Booba aux Vieiles Charrues. lisc Creative commons

Booba, duc du business

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Après le whisky D.U.C., voici donc le nouveau « biz » du hip-hop pirate number one : le CBD, sous pavillon PRTLAB. Portrait d’un rappeur d’élite devenu cultivateur moderne.

Par Olivier Cachin

« Testées et approuvées par Booba, nos fleurs de CBD de qualité supérieure, issues d’une culture de cannabis indoor hydroponique, sont rigoureusement contrôlées en laboratoire pour garantir leur pureté, leur efficacité et un taux de THC inférieur à 0,3 %, conformément aux normes légales et réglementaires. »
Une introduction claire sur le site présentant donc la nouvelle activité fumigène de B2O, dealer de son et de buds, de rap et de weed. Pacs résines caramel et jaune, Floki et CBDeyyy, le tout avec quelques garanties : « Qualité prémium, livraison rapide, emballage anonyme, légal en Europe. » Une nouvelle corde à l’arc narratif de Booba, qui va bientôt fêter son trentième anniversaire dans le monde du rap puisque le premier témoignage discographique de son groupe Lunatic fut « Le crime paie », titre inclus en 1996 sur la fameuse compile Hostile.

Duc d’entreprise

Depuis, le duc a fait feu de tout bois : en sus de son activité musicale (11 albums solo depuis Temps mort en 2002), il a su se diversifier en créant diverses entreprises dans le textile (Ünkut, maison streetwear de 2004 à 2018, suivi par Disconnected), les spiritueux (la marque D.U.C., « née de la rencontre entre Booba et deux distillateurs qui partagent une passion commune pour le whisky »), la webradio (OKLM, dont les activités ont cessé en 2020), la création audiovisuelle (le feuilleton Ourika sur Prime Video) et, donc, le CBD avec ce PRTLAB proposant « le meilleur du CBD par Booba ».

Les vrais savent : la passion de B2O, c’est le clash

Mais les vrais savent : la passion de B2O, c’est le clash. Le premier fut Rohff et, comme on n’oublie jamais sa première fois, les deux artistes continuent leur beef à distance, le dernier épisode étant la chronique vidéo détaillée du dernier album de Rohff par un B2O devenu critique geek internaute. D’autres ont suivi, avec, parfois, des morceaux mémorables à la clé : La Fouine, Sinik, un tir groupé old school (« NTM, Solaar, IAM, c’est de l’antiquité. »), Fred de Sky (qui a depuis appelé Booba, « son meilleur attaché de presse »), Damso, le boxeur Patrice Quarteron, Gims (et, par ricochet, sa femme DemDem dans le morceau « Dolce Camara »), Magali Berdah, la reine des influenceuses, et Fianso.
Et même Michel Sardou, pour avoir affirmé sur France 2 : « Ce que je n’aime pas, c’est le rap violent, agressif, le rap qui en veut à quelqu’un. » – ce à quoi Booba a répliqué, en postant un extrait du texte de « Je suis pour » de Sardou (1976) : « Tu as tué l’enfant d’un amour, je veux ta mort / Je suis pour ».

Fight for the power

Mais ça, c’étaient les apéritifs. En plat de résistance, comment oublier Kaaris, qui « duetta » avec le duc sur le fameux « Kalash » (album Futur), avant de se fâcher à la suite d’un freestyle ambigu ? En lieu et place d’un octogone annoncé et à jamais cancelled, les deux meilleurs ennemis ont dû se contenter de se chicoter avec leurs entourages, après s’être croisés dans la salle d’embarquement d’Orly, avec quelques semaines en prison et des grosses amendes à la clé.

En lieu et place d’un octogone annoncé et à jamais cancelled, les deux meilleurs ennemis ont dû se contenter de se chicoter avec leurs entourages.

Une exposition composée de peintures et de sculptures retraça, en décembre 2024, la saga de cette période pendant laquelle les deux artistes se sont mené une guerre fratricide. Avec « La bataille d’Orly », Guillaume Cagniard revient ainsi sur les temps forts de leur opposition, tout en fantasmant une revanche entre les deux protagonistes au milieu de cet octogone ; une forme géométrique désormais partie intégrante de la pop culture française grâce à Booba et Kaaris. « Je me demande toujours au fond, qu’est-ce que ces gladiateurs modernes, avant tout artistes, disent de la violence comme pulsion archaïque ou force créatrice ? » analyse Guillaume.
Peintures géantes et sculptures en bronze étaient au menu de cette reconstitution d’un affrontement épique, traité comme les récits du Moyen Âge, avec les deux rappeurs en preux chevaliers brandissant des bouteilles de parfum Duty Free en lieu et place des glaives brandis par les croisés. Amusant flash-back pour Guillaume, qui tourna en 2019 à Miami, le clip à 90 millions de vues de « Petite fille », featuring Luna ; l’aimée tant aimée qui y nage avec les dauphins. Une trêve dans la tourmente, un rayon de soleil dans une clipographie sombre et compétitive.

Rancunier comme Aznavour 

Car, depuis, Booba a voyagé pour illustrer ses chansons. Et dans le moteur, toujours le même carburant : la lutte sans merci pour éteindre l’adversaire. China Presles, productrice exécutive des clips « 6G » et « Saga » (tournés en même temps, à Tokyo, par Fred de Pontcharra pour Wanda Productions), se souvient d’un Booba super présent durant la production : « C’est lui qui voulait aller à Tokyo, il voulait éteindre le clip de rap français en sortant “6G”, faire mieux que PNL. Il disait : “Ils ont mis 50 000 pour ‘Au D.D.’, on va faire plus et les éteindre.” Il nous a laissé une liberté de création totale ; en douze jours, je ne l’ai jamais eu sur le dos. Pendant les temps morts, il a profité du Japon à sa manière. L’équipe voulait aller à Kyoto et lui a dit non, il a préféré rester au cœur du projet, à Tokyo. Ça a été le plus gros clip de rap français de l’année 2023, trois minutes de punchlines avec une prod’ boom bap, c’est ce qu’on a voulu transcrite en image, des punchlines visuelles de Kopp. » Le résultat ? Neuf millions de vues pour « 6G », 17 millions pour « Saga ».

La dernière actu de Booba ? Un featuring sur une production électro signé Sublife : « Nautilus », l’amorce d’une nouvelle direction musicale. Mais aussi un son sorti en toute discrétion, « Muay Thaï ». Rancunier comme Aznavour, Booba s’y venge encore une fois de ses détracteurs : « Dernier album numéro un, ils appellent ça une fin de carrière. » Le clash, encore et toujours. Et, parfois, un message qui semble personnel : « Je souris quand j’ai mal, comme au Muay thaï. »
Comme la piraterie, la saga Booba n’est jamais finie.

Insta : boobamediapiratefinal
Booba a aussi lancé son propre réseau social : YO2

Cet article est issu du dernier ZEWEED mag. Pour le trouver près de chez vous, cliquez sur ce lien

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