Elle a 80 ans, et accordement des planètes, elle ne s’est pas pris une cuite depuis les années 80. Elle n’a jamais fumé un joint, et pour cause, elle pense que la weed est plus féroce que l’héroïne…Annette fait partie d’une génération largement désinformée sur les réalités du pétard.
Je m’assois près d’elle, et allume mon enregistreur.
Elle me jette un coup d’oeil désapprobateur, car elle sait de quoi nous allons parler, et elle désapprouve.
À ses yeux, la weed n’est pas une drogue douce.
C’est une drogue tout court.
Car chez les seniors, il y a deux camps distincts : ceux qui n’y connaissent rien, et ceux qui s’initient.
Dans l’État du Colorado (où la marijuana récréative est légalisée depuis 2014) les plus de 65 ans représentent l’une des tranches démographiques à la croissance la plus rapide, en termes de consommation de cannabis.Mais Mamie Annette ne vient pas du Colorado, elle est normande. Et dans cette belle contrée, le joint ne connait aucun boom, puisque la légalisation française tarde.« Ca vous ramollit le cerveau, à vous tous, vous n’êtes rien que des petits inconscients ».
Quinze mots seulement, et déjà deux erreurs.
Mamie n’est pas renseignée.
Pour elle, les consommateurs ne peuvent être que des lycéens désobéissants, et les bénéfices thérapeutiques n’existent pas.
Mais pour tempérer ses opinions, je ne suis pas venue les mains vides.
Je lui présente quelques études, prouvant les effets bénéfiques du cannabis sur la santé.
Elle croit à une supercherie.
« Même toi, Mamie, ça soulagerait certaines de tes douleurs ».
Elle a du mal à y croire, et elle soupire.
Pourtant, lorsque le Canada a légalisé le cannabis récréatif en 2018, plus de la moitié des nouveaux consommateurs étaient âgés de plus de 45 ans. Rouler un joint, et profiter de ses effets n’est pas qu’une affaire de jeune.
Loin de là.
Et pour ceux qui ne souhaitent pas rouler de pétards, d’autres options sont en vogue, pour profiter des bienfaits du cannabis sans adopter des postures jugées trop jamaïquaines.
Des petites quantités d’herbe tassées au fond d’une pipe, des gélules, des huiles… Le marché s’adapte pour satisfaire ses nouveaux consommateurs.
Et Mamie Annette me promet d’y penser, lors de sa prochaine insomnie, elle pourrait bien se laisser tenter par un brownie amélioré.
Pao
