitement dit, une notion de valeurs sur lesquelles les ministres de l’Intérieur et de la Justice ne veulent pas céder. Ils ont érigé ces valeurs en postures politiques et morales, jusqu’à en faire des points de blocage.  J’ai échangé avec eux et je peux vous dire que le cannabis, ils ne veulent pas en entendre parler parce que ce n’est pas leur monde. Au fond, ils sont restés figés dans une certaine France très années 70, très manichéenne, la drogue c’est de la merde, c’est un truc de jeunes, de marginaux, il faut protéger les bonnes gens…   Mon intime conviction est qu’ils sont contre la légalisation pour des raisons personnelles plus encore que politiques. Pour eux, c’est la dernière digue à ne pas franchir, le dernier symbole d’une certaine morale, d’un monde un peu nostalgique où les dealers étaient encore invisibles…

L’argument sécuritaire est aussi mis en avant…
Si l’on va sur le terrain sécuritaire, il faut commencer par comprendre que la politique menée est une catastrophe. Nous parlons d’un million d’heures de police allouées à la lutte contre le cannabis, de drames humains et d’argent brulé pour aucun résultat. Quand on ferme un point de deal, il y en a dix autres qui s’ouvrent
dans les jours qui suivent. D’un point de vue sanitaire, c’est aussi une catastrophe puisque le consommateur se retrouve avec un produit de contrebande, donc souvent coupé ou frelaté. A cela il convient d’ajouter que la prohibition coûte 1 milliard d’euros à  l’Etat par an avec un tiers des prisonniers qui sont incarcérés pour des peines liées au cannabis.

Croyez-vous que le lobby Big Pharma, alcool et tabac pèse dans la balance?
Pour paraphraser Michel Rocard: “je suis plus certain de la connerie du monde que de sa capacité à comploter”. Donc non, je ne crois pas que le lobby en question ait une vraie influence sur la position du gouvernement. D’autre part, l’agro-alimentaire et l’industrie pharmaceutique anticipent depuis 2019 une éventuelle légalisation en Europe et s’apprêtent à toucher gros aussi en cas de fin de prohibition. Je ne pense vraiment pas que ce soit eux qui compromettent la légalisation et ne crois pas une seconde au complot.

Cette légalisation, comment la concevez-vous?
Ma proposition de loi est basée sur un principe de monopole d’Etat, à l’image par exemple de la SEITA ou de ce qui se fait au Québec avec la SQDC. Donner la gestion de la vente de cannabis à un  EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial NDLR ) dont le but n’est pas de faire croître le
marché me paraît essentiel. Certains partisans de la légalisation  voudraient un marché du cannabis complètement libre, ouvert à tous à l’image du maraîcher
qui va vendre ses pois-chiches. Je ne crois pas que ce soit une approche responsable en matière de santé publique. Au même titre que le tabac, l’alcool ou le sucre, le cannabis reste une drogue qui peut générer des addictions et des comportements à risque.  Il ne faut pas encourager sa consommation en tous cas si elle n’est pas responsable et maitrisée. Cela ne veut pas dire qu’une offre d’Etat serait non-compétitive et monotone : la SEITA nous a démontré le contraire.