Interview

Jim Ross, l’Hibernatus de la weed

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Jim Ross, c’est le cultivateur aussi barré que passionné qui a fait pousser le même plant de Matanuska Thunder Fuck (MTF)  pendant 20 ans afin de préserver la lignée de cette mythique variété en voie de disparition. Une Ganja exceptionnelle qui pousse en Alaska et qui fait aujourd’hui un carton chez les cannabis-aficionados (qui ont la chance d’en trouver).
Notre reporter Steve a fait sortir Jim de son placard le temps d’une interview, exercice auquel le breeder ne s’était livré qu’une fois en deux décennies.

Buenos Aires, 16h45.
Je suis avec mon chat et mon lap-top sur ma terrasse quand je reçois ce laconique message: “Appelle Jim. Il veut te parler, il a des questions.”
Je bondi de mon transat et attrape direct mon téléphone pour composer frénétiquement le numéro figurant dans l’e-mail qu’Andreas, mon contact en Alaska, m’a envoyé.
Une voix calme et grave me répond.
C’était Jim Ross, qui n’a accordé qu’une interview depuis sa cannabique popularité: en 2018 à l’occasion d’un reportage lui étant consacré.
Jim a désormais 61 ans et vit à Wasilla, en Alaska.

Un breeder en Alaska

Comment vas-tu Jim?” je demande.
Ça va, je m’accroche” me dit-il le plus tranquillement du monde.
En 2001, Jim a reçu une bad news : celle d’un diagnostic de myosite, une maladie rare et sans traitement,  qui provoque une inflammation chronique ainsi qu’une atrophie des muscles.
«J’étais déjà censé être mort  il ​​y a 2 ans, mais on dirait bien que l’échéance a été repoussée», s’amuse Jim en me racontant comment la maladie a ravagé un corps déjà frêle
«Je ne suis que peau et os. Au cours des deux dernières années et demie, j’ai perdu 32 kilos. Les toubibs disent que j’ai un pied dans la tombe. Mais, ironie de la vie, je fabrique mon traitement à partir de la MTF que je fais pousser. Et avec la bénediction de mon médecin qui me dit «continue de te traiter avec ta weed, ça marche! »

Il rit de nouveau et commence à expliquer comment il fabrique son médicament.
«Je prends 50 grammes de têtes réduites en poudre et un 50 cl de vodka , je la mets dans un pot , je la secoue, et après 3 mois je la filtre avec une étamine. Tous les jours, je prends deux à trois petites doses.» poursuit Jim.
La Matanuska Thunder Fuck qu’il utilise pour fabriquer son médicament, est une mystérieuse variété de cannabis élevée dans les années 1980 à Trapper Creek, sur les contreforts de la chaîne de l’Alaska.
C’est en 1987, lorsqu’il a déménagé de l’Oregon en Alaska, que Jim a gouté aux plaisirs de la  MTF.
«J’étais venu ici en vacances pour pêcher et je ne suis jamais parti. C’est tellement beau, et accessoirement, c’est la meilleure pêche au monde », analyse-t-il d’un ton réveur.

Trapper Creek Hash Plant

À l’époque, la MTF était connue sous le nom de Trapper Creek Hash Plant par Jim et ses copains et était cultivée  par  un certain « Tiny ».
En 1988, Tiny, en proie à des crises de parano due à la prise de substances non recommandables, était persuadé que les flics allaient le refroidir pour de bon. Il a abandonné sa culture et a demandé à un pote, Jeff Payton, de sauver ses plantes une fois le danger (imaginaire, révèlera l’histoire) écarté
En 1997, Jeff Payton transmet la souche à Jim,  qui l’a maintenu en vie depuis.

“À quoi ressemble MTF dans la salle de culture?”.
«C’est juste une variété incroyable», répond Jim tout enjoué.
Elle se comporte de manière incroyable. Il a des feuilles  qui poussent au-dessus des feuilles « panneaux solaire » sur la même extrémité. Et ces feuilles « parasol/éventail » sont plus grandes que la main. A titre d’exemple plus précis, j’en ai trouvé une qui faisait 30 centimètres de circonférences avec, superposée une autre feuille à trois crocs », s’étonne encore Jim.
Oh, et autre une fois“, continue-t-il, me donnant à peine le temps de taper mes notes, “J’ai même eu une tige poussant sur l’une de mes feuilles parasol!

A la recherche de la Matanuska ThunderFuck

Depuis 1997, Jim fait pousser sa MTF de légende chez lui, en utilisant toujours des clones provenant soit d’une mère, soit de plantes saines.
Je n’ai jamais fait pousser à partir de graines. Il s’agit du même phénotype depuis 1997 ».
Depuis qu’il a obtenu un plant de MTF de la part de Jeff Payton, Jim répand la bonne parole en transmettant des clones à ses proches amis.
«J’ai même fini par en redonner à Tiny et Jeff, qui avaient cessé de la cultiver depuis des années».
Jim a même rendu la souche à Cameron van Ryn, un cultivateur agréé FRM Wasilla, qui avait lui aussi obtenu la souche de Tiny il y a plus de vingt ans,  mais l’avait perdu, la faute aux méchants acariens.
Malheureusement, Tiny est récemment décédé.
Mais grâce à Jim et à ses amis, la légende de Trapper Creek vit toujours.

MTF, la weed de tous les superlatifs.

En 2017, Ron Bass, un producteur agréé de Houston, publie un article dans le Anchorage Daily affirmant qu’il avait trouvé de l’or et trouvé la légendaire souche de l’Alaska.
«J’ai jeté un coup d’œil à ces plantes,  sur les photos du journal et j’ai directement su que c’était pas de la MTF», explique Jim. «Tu peux me mettre dans une pièce avec 100 souches différentes, et je te trouverai rapidement la MTF… si il y en a.».
Et il avait raison; le plant de Ron Bass  s’est avéré ne pas être une pure MTF
Jim a finalement donné sa souche à Ron, qui a promis de la cultiver et de la transformer à des fins médicales.
«Je ne voulais pas d’argent ou de  gloire. J’ai dit à Ron que s’il pouvait sauver quelqu’un ou guérir avec ça, ça me convenait. Parce que c’est ce que ça a été pour moi : guérir, pas s’enrichir».
Sur une période de 18 mois, Jim a donné à Ron un total de 40 clones enracinés de sa belle plante. Ron a depuis déposé MTF et commercialisé la variété, en faisant même le thème d’un titre rap avec Afroman.

Cameron Van Ryn la développe également commercialement et fournit la MTF de Jim à des dispensaires en Alaska.
«Ils reçoivent un demi-kilo qui part généralement en une semaine. On ne peut pas répondre à la demande », glousse Jim.
Pour autant,  Jim préfère rester discret. Il est en train de vendre sa maison pour déménager dans l’un des 4 états du coin avec sa femme.
«En vieillissant, les hivers deviennent plus durs», concède-t-il. Pour la première fois depuis le début de notre entretient, qui dure depuis plus d’une heure, j’entends Jim soupirer.
«Je ne peux plus faire de la motoneige, du 4×4 ou du ski. C’est pas facile… »

Je lui pose des questions sur sa femme, Teena, et la voix de Jim reprend immédiatement son ton enjoué
Oh, nous sommes mariés depuis 25 ans. Je l’ai rencontrée en Alaska et elle vient aussi de l’Oregon », rit-il à nouveau. «Nous étions juste amis depuis longtemps. Ensuite, quand nous sommes devenus l’un et l’autre célibataires, les choses se sont concrétisées. Notre amour a poussé en même temps que ma MTF. Appelez-ça comme vous voulez. Pour moi, c’est ni plus ni moins que le destin, un merveilleux destin ».

 

Franck Milone, pionnier du cannabis thérapeutique made in France

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Lancée en 2021, l’expérimentation du cannabis thérapeutique a été prolongée en mars de cette année.  Alors que tous les feux sont au vert, le remboursement du cannabis thérapeutique ne figure pas à cette heure sur le Plan De loi financement de la Sécurité Sociale (PLFSS). Une mauvaise nouvelle pour la filière et les 300 000 patients en attente,   qui risquent de ne pas se voir prescrire le médicament vert, à défaut d’être remboursé*. En 2022, ZEWEED avait  rencontré Franck Milone, président et fondateur de LaFleur, premier laboratoire français à avoir mis au point des traitements à base de cannabis.

Zeweed. Pouvez-vous nous décrire en quelques mots l’activité du laboratoire LaFleur ?
Franck Milone. Le laboratoire LaFleur est un laboratoire pharmaceutique français fondé en 2014 et qui est spécialisé dans le développement de médicaments à base de cannabis.
Nous avons pour vocation de développer des outils innovants pour produire de manière efficiente des produits de santé à base de cannabis au bénéfice des patients en échec thérapeutique.

Depuis quand travaillez-vous  sur l’élaboration de médicaments à base de cannabis?
On a lancé le développement du premier médicament à base de cannabis en France en 2018 avec le CNRS de Strasbourg spécialisé en oncologie: les traitements contre le cancer. 

“premiers essais cliniques chez les patients dès 2023” 

Qu’en est-il aujourd’hui ?
Il y a eu beaucoup de problématiques liées à la manipulation du cannabis et à son importation. On a tout de même réussi à importer et transformer des fleurs. Des essais ont été réalisés entre 2018 et 2021 sur des lignées de cellules cancéreuses. Actuellement, on lance les essais sur le modèle animal. Les premiers résultats sont attendus début juillet sur ce candidat-médicament. Et permettront de mettre en place les premiers essais cliniques chez les patients dès 2023. 

Combien de temps faut-il pour mettre au point et commercialiser un médicament au cannabis ?
Du développement à la mise sur le marché, il faut compter environ 8 ans. Dans notre cas, on estime la mise sur le marché du premier médicament à base de cannabis en France d’ici 2026.

Parallèlement, vous travaillez sur d’autres produits ?
Oui, on démarre un projet sur l’utilisabilité d’un dispositif médical connecté sous la forme d’un vaporisateur avec des cartouches sécurisées de granules de fleurs de cannabis. Ce dispositif médical serait adressé à une population senior. Cette étude permettrait le lancement d’un essai clinique pour évaluer l’amélioration de la qualité de vie des séniors et l’impact sur la consommation de certains médicaments.

L’intérêt est donc double : d’un coté la validation d’une nouvelle technique et de l’autre sa mise en pratique  chez les seniors…
La première étape est de valider la capacité de ce dispositif à s’adapter à l’usage d’une population sénior, et par la suite de juger du potentiel thérapeutique du cannabis sur ces populations. Il s’agit d’un de nos développements dans le cadre recherche autour du cannabis médical.

De quel oeil le corpus médical français voit-il le cannabis ?
Les mentalités ont bien évolué depuis la création en 2014. L’exemple le plus probant est celui de la mise en place de l’expérimentation qui évalue le cadre de dispensation du cannabis médical en France. Face à une demande grandissante de patients et de professionnels de santé, un constat mondiale sur la légalisation du cannabis médical et des données scientifiques prouvant l’intérêt médical dans le traitement de certaines conditions médicales, l’Agence du médicament (ANSM) a mis en place un comité scientifique transdisciplinaire pour assurer le suivi de cette expérimentation qui prévoit l’inclusion de 3000 patients, la formation de plus de 4500 professionnels de santé et autorise la dispensation de médicaments à base de cannabis pour 5 indications thérapeutiques (situation palliative, spasticité dans la sclérose en plaques, épilepsie NDLR ) conduit sur deux ans. 

La fine fleur des laboratoires de cannabis thérapeutique français à l’oeuvre.

Et côté financement, ça se passe comment?
On est la première entreprise à avoir obtenu un financement public par la BPI pour le développement d’un médicament à base de cannabis en France. On a également réalisé une levée de fonds en 2020 de 3 millions d’euros. Aujourd’hui en France, l’accès au capital reste toujours un obstacle sur la thématique. Nous sommes en capacité, à travers notre laboratoire de recherche et notre expertise de travailler sur le cannabis médical dans un cadre règlementaire, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis. La France possède un boulevard d’innovation si elle sait le saisir. 

« La France a un boulevard d’innovation si elle sait le saisir »

La France a-t-elle les moyens de devenir un leader de la filière cannabis thérapeutique?
Tout à fait, on a la chance qu’au niveau fédéral, les États-Unis n’ont pas encore avancé sur l’enjeu médical qu’offre le cannabis, ce qui fait que les recherches biomédicales sont inexistantes. Une opportunité pour les entreprises françaises de figurer parmi les pionnières sur le sujet. Encore faut-il savoir saisir ces opportunités. On a réussi à faire une première levée de fonds en 2020, mais il faut continuer en ce sens pour la partie industrielle et la partie R&D (recherches et développements, NDLR). Profitons du climat réglementaire actuel favorable pour continuer à investir dans la recherche et développer des produits de santé français au bénéfice des patients en impasse thérapeutique. L’ANSM doit dans un avenir proche assurer une production de cannabis médical en France en apportant des spécifications techniques (critères de qualité pharmaceutique, formes pharmaceutiques, contrôle pour la culture, etc. NDLR).

Premiers médicaments 100% made in France prévus pour 2026

Justement, est-ce que vous arrivez à travailler sur une production de cannabis française actuellement ?
Sur la partie fleur de cannabis, on est encore dépendant des produits étrangers. En parallèle, on installe notre premier centre de R&D agro-pharmaceutique dans lequel on développe, optimise et standardise des procédés de production de cannabis médical, afin d’avoir des premiers lots de cannabis médical standardisé début 2023 et de proposer des produits 100 % fabriqué en France, à l’échéance de la généralisation du cannabis médical en France.

Vous proposez aussi un ensemble de service aux cultivateurs de cannabis à visée médicale…
Effectivement, au cœur de notre laboratoire de recherche nous mettons en place un ensemble de services d’une part autour de la prestation analytique pour valider les niveaux de principes actifs dans les fleurs de cannabis ou produits transformés. Et de l’autre un service autour de l’extraction de fleurs, à travers le développement de partenariats avec des agriculteurs qui depuis le décret de décembre 2021 autour de la production de fleur (dont la teneur est inférieure à 0,3% THC) peuvent valoriser la récolte de fleurs en ayant un contrat avec un laboratoire.

Les laboratoires LaFleur travaillent sur des cartouches de cannabis standardisées et sécurisées, des huiles et des gélules.

Sous quelle forme les futurs médicaments au cannabis seront-ils proposés? De la poudre, des fleurs, des gélules…?
On travaille sur différentes formes galéniques (mode d’administration, NDLR) : des granules de fleurs au travers de cartouches sécurisées à utiliser avec un dispositif médical connecté. Mais aussi des huiles qui permettent une titration précise. La prescription du cannabis médical par le professionnel de santé prévoit une augmentation progressive de la dose en suivant les conditions médicales du patient. Enfin, une fois le traitement stabilisé, des gélules peuvent être prescrites pour plus de reproductibilité et de confort d’usage. Nous proposons ces 3 formes pharmaceutiques : des cartouches de cannabis standardisées et sécurisées, des huiles et des gélules. 

En termes de variétés, pouvez- vous donner des précisions sur les types de cannabis ? Indica, sativa, variétés spécifiques?
On fait des tests sur différents types de plantes, indica ou sativa, et sur différentes variétés. Le premier objectif est d’avoir une palette d’actifs et de variétés qui soit relativement large pour avoir la capacité ensuite d’innover. On s’intéresse davantage aux formes acides des deux molécules les plus connues que sont le THC et le CBD ou sur de nouveaux actifs plus récemment découverts comme le CBG ou le CBN entre autres.

“le cannabis médical (…) doit apporter des preuves de sécurité, de tolérance et d’efficacité pour qu’il puisse s’inscrire dans un parcours de soin”

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans le cannabis thérapeutique?
Je me suis confronté à la réalité du système de santé à l’âge de 18 ans quand on m’a diagnostiqué une sclérose en plaques à la suite d’une crise neurologique. Face à l’incompréhension du professeur qui me suivait à l’époque et aux milliers de patients en échec thérapeutique qui se retrouvaient dans la même situation, j’ai eu envie d’innover sur la thématique du cannabis médical. Je suis donc allé à la rencontre des autorités publiques, des professionnels de santé parce que je me suis aperçu que pour faire avancer les choses, il fallait investir dans la recherche scientifique. Défendre le cannabis médical dans l’industrie pharmaceutique c’est rappeler qu’il s’agit d’un médicament qui doit apporter des preuves de sécurité, de tolérance et d’efficacité, pour qu’il puisse s’inscrire dans un parcours de soin. Ainsi, j’ai décidé de défendre le cannabis médical à travers les angles de la recherche, la formation et l’innovation. 

Vous soutenez aussi d’autres structures de la filière cannabis thérapeutique, pouvez-vous m’en dire plus ?
Je me suis notamment investi au sein de l’association de patient l’UFCM I Care (Union Francophone pour les Cannabinoïdes en Médecine) qui organise depuis 2014 des colloques scientifiques à Strasbourg et Paris pour favoriser le partage des avancées mondiales sur le cannabis médical et j’ai fondé le laboratoire pharmaceutique LaFLeur spécialisé dans le cannabis médical. Aujourd’hui nous avons un ancrage historique en région parisienne et sommes implanté à Angers, la capitale du végétal spécialisé au cœur du campus du végétal.

Propos recueillis par Julio Rémila en juin 2022

* Pour que le remboursement du cannabis thérapeutique soit inscrit au PLFSS 2024, les 300 000 patients en souffrance ont besoin de vous afin que le médicament vert ait une chance d’être pris en charge par la sécurité sociale et donc prescrit. 

Agissez pour que le cannabis à visée médicale soit enfin accessible en France en cliquant sur ce lien.

Panakeia, le chanvre CBG sans THC à l’état naturel

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Développée en France par Cannaveyron, Panakeia est la première variété de chanvre CBG naturellement dépourvue de THC et de CBD. Zeweed a rencontré Yohan Varin, l’homme derrière cette petite révolution du chanvre bien-être.

Tout commence en 2017 lorsque Yohan plante ses premières graines de chanvre dans le Parc Naturel Régional du Quercy. Très vite, il comprend que si les producteurs français ne se regroupent pas pour s’entraider et mutualiser leurs coûts, ils risquent fort de se faire dévorer par les grandes industries qui lorgnent sur un marché européen estimé à 1.3 milliards d’euros en 2023

Fort de ce constat, Yohan Varin co-fonde avec François-Guillaume Piotrowski et Charles Morrel l’AFPC (Association Française des Producteurs de Cannabinoïdes). A ce jour, le syndicat qui s’est donné pour mission de « promouvoir un CBD français de qualité dans l’intérêt des producteurs, des revendeurs et des consommateurs » compte près de 200 adhérents.

Des premières graines plantées dans le Quercy il y a 6 ans…

En automne 2020, Yohan crée, avec Daniel Sournac et Hassan Benahmed, la marque Frenchcbdreams /Cannaveyron.
En 2021 la start-up cannabique produira plus d’une demie tonne de chanvre CBD premium. Car contrairement à nombre de ses concurrents, Yohan pratique une extraction mécanique du THC, sans l’utilisation du moindre solvant.

Mais la vraie révolution proposée par Cannaveyron est ailleurs.
Depuis quelques mois, Yohan et ses deux associés cultivent du chanvre cannabigérol (CBG) garanti sans THC à l’état naturel. Une grande première pour la filière française.

… A la co-création d’un syndicat qui regroupe plus de 250 adhérents.

Baptisée Panakeia, cette petite merveille de la botanique moderne affiche un taux de CBG de 18% pour 0% de THC. Un exploit rendu possible grâce aux travaux en génétique agricole de la société espagnole Hemp Trading.

Dans l’état actuel de la législation française, qui ne permet pas d’extraire les composants du cannabis en France, la Panakeia se pose comme la solution rêvée pour proposer aux consommateurs un produit propre, riche en principes actifs et on ne peut plus légal.

Au delà du marché du chanvre bien-être, c’est aussi le marché du cannabis à visée médicale que Yohan compte pénétrer avec la Panakeia. Tout comme le THC ou le CBD, le CBG possède de nombreuses propriétés thérapeutiques à même de soulager les patients atteints de glaucome, de la maladie de Parkinson, d’Alzheimer ou encore de la maladie de Crohn. Le CBG est aussi reconnu pour ses propriétés anti-inflammatoires, anti-bactériennes, antibiotiques et antispasmodiques.

La Panakeia : une tête bien faite, née pour être en tête des ventes de fleurs CBG

18% de CBG et aucune trace de THC à la récolte

Cerise sur la sommité florale: la Panakeia offre de très bons rendements et garantie des productions sans pertes. Pour l’instant, la législation oblige les cultivateurs à détruire leur récolte dès lors qu’elle présente un taux de THC supérieur à 0,3 % en produit fini, soit à peu près 1% de THC en produit brut. La Panakeia étant naturellement dépourvue de THC, les coûts d’exploitation s’en trouvent largement réduits. Les trois associés en cultivent à ce jour 700 pieds.
Avec une approche globale (recherche, éducation, marketing, distribution, juridique) et durable, Frenchcbdreams a tout pour devenir un modèle vertueux du chanvre bien-être.

Commandes et informations: le site de Cannaveyron/Frenchcbdreams est accessible via ce lien

Samuel Botton, le gourou de la green communication.

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Samuel Botton, 30 ans, spécialiste en relations publiques et communication de crise affiche dix ans d’expérience dans le milieu des médias et du conseil. Après avoir fait ses armes dans de grandes agences et institutions, il aspire à devenir « le communicant préféré de la matière communicante préférée ».

Julio Rémila : Depuis combien de temps as-tu ouvert cette agence ? Quelle est ta clientèle ?
Samuel Botton : STEP Conseil existe depuis un peu plus d’un an. On accompagne différentes typologies de clients. Ça peut aller des fonds d’investissements à des artistes, des sportifs et bien entendu Phytocann, l’un des plus gros producteurs de CBD en Europe.

Tu travailles avec beaucoup d’acteurs de la filière chanvre bien-être, un hasard ou un choix ?
Un heureux hasard je dirais. Je voyais monter la tendance du CBD depuis quelques années déjà. J’avais été démarché par plusieurs marques avant Phytocann, mais j’ai systématiquement décliné dans la mesure où on me demandait de faire de la « communication produit ». J’avais besoin d’une mission avec du sens et des axes de pédagogie à mettre en place. Puis Alexandre Lacarré, le PDG de Phytocann, m’appelle par le biais d’une connaissance commune et me met au défi.

“Là, j’ai 10 000m2 de plantations et un boss aussi fou que moi pour m’amuser”

Depuis, on ne s’est plus lâché. Encore aujourd’hui, beaucoup d’acteurs me contactent mais je fonctionne à la loyauté et à l’affect. Et puis soyons honnêtes, aucune structure ne peut s’aligner sur Phytocann en termes de champs des possibles. Quand en quelques semaines seulement, tu sors du BFM Business, l’AFP, L’Express, Quotidien, Le Figaro, des couvertures de magazines… C’est qu’il y a un truc. Et faire du conseil pour des boutiques, ça ne me fait pas vibrer. Là, j’ai 10 000m2 de plantations et un boss aussi fou que moi pour m’amuser. La campagne RP de Phytocann, on m’en parle plusieurs fois par semaine depuis plus de six mois (rires).

Penses-tu être un militant ? 
Je ne sais pas… Disons que je m’acquitte de ma mission avec le plus grand sérieux et la détermination qui me caractérise. Je monte au créneau quand c’est nécessaire et que l’industrie du CBD vit des moments troubles. Est-ce que je suis pour les légalisations des fleurs de CBD et de THC ? Evidemment. Nous sommes sur une vraie problématique économique et de santé publique. J’essaye de contribuer à ma modeste mesure. Pas toujours avec finesse, il est vrai, mais au moins on rigole bien, on choque et on éveille les consciences.

Est-ce des personnalités compliquées à gérer ?  
C’est beaucoup plus facile aujourd’hui que quand j’avais 23 ans. Maintenant, j’ai beaucoup plus d’assurance, d’expérience et de maîtrise. Et puis surtout je peux me permettre de dire non à qui je veux et quand je veux. Sans état d’âme. Forcément il y a des personnalités plus complexes à gérer que d’autres, mais tous et toutes savent qu’il y a une limite à ne pas franchir. Je n’ai pas monté STEP Conseil pour ressembler aux autres agences de com’ qui disent oui à tout et n’importe quoi juste pour sécuriser un budget. Il en va également de ma réputation et de celle de STEP Conseil. J’accorde énormément d’importance au bouche à oreille et à la parole que je donne à mes partenaires et clients.

Ton meilleur et ton pire souvenir avec ces clients ? 
Le meilleur souvenir avec Phytocann et Alex Lacarré c’est la couverture de Technikart. Je pensais pas qu’il jouerait autant le jeu sur le shooting photo.

Alexandre Lacarré lors du shooting photo pour la couverture du magazine Technikart

Pour les mauvais souvenirs, il n’y en a pas. Certaines journées sont plus difficiles que d’autres. Il y a parfois des situations à gérer en urgence, sous pression, mais en définitive, c’est aussi pour cela que je fais ce job.

« au moins on rigole bien, on choque et on éveille les consciences »

Qui rêves-tu d’avoir dans ton escarcelle ?
En toute franchise, j’estime avoir fait le tour de la question sur le CBD et le cannabis, je suis très bien avec Alexandre Lacarré et Phytocann. Quand tu joues au Real Madrid, que tu es une référence dans ton secteur, tu n’as pas envie de te retrouver dans un club de seconde zone comme le PSG. Et bien c’est pareil pour l’industrie du CBD. Après, dans d’autres secteurs, j’aimerais bien retrouver le milieu du sport ou travailler de nouveau avec une belle licorne française. Pour le reste je suis ouvert aux belles rencontres. Tant qu’il y a du sens, il y aura un sujet.

Tes conseils pour un débutant ?  
Du travail tout simplement. Même après 10 ans dans le milieu, je continue d’apprendre chaque jour. Ne pas avoir peur de se prendre des portes. C’est l’essence même de nos métiers. Nous exerçons une discipline, dans la com’ j’entends, qui demande une gymnastique quotidienne de l’esprit et une capacité de synthèse. À saupoudrer de bon sens et d’esprit logique évidemment.

Ton actualité ? 
En dehors du CBD, STEP Conseil est engagé sur différentes causes en faveur de l’intégration des personnes autistes en milieu professionnel ainsi que l’accès aux soins pour des personnes handicapées. C’est un combat complexe, long et difficile avec lequel je vis depuis bientôt 4 ans. J’essaye d’y apporter une modeste contribution car c’est une cause qui me touche. Pour le reste, j’accompagne actuellement plus d’une dizaine de clients de manière récurrente chaque mois et j’ai toujours 4 ou 5 missions ponctuelles en roulement sur du one-shot. Artistes, fonds d’investissements, syndicats professionnels, société à impact, entreprises d’avenir … les sujets ne manquent pas !

“Ça me fait rire de voir que certains, à des postes de dir’com’, pensent que l’argent résout tous les problèmes et qu’il suffit de payer pour qu’on parle de toi.”

Et demain ? 
On prépare plein de surprises pour les mois à venir avec Phytocann. Nous avons déjà annoncé une collab avec l’artiste Vincent Faudemer sur la marque Ivory. L’alliance du CBD, de l’art et du WEB.3. Et nous travaillons sur une nouvelle collab avec l’un des plus gros noms de la scène française … Mais je laisserai le soin à Alexandre-Henri Lacarré de vous en parler le moment venu.

Une anecdote à partager avec Zeweed ? 
Une anecdote… La semaine dernière, je faisais la tournée des rédactions par téléphone sur le sujet CBD. Sur les 9 journalistes que j’ai eu au téléphone, 3 d’entre eux m’ont dit avoir été contactés par mes concurrents pour obtenir « le même sujet que Phytocann » en avançant le fait qu’ils étaient « prêts à payer ce qu’il fallait ». Ça me fait rire de voir que certains, à des postes de dir’com’, pensent que l’argent résout tous les problèmes et qu’il suffit de payer pour qu’on parle de toi. C’est bien une logique de responsable marketing ça (rires). Je le vois aussi comme une belle reconnaissance du travail accompli. Tout le monde nous voit, veut être à notre place, mais personne ne sait comment faire. Je trouve ça rigolo

Propos recueillis par Julio Rémila.

François Verdonnet, pionnier français du CBD en Suisse

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Il y a six ans, François Verdonnet était le premier à vendre du CBD à Genève et ses environs. En 2022, dans le cadre d’un projet pilote de légalisation, ce fils d’horticulteur fournira en cannabis récréatif les villes de Zurich, Lausanne et… Genève. Entretient avec le français dont l’herbe fait un tabac en Suisse.

Non seulement je suis le premier à avoir vendu du CBD à Genève, mais en plus je suis français!” s’amuse François Verdonnet, 39 ans et à la tête de Chanvre DC. C’est en 2015 et dans une station service Piccand (une chaîne indépendante de distribution de carburant) qu’il fera ses armes dans le business de la belle plante.
A coté des cigarettes et du tabac à rouler, François propose en primeur à ses clients des fleurs de CBD à fumer (En suisse, les stations-services sont aussi débitants de tabac), et ce en toute légalité.

« Quand j’ai appris que l’on pouvait produire et vendre du chanvre CBD,  je n’ai pas hésité. Je savais que nous avions un bon produit bien-être, sain et sans dangers sur la santé.”  explique ce savoyard qui a grandi au milieu des serre de son père, lui aussi horticulteur. “Avec une première infrastructure existante et l’aide de mes deux frères, ça a été assez rapide à monter. Ce qui a encore plus fulgurant, c’est la demande: en quelques semaines, il y avait  la queue sur des dizaines de mètres pour se fournir en CBD. »

De la station service au laboratoire R&D high-tech

« Au tout début, nous vendions notre chanvre CBD sous la marque Swiss Alps CBD, toujours quand je travaillais dans cette station service où je faisais aussi le pompiste. C’est d’ailleurs là-bas, que j’ai rencontré le gars qui allait devenir mon associé. Nous étions tous deux des grands passionnés de cannabis et savions le potentiel bien-être et commercial du CBD.”
Aujourd’hui, François peut se féliciter d’avoir misé sur la bonne plante, ou plutôt la bonne fleur: les ventes de sommités florales représentent en effet 80% des ventes de Chanvre DC. Les 20% restant se répartissent entre huiles sublinguales, huiles de massage et baumes.

 

Coté quantité, nous sommes loin des 5 tonnes du géant du CBD Phytocann, dont les installations sont à 60 km de celles de François, de l’autre coté du lac Léman. Chanvre DC mise plus sur la qualité et un réseau de proximité.
Cette année on a pas fini de récolter mais on devrait faire environ 500kg produits sous serre et pour la fin de l’année 100kg en indoor, parce que nous venons juste de commencer ce type de culture. On a pas fait pousser en  outdoor cette année à cause de la mauvaise météo. On a juste fait un partenariat de production d’où nous devrions tirer 300kg. Soit environ 900kg, à peu près la même chose que l’année dernière. “

Culture organique et production éthique.

Si les plantes de François rencontrent un franc-succès en Suisse, où se situe son exploitation, elles sont très peu commercialisées dans l’hexagone.
Une stratégie assumée: ” Si nous ne sommes pas très présent sur le marché français, c’est pour une raison simple : quand il faut réduire à 0,2% le taux de THC  (alors qu’en Suisse c’est 1% NDLR), il devient très difficile de proposer un bon produit. D’ailleurs, sur la plupart des fleurs vendues en France, les producteurs rajoutent des terpènes à base d’huile essentielles ou d’alcool. Sans ce petit tour de passe-passe,  les têtes ne sentiraient rien. Mais ce genre de pratique n’est pas dans notre approche. Je ne tiens pas à jouer avec la santé des gens. D’ailleurs, la totalité de notre production est garantie sans engrais chimique et labellisée en culture organique.” précise l’entrepreneur.

François Verdonnet dans son élément.

Le premier français à vendre (légalement) du cannabis récréatif

Parce qu’il a anticipé l’évolution du marché, François Verdonnet fera très probablement parti des premier fournisseurs en Suisse d’un autre type de chanvre : le cannabis récréatif.
Dès 2023, les villes de Zurich, Genève, Lausanne, Berne et Bâle mèneront un projet pilote de légalisation du cannabis récréatif.

Pour fournir en weed pharmacies et Social Clubs des villes en question, François et ses associés ont mis les petits pots dans les grands.
“Dès que l’expérimentation a été confirmée, j’ai fait ma demande d’autorisation pour produire du cannabis thérapeutique et récréatif auprès de l’OFSP, (l’équivalent du ministère de la santé suisse NDLR). Et si mon dossier a été accepté, ce n’est pas par hazard.  Nous avons  engagé deux docteurs en biologie végétale et en pharmacie, et un laborantin qui travaillent dans notre laboratoire estimé à 13 millions d’euros que nous avons obtenus dans de très bonne conditions. C’est l’opportunité du siècle pour une entreprise comme la nôtre.”
Rendez-vous à Genève en 2023!

Fan de free ride, François Verdonnet a fait un partenariat avec le grand Izaac Simon pour un sublime ride promotionnel.

Le site de chanvre DC est accessible via ce lien

Bénédicte Desforges: la policière qui milite pour la légalisation du cannabis

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Soutenu par Yann Bisiou, François-Michel Lambert et Renaud Colson, le mouvement Police Contre la Prohibition (PCP) est une référence du combat pour la légalisation du cannabis en France. Exclusivement composé de représentants ou ex-représentants des forces de l’ordre, le collectif fait parti des voix qui pourraient bien faire pencher la balance en cas de réferundum surprise.  Zeweed a posé quelques questions à Bénédicte Desforges, la co-fondatrice du mouvement et la plume de leur compte Twitter au 11 000 followers.

Des gendarmes et des policiers contre la prohibition c’est inattendu! Quel est votre parcours et comment avez-vous eu l’idée de PCP?
Je suis une ancienne flic qui a toujours travaillé en uniforme sur la voie publique, à Paris et en banlieue. J’ai été dans la Police Nationale pendant une quinzaine d’années, notamment dans les Hauts-de-Seine, à Gennevilliers ou Nanterre mais aussi à Paris, dans le 18e arrondissement. Des coins pour le moins criminogènes.
Pour ce qui est de Police Contre la Prohibition (PCP), ce sont des policiers venus de tous bords qui s’intéressent aux problèmes liés aux drogues.

“Il s’agissait surtout de faire entendre la voix de ceux qui se trouvent en bas de la chaîne pénale”

Après avoir échangé entre nous, l’idée est venue fin 2018 de monter ce collectif car nous avions les mêmes intérêts et les mêmes conclusions concernant les stupéfiants, à savoir; légalisation du cannabis et dépénalisation des usages. Il s’agissait surtout de faire entendre la voix de ceux qui se trouvent en bas de la chaîne pénale.
Avocats, magistrats et autres associations existaient depuis longtemps mais les policiers, eux, ne se faisaient pas entendre. Nous devions amener notre parole et apporter un point de vue utile qui manquait. Le collectif est constitué d’une douzaine de membres qui en forment le noyau dur. Autour, gravitent plusieurs dizaines de policiers qui nous suivent, nous soutiennent, apportent sympathie et adhésion à nos idées.

On vous voit souvent sur Twitter parler de weed, répondre à des tweets sur le cannabis avec humour et détachement: est-ce que les membres de PCP sont des consommateurs?
Certains oui. En réalité on ne pose même pas la question. Pour nous, c’est un sujet qui relève entièrement de la vie privée et on veut que ce le soit également aux yeux de la loi. Demander si quelqu’un fume du cannabis est aussi pertinent que demander à quand remonte sa dernière cuite. Ce qui regarde un policier c’est de savoir si l’individu risque d’être un danger pour autrui.
Un simple exemple sur ce sujet, on souhaite que les conducteurs soient soumis à des tests comportementaux plutôt que de drogue qui peuvent vouloir tout et rien dire. Mais concernant le PCP, on est régulièrement accusé par d’autres flics d’être des gauchos, des collabos ou des consommateurs, alors que notre approche dépasse largement ces questions.

Comment agissez-vous pour faire avancer ces idées ?
On discute régulièrement entre nous pour savoir comment intervenir sur tel ou tel sujet sur les réseaux sociaux. Concrètement, on incite nos collègues à ne plus faire de procédures contre les consommateurs. On ne les aborde pas en leur disant qu’il faut légaliser le cannabis. On leur dit surtout que s’ils ne se posent pas la question, ils cautionnent la politique du chiffre qu’ils dénoncent à longueur de journée. Chacun dispose d’un libre arbitre et peut fixer une limite à ce qu’il va retenir ou non comme infraction.

“On incite nos collègues à ne plus faire de procédures contre les consommateurs”

Aujourd’hui vous n’êtes plus dans la police, comment cela se passait sur le terrain lorsque vous étiez en service ?
J’ai démissionné en 2012. Ma chance était de travailler dans un service insensible à la politique du chiffre. Si on ne voulait pas interpeller pour une barrette de shit on ne le faisait pas. Il existe des criminalités bien plus gratifiantes dont il faut s’occuper. Avec mes collègues, on avait tous cette position consistant à dire « cette répression est inintéressante, inutile et ne sert qu’à alimenter la politique du chiffre ». C’est un peu comme pour les piétons, personne ne verbalise ceux qui traversent au-delà des passages cloutés. Pour nous, cette logique s’applique aussi au fumeur de joints.

Vous pouvez détailler cette politique du chiffre ?
La répression concernant l’usage de drogue est facile à faire et est à 100% élucidée. C’est la poule aux œufs d’or de ce système. Dans les faits, les cadres de la police touchent des primes qui sont subordonnées à l’activité des effectifs. Les chefs mettent la pression pour toucher plus d’argent. Donc certains mettent l’accent sur les stupéfiants dans cet objectif. Mais ce qui est curieux c’est que les collègues se plaignent de tout ça, sans jamais faire le lien avec le besoin d’une réforme globale.

En septembre 2020 l’amende forfaitaire délictuelle a été mise en place avec un objectif: simplifier le travail des policiers . Qu’en pensez-vous ?
Des remontées dont on dispose, il s’agit d’une usine à gaz. On sait très bien que beaucoup ne vont jamais les payer et d’ailleurs, le taux de recouvrement est assez bas. Alors, oui, peut-être que cela allège le travail de la police et de la justice dans l’absolu, mais on a hâte de voir le bilan un an après concernant l’efficacité. Et, lorsque l’on prend du recul, on se dit surtout que l’amende délictuelle n’a rien à voir avec un quelconque souci de santé publique. On réprime la consommation mais dans quel but ?

“L’amende délictuelle n’a rien à voir avec un quelconque souci de santé publique”

Quelles seraient vos préconisations pour en finir avec la situation actuelle ?
Pour commencer, il faudrait un système comme au Portugal ou d’autre pays. Cela passe par tous les fronts, de l’autoproduction aux initiatives comme les social clubs en Espagne. Il est hors de question de tout laisser entre les mains du marché noir et de se priver de produits de qualité ainsi que de campagnes de préventions plus fluides.
D’ailleurs, j’insiste sur un point. Légalisation et dépénalisation vont ensemble. Du point de vue de la police, uniquement légaliser en pensant que cela va soulager notre travail est un non-sens car le marché noir persistera et on nous demandera toujours d’interpeller et de faire des saisies. De plus, comment distinguer un joint légal d’un joint illégal ? Il faut que la police puisse être réorientée sur des activités utiles et la répression des consommateurs n’en est pas une.

L’UPCBD lutte à armes légales pour sauver la filière chanvre bien-être française.

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Créée en juin 2020 , l’UPCBD est une association qui a pour mission d’assurer le développement du marché national du chanvre bien-être.  A sa tête, deux avocats :  Xavier Pizzaro (à qui l’on doit l’arrêté Kanavape) et Charles Morel, que Zeweed a rencontré pour discuter du système bancaire, de l’avenir de la filière et d’un certain arrêté du 30 décembre 2021…

Bonjour Maître, qui êtes vous et que faîtes-vous? 
Je suis Charles Morel, j’ai 51 ans, et suis avocat au barreau de Paris depuis 25 ans. Depuis le 21 juin 2021, je dirige l’Union des Professionnels du CBD (UPCBD).

Qu’est-ce que l’UPCBD ?
C’est un syndicat professionnel ayant pour objet la défense des intérêts de la filière du CBD.

A quel type de professionnels vous adressez-vous? Il y a déjà l’AFPC et le Syndicat du Chanvre, qui regroupent tous deux beaucoup de cannabiculteurs…
Nous nous adressons à tous les professionnels, nos adhérents sont très majoritairement des boutiques spécialisées, physiques ou digitales, indépendants ou franchisés. Nous comptons des franchiseurs , des grossistes, des laboratoires d’analyse, quelques producteurs, dont certains sont aussi d’ailleurs à l’AFPC, qui a vocation à représenter les cannabiculteurs. Nous développons par ailleurs un réseau de partenaires : professeurs de médecine, laboratoires, centre de formation, systèmes de paiement… Et j’espère bientôt une banque française.

Des banques ? Vous avez des pistes en France ? 
Je ne vais pas donner de nom par précaution mais la discussion avance bien. C’est un besoin très important pour nos adhérents. Ce CBD est un secteur encore mal vu par l’État, comme le démontre l’arrêté du 30 décembre 2021. On sait que dans le référentiel de conformité (compliance) des banques, le CBD figure dans la zone d’alerte et de produits interdits. Nous attendions avec confiance et optimisme la décision du Conseil d’État. Si, comme nous l’espérons, sa décision nous est favorable, nous interpellerons les organismes bancaires, la fédération des banques et le ministère de l’économie pour leur demander de sortir le CBD de ce classement des activités à risque.

 

C’est un vrai problème pour les entrepreneurs du cannabis légal…
Oui, c’est le problème du droit au compte. Vous avez droit d’ouvrir un compte mais après les banques font ce qu’elles veulent concernant les moyens de paiements, en indispensables pour travailler. Nous sommes sur le point de conclure un partenariat avec une société française proposant des moyens de paiement.

 

Charles Morrel, Avocat de la défiance

Pour le moment, certains ont trouvé la parade en ouvrant des comptes chez des banques non-françaises…
C’est un des effets secondaires du dogmatisme d’État sur la question du CBD. Le paradoxe, c’est qu’en réalité l’État français joue contre les consommateurs, les producteurs et les commerçants français du CBD, parce que les solutions alternatives en cas de blocage se trouvent à l’étranger. L’Etat provoque une perte de valeur considérable par une création de risque absurde, en méconnaissance totale du CBD. Cette difficulté systémique avec les banques est un des exemples de l’État qui joue contre ses citoyens et ses acteurs économiques.

L’UPCBD a été particulièrement active pour contrer cet arrêté du 30 décembre 2021…
Effectivement, avec Maître Xavier Pizzaro, l’avocat de l’UPCBD, et Yann Bisiou, maître de conférence spécialisé dans le domaine, l’UPCBD a fait le choix de saisir le Conseil d’État le 1er janvier sur la base d’un référé liberté, ce qui était un choix risqué mais à notre sens indispensable.
Devant le Conseil d’État, il y a deux types de référé : le référé liberté et le référé suspension, le premier est plus exigeant mais nettement plus rapide aussi. Je sentais une très grande urgence de la part des adhérents : du jour au lendemain, ils sont passés d’un statut de commerçant à celui de trafiquant, avec des marchandises qualifiées de stupéfiants, quel que soit le taux de THC présent, et des produits impossibles à vendre aux consommateurs ou à restituer aux fournisseurs.
Une vraie perte sèche, sans la moindre indemnisation ni délai de mise en œuvre. On a vu la brutalité avec laquelle le gouvernement a agi la veille du Réveillon.

“On a vu la brutalité avec laquelle le gouvernement a agi la veille du Réveillon”

Face à cette situation intenable, profondément anxiogène, Il y avait urgence, il fallait que le Conseil d’État se décide vite. Nous avons mobilisé nos troupes et récupéré des dizaines d’attestations comptables montrant la part de la fleur dans le chiffre d’affaires, environ 70 %, et donc la preuve de l’urgence. Ces commerces étaient menacés de faillite, de licenciements, du jour au lendemain. Nous avons plaidé le 14 janvier face aux représentants des gouvernement et obtenu dès le 24 janvier, une décision de suspension de l’interdiction de la fleur de chanvre CBD.
Dans l’intervalle de ces trois semaine nous avons sonné la mobilisation et soutenu les membres qui voulaient continuer à vendre de la fleur malgré l’interdiction en vigueur – interdiction manifestement illégale selon nous nous avons préparé et adressé à tous nos adhérents un argumentaire à destination des forces de l’ordre si jamais elles venaient dans les boutiques ou les entrepôts.

Vous vous êtes appuyés sur le droit européen ?
Absolument, nous nous sommes appuyés sur l’arrêt Kanavape, rendu par la CJUE le 19 novembre 2020. Le gouvernement en avait fait une lecture très incomplète, pour le dire gentiment. Quand la Cour de justice de l’Union européenne a statué, elle n’a pas écarté la convention unique de 1961 sur les stupéfiants, qui définit le droit international en la matière. Elle a au contraire considéré que la convention devait être interprétée, non pas de manière littérale, mais, dans une lecture téléologique, au regard de sa finalité, qui est la protection de la santé humaine. Le CBD n’ayant pas de nocivité avérée ni de caractère psychotrope, la CJUE a constaté que le CBD n’est pas un stupéfiant.

Vous avez débloqué cette situation de manière provisoire, c’est ça ? 
Oui et non, il s’agit d’une suspension mais avec bon espoir de l’emporter au fond, auquel cas ce qui n’était que provisoire deviendra définitif. Il est très rare que le Conseil d’État suspende un texte règlementaire. Normalement, le délai pour statuer de manière définitive est d’un ou deux ans, mais là ça sera plus court. Ça peut aller très vite, nous pouvons recevoir un avis d’audience huit jour avant l’audience. Il est possible que cette audience ait lieu dès le mois de juin.

“Il y a d’autres menaces qui pèsent sur la filière telle qu’elle est constituée aujourd’hui”

Comment vous vous y préparez avec Maître Pizzaro et Yann Bisiou ? 
Il n’y a pas de préparation de l’audience proprement dite, contrairement à la suspension du référé liberté où les débats ont duré plus de trois heures. Contrairement à la procédure de référé, où l’écrit et l’oralité se complète de manière équilibrée, la procédure au fond est écrite, seul un avocat au Conseil peut s’exprimer, par observation, quelques minutes maximum. Les efforts de notre équipe juridique se sont donc concentrés sur la rédaction des recours et du mémoire en réponse.

Vous avez bon espoir pour le futur de filière CBD française ?
Oui, et d’abord pour commencer sur cette décision de reconnaitre la légalité de la fleur. Il y a d’autres menaces qui pèsent sur la filière telle qu’elle est constituée aujourd’hui. Notamment la question de la qualification thérapeutique. Nous avons ainsi été contraints d’attaquer le décret du 7 février 2022 sur le cannabis à usage médical. Nous ne sommes pas contre le cannabis à usage médical, évidemment, nous sommes au contraire en faveur de l’utilisation optimale de tous les atouts du chanvre. Mais il y a dans ce décret une nouvelle procédure de classement en médicament, et qui nous parait totalement arbitraire, avec un risque sur la commercialité des produits que l’on trouve actuellement dans les CBD-shops. Nous avons vu avec l’arrêté du 30 décembre 2021 que l’État était prêt à liquider la filière du jour au lendemain, cela nous contraint à une grande vigilance. Nous sommes confiants sur le sens de la décision que rendra le Conseil d’État, mais toujours attentifs aux autres tentatives de déstabilisation.

“Nous avons vu avec l’arrêté du 30 décembre 2021 que l’État était prêt à liquider la filière du jour au lendemain”

Ce que nous disons au gouvernement, c’est que nous sommes prêts à travailler avec lui. En amont, nous avons réfléchi repose sur trois piliers : en premier lieu, après cette phase d’affrontement totalement contreproductive avec l’Etat, une réglementation qui permette plus de liberté, nécessaire aux acteurs de la filière. On préconise, par exemple, un taux de THC fixé à 1 % au lieu des 0,3%, dans la perspective d’une harmonisation des taux au niveau européen pour éviter la concurrence déloyale des autres pays producteurs.
Mais aussi et surtout pour la qualité de la fleur, afin d’obtenir le meilleur profil terpénique en évitant tous les procédés artificiels destinés à faire redescendre le taux de THC. Ce qui suppose un élargissement du catalogue européen à des variétés autres que celles qui y figurent actuellement, utiles pour la culture du chanvre industriel mais inadaptées à la culture du chanvre CBD. Nous voulons une fleur naturelle et française. C’est le deuxième volet de la règlementation que nous proposons : mettre en place des mécanismes sécurisant et consolidant la filière agricole française des cannabiculteurs, leur permettre d’investir et d’obtenir des revenus stables correspondant à la valeur de leur travail.

“On préconise, par exemple, un taux de THC fixé à 1 % au lieu des 0,3%”

L’UPCBD a pris l’engagement de s’inscrire dans une dynamique destinée à ce que les boutiques vendent a minima 50 % de produits français. Le troisième volet de la règlementation porte sur la protection des consommateurs. Les consommateurs doivent bénéficier d’une information transparente, exacte et complète, avec des produits de qualité.  Nous voulons garantir des bonnes pratiques tout au long de la chaine de valeur, de la production jusqu’à la vente au détail, en passant par l’extraction, l’entreposage, le transport et toutes les étapes qui sépare la plantation de la semence de la consommation finale.

Charles Morel,

C’est par rapport aux différents procédés légaux à l’étranger, qui permettent le lavage et de re-terpéniser les fleurs ?
Oui bien sûr. Nous sommes vraiment engagés en tant que filière bien-être. Cela implique une offre de produits les plus naturels possible, en évitant les processus artificiels, les solvants, les pesticides, etc… C’est essentiel. Les produits à base de CBD, on les ingurgite, on les met sur la peau, sous la langue, on vaporise, on inhale. C’est notre corps, il est sacré. C’est la même logique que pour les fruits et légumes, il faut qu’ils nous fassent du bien. Si nous nous engageons en faveur d’une filière agricole française, c’est pour favoriser les circuits courts, la traçabilité, des procédés agricoles vertueux, des produits de gamme supérieure.

Vous avez un levier d’action sur ces problématiques ?
Oui, de différentes manières. On veut participer à la réglementation et montrer que nous sommes responsables. Pour résumer, nous sommes sûrs de notre bon droit et conscients de nos devoirs. Nous sommes dans une situation paradoxale, l’interdiction est suspendue mais il n’y a pas de règlementation. Nous voulons que la filière soit fondée sur une réussite réelle, authentique et durable, et que la légitime recherche du profit se fasse dans le respect des valeurs fondatrices de la filière, dans le but d’améliorer le bien-être général de la population. Entre le cannabis médical, bien-être et même récréatif s’il devait être légalisé, nous considérons qu’il y a de la place pour tout le monde. Et pour la vente aussi, il y a de la place pour les CBD-shop, les buralistes et même la grande distribution, que je trouve tout de même opportuniste sur le sujet, avec une logique de profit. Pour nos adhérents, nous faisons le pari que la qualité peut permettre d’installer cette filière dans la durée. La qualité des produits, de l’information et de la relation avec les consommateurs.

“Entre le cannabis médical, bien-être et même récréatif s’il devait être légalisé, nous considérons qu’il y a de la place pour tout le monde”

Avec le second mandat du président Macron, vous pensez qu’on pourrait avoir une évolution positive de cette législation, un peu comme ce qu’il se passe en Allemagne actuellement ?
Emmanuel Macron avait l’air assez libéral sur le sujet en 2017 et finalement, les circonstances politiques ont fait dévier le centre de gravité de sa politique vers la droite, avec la nomination de gens plutôt réfractaires à une vision libérale. Nous faisons face pour l’instant de la part de l’Etat à un mélange de démagogie et de méconnaissance du sujet. La légalisation du cannabis récréatif en Allemagne n’a pas encore eu lieu, mais elle peut créer une énergie, une dynamique qui peut se diffuser en France. Quelle conclusion en tirera Emmanuel Macron ? Il est capable on l’a vu, comme sur le nucléaire, de revirement spectaculaire. Ce n’est pas mon rôle de militer pour la légalisation du cannabis récréatif, je ne peux simplement que constater l’échec total de la politique de prohibition. Mais, parce que le CBD n’a pas de caractère psychotrope, le sort de la filière CBD n’est pas indexé sur celui du cannabis récréatif, elle obéit à une logique distincte avec un agenda spécifique car. Quel que soit le gouvernement, Il n’y a aucune raison d’appliquer à un produit non-stupéfiant une prohibition qui a échoué sur les stupéfiants.

Votre actualité pour l’été avec l’UPCBD ?
Nous sortons de notre premier séminaire à Paris, c’était le 23 mai, qui a été une vraie réussite, avec des intervenants d’horizons divers, sur les sujets essentiels, des débats sans tabou et une volonté très forte de montée en gamme. Nous avons à cette occasion signé un partenariat avec un organisme de formation, Campuseo, pour mettre en place une formation certifiée en incluant les meilleurs experts du sujet.

“L’idée, c’est de monter une intersyndicale pour porter des propositions communes avec l’AFPC, le SPC et l’Union des professionnels du CBD”

Une filière existe à partir du moment où il existe des formations certifiées à disposition de ceux qui y travaillent. C’est très important. Elle couvrira l’ensemble de la chaîne de valeurs du processus pour le CBD, de la fabrication au détaillant, avec toutes les problématiques. Nous avons aussi longuement debattu de la stratégie à mettre en place. Le président et le porte-parole de l’AFPC, avec laquelle nous travaillons sur un plan filière, sont intervenus. L’idée, c’est de monter une intersyndicale pour porter des propositions communes avec l’AFPC, le SPC et l’Union des professionnels du CBD.
Avancer unis pour valoriser la filière française et lever les obstacles. Nous avons des contacts avec les institutions, notamment les douanes, qui attendent comme nous la décision du Conseil d’Etat pour y voir plus claire. Nous avons la volonté de dialoguer avec tous, et nous nous tenons prêts. Nous allons faire en sorte de bâtir une belle filière française, qui soit une fierté pour nous et un bienfait pour tous.

Interview réalisée en juin 2022

La Fédération Interprofessionnelle de la Vape (FIVAPE) aspire à faire fumer sainement du CBD aux Français

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Bousculer les règles est pour Jean Moiroud une seconde nature. En témoigne la cause qu’il défend ;  faire reconnaître la vape comme un outil de santé par les pouvoirs publiques. Zeweed a rencontré le président de la Fédération Interprofessionnelle de la vape (FIVAPE) pour faire le point sur la plus saine des façons de fumer, que ce soit du tabac ou du CBD.

Bonjour, qui êtes-vous et que faites-vous?
Je suis Jean Moiroud et je préside la Fédération Interprofessionnelle de la vape (Fivape) depuis 2016. Je suis également fabricant d’e-liquide depuis 2012.

Quel est le rôle de la FIVAPE et depuis quand existe-t-elle?
Nous unissons et représentons l’ensemble de la filière française des produits du vapotage, des fabricants aux distributeurs, avec la particularité d’être totalement indépendants de l’industrie du tabac. Nous nous adressons aux responsables publics, politiques et médiatiques. Notre mission est de faire en sorte que la vape ait sa place qu’elle mérite dans les politiques de santé publique.
Quant à sa création, cela fait maintenant 8 ans que la FIVAPE existe. Elle a été fondée en 2014 à la suite de l’adoption, au niveau européen, de la Directive sur les Produits du Tabac, qui encadre encore aujourd’hui les produits du vapotage.

“le vapotage est depuis plusieurs années l’outil préféré des français pour quitter le tabac”

Quels sont les moyens d’action de la FIVAPE ?
Nos actions sont financées uniquement par les cotisations de nos adhérents, qui souhaitent défendre leurs produits et leur secteur d’activité. En France, nous avons la chance de pouvoir compter sur une filière unie et engagée avec plus de 700 entités commerciales, le syndicat le plus représentatif d’Europe sur les métiers de la vape.
Nous sommes toutefois contraints d’agir dans un cadre limité : la publicité et la propagande pour les produits du vapotage est prohibée. Nos actions sont moins ostensibles : convaincre les responsables publics et politiques de l’utilité du vapotage, être l’interlocuteur de référence auprès des médias sur ce sujet, produire du contenu prospectif et scientifique à destination des autorités de santé, etc…

Comment abordez-vous la vape de CBD ?
Les produits de vapotage au CBD ont fait leur apparition très tôt. Au-delà des aspects économiques, au niveau de la filière (celui de la Fivape), la question centrale autour du CBD a été de se demander si cette molécule avait un intérêt pour aider nos clients à arrêter de fumer. C’est ainsi que de nombreux produits du vapotage au CBD ont trouvé assez naturellement leur place dans les boutiques spécialisées.
Certaines entreprises de la vape sont d’ailleurs aujourd’hui très actives dans la filière CBD et produisent des cosmétiques aux produits comestibles. Notre principale retenue concerne les fleurs. C’est une présentation qui est destinée à être consommée fumée, et ça, c’est clairement contraire à notre engagement en réduction des risques.

La vape de CBD peut-elle représenter un enjeu économique de taille?
Pour les professionnels de la vape, toute molécule qui présente potentiellement ou de façon avérée un intérêt quant à l’arrêt du tabac ou de la combustion au sens large, doit être appréhendée. D’abord d’un point de vue sanitaire, ensuite si le potentiel économique est là, c’est encore mieux.
La construction de notre identité de filière et de notre respectabilité s’est faite progressivement et au prix d’efforts considérables. Nous devons rester prudents face aux innovations, tout en conservant l’ouverture d’esprit et le pragmatisme qui caractérise les professionnels de la réduction de risques.

“l’objectif sanitaire doit être d’arrêter la combustion”

Au même titre que pour la cigarette, la vape de CBD peut-elle être une alternative pour les fumeurs de cannabis ?
Oui, très clairement. Mais nous préférons parler de solution d’aide à l’arrêt de la combustion. Le cannabis est historiquement consommé avec du tabac en France. C’est une spécificité européenne qui a des conséquences dramatiques en termes de santé publique. L’addiction supplémentaire du tabac crée une toute autre catégorie de fumeurs – les fumeurs de joints – qui s’ignore bien souvent en tant que telle et échappe aux circuits de prévention et de prise en charge des addictions au tabac.
Je profite de cet espace pour le redire : les fumeurs de joints sont des fumeurs.

Pour nous professionnels de la vape, c’est un vrai sujet  à traiter “au comptoir”, face à des clients qui veulent adopter une cigarette électronique pour arrêter le tabac mais pas les “joints du soir”.  Nous nous devons de les reconnaître et de leur proposer des solutions. La réduction du risque la plus intéressante vient de l’arrêt total de la combustion. Pour un fumeur de cigarette comme pour un fumeur exclusif de joints avec du tabac ou un poly-consommateur, l’objectif sanitaire doit être d’arrêter la combustion.
A ce titre, les produits au CBD apparaissent comme très complémentaires de nos solutions de délivrance de la nicotine. L’apport du CBD et plus encore celui d’un spectre large de cannabinoïdes permet de conduire les fumeurs de joints vers un arrêt total de la combustion tout en satisfaisant une large partie de leurs besoins.

Quels sont les avantages de la vape de CBD ?
Ils sont identiques à ceux d’un arrêt du tabac avec la vape : une réduction du risque à plus de 95%. Pour le corps, arrêter la combustion et passer à la vape c’est comme arrêter totalement… et avec les effets que cela entraîne ! Retrouver l’odorat, le goût et le souffle et se sentir mieux au quotidien sont les bénéfices “classiques” de l’arrêt, mais ça ne fait jamais de mal de les rappeler.
Le succès des fleurs de CBD est un marqueur générationnel important : il répond à un besoin de changement chez beaucoup de fumeurs. Je suis né dans les années 80 et j’ai de nombreux amis qui y ont vu une façon de se distancier de leur consommation historique de cannabis. Le besoin d’arrêt est là, il faut juste l’accompagner. Pour nous le CBD peut parfaitement y répondre… mais pas sous toutes ses formes !

“Il reste plus de 15 millions de fumeurs dans notre pays (…) ce sont autant de clients à convaincre”

Après un départ fulgurant, le marché est-il toujours aussi dynamique?
Oui, les boutiques de vape font partie du paysage urbain et le marché reste dynamique. Les boutiques de vape ont été reconnues comme essentielles pendant les confinements, ce qui est une reconnaissance de leur utilité sociale. On en compte aujourd’hui plus de 3000 et les ouvertures continuent, mais plus lentement. Il reste plus de 15 millions de fumeurs dans notre pays. C’est considérable par rapport à nos voisins européens, mais pour la vape ce sont autant de clients à convaincre. C’est un business sérieux, exercé par plus de 15 000 personnes en France, et je peux vous dire que les témoignages d’ex-fumeurs libérés du tabac grâce à la vape, il n’y a pas mieux pour avoir envie de se lever le matin !

 

“Je n’ai pas honte de dire qu’en 2022, fumer de l’herbe est ringard”

 

“Je trouverais dommage de rater le virage d’une légalisation intelligente, qui coche à la fois les cases du progrès sociétal et sanitaire”

La vape et le chanvre bien-être, même combat ?
Il existe énormément de convergences entre les combats pour le CBD et ceux de la vape. Nos crédos sont très similaires : acceptation sociale des produits que nous défendons, ancrage fort avec l’univers de la réduction des risques, correction des fausses perceptions auprès du grand public et des pouvoirs publics, progrès sociétal, etc… Mais selon moi, l’intersection sur laquelle nos deux univers devront se retrouver à un moment, c’est celle de la santé et de l’arrêt de la combustion.
Il faut être à l’avant-garde de son combat. Je n’ai pas honte de dire qu’en 2022, fumer de l’herbe est ringard et cancérigène.
Par contre, pouvoir librement acheter un vape-pen qui produira les mêmes effets en 2 bouffées, tout en ayant un impact insignifiant sur la santé, ça c’est un vrai progrès.  A ce titre, je trouverais dommage de rater le virage d’une légalisation intelligente, qui coche à la fois les cases du progrès sociétal et sanitaire.

Un scoop pour Zeweed?
Pour faire entendre les demandes de notre filière, nous sommes en train de finaliser un livre blanc qui récapitule nos 10 principales propositions. Produire des contenus utiles, faire avancer la réflexion sur la réduction des risques : une mission qui continue !

Jean Baptiste Moreau creuse le sillon de la légalisation

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Jean Baptiste Moreau fait parti des élus LREM qui se sont ouvertement prononcés pour une fin d’interdiction de l’herbe, quitte à froisser la ligne prohibitionniste du gouvernement et du candidat Macron qui se dit “défavorable à la légalisation”  Dans un entretien accordé à Zeweed*, le député et rapporteur de la mission d’information sur le cannabis nous confiait pourtant que la légalisation du cannabis serait au programme du candidat à la présidentielle 2022. Faudra-t-il attendre les législatives pour que l’ex et futur locataire de l’Elysée (s’il est élu) tienne promesse? Il y a un an, le député de la Creuse y croyait en tout cas.

Jean-Baptiste Moreau doit aimer l’herbe. Quand il ne s’occupe pas de celle que vont brouter quotidiennement les 300 vaches de son exploitation agricole, c’est de celle que fument les français dont il se mêle, en soutenant la légalisation du cannabis. Membre de La République En Marche dont il est porte-parole depuis 2019, Jean Baptiste Moreau est député de la Creuse depuis 2017. A contre-courant de la politique du gouvernement, il recommande en mai dernier la fin de la prohibition sur la cannabis à l’occasion de la remise du rapport de la mission d’information sur le cannabis (MIC).
Sa pugnacité et celle d’autre rapporteurs LREM de la MIC comme la députée du Loiret Caroline Janvier aura payé, puisqu’un référendum sur la légalisation serait au programme électoral d’Emmanuel Macron  pour les élections présidentielles de 2022. L’élu creusois nous a accordé un entretien téléphonique depuis sa voiture, garé sur une aire d’autoroute de son département.

Quel regard porter sur 50 ans de prohibition?
Celui d’un échec total. Malgré la prohibition, la consommation n’a cessé d’augmenter en France. A tel point que nous sommes le plus gros consommateur de cannabis d’Europe, avec une des politiques les plus répressives. On voit bien que cette gestion, qui aboutit à un million de consommateurs réguliers dans l’hexagone, ne fonctionne pas. Ca me rappelle la prohibition de l’alcool aux USA de 1929 à 1933, à laquelle Roosevelt a judicieusement mis un terme.
La prohibition ne peut pas fonctionner pour des consommations de masse comme l’alcool ou le cannabis.

“La prohibition ne peut pas fonctionner pour des consommations de masse comme l’alcool ou le cannabis”.

La Mission d’Information Parlementaire sur le Cannabis (MIC), dont vous êtes rapporteur, a rendu son rapport qui recommande entre autre la légalisation du cannabis récréatif. Pourtant, le gouvernement continu de camper sur des positions prohibitionnistes : Tout ça pour ça?
Effectivement, c’est un peu frustrant. Après, nous verrons si le temps donne raison à nos recommandations. Pour moi, qui ai suivi une formation scientifique, je pars du principe que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Nous avons mené une politique de prohibition sans aucun succès durant 50 ans. Je ne vois pas pourquoi cette même politique fonctionnerait aujourd’hui ou dans les 20 prochaines années. Ce n’est pas en multipliant les effectifs de police que l’on va éradiquer le marché illégal. Un commissaire haut gradé de la brigade des stupéfiants me confiait récemment le coté illusoire et vain de cette lutte contre le deal: quand une opération est menée, avec tout ce que cela suppose en mobilisation d’effectifs et de moyens, trois autre points de vente apparaissent le lendemain. On sait le caractère inefficace de la prohibition, mais on continu à s’entêter dans cette voie.

“Nous avons mené une politique de prohibition
sans aucun succès durant 50 ans.
Je pars du principe que les mêmes causes
produisent les mêmes effets”.

Quel est le point de blocage qui empêche la France d’aborder le problème comme l’on fait le Canada, les USA et une grande partie des pays membres de la communauté Européenne qui ont assouplit leur législation ?
Je pense que nous sommes restés dans une position trop dogmatique sur le sujet, et que les ministres concernés par ce dossier ignorent tout bonnement la question pour des raisons personnelles. En exemple, le premier ministre, qui est en charge de la réécriture de l’arrêt de 1990 (qui encadre les dispositions entourant la vente de chanvre bien-être NDLR) n’a même pas lu notre rapport sur la question CBD, fruit de deux ans de travail. Autant dire que ce n’est pas très engageant pour ouvrir un dialogue.
Encore une fois, les à-priori et positions dogmatiques tuent dans l’oeuf toute discussion. Quand je constate que certains membres du gouvernement  font encore la confusion entre CBD et THC… je ne peux que regretter que les travaux de la MIC n’ai même pas été gratifiés d’une lecture. C’est dommage, ça aurait contribué à grandement clarifier le débat.

“Certains membres du gouvernement
  font encore la confusion entre CBD et THC”

De fait, nous sommes encore dans la caricature,  quand j’entend par exemple certains ministres opposer à la légalisation le danger de l’escalade vers des drogues dites dures. C’est tout le contraire! C’est justement parce qu’aujourd’hui, le dealer a tout intérêt à vendre autre chose que du cannabis qu’il propose des drogues addictives et dangereuses, son intérêt étant d’accrocher le client.
Or, une des idées force de la légalisation est de couper du marché noir les consommateurs de cannabis!

Jean-Baptiste Moreau, la légalisation, il y croit dur comme vert.

La député LREM Caroline Janvier nous confiait dans un récente interview qu’un référendum sur la légalisation serait très vraisemblablement au programme d’Emmanuel Macron pour les présidentielles de 2022. Vous y croyez?
Oui, j’y crois. A l’image de ce qu’a fait Justin Trudeau au Canada (qui a légalisé le cannabis récréatifs quelques semaines après son élection en 2018 NDLR).
J’y crois parce que les positions du président sur la question, sauf dernièrement, ont toujours été mesurées. Il n’a pas de certitudes sur le sujet, et à ce titre, je crois en la capacité du LREM à en faire un des axes de sa campagne présidentielle.
Dans ce cadre-là, un référendum sur la légalisation du cannabis me paraît très probable.
D’ailleurs, il en a parlé récemment, de cette volonté d’organiser un débat autour de cette question.

“Dans le cadre de la campagne présidentielle (…)
Un référendum sur la légalisation du cannabis me paraît très probable”.

Ce serait pour quand, ce référendum, si Emmanuel Macron venait à être réélu?
Pour le premier semestre suivant l’élection. Encore une fois , à l’image de ce qu’a fait le premier ministre canadien Justin Trudeau, ce genre de décision s’impose en tout début de mandat, sinon, ça n’a pas de sens.

Et cette légalisation, justement, vous la voyez comment? Entièrement régie par l’Etat, comme l’imagine François-Michel Lambert, ou plus ouverte comme la conçoivent Caroline Janvier ou Eric Coquerel?
Je suis pour que l’Etat joue un rôle de régulation et de contrôle. Le but n’est pas de suivre un modèle type Colorado où c’est du tout-business avec de la publicité pour encourager à consommer ce qui reste tout de même une drogue. L’idée est de faire baisser la consommation, pas de l’inciter. Il m’apparaît important que l’Etat contrôle la distribution et la qualité des produits mis en vente. Je suis pour un commerce du cannabis sous contrôle de l’Etat et non pas fait par l’Etat. On voit bien que quand la production, la transformation et la distribution sont entièrement régies par l’Etat, comme en Uruguay, les résultats ne suivent pas:  le marché noir subsiste.

“Au Canada on voit que ça marche,
la consommation de cannabis chez les mineurs
est en baisse dans tout le pays”

Un modèle à la canadienne, le Québec** mis à part?
Oui, au Canada on voit que ça marche;  la consommation de cannabis chez les mineurs est en baisse dans tout le pays ainsi que la consommation de bière, avec des profits substantiels enregistrés dans les caisses de l’Etat. Après, il faut que cet argent dégagé sur les ventes de cannabis serve à mener des campagnes d’information et de prévention dans les écoles et quartiers sensibles. Il s’agit de créer un cercle vertueux.

Sur le récréatif, vous croyez à une filière française?
Pas en intégralité: les filières d’approvisionnement qui existent, il va falloir les traiter d’une façon ou d’une autre en les intégrant légalement au marché.  Bien entendu en contrôlant la qualité et le mode de production des produits importés. Sur cet axe, je pense notamment au Maroc. Nous avons des atouts pour proposer des produits de qualité, mais ne compter que sur la filière française pour alimenter ce marché me paraît peu réaliste.

Et vous, vous l’avez expérimenté ce cannabis récréatif?
Ca fait quelques années maintenant, mais oui, j’ai essayé. Quand on est jeune, on essaye des choses..  et lors de fêtes, ça m’est arrivé d’en consommer. A titre personnel, je n’en garde pas un souvenir impérissable: ça me donnait mal à la tête (rires)

*Interview réalisée en juillet 2021
**Au Québec, c’est le gouvernement de la province qui assure la production et la vente de cannabis dans des dispensaires d’Etat gérés par la SQDC.

 

Caroline Janvier “Je vois bien Macron porter la légalisation du cannabis en 2022”

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Alors que le remake du second tour 2017 Emmanuel Macron vs Marine Le Pen se profile sur fond d’enchère sécuritaire, Zeweed a retrouvé une interview de la députée LREM Caroline Janvier* qui en juin dernier**, nous disait voir Emmanuel Macron proposer un référendum sur la question s’il était élu. Après avoir largement dragué l’électorat de droite, le Président sortant tentera-t-il un coup de filet électorale chez les jeunes gauches en promettant une consultation nationale sur la question cannabique?

Dans le paysage politique français, vous faites partie des parlementaires qui souhaitent la légalisation du cannabis, quitte à être en désaccord avec la ligne de l’actuel gouvernement. Qu’est-ce qui vous a poussé à mener ce combat?
Ce qui m’a poussé à m’investir sur ce sujet sensible, alors que c’est mon premier mandat d’élue, c’est le constat d’échec de la politique répressive menée depuis 1970. Alors que nous avons les dispositions légales les plus coercitives d’Europe, la France continue d’y afficher la plus grande proportion de consommateurs de cannabis. Pendant 50 ans, les gouvernements successifs ont approché la question de manière idéologique et morale, privilégiant l’interdiction à l’efficacité, le jugement de valeur aux enjeux de santé publique. A cette forme d’entêtement basée sur des préjugés, une nouvelle approche s’impose.

“en 2022, du coté de En Marche (…) nous aurons des évolutions”

51% des français sont favorables à la dépénalisation et pourtant le gouvernement campe sur la position prohibitionniste. Cela veut-il dire que la légalisation est impensable jusqu’en 2022?  Ou sous une second mandat d’Emmanuel Macron?
Elle n’est pas impensable mais elle n’est pas prévue, ça me paraît très peu probable durant ce mandat. En revanche en 2022 (pour les élections présidentielles NDLR), du coté de En Marche comme dans d’autres formations politiques, je pense que cela fera parti des sujets incontournables lors des élections présidentielles. Nous aurons à ce moment-là des évolutions, ou en tous cas une approche qui sera moins dogmatique et moins dans la posture partisane.

Caroline Janvier, Cannabis, LREM, weed,
Caroline Janvier voit Emmanuel Macron porter la légalisation en cas de second mandat. Green is good.

Cela veut-il dire que le candidat Emmanuel Macron pourrait à ce moment là porter la légalisation, à l’instar de Justin Trudeau au Canada en 2018?
Oui, je vois bien Emmanuel Macron, le candidat, porter la légalisation du cannabis et proposer aux français choisir, sous forme d’un référendum, d’une convention ou d’un débat publique. Je pense que cela fait parti des possibles et j’y travaille ardemment. Je viens d’écrire un livre sur le sujet cannabis qui va sortir dans les prochains jours et qui est publié par Point d’Orgue, qui est une maison d’édition rattachée au mouvement En Marche… Tout ça pour vous dire qu’au sein du mouvement En Marche, il y a une vraie réflexion là-dessus, avec par exemple “Les Jeunes avec Macron” qui sont favorables à la légalisation. C’est un sujet sur lequel il y a des débats et une réflexion.

“laisser les français choisir, sous forme d’un référendum”

Cette légalisation, comment la concevez-vous? Ouverte et vecteur d’intégration comme l’imagine Eric Coquerel (député LFI) ou sous monopole d’Etat comme le souhaite François-Michel Lambert (député vert LT) ?
Je conçois une légalisation ouverte au privé, mais responsable. On a vu qu’en Uruguay ou au Québec, il y a une forme d’échec de l’offre entièrement publique dans la mesure où cette offre n’est pas assez concurrentielle pour parvenir à assécher le marché noir.
Je crois qu’il faudrait qu’il y ait une régulation de l’Etat sur la production, la transformation et la distribution du cannabis, mais avec une forme d’efficacité. S’il y a trop de normes et de taxes, le consommateur continuera à se tourner vers le marché noir et les grands acteurs privés du cannabis légal ne se lanceront pas. Il nous faut développer une filière française, un filière d’excellence proposant une offre variée. Il s’agit de trouver une position intermédiaire entre quelque chose de trop ferme et restreint comme au Québec ou en Uruguay,  et une légalisation débridée comme c’est le cas au Colorado, où il y a une approche marketing et commerciale ne permettant pas d’atteindre les objectifs de santé publique. Il faut éviter l’incitation et à mon sens la commercialisation de produits comestibles au THC et de concentrés.

Ce serait une légalisation à l’image du modèle Canadien?
Tout à fait. Mis à part le Québec qui est dans un régime de légalisation particulier (Au Québec, la vente se fait exclusivement via des succursales de la SQDC, société d’Etat, NDLR), dans les autres provinces, le commerce du cannabis est assuré dans des dispensaires gérés par des entreprises privés, mais avec des licences et un cahier des charges très strict en matière de santé publique. Et les résultats sont là puisque le pays affiche une baisse de la consommation chez les mineurs. Le modèle Canadien est à ce titre intéressant.

“Dépénaliser (…) c’est du laxisme”

En Italie, l’auto-culture est dépénalisée dans une certaine limite. Est-ce que dépénaliser l’auto-culture ou le cannabis peut être un premier pas vers la légalisation?
Je ne suis pas pour les demi-mesures. Je pense que nous en sommes arrivés à un stade où la question doit être abordée de façon globale. Dépénaliser l’auto-culture ou le cannabis ne résoudrait pas les problèmes de contrôle de la qualité ou celui du marché illégal. On le voit au Portugal qui a dépénalisé: les réseaux criminels continuent de prospérer. Ce serait à mon sens faire preuve de laxisme. Il faut un cadre ferme et respecté: au Canada par exemple, la vente de cannabis à un mineur est passible de 14 ans de prison.
J’aimerais que l’on ait une politique très ferme envers les vrais risques: interdire la consommation aux moins de 21 ans, la résine trop forte ou coupée, ainsi que les concentrés ou le cannabis de synthèse.

Et vous, ce cannabis que l’on dit récréatif, vous l’avez expérimenté?
Oui, comme un français sur deux, mais bien avant mon mandat (rires).

 

*Caroline Janvier et députée LREM du Loiret et rapporteuse de la mission d’information sur le cannabis (MIC)
**Interview réalisée le 22  juin 2021
Propos recueillis par Alexis pour Zeweed

 

Cannabis, et si on regardait les choses en Face?
de Caroline Janvier
Editions Point d’Orgue,
7€
Le livre est disponible sur ce lien