Les vignerons rebelles du Sancerrois

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Glou-Glou, c’est votre rendez-vous avec des vins nature venant de toute l’Europe, avec des cépages oubliés et d’ancestrales méthodes de vinification remises au goût du jour,  des crus sains à partager entre amis toute la journée.
Aujourd’hui, Sancerre et Pouilly-Fumé sont à l’honneur.

Etant pour quelques jours dans la région, j’en profite pour évoquer deux appellations prestigieuses du Val de Loire, qui se font face, de chaque côté de la Loire, Sancerre à gauche et Pouilly Fumé à droite.
Sancerre produit des rouges et des rosés issus du pinot noir, des blancs issus du sauvignon, Pouilly Fumé uniquement des blancs du sauvignon.
Les deux appellations exportent dans le monde entier, avec hélas une tendance à la standardisation, avec une acidité souvent exacerbée.
Heureusement quelques vignerons rebelles refusent cette standardisation, allons à la découverte de deux d’entre eux, l’un en Sancerre, l’autre en Pouilly Fumé.

Sébastien Riffault exploite depuis 2004 les 12 hectares de vignes du domaine familial à Sury -en-Vaux, sur la route de Sancerre.
En biodynamie depuis 2007, Sébastien cultive ses vignes de manière traditionnelle, avec l’aide de sa jument Ophélia. Les vignes datent de l’époque de son grand-père, plantées pendant la seconde guerre mondiale et Sébastien poursuit le style de culture pratiqué à Sancerre à cette époque, avant l’arrivée massive des produits chimiques dans les vignes dans les années 50.

Sebastien Riffault, bouquet à la main.

Les vignes de Sébastien sont reconnaissables de très loin car elles sont très enherbées, pratique qui a bien failli lui coûter le droit d’utiliser l’appellation Sancerre.
En effet, l’INAO (qui régule les AOC) stipule que les herbes ne peuvent dépasser une certaine hauteur car elles risquent d’entrer dans les machines à vendanger et être ainsi mélangées au raisin.
S’agissant de vignes vendangées uniquement à la main on mesure l’absurdité de la réglementation.

Au-delà de la culture en biodynamie, Sébastien se distingue totalement des autres vignerons de l’appellation par son habitude de vendanger tardivement (vers la mi-octobre).
A cette époque de l’année une grande partie des raisins est affectée par le botrytis (la pourriture noble), ce qui donne des arômes de bonbon et une couleur de miel aux vins.

Vendanges tardives et cheval à labour.

Cette pratique de vendange tardive, courante dans le sancerrois dans la 1ère moitié du XXème siècle a été abandonnée depuis car difficile à contrôler (on risque d’obtenir des vins liquoreux, ce qui n’est pas le but ici).
Les vins de Sébastien sont élevés 2 ans en cuve en inox puis 1 an en vieille barrique.
Les arômes de fruits confits et de bonbon résultant de la vendange tardive sont subtilement équilibrés par l’acidité et la minéralité du sauvignon.

Ces cuvées de sauvignon parfaitement “nature” portent des noms lituaniens en l’honneur de la compagne de Sébastien, selon les terroirs de type calcaire – Akméniné (“fait de pierres”), Auksinis (“doré”) –, marnes kimméridgiennes – Saulétas (“ensoleillé”) – ou silex – Skeveldra (“éclat de pierre”).


J’ai dégusté la cuvée Akméniné 2016 : au nez du miel, des fruits confits, un peu de camomille, de l’abricot sec, en bouche de la pomme, de la confiture d’abricot, du citron vert et quelques notes florales, avec une grande longueur en bouche. Un vin vraiment unique et très addictif.

 

Autre vigneron rebelle, Alexandre Bain, à Tracy-sur-Loire, sur le terroir de Pouilly Fumé, rive droite de la Loire, produit des vins très éloignés des standards de la région.

Son domaine créé en 2007 est devenu célèbre pour ses blancs très aromatiques aux arômes de fruits exotiques, reflets de leur terroir.
Tout comme Sébastien Riffault, Alexandre cultive ses 11 hectares en biodynamie, avec son cheval de trait « Phénomène ».
L’idéal d’Alexandre est de mettre en bouteille des vins 100% jus de raisins.

Alexandre Bain dans ses vignes

Sur certaines cuvées il y arrive chaque année, sur d’autres cuvées il est parfois contraint d’ajouter un peu de sulfites. C’est d’ailleurs le seul produit intrant qu’il s’autorise, aucun autre produit œnologique n’est utilisé.

L’attrait discret du cheval de trait

La dégustation de L d’Ange 2014 (36 mois d’élevage), zéro sulfite ajouté, est un grand moment :
Des notes d’agrumes frais, de fruits confits, un peu de miel, du jasmin, de pierre chaude, et une grande finesse en bouche. C’est un vin de partage qui apporte le sourire et la bonne humeur.

En 2015 les vins d’Alexandre ont été exclus de l’appellation Pouilly Fumé car l’INAO les a considérés oxydés. Ce sont pourtant des vins que l’on trouvait déjà à l’époque sur les plus grandes tables du monde et dont la demande surpassait la production.


Au bout de 2 ans de bataille juridique Alexandre a retrouvé le droit à l’appellation, et au bout du compte ses démêlés ont eu pour principal résultat de montrer le décalage entre une INAO prisonnière de réglementations obsolètes et des vignerons nature plébiscités dans le monde entier.
Aujourd’hui les vins de Sébastien Riffault comme ceux d’Alexandre Bain se vendent sur allocation, donc si vous en trouvez chez votre caviste, foncez !

A la semaine prochaine pour de nouvelles aventures bachiques, avec une petite surprise.

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Serial restaurateur de N.Y à Tokyo en passant par Rio de Janeiro et Paris.
Spécialiste des vins nature et du saké japonais, passionné par tous les bons produits de nos terroirs 

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