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De la brique à la fleur, ou comment les argentins se sont mis à la bonne weed.

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Progrès de la botanique et production locale aidant, les argentins ont peu à peu délaissés la brique pour la fleur (de cannabis), une différence de conditionnement qui au delà d’offrir une weed de qualité, la propose via des réseaux de production plus sains. Notre Gonzo correspondant Steve Voser nous en parle, crash-test à l’appui.

“Je vais acheter de la weed ce week-end, tu veux choper?” 
Environ un mois après avoir déménagé de Melbourne à Buenos Aires, un nouveau collègue de travail m’envoie un e-mail avec cette question qui ensoleillera ma journée.
Je frappe un «OUI !!!» catégorique sur mon clavier et, quelques jours plus tard, me retrouve dans son appartement du centre-ville, impatient de mettre la main sur mon premier lot de 25g de bonne ganja argentine.

Herbe en brique

C’est dans la cuisine, c’est à l’intérieur d’un paquet de Marlboro“, me lâche-t-il.
La phrase qui tue. “Dans un paquet de Marlboro” : 25 grammes dans un paquet de clopes, ça sentait pas bon la weed qui respire dans un vaste pochon. Avant même d’avoir vu mon acquisition, je fleurai la déception.
Bon gré mal gré j’ouvre le paquet et là:

Une brique épaisse et brune criblée de bâtons et de tiges, le tout puant l’ammoniac.
“Comment est-ce que je coupe ça?” interrogeai-je.
Après avoir réussi à scinder la brique en deux avec un couteau à steak, je parvins à rouler un joint fin et bosselé et m’extirpa sur le balcon pour fumer la chose.
Alors que je contemplais l’air épais d’un début de soirée d’été à Buenos Aires, j’ai eu mon premier goût de « Paraguayo » .
Ma tête est devenue instantanément lourde, mon corps entièrement engourdi. Je rinçais chaque taffe avec une gorgée de bière pour enlever le sale gout.

Le « Paraguayo » (ou « Prensado ») est un type de ganja qui domine le marché argentin du la weed depuis des années.
Il est expédié depuis l’autre côté de la frontière, du Paraguay, le deuxième plus grand producteur de marijuana en Amérique latine, et est vendu conditionné en briques de 25 g compressés à la César.
Pendant longtemps, le Paraguayo était la norme cannabique en Argentine, une donne qui a rapidement changé.
Aujourd’hui, les enthousiastes argentins de la belle plante recherchent de plus en plus activement les « flores » (ou bud/ fleurs de cannabis), les teintures, les crèmes et occasionnellement les extraits.

Militantisme cannabique

Au cours des dernières années, les militants argentins de la weed se sont battus pour légaliser le cannabis à des fins médicinales, mais aussi récréatives.
En 2017, le gouvernement fédéral a partiellement légalisé le cannabis thérapeutique même s’il a condamné et incarcéré des patients qui cultivaient et produisaient leur traitement chez eux.
Le droit de cultiver pour un usage personnel, ou «autocultivo» est toujours au cœur du débat sur la légalisation en Argentine et la raison d’être d’ONG comme CAMEDA et Mama Cultiva, qui milite pour un meilleur accès au cannabis.

«Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de sensibilisation et un mouvement plus important autour du cannabis, et je pense que le fait que la plante ait des propriétés médicinales signifie que les gens changent leurs perceptions à ce sujet», explique Agustin, 32 ans et designer dans l’audio visuel.
«Cet été, j’ai cultivé 2 plantes à l’extérieur. Je ne voulais pas continuer à acheter de l’herbe; je voulais cultiver le mien et savoir ce que je fumais», poursuit-il.

Circuit court

Agustin fait parti d’ une communauté grandissante de cannabis-aficionados en Argentine qui cultivent et en vendent une partie.
En général, les Paraguayens sont de bons cultivateurs, mais ils commettent des erreurs impardonnables lors des récoltes et des processus de pressage“, analyse Matías Maxx dans un rapport paru sur ses visites dans une weed-farm paraguayenne.

Beaucoup de paysans récoltent pendant les saisons de pluies et sèchent leurs plantes directement sur le sol sous de grandes feuilles de plastique, processus de guérilla qui crée un terrain fertile pour les bactéries et les champignons. Les branches mal taillées et parfois encore humides sont également projetées sur le sol lors du pressage, exposées aux guêpes et autres insectes,  qui finissent souvent  broyés dans le produit fini.
Une fois que vous aurez appris ce qui se passe dans un prensado, vous ne voudrez plus jamais le fumer“, rigole Frank, un musicien de 32 ans qui a cultivé ses premières plantes au cours de l’été. «Peut-être que les jeunes enfants fument encore. Quand j’étais plus jeune, la weed sous forme de fleur naturelle  était difficile à trouver et cher. »

Grow shops et autoculture

Le fait que des grow shop, magasins de matériel de culture, poussent comme des champignons verts à Buenos Aires a également encouragé plus de gens à cultiver leur propre ganja.
Il y a plus d’accès à des fleurs de qualité, plus d’informations sur la façon de cultiver et plus de magasins vendant les produits nécessaires pour le faire“, explique Juana, qui a fait pousser 10 plants sur sa terrasse l’été dernier.

Légalement aussi, le cadre n’est plus des plus répressifs et la passible peine de prison pour production personnelle ne semble plus vraiment inquiéter des cultivateurs qui n’auront peut-être plus à se soucier de la loi:

L’année dernière, le président Alberto Fernandez a ouvertement montré son soutien à la décriminalisation du cannabis alors que cette année, la ministre de la Sécurité, Sabina Frederic, a annoncé qu’elle étudiait les modèles uruguayens  canadien et américain pour trouver l’inspiration sur une éventuelle dépénalisation en Argentine.
Si ces mesures sont prises au sérieux, les Argentins pourraient bientôt avoir le droit de cultiver leur propre cannabis, enterrant à jamais la weed en brique.

(Article original publié  en anglais le 29/05/20  traduction Zeweed)

Quand Marie-France fait la promotion de graines de cannabis à faire pousser chez soi

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A défaut de pouvoir acheter légalement de la weed dans l’hexagone, les seniors peuvent compter sur Marie-France pour en faire pousser. En partenariat avec la banque de graines Dutch Passion, le mensuel féminin s’est fendu d’une promo sans équivoque sur le homegrowing de cannabis.

Les séniors ont bien changé ! Alors qu’il y a encore 10 ans, les magazines dédiés aux sexagénaires avaient comme annonceurs la Jouvence de l’Abbé Sourry, les termolactyles Damart ou les résidences Hespérides, ce sont désormais les charmes de la culture de cannabis à domicile qui sont loués à coup de publi-rédactionnel dans les pages web de Marie-France, le titre historique et mature du groupe Marie-Claire.

Si le chapeau de l’article rappelle aux obligations légales “il est très important de vous renseigner sur la loi en vigueur dans votre pays” , le reste de la réclame cannabique ne laisse que peu de doutes sur l’usage qui sera fait par les lectrices des graines de la collection “cannabinoïdes spéciaux”.

En illustration, un visuel affichant des variétés comme la Skywalker Haze Automatique (26% de THC).

Les souches recommandées par le mensuel tiré à 120.000 exemplaires vont des très sobres CBG-Force (0,11% de THC)  et Charlotte’s Angel ( moins de 1% de THC) à la plus sportive THC-Victory, qui, avec ses 7 à 8% de THC, devrait envoyer plus d’une mamie dans le cosmos.
Pas chiche, le mensuel crée en 1944 propose aux lectrices et jardinières en herbe de voyager moins cher avec 15% de remise pour toutes commandes de graines de la catégorie.

Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment. Aux Etats-Unis, l’engouement du troisième âge pour le cannabis est un vrai phénomène de société comme le rapporte nos confrères de RTBF, avec à la clef un marché du cannabis médical et récréatif chiffré à 5 milliards de dollars pour les plus de 60 ans, rien qu’en Californie. Un coche de la Marie-Jeanne que Marie-France n’a pas raté.