Hommage à Manu Dibango, le « Papa Groove » de l’Afro-Jazz

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Il a collaboré avec Nino Ferrer,  Youssou N’Dour, Sting, Peter Gabriel, Herbie Hancock ou Serge Gainsbourg et a fait danser la planète au son de « Soul Makossa », un titre qu’il avait composé dans son Cameroun natal. Manu Dibango, c’était aussi «  Papa Groove » un colosse de générosité, de talent et de gentillesse que le COVID a emporté il y a un an exactement.

L’aventure commence à Marseille pour Emmanuel N’Djoké Dibango. Il a 16 ans, et débarque de son Cameroun natal avec dans son sac trois kilos de café. Une denrée rare à l’époque qui lui permettra de payer ses premiers loyers. Dans cet univers blanc, l’adolescent, qui de son propre aveu “ne connaissait pas la culture africaine”, s’identifie aux vedettes black de l’époque: Count Basie, Duke Ellington, Charlie Parker sont ses idoles. C’est lors d’une colonie de vacances que Dibango découvrira le saxophone. Séduit par le jazz et les femmes, il vit et sort dans le Saint-Germain-des-Prés de Boris Vian et rate son bac. Pas content, son père lui coupera les vivres en 1956. Manu partira alors plus au nord: à Bruxelles où il court le cachet, jouant plus de la variété que ce Jazz qu’il adore. Trois ans plus tard, il est de retour en France, mais fauché. Après quelques auditions infructueuses, il est engagé comme pianiste par Dick Rivers, puis en tant organiste (sur Hammond, s’il vous plaît) et chef d’orchestre pour Nino Ferrer.

En 1972, le Cameroun lui commande un hymne pour la Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN), qui doit se tenir à Douala. Sur la face B du 45-tours, il enregistre Soul Makossa, un air qui lui trotte dans la tête depuis un moment et qu’il aime à fredonner aux enfants des rues de la capitale camerounaise où il réside le temps de la CAN. Le succès critique est immédiat, de Paris à New York, les DJ s’emparent du titre au rythme saccadé et entêtant. C’est le début d’une reconnaissance qui sera planétaire.

La même année, le saxophoniste s’envole pour New York et joue au mythique théâtre Apollo, temple de la musique afro-américaine à Harlem qui fit en d’autres temps la gloire d’une Billie Holiday ou d’un James Brown. Dix ans plus tard, son irrésistible « Soul Makossa »  séduira un certain Michael Jackson qui pompe clairement le riff et la mélodie à la fin du titre « Wanna Be Startin’ Somethin’ », mais sans son autorisation et sans créditer Dibango sur l’album Thriller (1982). (Une  galette qui  se vendra à 33 millions d’exemplaires). Plusieurs procès se tiendront et un accord financier à l’amiable entre Bambi et Dibango sera finalement conclu. L’histoire se répètera quelques années plus tard lorsque Rihanna, dans son titre Don’t Stop the Music (2007) sample « Wanna Be Startin’ Somethin’ ». Et par voie de conséquence, « Soul Makossa ». Un autre arrangement sera trouvé, et le grand Manu de sortir de ces copier/coller musicaux que plus grand et respecté. L’année dernière encore, Papy Groove était en tournée et en pleine forme.

Le 18 mars, la contamination de l’artiste par le Coronavirus avait été annoncée sur sa page Facebook dans un communiqué qui laissait entendre que le solide colosse, qui en avait vu d’autres en 86 ans, surmonterait le coup dur. Six jours plus tard, ses proches annonçaient son décès.
Confinement oblige “les obsèques auront lieu dans la stricte intimité familiale. Un hommage lui sera rendu ultérieurement dès que possible”, a précisé la famille dans un communiqué publié mardi 24.
Manu Dibango est la première personnalité à avoir succombé au Covid-19 en France.

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Journaliste, peintre et musicien, Kira Moon est un homme curieux de toutes choses. Un penchant pour la découverte qui l'a amené à travailler à Los Angeles, New York ou Londres pendant une dizaine d'années. Revenu en France, l'oiseau à plumes bien trempées s'est posé sur la branche Zeweed en 2018. Il en est aujourd'hui le rédacteur en chef.

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