A 91 ans, Quincy Jones nous a quitté pour rejoindre l’éternel, dernière dimension à la mesure de son talent. En 7 décennies de succès, le musicien, compositeur et producteur n’a pas que marqué de son empreinte le Jazz, la pop et la Soul : il en a redéfini à jamais les contours. Notre hommage
Quincy, c’était l’homme-orchestre, le chef de file d’une révolution sonore, l’oreille absolue qui a façonné les sons des plus grands : Ray Charles, Frank Sinatra, Michael Jackson… une liste de légendes qui pourraient constituer, à elles seules, un Panthéon de la musique. Mais Quincy, c’était aussi bien plus qu’un palmarès de collaborations prestigieuses : c’était un esprit libre, un architecte du cool, un maître de la fusion de tous les genres.
Formé à l’école Jazz, Quincy n’a jamais voulu se limiter à un univers. Dans les années 50, il traîne dans les clubs, fait ses gammes, affine son oreille en brassant les influences, les sons, les énergies. Le jazz, il le vit, il le respire, mais très vite il le dépasse, l’enrichit. A Paris notamment, comme son ami Miles Davis, avec qui il partagera les sessions d’Ascenseur pour l’échafaud alors que l’amant de Juliette gréco habite à l’hotel La Louisianne, refuge des étoiles en transit dans la ville des lumières. Le crédo de Quincy? Aucun. Aucun genre ne doit être sacré, tout doit pouvoir se mélanger, se transformer. Quand il rencontre Ray Charles, c’est le début d’une longue aventure musicale et humaine, où M. Jones apprend l’essentiel : la musique doit venir des tripes, de l’âme. Une approche à laquelle il restera toute sa vie fidèle.
Quincy est derrière des dizaine de tube planétaire, et pourtant, ses pairs de l’ont jamais vu en faiseur de hits, mais en maître de cérémonie, en MC qui savait tirer le meilleur de ses artistes, qui poussait en souriant les musiciens au-delà de leurs limites. Son secret ? L’écoute. Quincy écoutait vraiment, ressentait, transformait l’intuition en mélodie, la passion en rythme. Et dans ce processus, il y avait toujours cette coolitude nonchalante, cette décontraction légendaire. Quincy, c’était le producteur qui arrivait en costume trois-pièces, jamais un mot plus haut que l’autre, mais avec une autorité naturelle, une aura indiscutable.
Coté ganja, Quincy entretenait un rapport intime et inspiré avec la belle plante, pour laquelle il déclarera notamment son amour en reprenant Chant of the Weed, morceau hypnotique de Don Redman.
Dans les années 70, il évoque ce « petit coup de pouce vert » comme une sorte de méditation active, un moyen de s’apaiser, de libérer l’esprit. En 1982 et 83, alors qu’il travaille sur Off the Wall puis Thriller, Quincy Jones dira de l’herbe qu’elle était un featuring instrument un « instrument invité » hautement nécessaire à l’élaboration des deux albums qui finiront plusieurs fois disque de platine. Aux Westlake studios de Los Angeles , ce rapport au cannabis deviendra pour Jones et Jackson un rituel de concentration, d’exploration comme de relaxation. L’outil de ceux qui explorent les frontières de la conscience pour en revenir avec des sons, des harmonies et des arrangements « outa space », pour reprendre l’expression consacré de Quincy Jones.
M. Jones, c’est les yeux humides que la rédaction vous rend hommage en levant en votre honneur un dernier verre … de Quincy, of course.
So long, Maestro.