La libération générale des drogues, une utopie ?

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Le 12 Septembre 2038. 15 heures 30.

L’Assemblée Générale des Nations Unies, ‘l’illustre machin’ comme l’avait baptisé quatre-vingts ans auparavant le Général de Gaulle, se réunit en séance plénière pour voter une résolution qui -à titre exceptionnel – aurait vocation universelle, et qui en outre serait contraignante en cas de majorité des deux tiers.
Les membres de la vénérable institution avaient écouté en séance plénière les discours de plus de soixante-sept chefs d’état sur le sujet qui était explosif, digne d’un bon roman de science-fiction. Le silence qui régnait était sidéral. Ragaillardie par quelques succès diplomatiques au Moyen-Orient, dont la création d’un état palestinien viable, après un demi-siècle de négociations, la ‘vieille dame’ s’apprêtait à transcender son rôle traditionnellement consultatif en mettant en délibéré la résolution 96-162. 001. Celle-ci portait sur la légalisation universelle des drogues. La résolution stipulait qu’à partir du 1er décembre 2038, producteurs et trafiquants de tous niveaux transféreraient à des régies dans leurs pays respectifs, leurs compétences et autres savoir-faire concernant tous les narcotiques dont ils géraient la production et la distribution. En échange de leur coopération avec les autorités, les narcotrafiquants seraient de facto blanchis.

La mesure prendrait effet sur toute la planète, sans recours ni contestation possible. L’événement fit grand bruit car il redistribuait les cartes d’un commerce florissant, souvent au profit de nations en développement mais surtout des intermédiaires. Cette initiative au sommet changerait la donne dans tous les pays. Riches ou pauvres.

Les Nations Unies avançaient que cette révolution culturelle se justifiait au motif qu’en rendant le commerce des drogues légal, celui-ci bénéficierait dorénavant davantage aux producteurs qu’aux intermédiaires et que cela permettrait par ailleurs de garantir une relative qualité et sécurité des produits. Une résolution à résonance planétaire ! La plupart des intervenants illustraient leur propos en se servant de l’exemple de la prohibition aux États-Unis et sur le fait que l’Amérique n’avait pas sombré dans un alcoolisme généralisé dans les années qui suivirent la fin de cette mesure en 1933 !

Après le dernier discours du jour, prononcé par le premier président palestinien fraîchement élu dans son nouveau pays, l’Assemblée passa au vote dans une ambiance un peu ‘drôle de guerre’. Personne n’y croyait vraiment même si les pays producteurs avaient opéré en amont un lobbying sans précédent.
À la stupeur générale, 121 pays sur 194 votèrent en faveur de la résolution 96-162.001, une majorité qui contraignait dorénavant le monde entier à légaliser toutes les drogues disponibles.

« Un pas de géant pour l’humanité » déclara le Secrétaire Général japonais en place depuis trois ans, grand artisan de ce colossal projet. L’homme insista sur le fait que les prisons allaient par conséquent se vider de façon spectaculaire. Toutes les études menées sur le sujet par l’institution mondiale annonçaient une fourchette basse d’au moins 700 000 personnes relaxées ! Les économies faites par les états seront significatives et permettront une nouvelle marge de manoeuvre financière liée aux nouvelles taxes appliquées à ce nouveau commerce officiel. Ce travail prospectif prévoyait aussi une baisse réelle de l’alcoolisme.

Dans ce très sérieux rapport, les experts prévoyaient une hausse de la consommation d’environ 11,7%, toutes substances confondues, mais ils anticipaient également par corrélation une diminution des conséquences sanitaires néfastes de l’usage – même accru – de drogues grâce au contrôle assurant une meilleure qualité et plus grande pureté des produits. Ils préconisaient par conséquent de demander aux grands laboratoires pharmaceutiques de se lancer dans la fabrication d’héroïne et de cocaïne. Pour la marijuana, déjà utilisée dans les institutions hospitalières de certains pays, la libéralisation du commerce de cette plante représenterait une aubaine pour les agriculteurs qui amélioreraient leurs revenus de façon significative. Ces spécialistes recommandaient au final de s’inspirer du modèle hollandais en place depuis des décennies pour la fumette ‘home-made’.

« Mes rêves ne me rapportent rien, et c’est pour cela qu’ils me sont chers. » Victor Cherbuliez,1877.

Cyrille Putman

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