Bilan Carbone - Page 2

Sauvez le monde à coup de graines!

/

Le chanvre est une plante ultra-écologique, une dévoreuse de CO2 dont la culture ne nécessite aucun insecticide. Et puisque se sont les petits gestes qui font les grandes actions, il ne nous reste plus qu’à sauver la planète plantant du Cannabis partout où l’herbe pousse! 

Faisons un rêve. Les administrateurs d’entreprises réaliseraient tout le tort que leurs usines causent à l’environnement et au climat. Pris d’un incommensurable remord, ces dirigeants tanceraient les chercheurs. Que n’ont-ils trouvé d’aspirateur à CO2 pour minorer le renforcement de l’effet de serre ? Pourquoi doit-on toujours extraire du pétrole pour faire avancer nos voitures et décoller nos avions ? Sommes-nous condamnés à nous parer de fibres d’origine gazière pour sortir dans la rue ? Et si la solution était devant nous, évidente ?

Six pieds sous terre

Imaginez une plante robuste, à pousse rapide, qui boufferait du carbone comme une ogresse les enfants dodus ? Cette rosale existe. Vous l’avez rencontrée. Car le chanvre est un carbophage comme on aimerait en voir plus souvent. Imaginez des champs de sativa, d’indica ou de ruderalis exhalant leur puissante et suave odeur. Par la magie de la photosynthèse, ces centaines de milliers de plants absorbent en cadence le gaz carbonique que nous rejetons sans conscience. Avant de l’expédier six pieds sous terre.

Un seul hectare de chanvre peut ainsi stocker 22 tonnes de gaz carbonique. 22 tonnes : c’est, grosso modo, ce que chacun(e) d’entre nous rejetons en deux années déconfinées. C’est deux fois moins qu’une forêt moyenne, mais 20 fois plus qu’un pâturage. Et à moins que les dieux de la météo ne soient en cure de désintox, nos latitudes autorisent deux récoltes par an. Doublant du même coup la capacité du puits de carbone chanvrier.

Diesel et Ford

A dire vrai, il fait mieux encore pour la planète que d’interpréter la mélodie du carbone en sous-sol. Car, du chanvre dont on bourre certaines pipes, on extraie, je ne vous l’apprends pas, de l’huile. Ce précieux nectar constitue une excellente base à la production de carburants totalement décarbonés.

Des graines à l’huile, il n’y a qu’un tour de meule ! Le 10 août 1893, l’inventeur Rudolf Diesel fait fonctionner à l’huile de weed le moteur de son invention. Quelques décennies plus tard, les designers de Ford construisent un prototype de voiture en plastique d’origine végétale carburant à l’huile cannabique. Un seul hectare de chanvre suffit pour produire 800 litres de carburants routiers (riches en oméga 3 de surcroit !). Prenons-en de la graine !

Flower Power is big power

Mais le chènevis n’est pas tout. Si la semence de notre cannabacée préférée est oléagineuse, sa tige est, elle, riche en fibres. Ses fibres ont longtemps servi à tisser les plus forts des cordages de la marine à voile. Elles sont de retour dans les plus solides des jeans et les plus écologiques des matériaux de construction bas carbone.

Et la fleur vous demandez-vous ? On l’a gardée pour la fin. La soif, plutôt. Car, en ajoutant les inflorescences à leur production, les brasseurs produisent des bières plus citronnées qu’à l’accoutumée. L’inverse eut été surprenant.

La neutralité carbone: un projet de Société

/

L’agence internationale de l’énergie vient d’esquisser la feuille de route de la décarbonation de notre société. Rien ne dit que nous serons capables de la suivre dans les temps impartis.

Ce sera l’expression favorite des participants au prochain sommet climatique onusien (Cop 26) : la « neutralité carbone ». Introduit dans l’accord de Paris, ce concept stipule, qu’après avoir fortement réduit leurs émissions de gaz à effet de serre (Ges), les pays signataires de l’accord de 2015 stockent leurs rejets de carbone incompressibles. Par exemple en plantant des forêts, véritables éponges à CO2.

Ampleur de l’effort

Durant cette fameuse Cop 26, une bonne centaine de gouvernements devront décrire le chemin qui les mènera à ce nirvana climatique. L’agence internationale de l’énergie (AIE) leur mâche le travail. Travaillant pour les pays de l’OCDE, ce club d’experts des politiques énergétiques et climatiques a publié, ce 18 mai, une feuille de route de la neutralité carbone. En clair : quelle est l’ampleur des efforts que chaque secteur d’activité devra accomplir d’ici à 2050 pour se décarboner.

Ne faisons pas durer le suspens : il y a un boulot de dingue ! Pour le moment, les trois quarts de l’énergie que nous consommons sont d’origine fossile. En moins d’une génération, nous devons nous guérir de cette addiction au pétrole, au gaz et au charbon. Possible, mais pas gagné.

5 fois moins de pétrole

L’AIE ne fait pas dans la dentelle. L’agence basée à Paris propose ni plus ni moins de stopper les investissements dans les énergies fossiles. Dès maintenant ! En 2050, les compagnies pétrolières ne devront pas extraire plus d’une vingtaine de millions de barils de brut par jour : cinq fois moins qu’aujourd’hui.

Parce qu’en 30 ans, le PIB mondial devrait croître de 40% et la population progresser d’un tiers, il faudra produire plus d’énergie. Et surtout beaucoup plus d’électricité, seule à même de décarboner de nombreux usages, à commencer par les transports.

À ce propos, les voitures électriques devront représenter 60% des ventes de véhicules neufs, dès 2030, contre 5% en 2020. La production de véhicules à moteur thermique devra être interdite à partir de 2040, estime l’AIE.

Quadrupler les investissements

Décarboner la production d’électricité nécessitera des efforts sans précédents. Chaque année, les électriciens du monde entier devront mettre en service 630 000 MW de centrales solaires et 390 000 MW de parcs éoliens. Ces puissances sont quatre fois supérieures à celles inaugurées durant l’année 2020, rappelle l’AIE. Créer toujours plus de centrales et de points de soutirage (à l’instar des bornes de recharges des voitures électriques) impose de développer les réseaux de transport et de distribution d’électricité. L’AIE propose de quadrupler les investissements dans ces deux activités, souvent délaissées,

Destruction d’emplois

Les rapporteurs reconnaissent sans fard que tous les usages ne pourront se passer d’énergies fossiles. Par exemple : les centrales à charbon récemment mises à feu. D’où l’importance de les équiper de systèmes de captage de CO2, couplés à des installations de stockage géologique du carbone. Vedette énergétique du moment, l’hydrogène aura son rôle à jouer pour décarboner certaines activités très carboniques, à l’instar de la production d’acier ou de carburants.

La transformation à accomplir est d’ampleur. Rien ne dit pourtant que nous serons capables de la mener à bien. Réduire la consommation d’énergies fossiles détruira 5 millions d’emplois dans les industries pétrolières et charbonnières. Et réduira drastiquement les revenus des pays producteurs. De quoi nourrir la contestation et la frilosité des politiques.

Are we ready ?

L’AIE souligne aussi l’importance de réduire le gaspillage d’énergie. En dopant les rendements des moteurs, en minorant l’éclairage urbain, en diminuant nos besoins en mobilité. En 2030, soulignent les experts, nous devons améliorer de 4% par an notre efficacité énergétique : trois fois mieux que la moyenne observée ces 20 dernières années. Il faudra pour ce faire, déployer des technologies qui n’existent pas encore ou qui sont en cours d’essais. Seront-elles prêtes à temps ?

Un fort développement des énergies renouvelables et des systèmes de stockage d’électricité va plus que quadrupler, en 30 ans, la consommation de minerais : cuivre, lithium, cobalt, terres rares. Des productions rarement très écologiques. Quelle sera, aussi, l’évolution de nos comportements ? Voyages, alimentation, performance énergétique de notre logement : 55% des émissions futures seront le fruit de nos choix de consommation.

Selon les choix que nous ferons, la route de la neutralité carbone sera plus ou moins longue. Are we really ready to change ? Seulement, sans doute, si l’on nous vend la transition climatique comme un projet de société. Joe Biden mis à part, aucun politique n’est pour le moment capable de le faire.

Fit for 55: l’ambitieux programme écolo de l’Union Européenne

//

Le 14 juillet, la Commission européenne dévoile son programme climatique. Il vise à nous faire réduire de moitié nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Trop gourmand?

Faut-il y voir l’annonce d’une révolution écologique en Europe? Toujours est-il que c’est le 14 juillet que le nouveau paquet climat 2030 de la Commission européenne, sobrement baptisé « fit for 55 », sera présenté.

Un peu absconse, cette appellation annonce pourtant un véritable bouleversement. Qu’il s’agisse de nos modes de production, de transport, de la structure de nos échanges commerciaux ou de notre relation à l’énergie . En réécrivant une douzaine de directives, règlements et normes, la Commission européenne vise à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) des 27 pays de l’Union européenne, entre 1990 et 2030.

Marché du carbone

Jusqu’à présent, l’Europe prévoyait de réduire de 40 % ses émissions durant cette période. Sachant que nous avons grosso modo baissé de 20 % notre contribution au renforcement de l’effet de serre depuis 1990, nous allons devoir cravacher d’ici la fin de la décennie. Dit autrement, nous allons devoir réduire d’un tiers nos émissions de GES en 8 ans !

Pour nous inciter à changer de mode de vie, Bruxelles va frapper fort. D’abord, en instaurant une taxe carbone sur les importations en provenance de pays qui n’appliquent pas l’accord de Paris sur le climat. Important, si l’on considère que la moitié de l’empreinte carbone européenne est imputable aux produits et services qu’elle importe. L’industrie ne sera pas oubliée. Les services de la présidente Ursula von der Leyen prévoient de durcir les règles du marché communautaire de quotas d’émissions de GES. Ce cadre légal (ETS) obligera par exemple les entreprises du transport aérien et maritime à réduire leurs contribution au réchauffement.

Les 11 000 sites industriels qui sont d’ores et déjà assujettis à cet ETS recevront de moins en moins de quotas d’émissions. De quoi les inciter à accélérer la décarbonation de leurs procédés de fabrication.

Plus de moteur thermique

Afin d’orienter les constructeurs d’automobiles vers l’électrique, la vente de voitures neuves à moteur thermique devrait être interdite dès 2035. Collectivement, nous devrons sensiblement accroître nos consommations d’énergies renouvelables, sous forme d’électricité, de combustible et de carburants.
A cet égard, la fiscalité de l’énergie sera revue. Ce favorisera la réduction du coût d’utilisation des véhicules électriques et le prix du kérosène décarboné pour l’aviation.
Le BTP devrait profiter pleinement du paquet « fit for 55 ». La nouvelle mouture de la directive sur l’efficacité énergétique devrait fixer des objectifs ambitieux et contraignants de rénovation de bâtiments publics et privés.

Cohérence des politiques

Hors les villes, la Commission prévoit d’engager une ambitieuse stratégie forestière. Il s’agira de planter des millions d’arbres, pour reconstituer des massifs dégradés, mais aussi pour verdir (et rafraîchir) les environs des villes. Ce programme d’afforestation accroîtra aussi les capacités de stockage de carbone de la forêt européenne et contribuera à instiller un peu de biodiversité dans le paysage urbain.

Avec la publication de ce paquet législatif, la Commission ouvre toute une série de négociations sectorielles (sur la forêt, l’automobile, la fiscalité de l’énergie, le commerce extérieur, l’ETS, etc.) qui devraient durer une paire d’années. Si tout va bien. Parmi  les écueils qu’il faudra éviter : l’incohérence des politiques. L’Europe devra veiller à ce que sa future politique agricole commune (PAC) réduise enfin les émissions de méthane et de protoxyde d’azote de l’agriculture européenne. Ce qu’elle a bien été incapable de faire jusqu’à présent, malgré l’investissement de 100 milliards d’euros à cette fin, entre 2014 et 2020.

Il était une fois la fin d’un monde

/

Alors que la COP 15 biodiversité s’apprête à adopter un accord visant à protéger 30 % de la surface du globe d’ici à 2030 et que la 26ème COP devrait entériner une aide de 100 milliards de dollars pour les pays les plus pauvres, le GIEC* et l’IPBES** viennent de signer pour la première fois un rapport commun. Cette feuille de route, dont Zeweed publie les grandes lignes en exclusivité, pourrait bien sauver la planète et nous avec.

2021 est une année capitale pour la préservation de la nature et du thermomètre. Par les hasards de la pandémie de Covid-19, c’est au second semestre que les gouvernants de la planète devront prendre d’importantes décisions sur ces deux sujets vitaux.

COP biodiversité et climat

Du 11 au 24 octobre 2021, à Kunming (Chine), les parties à la convention de l’ONU sur la diversité biologique devront acter de nouveaux objectifs de protection des environnements terrestres et marins. L’un des buts de cette « COP 15 biodiversité » est l’adoption d’un accord portant sur la protection de 30 % des terres et des mers d’ici à 2030. Aujourd’hui, seules 15 % des terres et 7 % des mers bénéficient d’un certain niveau de protection.

Quelques semaines plus tard, à Glasgow (Écosse), la 26e COP climat devra accoucher des dernières règles d’application de l’accord de Paris, confirmer l’aide annuelle de 100 Md$/an que les pays riches doivent octroyer aux nations les plus vulnérables. Après avoir rehaussé l’ambition de leur politique climatique à 2030, bon nombre de gouvernements devraient aussi viser la neutralité carbone de leur pays pour le milieu du siècle.

Plume commune

Cette conjugaison des thématiques a inspiré les scientifiques. Pour la première fois, les contributeurs aux rapports de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) et du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont pris la plume ensemble.

Dans le rapport qu’ils publient, ce 10 juin, « bio » et « climateux » rappellent toutes les raisons qui imposent que les deux thématiques soient également prises en compte dans les politiques. Cela peut paraître évident, mais les effets du réchauffement exacerbent les risques pesant sur les milieux naturels. Or, ce sont ces mêmes milieux qui absorbent, pour le moment, plus de la moitié du CO2 que nous émettons inconsidérément. Plus grave, la disparition de nombreux écosystèmes perturbera gravement les grands cycles biogéochimiques, du carbone, de l’azote et de l’eau. Dit autrement, moins d’espaces naturels renforceront les émissions de gaz carbonique et de protoxyde d’azote (deux gaz à effet de serre) dans l’air. Et réduiront la disponibilité en eau potable. Pas réjouissant.

Stabiliser le réchauffement

S’adapter aux conséquences du changement climatique suppose donc de conserver les plus grandes surfaces possibles de « biodiversité » terrestre, lacustre et marine. Mais cela ne sera possible, ajoutent les rapporteurs, qu’à la condition de stabiliser rapidement ledit réchauffement. L’état de la nature dans un monde réchauffé à 4 °C sera infiniment moins chatoyant que celui que nous connaissons.

Les ministres des finances ne sont pas épargnés. Les chercheurs les implorent de mettre fin aux subventions à la production et à la consommation des énergies fossiles, à celles qui contribuent à la destruction de la biodiversité (les primes à l’arrachage des haies, par exemple), à la surconsommation d’engrais et à la surpêche. Les premières étant parfois liées aux dernières.

Le retour de l’holistique

Voilà pour les gouvernements. Ils ne sont pas les seuls destinataires du cri d’alarme poussé par les chercheurs. Sans nier leur intérêt, ces derniers mettent en garde contre certains messages relayés par certaines ONG environnementales. Du WWF à Conservation International, en passant par l’UICN, on ne jure plus que par les « solutions basées sur la nature ».  La plus évidente étant la plantation de forêt stockeuse de carbone. Le concept n’est pas mauvais en soi, concèdent les chercheurs, à condition de ne pas cibler un seul but. « Ce type d’intervention devra viser plusieurs objectifs : conservation de la terre, de l’eau douce et de l’environnement marin, plutôt que la préservation de quelques espèces iconiques ou d’espaces particulièrement menacés. »

Les auteurs appellent aussi à ne pas céder à la facilité. Planter des forêts, c’est bien, cela peut stocker du carbone. Mais un massif industriel d’eucalyptus n’est pas la nature. Et il est bien plus rentable de restaurer une mangrove, qui protège contre la montée du niveau de la mer, qui assure le gite et le couvert à bon nombre d’espèces marines. Et, accessoirement, qui stocke jusqu’à 4 fois plus de carbone qu’une forêt pluviale. Évidemment, il est plus difficile de planter une mangrove qu’une forêt de peupliers.

Agroécologie et agroforesterie

Autre message, délivré cette fois aux agriculteurs et aux penseurs des politiques agricoles: les membres de l’IPBES et du GIEC appellent nos producteurs de denrées alimentaires à bouleverser leurs pratiques. Notamment en mettant en pratique les pratiques de l’agroécologie et de l’agroforesterie, seules à même de freiner l’érosion de la biodiversité (les pollinisateurs, par exemple), tout en maintenant la productivité agricole. Sans pour autant accroître la contribution de l’agriculture au renforcement de l’effet de serre.

Pour le moment, la production de denrées alimentaires est à l’origine de 21 à 37 % des rejets anthropiques de GES. Réduire la consommation d’engrais azotés (ce que prévoit la stratégie française bas carbone) permettrait, au niveau mondial, de réduire l’émission de 3 à 6 milliards de tonnes de GES par an. L’équivalent de 10 à 20 années d’émissions françaises !

GIEC et IPBES ne sont pas hostiles aux solutions techniques contemporaines. A certaines conditions. L’énergie solaire a bonne presse. On peut ainsi faire cohabiter panneaux photovoltaïques, cultures (on appelle cela l’agrivoltaïsme) et insectes pollinisateurs. Déployées sur des pièces d’eau, les centrales solaires réduisent l’évaporation ; utile dans les climats les plus arides. Mais l’apport de l’énergie solaire sera sans tâche si les constructeurs de panneaux ne puisent pas leurs matières premières dans les fonds marins ou dans des biotopes menacés.

Ce reproche s’adresse également aux producteurs de batteries des véhicules électriques. Mot d’ordre : développer des systèmes ne consommant pas de ressources prélevées dans des milieux fragiles et recycler. La préservation du climat et de la biodiversité passe aussi par la généralisation de l’économie circulaire

*Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat  (GIEC)est un organisme intergouvernemental ouvert à tous les pays membres de l’Organisation des Nations unies.
**La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (en anglais : Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, IPBES) est un groupe international d’experts sur la biodiversité.

Les usines à gaz carbonique de Boris Johnson

/

En amont de la conférence sur le climat de Glasgow (Cop 26), le gouvernement britannique investit massivement dans des technologies anti-réchauffement. Certaines sont inquiétantes.

Depuis quelques mois, les engagements en faveur du climat font la une. Pas un jour sans qu’une multinationale, un pays ou une ville n’affiche ses ambitions décarbonisatrices. La neutralité carbone est tendance. Ce que l’on sait moins, c’est que les forces finançant la lutte contre le réchauffement n’ont aucune idée de la façon dont il faut s’y prendre pour atteindre le zéro carbone. À la grande joie des scientifiques de sa Majesté qui ne manquent ni de moyens, ni d’imagination, ni d’audace.

Absorber le carbone

Dans les universités, les chercheurs esquissent des technologies plus ou moins dingues pour assurer notre avenir à faible réchauffement. Six mois avant l’ouverture du sommet mondial sur le climat de Glasgow, le gouvernement de Boris Johnson vient de débloquer 166 millions de livres (193 M€) de crédits en faveur des technos absorbeuses de CO2.

Vous aimez la mer ? Les scientifiques de l’université d’Exeter aussi. Ces derniers veulent aiguiser l’appétit de l’océan pour le gaz carbonique. Une fois les bulles de CO2 formées dans l’eau de mer, les promoteurs du projet Sea Cure assurent pouvoir les capter, comme « les bulles dans une coupe de Champagne ».
Inconvénient : trop de carbone acidifie l’eau marine. De quoi dégouter les organismes accro au calcaire pour construire leur squelette (oursins, coraux) ou leurs carapaces (coquillages, homards, crabes). On ne peut gagner à tous les coups.

L’appétit de l’océan

Parce qu’ils absorbent le quart de notre gaz carbonique, les océans font l’objet de toutes les attentions des labos. Planetary Hydrogen imagine balancer à la baille des millions de tonnes d’olivine (aussi appelé sable vert ) pour faciliter l’absorption du carbone par l’océan et sa transformation accélérée en carbonates. Ces minéraux devront ensuite finir leur vie au fond des mers. Les habitants des abysses pourraient ne pas apprécier de voir leur environnement transformer en carrière de craie.

Sous les pavés, la plage. Sous l’océan, le sable vert?

Revenons sur la terre ferme. Les cuistots nettoient souvent leur four électrique en appuyant sur la touche… pyrolyse. La société PyroCore propose de construire un très très gros four dans lequel des déchets de bois, portés à 500 °C, produiraient (en plus de l’énergie thermique) du charbon.
Epandus en forêts ou sur des pâturages, ces pyrolysats riches en carbone devraient être absorbés par le sol.

Valorisation polluante

En Suisse, des étudiants de l’école polytechnique de Zurich ont conçu un aspirateur de CO2 atmosphérique. Problème : le chauffage du solvant de ce système d’aspiration direct (DAC) requiert beaucoup d’énergie. Qu’à cela ne tienne, jugent les scientifiques de l’université de Nottingham, il suffit de disposer de beaucoup d’énergie décarbonée.
Ils envisagent très sérieusement d’équiper la centrale nucléaire de Sizewell C d’un DAC pour décarboner l’air ambiant. L’utilisation de 10% de l’énergie produite par un réacteur EPR permettrait de capter 1,5 Mt de dioxyde de carbone par an, estiment-ils. Petit détail : EDF n’a pas encore posé la première pierre de la centrale de Sizewell C. Rolls Royce s’intéresse aussi à cette technologie.
Tout comme Carbon Neutral Petrol. La start-up envisage même de transformer le carbone ainsi récupéré en … plastique. Des fois qu’on en manquerait.

La production de weed enfume la planète!

/

La surexploitation d’une matière première n’est jamais une bonne nouvelle pour la planète. Une réalité à laquelle le cannabis ne se soustrait pas: à l’aide de chromatographes, des chercheurs de l’université de l’Iowa ont établi que la culture de weed indoor rejetait dans l’atmosphère des composés volatiles qui sont loin d’être vert. Explications.

En analysant l’air intérieur de serres, les scientifiques ont recensé plus de 200 types de molécule de composés organiques volatils (COV) naturellement émis par les plants de Ganja. Dans le lot, on trouvera des gaz très inoffensifs, comme le benzaldéhyde (et son odeur d’amande amère), ou beaucoup moins sains à l’instar du très cancérigène oxyde d’éthylène.
Ce cocktail gazeux varie selon les exploitations, leurs pratiques, le climat et les variétés cultivées. Impossible donc d’en faire une caractérisation a priori.
Pour autant, quelques précautions s’imposent, ne serait-ce que pour assainir la qualité de l’air et, excusez du peu, préserver la santé des cultivateurs et riverains.
A Denver (Colorado), la densité de serres est devenue telle que leurs émissions contribuent à la production d’ozone, gaz pure des plus nocifs pour le système broncho-pulmonaire et hautement toxique pour… les plantes.

De l’importance du filtre H13 avant le filtre en carton 

 S’il n’est pas possible d’empêcher les plantes d’excréter leurs COV, des systèmes de filtration efficace existent. Au Canada, les autorités recommandent l’installation de filtres à air à très haute efficacité de classe H13. Cela peut s’avérer insuffisant en Alaska ou à Sacramento où les plantations ne doivent plus laisser passer la moindre odeur. C’est plus simple. Dans le Colorado, où les plaintes sont légion, la législation laisse aux exploitants le choix de leur impact sur l’environnement (et les environnés des fermes de Ganja).
Ils peuvent doter leur serre de filtres à charbon actif, de générateurs d’ions négatifs, de dépoussiéreurs électrostatiques, voire d’agents masquant.
Quand l’industrie se met au service de la culture…

Pourquoi Elon Musk ne veut plus du bitcoin

/

Alors que Elon Musk vient d’annoncer qu’il n’accepterait plus les bitcoins en paiement, faisant plonger le titre Tesla de 12%, il convenait de faire un point propreté sur la plus célèbre des crypto-monnaie.

En 2010, le bitcoin n’a que quelques mois d’existence. Créée par Satoshi Nakamoto, un pseudonyme d’une ou de plusieurs personnes jamais identifiée, cette monnaie virtuelle n’est connue que de quelques geeks. L’un d’eux parvient à convaincre Pizza Hut de lui vendre deux pizzas moyennant le versement de 10 000 bitcoins. A l’époque, la cryptomonnaie vaut quelques cents de dollars. Devenue une valeur refuge, elle cote, aujourd’hui, près de 40 000 dollars. En 2020, chaque pizza millésimée 2010 vaudrait 200 millions de dollars. Ca fait cher l’anchois !

Nombre d’observateurs se réjouissent du développement de cet argent électronique, notamment parce qu’il ne consomme ni métaux pour les pièces ni papier monnaie. Exact, mais cela ne signifie pas que son bilan environnemental est blanc comme neige. C’est même tout le contraire !

Mieux vaut l’Amex

Vieux de quelques jours, le dernier bilan environnemental du bitcoin n’est pas flatteur. Selon Digiconomist, le système bitcoin consomme près de 80 TWh d’électricité par an : huit fois plus qu’en … 2017. Compte tenu du bouquet énergétique des compagnies d’électricité, cela alourdit notre bilan carbone global d’une quarantaine de millions de tonnes de CO2 par an : autant que la Nouvelle-Zélande. Vu du côté de l’usager, une seule transaction en bitcoin est 700 000 fois (vous avez bien lu) plus néfaste pour le climat que le même achat effectué avec une carte bancaire classique.

Comment est-ce possible ? Pour résumer, chaque transaction est découpée en fichiers informatiques éparpillés aux mille coins du web. Des centaines de milliers d’ordinateurs (des millions, peut-être ?) se consacrent au suivi et à la validation des échanges dans de grands livres comptables virtuels, réputés inviolables.

Un minage de fond

C’est cette myriade de PC, tournant H24, 7 jours sur 7, qui consomment des quantités faramineuses d’électrons. La Chine a développé de nombreux centres de données dédiés à ce « minage » de bitcoin. Le tiers de ce business mondial pourrait être réalisé dans l’empire du miieu, où l’essentiel de l’électricité est produite par des centrales au charbon. D’où le piètre bilan carbone de la monnaie virtuelle. Le billet vert a encore de beaux restes.

Le sommet de Joe Biden ne sauvera pas la planète.

//

Durant  deux journées de sommet virtuel, quelques gouvernements seulement auront renforcé leur ambition climatique. Les USA en font parti, mais ça change rien.

Il se passe toujours quelque jour pendant le Jour de la Terre. Manifestations, happening, campagnes de pub : l’imagination de ceux qui commémorent la planète sur laquelle on marche est sans limite. Le nouveau président des états-Unis n’a pas failli à cette tradition plus que cinquantenaire. Le 22 avril, Joe Biden avait invité une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement. Thème central de cet inédit sommet des leaders pour le climat : l’accélération de la décarbonation. Disons que le bilan est mitigé.

Biden place la barre très haut

Le locataire de la Maison blanche avait placé la barre assez haut. Dès le début du raout, le gouvernement fédéral annonçait qu’il entend désormais réduire de 50 à 52 % les émissions US de gaz à effet de serre (Ges) entre 2005 et 2030. Jusqu’à présent, l’Hyperpuissance prévoyait d’abattre ses rejets carbonés de 26 à 28 %, pour la même période.
Taquin, le premier ministre britannique avait grillé la politesse à son hôte. La veille, Boris Johnson laissait son administration dire que le Royaume-Uni allait diminuer de 78 % ses émissions carbonées entre 1990 et 2035. Mieux que l’Union européenne qui n’envisage pas d’alléger de plus de 55 % son bilan carbone pour les 4 décennies considérées.

N’oublions pas les HFC

La Chine ? Le premier émetteur mondial n’a pas dit grand-chose. C’est tout juste si le président Xi Jinping a indiqué vouloir ratifier le protocole de Kigali. Passé relativement inaperçu, ce texte vise à l’interdiction de la production et de la consommation d’hydroflurorocarbures (HFC) : les plus puissants Ges que nous avons en rayon. Pékin indique aussi vouloir diminuer sa demande de charbon à partir de 2025.
Elle aussi grosse consommatrice de charbon, la Corée du Sud limite ses ambitions à … l’export. Séoul ne subventionnera plus ses industriels pour qu’ils exportent des centrales au charbon.
Longtemps inscrit aux abonnés absents dans les négociations climatiques, le Japon a bougé une oreille en promettant de renforcer ses objectifs.

Quelques absents 

Celui a qui le climat ne dira pas merci c’est Jair Bolsonaro. Le président du Brésil a la neutralité carbone dans le collimateur. Mais en 2050. Soit dix ans plus tard que dans l’ancienne politique climatique du pays jaune et vert. Plus étonnant : le président mexicain propose aux Etats-Unis de financer un plan de plantation de forêts dans les pays d’Amérique centrale et de délivrer, en plus, des green cards aux valeureux bucherons. En introduction, Andrés Manuel López Obrador avait indiqué vouloir interdire les exportations de pétrole mexicain. Histoire de consommer tout cet or noir sur place.
Personne n’attendait beaucoup de la Russie. Elle n’a pas déçu. Vladimir Poutine n’a rien proposé de nouveau. Si ce n’est, peut-être, le lancement d’une initiative sur le méthane, autre puissant gaz à effet de serre. Certains observateurs ont estimé qu’il pouvait s’agir d’un appel à colmater les très poreux gazoducs russes.

Rendez-vous aux sommets G

Sept mois avant l’ouverture — en principe — du prochain sommet climatique onusien (la Cop 26 qui aura lieu à Glasgow), le résultat du sommet de Joe Biden n’est pas à la hauteur de ses espérances. Les climatologues de Climate Action Tracker estiment que les nouvelles promesses permettent d’espérer une baisse des émissions de 12 à 14 % par rapport aux trajectoires des dernières politiques nationales. Si elles étaient tenues et amplifiées jusqu’à 2050, elles ne permettraient pas toutefois de stabiliser le réchauffement à 1,5 °C d’ici la fin du siècle.
De nombreux grands pays émetteurs, comme l’Australie, le Brésil, le Mexique, la Russie, l’Indonésie, l’Inde, l’Arabie Saoudite ou la Turquie n’ont toujours pas de stratégie climatique sérieuse. De plus, le sommet a clairement fait l’impasse sur un sujet majeur. « Ce qui a manqué ce sont les engagements financiers, notamment sur l’adaptation et la compensation des pertes et dommages subis par les pays les plus vulnérables », rappelle Christiana Figueres, ancienne secrétaire exécutive de la convention de l’ONU sur le changement climatique.
Le sujet devrait être à l’agenda des ministres des finances lors des prochains sommets des pays du G7 et du G20, respectivement, en juin et en octobre prochains.

Les multinationales intègrent-elles le climat à leur stratégie ?

/

Malgré les annonces, les grandes entreprises ne sont pas encore entrées dans le monde du bas carbone. Ce n’est pas une fatalité.

Pas une semaine sans qu’une multinationale n’annonce son engagement en faveur du climat. Apple sera neutre en carbone d’ici à 2030, jure la firme à la pomme. Le pétrolier BP ou le fabricant de yaourt Danone font la même promesse, mais pour 2050.  Est-ce à dire que les géants de l’industrie et des services entrent de plain-pied dans le monde bas carbone ? Ce n’est, peut-être, pas aussi simple.

Paradoxe climatique

Le consultant KPMG a passé au crible la communication institutionnelle des 100 plus  grandes entreprises des 52 pays les plus développés. Verdict : une sur trois intègre le risque climatique dans ses rapports annuels. Environ une sur six l’envisage comme un risque financier. Ce qui n’empêche pas 65% d’entre elles de se fixer des objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre (GES).

Comment expliquer ce paradoxe ? Première explication : de nombreux entrepreneurs, notamment dans les services, n’imaginent pas que leurs activités contribuent au renforcement de l’effet de serre. Les administrateurs de société sont d’autant moins enclins à agir qu’ils sont rares (environ 1%) à avoir un bagage scientifique leur permettant d’appréhender la réalité du changement climatique.

Évaluation et grille de lecture

Les actionnaires font peu de choses aussi pour faire évoluer la stratégie des entreprises. Certes, on ne compte plus les appels d’investisseurs en faveur du climat. Mais dans les faits, très rares sont les résolutions bas carbone votées par les assemblées générales des actionnaires.

Cette situation est elle désespérément figée ? Pas forcément. En 2017, la TCFD, groupe de travail émanant du Conseil de stabilité financière des pays du G20, a proposé une méthode permettant à chaque entreprise d’évaluer son risque climatique et d’adapter sa stratégie en conséquence. Adoptées par un faible nombre de compagnies, les recommandations de la TCFD pourraient néanmoins devenir la norme.

De son côté, l’Union européenne s’apprête à publier une grille de lecture. Ce cadre carbone distinguera les investissements « verts » de ceux qui contribuent à la dégradation du climat ou de l’environnement. Cette « taxonomie » aidera les investisseurs à placer, à coup sûr, leur argent (qui est souvent le nôtre !) là où ça ne fait pas mal.

La Norvège, future poubelle à carbone de l’Europe.

//

Dès 2024, le royaume Danois va proposer aux industriels européens de stocker leur CO2 au fond de la mer. Une autre façon de réduire son empreinte carbone.

Le royaume scandinave est un peu schizo. En 2016, son parlement a fait de la Norvège le premier pays du monde à viser la neutralité carbone. En principe, c’est pour 2030. Pour y parvenir, Oslo compte notamment sur son parc de production d’électricité : le plus décarboné du monde (à 98 % !).
D’un autre côté, la Norvège, il faut bien le dire est un gros réchauffeur de climat. En produisant l’équivalent de 4 millions de barils d’hydrocarbures par jour depuis vingt ans, le pays reste le premier producteur de pétrole d’Europe occidentale. Mais qu’importe, l’or noir et le gaz naturel sont consommés loin des fjords.

Arbres artificiels

Fort heureusement, des solutions existent. Il y a, bien sûr, les arbres artificiels qui absorbent (un peu laborieusement il faut bien le dire) le CO2 superflu de l’atmosphère. Ne riez pas, des expérimentations sont en cours en Suisse et en Islande. D’autres devraient suivre. La Norvège a une autre idée. Depuis deux décennies, son pétrolier national, Equinor, injecte le gaz carbonique de deux installations gazières dans le sous-sol de la mer du nord et de la Baltique. Pourquoi ne pas faire de ses premières industrielles, une nouvelle activité économique ? Pari relevé.

Aurores boréales

Le 15 décembre dernier, le Storting (parlement du royaume) a autorisé le lancement du programme « Aurores boréales ». En collaboration avec les pétroliers Total et Shell, Equinor va proposer aux industriels de l’Europe de stocker leur gaz carbonique dans une structure géologique sous-marine étanche.
Lancé en 2024, le dispositif sera inauguré par une cimenterie et une usine d’incinération de la région d’Oslo. Les deux unités industrielles vont séparer le dioxyde de carbone de leurs effluents gazeux. Le dioxyde de carbone sera chargé sur un bateau citerne spécial. Destination : le port d’Oygarden. De là, il sera siphonné par un gazoduc spécial qui le mènera vers le site d’injection, situé à une centaine de kilomètres de la côte, près du champ gazier Troll.

Aquifère salin

Dans un premier temps, Aurores boréales pourra stocker 1,5 million de tonnes de gaz par an. Mais les géologues espèrent pouvoir accroître sensiblement cette capacité. L’aquifère salin, dans lequel sera injecté les bulles carbonées pourrait, estiment-ils, accueillir une centaine de millions de tonnes de gaz. De quoi intéresser bien des clients.

Concurrence en vue

Ceux-ci auront d’ailleurs l’embarras du choix. Les ports de Rotterdam (Pays-Bas) d’Anvers (Belgique) et le North Sea Port (regroupement des autorités portuaires de Gand, Terneuzen et Vlessingue) vont proposer à leurs clients d’injecter leur CO2 à 3 000 mètres de profondeur au large des côtes néerlandaises.
Les Britanniques ne seront pas en reste. Des énergéticiens proposent le même type de prestations aux industriels de l’énergie et de la chimie du Yorkshire et du nord-est de l’Angleterre. En France, Dunkerque songerait aussi à se lancer dans l’envoi du carbone par le fond.