Zeweed a rencontré Jouany Chatoux, porte-parole de l’Association Française des Producteurs de Cannabinoïdes (AFPC) et fer de lance du combat pour la reconnaissance d’une culture artisanale du chanvre bien-être. La Ferme Bio de Pigerolle, son exploitation située dans la Creuse, est un modèle à suivre pour la filière nationale.
Zeweed- Depuis combien de temps cultives-tu le chanvre? Quelle est aujourd’hui la surface d’exploitation de La Ferme de Pigerolles?
Jouany Chatoux-Nous pratiquons la polyculture (principalement du sarrasin et du seigle) et l’élevage depuis 1999. Il y a 5 ans, en 2017, je me suis lancé dans la culture du chanvre.
Dans le détail, nous produisons du chanvre industriel (pour sa fibre et ses graines à vocation alimentaire) sur 20 hectares et des fleurs de CBD sur 5 hectares.
Tu fais des produits dérivés ?
Oui. Lorsque nous avons arrêté notre activité de transformation animale, nous avons reconvertis notre labo de 400 m2 pour nous consacrer uniquement à la transformation végétale. Nous l’utilisons désormais pour produire des huiles de CBD, y compris des huiles de massage, mais aussi des infusions et des confiseries.
Des confiseries? C’est à dire?
Ce sont des fleurs de cannabis cristallisées au sucre. Le goût est très prononcé : on adore ou on déteste.
Nous avons aussi développé un nouveau produit à partir des tiges de chanvre, en transformant le pied des plants en charbon actif, comme le binchotan. (le binchotan est un produit qui sert à purifier l’eau NDLR).
“J’ai toujours milité pour la liberté culturale”
Dans le cadre de ton activité quels rapports entretiens-tu avec la loi ?
J’ai toujours milité pour la liberté culturale. Nous travaillons nos propres génétiques, qui correspondent au climat et aux terres de la Creuse. Aucun de nos produits ne dépassent les normes de THC autorisées (0,3% NDLR). Nos variétés cultivées sont la Pigerolles, la Millevaches ou encore la Creusoise.
Cette démarche nous permet d’être toujours dans le cadre de la loi, d’autant plus que concernant les variétés inscrites au catalogue européen, nous nous sommes aperçus en les cultivant que les taux de THC des plantes du dit catalogue étaient souvent au delà de la norme autorisée.
Tu as un projet de production de cannabis thérapeutique en cours, tu peux nous en parler?
Oui, pour cela, il faut remonter aux années 2017-2018, dates de l’origine du projet.
A cette période une importante usine a fermé dans la Creuse.
Les élus locaux ont été reçus par Macron à l’Elysée pour discuter d’un nouveau cadre de relations entre l’Etat et les collectivités locales, le Plan Particulier pour la Creuse.
Eric Correia, infirmier anesthésiste et élu de la Creuse a présenté un plan pour le développement de la filière cannabis locale.
Le cannabis thérapeutique sera cultivé sur un ancien site militaire ultra sécurisé
Ce projet a été validé et signé par le Premier Ministre de l’époque, Edouard Philippe.
Il est actuellement en phase de montage, depuis maintenant 4 ans.
Le site choisi est un ancien site militaire ultra sécurisé, un ancien centre d’écoutes, avec un bunker enterré de 850 m2 et 5 hectares de terrain clôturé.
L’idée est de faire de ce lieu un pôle d’excellence du cannabis : le « Cannapole » . Hélas, à cause de la crise sanitaire, le projet a pris beaucoup de retard.
L’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) va consulter les acteurs de la filière chanvre jusqu’au 20 avril prochain et doit soumettre un cahier des charges d’ici la fin de l’année 2022.
Le Cannapole devrait être opérationnel courant 2024.
Premières cultures de cannabis à visée médicale prévues pour 2024
Qu’attends-tu de ce second mandat d’Emmanuel Macron?
J’attends une prise en compte des remontées de tous les acteurs de terrain de la filière, qui sont actuellement encore mis sur la touche.
Aujourd’hui, ceux qui sont écoutés par le gouvernement sont ceux qui prônent une utilisation très restrictive de la plante. (Les acteurs et représentants du chanvre industriel NDLR)
Je demande que l’on applique les mesures préconisées par le rapport parlementaire (avec consultation de 120 experts) sur le cannabis bien-être et thérapeutique. Ce rapport a été enterré dans un déni complet de démocratie, quant à l’expérimentation du cannabis thérapeutique, elle est reportée d’un an.